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10 La méthode du fil chaud par surface

Partie 4 : Etudes microclimatiques de Monuments Historiques

12 Hypogée de Mellebaude, Poitiers

12.1 Contexte historique

12.1.1 L'origine de l'hypogée

L'hypogée de Mellebaude est situé sur un promontoire calcaire, le long de la voie romaine reliant Poitiers à Bourges. Le nom de Mellebaude appartient à l'abbé inhumé en cet endroit qui a gravé son nom au sein de l'hypogée (Figure 188). Le surnom "des Dunes" également donné à cette chapelle funéraire, et plus globalement au quartier, provient du gaulois Dun, qui signifie lieu élevé, ou colline.

Initialement, il s'agit d'un cimetière gallo-romain, comme en témoigne notamment le Dolmen de "La pierre levée". L'hypogée (ou tombe souterraine), est plus tardif : bien qu'il présente des caractéristiques proches des hypogées romains (exemple : escalier de huit marches désaxé), il possède également des témoins de l'époque mérovingienne (Haut moyen-âge). Il s'agirait le plus probablement, à la vue des décors figurant sur les pierres utilisées, d'un réemploi du site antique par l'abbé Mellebaude, qui en fit sa propre sépulture au VIIIème siècle (Figure 189). Son sarcophage présumé est situé au sein de l'unique arcosolium de l'hypogée à côté de l'autel. Tous les décors avoisinants semblent faits de pièces déplacées et remaniées lors de multiples profanations du site qui présentait en 2001 quinze sépultures, dont six sarcophages. Dansquatre d'entre eux étaient présents les squelettes de onze individus. Cette situation reflètele réemploi important du site funéraire (Figure 187).

Figure 187 : Hypogée des Dunes, vue extérieure et intérieure. De nombreux sarcophages de la nécropole sont excavés et exposés dans le jardin(à gauche). A l'intérieur, de nombreux sarcophage ont été rajoutés au cours des siècles, et réemployés.

Le site est donc un site antique présentant une importante décoration chrétienne (évangélistes, archanges, crucifix, …) postérieure à sa création initiale, réutilisant le matériel et les décors primitifs (Figure 189). Compte tenu de l'importance des vestiges restants, plusieurs conservateurs européens ont émis l'hypothèse que cette chapelle renfermait initialement "une imposante crucifixion de 1,50m de hauteur, dont le socle serait la pierre ornée de deux larrons" (Elbern, 1986). Il s'agirait donc de la plus ancienne représentation de la Crucifixion du Christ connue en Europe, et un témoin inévitable de la christianisation des sépultures antiques.

Figure 188 : battant intérieur de la porte, portant le nom "Mellebadis" en latin

Figure 189 : exemple de réemploi : marches d'accès aux motifs celtiques

12.1.2 La création du Parc à fourrage : découverte du site et protection

Lorsque le commandant Rothmann commence en 1878 les travaux pour un parc à fourrage, il découvre les tombes romaines précédemment évoquées (Rothmann, 1879). La théorie de grande nécropole est alors émise, et le Père de La Croix, archéologue, fouille les environs et découvre en 1879 l'hypogée, dont il devient propriétaire pour en assurer la conservation. Il publie l'Hypogée

Martyrium de Poitiers en 1883, qui suscite un intérêt international. Afin d'assurer sa conservation,

l'hypogée est remblayé en 1886 et classé au titre des Monuments Historiques (Père de la Croix, 1933).

12.1.3 Le XXe siècle : une renaissance du site

En 1906, le site intéresse toujours les scientifiques, les historiens et le public. Il est alors décidé de construire au dessus de l'hypogée un bâtiment de type gallo-romain, dénommé le "bâtiment Formigé" du nom de son architecte, destiné à protéger le site des intempéries et des conditions extérieures (Figure 187a). D'autres parties du site sont renforcées par du ciment Portland. L'hypogée est inauguré en 1909. Cependant, cette mise à jour et la fréquentation du site nuisent à la conservation. Sels, algues et champignons se développent, altérant fortement les vestiges (Orial & Mertz, 2002). Le 5 octobre 1998, un arrêté municipal ferme l'hypogée par mesure conservatoire. Des études scientifiques commencent dès lors, afin de diagnostiquer les meilleures solutions de conservation.

12.1.4 Etudes et conclusions du XXIe siècle

Depuis 2001, de nombreuses opérations de conservations ont été appliquées, notamment par le Centre d'Etudes des Peintures Murales (CNRS) de Soissons. Outre des opérations de désinfection des microorganismes (algues, lichens, champignons, …), il a effectué des consolidations temporaires (facings), remplacées en 2005 par des coulis hydrauliques (PLM A), sur les sept endroits les plus sensibles (CEPMR, CNRS, 2005). L'autel et les sarcophages ont pendant un temps été isolés par des caissons de protection. Le sarcophage de l'arcosolium est toujours dans un état critique. Sa dépose est aujourd'hui à l'étude.

Afin de rendre les vestiges moins sensibles aux variations climatiques extérieures qui favorisent la prolifération des microorganismes et les cycles de dissolution-cristallisation des sels solubles (Orial & Mertz, 2002), il a été décidé de rendre le bâtiment Formigé le plus étanche possible. La toiture a été refaite, des chéneaux et des canalisations souterraines ont été mis en place et les fenêtres obstruées afin de limiter l'apport lumineux propice à la photosynthèse des algues et des lichens. De plus, la réouverture au public longtemps envisagée, est aujourd'hui effective après la création du sas d'entrée, limitant ainsi les échanges avec l'extérieur.

Concernant les sels, ils sont variés et d'origine diverses. Certains cristallisant à une humidité relative proche de 98%, il faudrait pouvoir maintenir une hygrométrie supérieure à cette valeur pour éviter tout dommage lié à la croissance cristalline. D'autre part, l'origine des sels est multiple et complexe. Certains sont caractéristiques des milieux organiques décomposés et enfouis (nitrate, sulfate) tandis que d'autres sont clairement d'origine anthropique. C'est le cas des reprises de restauration faires au début du siècle par Formigé, qui utilisa des liants hydrauliques (béton de ciment Portland) naturellement chargés en sulfates de calcium (ERM, 2002).