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l'énonciation à travers les pronoms

4.1.1. L’usage des pronoms personnels dans le roman

Ce sont des fonctions pronominales qui leur permettront de parler, structures qui pourront au cours du récit évoluer, permuter, se simplifier ou se compliquer, sřépaissir ou resserrer. P.88

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Les romans sont habituellement écrits à la troisième ou à la première personne, et le choix de lřune de ces formes nřest pas gratuit. Selon TODOROV une « œuvre littéraire » à savoir narrative et fictionnelle est

« En même temps une histoire et un discours. Elle est histoire dans ce sens quřelle évoque une certaine réalité, des événements qui se seraient passés, des personnages qui, de ce point de vue, se confondent avec ceux de la vie réelle. Cette même histoire aurait pu nous être rapportée par dřautres moyens ; par un film, par exemple ; on aurait pu lřapprendre par le récit oral dřun témoin, sans quřelle soit incarnée dans un livre. Mais lřœuvre est en même temps discours : il existe un narrateur qui relate lřhistoire ; et il y a en face de lui un lecteur qui la perçoit. À ce niveau, ce ne sont pas les événements rapportés qui comptent mais la façon dont le narrateur nous les a fait connaître. Les notions dřhistoire et de discours ont été définitivement introduites dans les études du langage après leur formulation catégorique par É. Benveniste ».126

Lřécriture qui se fait à la 1ère

personne se traduit par un progrès dans le réalisme de lřœuvre. Se démarquant de lřindifférence de la 3ème

personne, « Le statut du narrateur dans lřœuvre de fiction nřest pas une première personne pure, et ce nřest Jamais lřauteur lui-même littéralement, car il est lui-même fiction. Mais parmi les personnages du roman, il est représentant de lřauteur » .76

Selon Michel Butor « L’introduction du narrateur, qui représente un moyen terme

entre le réel et l’imaginaire, va déclencher toute une problématique autour de la notion de temps »77 dès que lřon introduit un narrateur, il faut savoir comment son

écriture se situe par rapport à son aventure.

Nous avons affaire dans ce roman à un narrateur qui prend en charge le récit à la première personne du singulier « je » pour nous faire part de la maladie de sa mère. Cřest à travers un récit nostalgique où narration et description sřentremêlent pour produire avec réalisme les comportements de personnages dans une scène douloureuse

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quřapparait lřimaginaire linguistique de lřauteur (que nous développerons plus bas) dans un style unique dont lřorganisation narrative se démarquerait par une non linéarité dans la mesure où la première phrase du passage est un appel, un écho de lřau-delà : « va, retourne à la rue Darwin ».

Le roman en « je » est un jeu qui fait exister son auteur, et dans le quel son histoire prétend acquérir le statut dřintrigue. » Le roman autobiographique vise la mise en scène de la réalité vraisemblable dřun « je » clairement identifié, cela dit la conception du discours fictionnel et référentiel nřest pas forcement la même chez tout lecteur, elle diffère selon la perception de ce dernier.

Le pacte autobiographique selon Philippe Lejeune, réside dans l'identité entre l'auteur, le narrateur et le personnage associée à un signe de référentialité (par exemple sur le paratexte). Le pacte romanesque inversement repose sur une pratique patente de la non-identité et une attestation de fictivité : le sous-titre roman par exemple C'est à partir de ces définitions que va être réalisé un tableau qui a pour but de « classer tous les cas possibles », à partir de deux critères : le rapport entre le nom du personnage et celui de l'auteur.127 Quant au pacte romanesque (dès que le livre est sous-titré roman, il exclut tout rapport avec la réalité et place la diegèse au cœur de la fiction.) Le pacte romanesque est un pacte de « lecture-production »128

Pour quřil y est présence du pacte autobiographique il faut avoir les éléments qui dans le roman correspondent à la triade narrative, c'est-à-dire à la triade auteur-narrateur-personnage. Or notre corpus ne répond pas à cette triple identité qui sous entend la présence de trois éléments de la triade «auteur-narrateur-personnage principale » il y a donc absence de pacte autobiographique.

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« La notion de cases aveugles » de Philippe Lejeune, dans Fabula.

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Le pacte romanesque dans « L'aventure scripturale au cœur de l'autofiction dans Kiffe kiffe demain de Faiza Guène » par Nadia BOUHADID, thèse de magistère, université de

125 Selon Todorov :

« Lřœuvre littéraire est histoire, dans ce sens quřelle évoque une certaine réalité, des événements qui se seraient passés des personnages (…) mais lřœuvre est en même temps discours ; il existe un narrateur qui relate lřhistoire ; et il y a en face de lui un lecteur qui la perçoit. A ce niveau, ce ne sont pas les événements rapportés qui comptent mais la façon dont le narrateur nous les a fait connaître »129

Dans le roman supposé autobiographique, lřauteur dont le nom est différent de celui du personnage narrateur à savoir Boualem Sansal et Yazid Kadri, fait appel aux événements réels (vécus) pour construire sa fiction.

En effet dans Rue Darwin le personnage principal à pour nom Yazid Kadri qui nřest pas lřauteur Boualem Sansal, Le « je » nřest pas celui de lřauteur et du narrateur, auteur nřest pas narrateur, par contre le narrateur = personnage, il sřagit dřune fiction homo-diégétique.

Lřidentité du narrateur et du personnage principal que suppose lřautobiographie se marque le plus souvent par lřemploi de la première personne. Nommée par Gérard Genette narration « auto- diégétique » dans sa classification établie par rapport aux œuvres de fiction, des « voix» du récit. Le pacte romanesque plonge lecteur dans l'histoire - et peut en préciser les conditions, par le biais du paratexte.

Le pacte autobiographique met un jeu un contrat de vérité, que la littérature de témoignage reprend à sa manière. Ce pacte ou ces pactes évoluent en effet avec l'histoire littéraire « Cřest de cela que nous allons parler, cřest notre histoire, nous la savons sans la savoir……. Jřeus bientôt assez dřéléments pour me raconter enfin mon histoire, ma propre histoire. »130

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TODOROV, Tzvetan, Communications - 1966 - Volume 8 - Numéro 1 - Pages 125-151

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De cette notion de pacte autobiographique nous nous intéressons au schéma de corrélation de la personne subjective chez Jean Michel Adam. Ce dernier nous révèle la subjectivité des pronoms personnels « je » face au « tu » car dans une situation de communication si le « tu » est présent cřest bien par rapport à un « je » ceci est valable dans une situation inverse.

Corrélation de personnalité Je

Corrélation de personne subjective Il (non personne) Subjectivité Tu

Personne non subjective, non-je

Figure n°6 Schéma de corrélations

Les personnes, ne sont pas sur le même plan et nřentretiennent pas les mêmes rapports La situation énonciative nous permet de cadrer la place statuaire pour chaque énonciateur, tout en mettant en avant les conditions de cohérence et de pertinence communicatives. En ce sens nous nous intéressons à lřorganisation temporelle présente dans le roman Rue Darwin pour ainsi accéder au système de repérage chronologique. Lřénonciation étant indissociable du processus de temporalité dans lřacte du langage la temporalité est en effet selon Benveniste « produite dans et par lřénonciation »131

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4.2. Une écriture autofictionnelle

Dans une dimension comparatiste, nous avons pu repérer plusieurs éléments qui dans le texte Rue Darwin au sujet du personnage Yazid qui correspondent parfaitement à lřauteur Boualem Sansal. Dans lřœuvre Roman 1999-2011 qui regroupe plusieurs de ses romans, et juste après la préface, une rubrique intitulée « Vie et Œuvres » a attiré notre attention. Bien que nous ayons déjà flairer une inspiration de la vie personnelle dans le roman de Sansal, cette partie vient corroborer notre hypothèse de départ. Nous avons repris quelques éléments biographique concernant lřauteur apparaissent essentiel à notre comparaison.

Jusqu'à quatre ou cinq ans, Boualem vit avec ses parents à Teniet el Had, va à lřécole maternelle où il apprend à lire et à écrire le français. A la mort de son père, victime dřun accident de voiture (comme le père de Yazid dans Rue Darwin), il nřa aucun souvenir de lui, cřest sa grand-mère, Djedda (Saadia Kouadri), qui prend en charge le petit garçon. Elle qui a perdu son fils adoptif, son héritier, sřen fabrique un autre : Boualem. Apres la mort de son héritier Abdelkader Kouadri, Saadia Kouadri chasse sa veuve, la mère de Boualem pour mieux disposer de lřenfant et lřélever comme elle lřentend. Karima mère de Yazid a connu le même sort. En effet, Djedda lui avait enlevé son fils et lřavait jetée dehors.

Nombre de récits qui mettent en scènes Saada Kouadri oscillent entre le conte, le cauchemar, le fantasme et la vérité. La source première de sa richesse, ce sont les bordels sont elle est propriétaire. Manifestement elle se sent aussi propriétaire des filles qui travaillent pour elle, et règne sur sn monde dřune main de fer. Elle décide des avortements et des naissances. Elle sřapproprie les enfants qui lui plaisent et leur fait donner une excellente éducation.

Dans Rue Darwin, Boualem Sansal livre un portrait saisissant de cette femme hors du commun qui a pris le pouvoir dans son clan à 18 ans et a su sřimposer et dominer en toutes circonstances et sans scrupule.

Khadidja Sansal ne peut retourner chez ses parents qui ont réprouvé ce mariage. Perdue, sans attache, elle est aussi sans métier. Arrivée à Alger elle mène une existence

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misérable. Elle aboutit au 13 Rue Darwin, dans une pièce de 9m2 que lui donne le rabbin de la synagogue voisine. En 1957 , khadidja Sansal organise lřenlèvement de ses fils : Boualem 8ans Mohamed et Abderahmane, de Teniet el Had où les retient leur grand-mère, cette femme si puissante que personne ne lui tient tête.

Du coté fictionnel, dans Rue Darwin, Yazid nous raconte ce kidnapping « on nous a amenés dans une clairière où une femme en voile nous attendait…. Jřimagine quřune maman devait être forcément vielle, et là, jřavais en face de moi une toute jeune femme, 22-23 ans trop belle pour etre une mère. »132

Lors de son interview avec Pascal Pradou, les paroles échangées ont été rapportées ainsi :

RFI : N’est-ce pas l’un de vos romans les plus intimes ?

Boualem Sansal : Sans doute parce quřil y a vraiment des éléments

autobiographiques avérés bien que dans mes autres romans, on trouve aussi beaucoup de moi à travers différents personnages. Mais là, cřest assez directement centré sur mon histoire personnelle, celle de ma famille.

En effet Sansal confirme les éléments autobiographiques dans Rue Darwin. Ce qui nous motive à dire que cřest à travers une écriture autofictionnelle que le romancier a concocté son roman.

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