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Occurrence et ´evaluation d’une situation surprenante

5.3 Le conflit narratif, un ´el´ement essentiel de la pertinence narrative

6.1.1 Occurrence et ´evaluation d’une situation surprenante

nants : les ´ev´enements rares, les erreurs d’anticipation ou encore les ´ev´enements non anticip´es. Qu’ils soient rares, mal-anticip´es ou non-anticip´es, nous allons montrer que l’inattendu, d´efini comme saut de complexit´e (voir ´equation 4.4), rend compte de la r´eponse ´emotionnelle d’un individu face `a ces diff´erents types d’´ev´enements surprenants.

La notion d’inattendu a souvent ´et´e mal d´efinie. Dans le cas du mod`ele cognitive- psychoevolutionary model of surprise (Meyer et al., 1997), la notion d’inattendu est d´efinie comme ´equivalente `a la notion de schema-discrepancy. Selon la th´eorie des sch´emas (Schank and Abelson, 1977; Rumelhart, 1980), la perception, les pens´ees et les actions humaines sont contrˆol´ees par un vaste ensemble complexe et organis´e de structures de connaissance (ou croyances) appel´ees sch´emas. Ces sch´emas peuvent ˆetre consid´er´es comme un ensemble de croyances sur les objets,

les ´ev´enements (ou les s´equences d’´ev´enements) et les situations. Les sch´emas ser- viraient `a pouvoir interpr´eter les situations pr´esentes, pass´ees ainsi qu’`a pr´edire l’occurrence d’´ev´enements futurs (et permettraient donc de prendre des d´ecisions concernant nos actions futures).

La notion de divergence par rapport `a un sch´ema attendu est g´en´eralement r´eduite `a un saut de probabilit´es subjectives entre la probabilit´e de l’´ev´enement le plus probable et celle de l’´ev´enement qui se produit (Meyer et al., 1997). L’in- attendu, comme schema-discrepancy, couvre les erreurs d’anticipation et, dans une moindre mesure, les ´ev´enements rares. Les ´ev´enements non anticip´es, par d´efinition, ne divergent pas d’un sch´ema attendu.

Nous proposons dans notre ´etude de d´efinir la r´eponse ´emotionnelle associ´ee `a l’occurrence d’un ´ev´enement surprenant comme ´etant le r´esultat du calcul de l’in- attendu tel que nous l’avons d´efini dans le chapitre 4 (c’est-`a-dire comme un saut de complexit´e cognitive (voir l’´equation 4.4)) (Saillenfest and Dessalles, 2014a). Formellement :

SU RP RISE(s) = U (s) (6.1)

Nous allons tout d’abord montrer que l’occurrence d’une situation surprenante est associ´ee `a une augmentation, un saut, de complexit´e de g´en´eration d’une si- tuation.

Tout d’abord, nous avons montr´e que, si nous disposons de la probabilit´e p d’occurrence d’une situation s, alors nous pouvons ´evaluer la complexit´e pour g´en´erer ladite situation via la formule Cw(s) = − log2(p) (voir la partie 4.3.3).

Ainsi, plus la valeur de p est faible, plus la situation est complexe `a produire et plus elle est inattendue (d’apr`es l’´equation 4.4 qui d´efinit U comme une fonction croissante de Cw).

On dispose cependant rarement de la probabilit´e d’occurrence d’une situation. Comment, par exemple, d´efinir la probabilit´e qu’un pot que nous avons rempli de gˆateaux hier soit vide aujourd’hui ? Dans l’histoire de Mary et John (voir page 42), quelle est la probabilit´e que Mary attaque John avec un couteau au moment o`u cette situation se produit ?

6.1 Le cas de la surprise 127

connaˆıtre la probabilit´e objective d’occurrence de la situation. On peut d´efinir des modes de calcul de la complexit´e de g´en´eration, par exemple en utilisant la notion de sch´emas ou toute autre repr´esentation de la connaissance (et de la causalit´e).

La th´eorie des n´ecessit´es d´efinit la n´ecessit´e d’une proposition par l’inattendu de sa n´egation. Plus une proposition est inattendue, plus la croyance sa n´egation est forte (ν(s) = U (¬s)). Ainsi, lorsqu’une situation est anticip´ee, elle nous apparaˆıt comme ´etant tr`es n´ecessaire (et donc U (¬s) >> 01). Cette forte n´ecessit´e nous

fournit une mesure de la surprise associ´ee `a la non-r´ealisation de la situation. On a donc SU RP RISE(¬s) = U (¬s) dans le cas de la non-r´ealisation de situations dont l’occurrence est anticip´ee mais qui ne se produisent pas (ce qui correspond donc `a des erreurs d’anticipation).

Lorsque la situation est non-anticip´ee, cela signifie qu’elle n’est ni attendue ni inattendue avant sa r´ealisation. Sa r´ealisation provoque donc un saut de complexit´e de g´en´eration imm´ediat. On peut supposer que ce saut est maximal, la complexit´e de g´en´eration atteint un seuil (nous nous pla¸cons au moment de l’occurrence de l’´ev´enement surprenant, la complexit´e n’a pas ´eventuellement ´et´e r´e´evalu´ee via un raisonnement ult´erieur).

Ainsi, pour r´esumer :

— l’occurrence d’une situation dont la probabilit´e p est faible provoque un saut de complexit´e de g´en´eration Cw = − log2(p) >> 0.

— la non-occurrence ¬s d’une situation s anticip´ee provoque une surprise de l’ordre de U (¬s), qui mesure la n´ecessit´e de s ant´erieure `a la r´ealisation de ¬s. On a donc SU RP RISE(¬s) = U (¬s).

— l’occurrence d’une situation non-anticip´ee provoque une augmentation imm´ediate (et suppos´ement maximale) de complexit´e de g´en´eration pour cette situa- tion.

La seule prise en compte des sauts de complexit´e de g´en´eration ne peut pas ex- pliquer le ph´enom`ene de la surprise. En effet, la surprise est une ´emotion subjective, elle d´epend donc de notre exp´erience. Le calcul de la complexit´e de g´en´eration est subjectif, l’´evaluation de la difficult´e de l’occurrence de certaines situations varie d’un individu `a l’autre, ce qu’illustre l’exemple de Teigen & Keren (2003) reproduit ci-dessous :

“an astrophysicist may be extremely ’surprised’ to learn that the moon is one billion years older than previously thought, whereas a layman may declare him- self not surprised at all ; not because the new estimate was expected, but because it did not conflict with any previously held beliefs.” (Teigen and Keren, 2003)

Ainsi, dans un cadre ´ev´enementiel, une situation est plus surprenante pour un individu donn´e si les personnes impliqu´ees sont des proches de cet individu, ou si les personnes impliqu´ees sont simples `a d´ecrire pour une raison simple (par exemple si cela concerne le pr´esident des ´Etats-Unis). Dans le cadre narratif, les situations rares sont plus surprenantes, et donc int´eressantes, si elles concernent les personnages principaux du r´ecit, ou si elles se produisent dans des lieux simples (par exemple, dans le monde fictif de Star Wars, l’´Etoile de la Mort est un lieu simple). D’une mani`ere g´en´erale, cette contrainte de simplicit´e dans la fiction po- pulaire va pousser de nombreux auteurs `a situer leur action dans des lieux tr`es simples (palais, capitales de pays, lieux extra-ordinaires (au sens litt´eral du mot), etc.), et vont faire aussi intervenir des personnages simples (des rois/reines, des personnages importants sur un plan politique, artistique, etc.).

6.1.2

L’´ev´enement surprenant source de conflits cognitifs