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10 La méthode du fil chaud par surface

Partie 4 : Etudes microclimatiques de Monuments Historiques

12 Hypogée de Mellebaude, Poitiers

12.2 Compréhension du site et de son évolution

12.2.3 Observations de zones sensibles par thermographie infrarouge

Une campagne de mesures thermiques par infrarouge a été effectuée le 08 Février 2011 avec l'aimable participation de J.C. Dupré, de F. Hesser et de F. Bremand, du département GMSC de l'institut PPRIMME (axe PEM). L'objectif était de visualiser des différences locales de température de la maçonnerie, afin de les relier à des humidités différentes.

La thermographie par infrarouge permet en effet une mesure simultanée de la température d'une multitude de points, théoriquement un par pixel. Chaque pixel correspond à un détecteur photosensible permettant de quantifier le flux de radiations thermiques qu'il reçoit (Joussot, 2010). ce flux dépend de la température de la surface émettrice (ici la maçonnerie), de la température du milieu de transmission (ici l'air), mais aussi de l'émissivité de la surface émettrice. Ce paramètre correspond au rayonnement émis par la surface, et dépend de sa température, de la direction du rayonnement et de l'état de la surface (la mesure idéale étant à la perpendiculaire du plan observé).

Dans le cas d'une maçonnerie de calcaire jointe au mortier de chaux naturelle, nous pouvons considérer cette émissivité comme quasi-constante sur la totalité de la maçonnerie (valeurs d'émissivité : béton 0,92-0,95, calcaire 0,95-0,96, mortier à la chaux 0,87-0,94).

La caméra utilisée est de marque FLIR®, modèle ThermaCAM®SC 3000, équipée d'un détecteur de type QWIP (Quantum Well Infrared Photodetector), de taille 320x240 pixels. Cette campagne a été combinée avec une campagne photographique de Christian Vignaud, photographe des Musées de Poitiers, et concerne les deux parties de la maçonnerie les plus sensibles : l'arcosolium sur le mur Nord, et le côté Sud de la façade Est, derrière l'autel.

12.2.3.1 Arcosolium

Figure 196 : Montage des différents clichés en infrarouge : vue de l'arcosolium

La vue « thermique » d'ensemble de l’arcosolium met en évidence de forts contrastes élevés (Figure 196). Cinq zones, numérotées de 1 à 5, sont caractérisées par des anomalies (positives ou négatives) importantes. Les zones 1, 2 et 3 montrent des anomalies négatives (taches sombres). Les zones 4 et 5 montrent des anomalies positives (blanches).

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Figure 197 : photographie de l'arcosolium, vue globale. Les zones 1 à 5 sont celles présentant les plus fortes anomalies en thermométrie Infrarouge.

Zone 1

Pour plus de visibilité de la Figure 198, les trois zones les plus sombres sont entourées de rouge. L'important moellon en clef de voûte est entouré d'orange. Après comparaison avec la photographie en lumière réelle (Figure 198), on remarque que les deux zones sombres des photographies en infrarouge (Figure 199) sont des renfoncements dans la maçonnerie sous le béton de surface. La plus basse s'imprime également en négatif, juste au dessus d'un ensemble de moellons apparents semblant solidaires entre eux, et formant un L (souligné en bleu).

Les températures de ces trois zones sombres sont plus froides. Plusieurs hypothèses peuvent être retenues :

- Leur environnement proche les isole thermiquement ou les refroidit, le béton pour les deux zones supérieures, la maçonnerie solidaire pour la zone inférieure;

- L'humidité de ces zones est plus importante que les avoisinants;

- Leur enfoncement les isole des courants d'air ambiant, qui réchauffe (sèche) les parties affleurantes.

- La surface n'est plus perpendiculaire à l'axe de visée, entraînant des artefacts. Mais dans ce cas de figure, nous ne devrions pas avoir de surfaces si homogènes.

Zone 2

L'image IR permet de visualiser des "écailles" importantes, et de mettre en évidence des continuités et discontinuités qui n'apparaissent pas à l'œil nu. La "rigole" sub-verticale au centre de la zone correspond à une anomalie négative en imagerie IR (Figure 198et Figure 200). Bien qu'il soit difficile d’exclure de possibles différences de température, le renfoncement de la rigole est aussi à prendre en compte.

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Figure 199 : Détail arcosolium, zone 1

Figure 200 : Détail arcosolium, zone 2 Figure 198 : Détail arcosolium, zones 1 et 2 (partie Est)

Figure 202 : Zone 3 (1)

Figure 203 : Zone 3 (2)

Figure 201 : Photographie de l'arcosolium, partie Ouest

Figure 204 : Bas de l'arcosolium, partie Ouest, photographie Figure 205 : Bas de l'arcosolium, partie Est, photographie

Figure 206 : Bas de l'arcosolium, partie Ouest, vue infrarouge Figure 207 : Bas de l'arcosolium, partie Est, vue infrarouge

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Zone 3

La zone sombre (Figure 201, Figure 202 et Figure 203) correspond à un moellon et son liant, qui semble de nature différente (grisâtre). Peut être s'agit-il d'une reprise, ou encore d'une contamination lors de la pose de la dalle ciment. Quoiqu'il en soit, cette différence influence les échanges locaux, notamment en matière de température, qui se traduit par l'anomalie sombre négative.

Zones 4 et 5

Les zones 4 et 5 sont caractérisées par des anomalies claires (positives) localisées en bas de l'arcosolium, au niveau des restes du sarcophage (Figure 204 à Figure 207) Ces zones correspondent à l'influence thermique du sol, plus chaud que l'atmosphère à cette période de l'année (janvier). 12.2.3.2 Mur Est

La seconde zone sensible est la maçonnerie localisée derrière l'autel, côté Sud-Est (Figure 208). Cette maçonnerie est peinte en partie et des traces de polychromie sont encore visibles. La partie sans revêtement correspond à un remontage du XXe siècle (cf. Figure 209).

Figure 208 : Mur oriental, photographie dans l'infrarouge Figure 209 : Mur oriental, photographie dans le visible

En partie supérieure, une zone (cercle 1, Figure 208) apparait plus froide que la maçonnerie. Elle est en retrait par rapport à la maçonnerie, et comprend principalement le calcaire du sol, dont l'émissivité n'est pas très différente des calcaires du mur. La différence peut être due à la non- perpendicularité du support, à une surface d'échange abritée (pas de courant d'air), ou encore à une humidité plus importante.

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La deuxième zone entourée en rouge (cercle 2 , Figure 208) qui apparait plus sombre en photographie infrarouge correspond à une pierre d'origine, contrairement aux moellons à sa droite et au dessus qui ont été monté au XXe siècle. Il est possible que ce moellon soit mal consolidé et plus sensible aux transferts hydriques et thermique (voie de communication préférentielle avec le sol qui se trouve juste derrière).

Si les contrastes entre les matériaux sont bien visibles (enduits, mortiers, pierre), celui-ci ne peut s'expliquer uniquement par des différences d'émissivité : un mortier sec et des roches calcaires présentent des émissivités très proches (0,94 contre 0,95). Toutefois, la présence d'eau dans ces matériaux diminue la valeur de l'émissivité, jusqu'à 0,87 dans le cas des mortiers (de 0,95 à 0,92 pour les bétons) (Académie de Rennes, 2010). Combinée à d'éventuelles évaporations (endothermiques), la présence d'eau contribue donc à donner l'apparence de zones froides sur les maçonneries, et ce de manière diffuse (il n'y a pas de limite franche entre zones humides et zones sèches). Les moellons périphériques (en blanc) pourraient correspondre à des pierres désolidarisées du sol donc avec moins d'apports hydriques, et dans des conditions plus propices à l'évaporation, donc sèches lors de l'étude. L’aspect est également diffus et affecte même la moitie d’un même moellon (zone 3, Figure 208). En conclusion, l’auscultation infrarouge est de nature à mettre en évidence des chemins préférentiels de transferts d’humidité, avec résurgence au sommet de l’arcosolium et dans le mur est. Du côté de l'arcosolium, cette résurgence peut éventuellement être reliée à la dalle béton sus- jacente (0,5m), qui bloquerait les échanges atmosphériques. Pour le mur Est, rien ne permet actuellement de définir l'origine de cette résurgence, qui s'étend sur environ 1,5 m à partir de la dalle béton.