• Aucun résultat trouvé

responsabilisation des entreprises

3. La RSE au Nigéria : une notion au contenu varié

3.2. Les obligations sociales

Au Nigéria, de nombreuses entreprises évoquent des notions relevant de la RSE. Le concept reste néanmoins essentiellement ambigu, comme le fait remarquer Keith Richards, le directeur général de Promasidor681:

“CSR is yet to be properly defined. [ …] When you look after your employees, is that CSR or not? In a company like ours, we provide medical care; we have professional Health Management Organisations (HMOs) that care for all our workers and their families (Promasidor Family). There are many companies in this country who do not offer these benefits, they do not provide immunization services, they do not provide canteens, or health services. They do not provide life insurance which we do; they do not provide funeral benefits which we do. They may dig a borehole that might cost 5 million naira, and yet we spend N40 million on medical benefits for our staff. But

679 DiMAGGIO, Paul J., POWELL, Walter W., “The Iron Cage Revisited: Institutional Isomorphism ….1991.

680 CHRISTENSEN , Lisa Jones, PEIRCE, Ellen, HARTMAN, Laura P., HOFFMAN, W. Michael, CARRIER, Jamie, “Ethics, CSR and Sustainability Education in the Financial Times Top 50 Global Business Schools: Baseline Data and Future Research Directions”, Journal of Business Ethics, Vol. 73, No. 4, 2007, pp. 347-368.

under some definitions of CSR, the company that digs a borehole but treats its workers very badly is adjudged as performing better. Unfortunately, at the moment, this whole CSR industry is about glossy brochures…”682.

Les entreprises ont plutôt tendance commune d’énoncer ce qui constitue leur action en matière de RSE683 en citant des exemples de leurs réalisations dans le domaine. En utilisant une approche reposant sur les textes et les contenus des sites web, nous interprétons ce que les entreprises considèrent comme leurs obligations sociales. Les cent entreprises sélectionnées au hasard proviennent des neuf secteurs clés de l’économie : l’agriculture, les banques, l’assurance et la finance, la construction et la logistique, les conglomérats, le pétrole, la pharmacie, la publicité, les télécommunications, et pour finir, les biens de consommation courante (dont la nourriture, les boissons et le tabac) (voir figure 5).

Les données traitées ici proviennent de publications des entreprises sur la RSE tels que des rapports annuels ou des communications sur les sites internet des entreprises concernées. Les démarches, amorcées pour les besoins de cette recherche doctorale, pour obtenir des informations autrement ont, pour la plupart, échoué pour plusieurs raisons : confidentialité, sensibilité de la question et protection des données. Dans certains cas, l’accès à ces données restait possible mais après de longs mois et des démarches administratives nombreuses. Pour contourner en partie cette inaccessibilité aux matériaux empiriques, des entretiens ont été menés avec certains employés de ces entreprises. Ces échanges ont permis de disposer d’un éclairage qualitatif assez intéressant. Il en ressort que les données confidentielles ou difficiles d’accès pour un particulier sont semblables à celles déjà présentes dans leurs déclarations officielles et/ou sur leur site internet.

682 TRUCONTACT, “Making the Connexions: How Business will affect Lives in the Next Decade”, Nigeria Social

Enterprise Report, Vol. 3, 2009, p. 51.

Figure 5 : répartition sectorielle des entreprises

Les données provenant des publications et des sites web sont limitées car elles révèlent uniquement ce que les entreprises veulent dévoiler au public. Ces types de communications n’offrent pas toujours une vision concrète de l’engagement social des entreprises. En outre, les informations sur les sites web sont mises à jour irrégulièrement. Cette lenteur, voire cette inertie, pour modifier les pages web consacrées à la RSE, que montre-t-elle de la réalité nigériane ? La réponse, à ce stade de notre réflexion, est difficile à fournir.

Deux options, au moins, sont envisageables. Premièrement, cette inertie dans la mise en jour des informations sur les sites manifeste un désintérêt des firmes pour ce thème. En réalité peu intéressés par lui, les entités commerciales ne perdent pas de temps à l’actualiser, y compris sur leur site. Mais il existe une autre explication possible. Elle est liée à la complexité des actions menées. Ce caractère complexe des opérations de RSE conduites les empêche de communiquer avec facilité et rapidité. En bref, le faire prend le pas sur le dire. Le temps de la préparation et de l’exécution passe devant celui de l’affirmation. Quelle que soit la réponse, les

3 28 6 12 18 8 1 18 6

Nombre d'entreprises par secteur

Agriculture

Banque,finance & assurance Conglomérât Construction et logistique Pétrolier Pharmaceutique Publicité FMCG Télécommunications

changements les plus récents ne sont peut-être pas intégrés à notre enquête, faute de sources exploitables.

Cette liste de cent entreprises n’est ni exhaustive ni représentative de la répartition sectorielle de l’économie du pays684. Toutes les firmes sont à peu près confrontées au même environnement physique, socio-économique, et légal pendant leurs opérations, mais à des degrés différents. Pour celles qui sont directement dépendantes de l’environnement, comme celles du secteur agricole et du secteur pétrolier, elles ont un impact supérieur sur les conditions de vie locale . C’est encore plus vrai si ces dernières sont dépendantes de l’environnement pour l’approvisionnement en eau et leurs moyens de subsistance. Dans ces secteurs, les entreprises déclarent accorder beaucoup d’importance à l’environnement et au développement socio-économique des communautés locales.

La RSE est donc soumise à un environnement structurant qui justifié l’approche spécifique des firmes concernées. Les entreprises dans le même secteur adoptent souvent des approches similaires à la RSE car elles sont souvent confrontées aux mêmes opportunités et contraintes. Par ailleurs, elles sont en concurrence pour les mêmes ressources, contrats et clients. Les entreprises d’une même industrie peuvent toutefois avoir des externalités685 différentes sur les conditions de vie des populations locales et l’environnement. Par exemple les entreprises pétrolières ayant des activités « en amont »686 (« upstream » comme l’extraction) ont une empreinte environnementale plus néfaste que celles ayant des activités « en aval »687 (« downstream » telle que la distribution)688. Pour une entreprise offshore, un déversement d’hydrocarbures dans les eaux côtières pollue l’environ nement plus qu’un déversement d’hydrocarbures provoqué par les camions pétroliers d’une

684 En 2010, la répartition par secteur de PIB était de 33,4% pour l’agriculture, 34,1% pour l’industrie et 32,5% du service. ECONOMY WATCH, Nigeria Economic Structure, 29 mars 2010. Disponible en ligne sur: http://www.economywatch.com/world_economy/nigeria/structure -of-economy.html. Consulté le 30/03/13.

685 C’est-à-dire les effets économiques externes, négatifs ou positifs. 686 Comme Addax Petroleum, Chevron, et ExxonMobil.

687 Comme Conoil, Eterna Oil and Gas, Forte Oil et Oando.

688 L’industrie pétrolière se compose de trois volets : les opérations en amont (upstream), intermédiaires (midstream) et en aval (downstream). Les opérations en amont consistent en la recherche, l’extraction et la production du pétrole et du gaz. Les opérations intermédiaires comprennent la transformation, le stockage et la commercialisation ; et les opérations en aval comprennent le raffinage ainsi que la distribution et la vente de produits dérivés du pétrole et du gaz.

firme se concentrant sur la distribution. Certaines entreprises exercent toutefois des activités aussi bien en amont qu’en aval689.

Au regard des descriptions de la RSE et suivant les rapports financiers des sites web des entreprises, quatre dimensions globales de la RSE au Nigéria coexistent : l’investissement social, l’environnement de travail, l’environnement naturel et l’éthique des affaires (voir figure 6). Il est possible de subdiviser ces catégories en deux, en distinguant une dimension ‘interne’ et une dimension ‘externe’. La première insiste sur la manière dont l’entreprise mène ses opérations (l’environnement de travail et l’éthique des affaires). La seconde s’at tache à la manière dont l’entreprise interagit avec la société et l’environnement690.

Figure 6 : les dimensions de RSE

L’investissement social inclut les financements des projets de développement local ou la fourniture d’infrastructure comme les routes, les cliniques, les écoles, les marchés et les hôtels de ville. Il comprend aussi le patronage des activités sportives et culturelles, la prise en charge des traitements médicaux et

689 Chevron, Sahara Group, Shell.

690 QUAIREL, Françoise, AUBERGER Marie- Noëlle, « Management Responsable et PME : une relecture du concept de « responsabilité sociétale de l’entreprise », Revue des sciences de gestion, Vol. 211- 212, 2005, pp. 111 – 126.

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

l’autonomisation des jeunes et des femmes. L’investissement social peut éga lement renvoyer aux transferts directs d’espèces691. Quatre-vingt-douze des entreprises réalisent des investissements de ce type.

L’environnement de travail, lui, se réfère à une situation où les entreprises mettent en place des politiques d’hygiène, de sécurité, d’environnement (HSE) et des programmes de formation et de perfectionnement des employés. L’objectif recherché consiste à minimiser les accidents du travail. Il convient d’y inclure également les entreprises respectant les droits des employés ou au torisant la syndicalisation de leurs salariés. Dans cette catégorie, interviennent également les entités commerciales disposant de procédures de règlement de griefs. Trente -cinq pour cent des firmes se réclament de cette dimension de la RSE.

Par l’environnement naturel, nous entendons les éléments ci-dessous : ce qui est lié à la faune et la flore ; les activités de conservation de l’environnement ; la prévention de la désertification et l’érosion des sols ; l’assainissement, la réduction de la pollution, les économies d’énergie et les projets d’embellissement des collectivités. Quarante-deux pour cent des entreprises revendiquent cette dimension de la RSE.

L’éthique fait référence à la conduite responsable des affaires en respectant certains principes comme l’équité, la transparence, et l’honnêteté. Il s’agit également d’honorer les contrats, de fournir des produits et des services de qualité aux consommateurs, d’établir un code de déontologie et de respecter les normes en vigueur dans un secteur particulier. Soixante-cinq des entreprises affirment respecter ces principes éthiques. Cette forte proportion s’explique par le nombre d’entreprises intervenant dans le secteur des banques et des assurances, l’agroalimentaire, et le champ pétrolier. Il y existe des dispositions législatives ou réglementaires qui encouragent, voire dans certains cas, obligent à l’adoption de normes éthiques. Le tableau 3 ci-dessous résume ces données.

Tableau 3 : répartition sectorielle des diverses dimensions de RSE