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Les conditions socio- socio-économiques socio-économiques

responsabilisation des entreprises

3. La RSE au Nigéria : une notion au contenu varié

3.1. Les attentes sociétales

3.1.1. Les conditions socio- socio-économiques socio-économiques

Il a déjà été établi dans le chapitre précédent que, malgré ses ressources pétrolières, le Nigéria reste un pays pauvre. Les besoins sociaux sont immenses. Une grande majorité de la population affronte de mauvaises conditions de vie : un approvisionnement imparfait en nourriture et en eau ; un accès restreint à l’eau potable, des soins de santé et des équipements sanitaires élémentaires insuffisants, pour ne citer que quelques exemples.

Le gouvernement a fait peu pour améliorer la situation. Au fil des années, il a pourtant mis en œuvre des initiatives de lutte contre la pauvreté. Celles -ci comprennent : le National Accelerated Food Production Programmme et la Nigerian Agricultural Co-operative Bank en 1972 ; l’Operation Feed the Nation en 1976 ; le Green Revolution Programme en 1979 ; le Go Back to Land Programme (1984) ; le Directorate of Food Roads and Rural Infrastructure, National Agricultural Land Development Authority et le National Directorate of Employment en 1986 ; le Family Economic Advancement Programme et Family Support Programme en 1993 et Poverty Alleviation Programme, devenu en 2001 National Poverty Eradication Programme. La répétition de ces genres de programmes prouve en soi leur échec global.

La plus récente initiative est « National Economic Empowerment Development Strategy » (NEEDS). Les difficultés abordées comprennent le faible approvisionnement en eau potable, l’approvisionnement électrique instable, la dégradation des infrastructures, et la corruption. La NEEDS était censée créer sept millions d’emplois en 2007, diversifier l’économie et améliorer la productivité agricole. Entre 2003 et 2007 le gouvernement a, dans ce cadre programmatique, mis en œuvre des réformes visant la stabilité macroéconomique, la déréglementation, la libéralisation, la privatisation, et la transparence. La NEEDS, stratégie fédérale, a été complétée par des politiques équivalentes dans les États fédérés (State Economic Empowerment and Development Strategy ou SEEDS) et dans les zones de gouvernement local (Local Government Economic Empowerment

and Development Strategy)637. Des évaluations de la NEEDS ont été réalisées en 2008 et 2009. Elles ont révélé qu’il y a eu du progrès dans les domaines de la santé et du développement du secteur privé. Entre 2001 et 2011, la croissance économique était estimée à 7,5 pour cent par an. Néanmoins, des défis persistent dans d’autres domaines tels que la création des emplois et la réduction de la pauvreté. La réalisation de la NEEDS a été reportée à 2011638. Cette année-là, une nouvelle stratégie, Transformation Agenda, a été adopté à réaliser en 2015639.

Malgré les mauvaises conditions socio-économiques, peu de dispositifs d’assistance sociale sont mis en place pour alléger la pauvreté et la vulnérabilité des plus faibles. Trois projets sont actuellement en cours: In Care of the Poor (COPE), Maternal and Child Healthcare, et Community-Based Health Insurance Scheme. Des ministères et des agences gouvernementales au niveau des États fédérés mettent en place d’autres programmes d’assistance sociale d’une manière ad hoc. Ceux-ci comprennent des comptes d’épargne pour les enfants, des subventions destinées aux handicapés et l’exonération des dépenses de santé. Toutefois, ils touchent juste une petite fraction des personnes les plus démunies. Ils sont sous-financés et mis en œuvre uniquement pour une période limitée. Par exemple, les bénéficiaires de COPE reçoivent les transferts pendant une année seulement640. Dans cette conjoncture, la famille, les organisations religieuses et le s organisations communautaires, entre autres, servent souvent de filets de sécurité sociale641.

Les entreprises constituent également des acteurs incontournables dans la lutte contre la précarité socio-économique. Elles fournissent des emplois, des dispositifs

637 NIGERIAN NATIONAL PLANNING COMMISSION, National Economic Empowerment Development… 2005. 638 FEDERAL REPUBLIC OF NIGERIA, Extension to 2011 of the 2005 – 2009 Country Strategy Paper, 2010. 639 AFRICAN DEVELOPMENT BANK, Federal Republic of Nigeria, Country Strategy Paper, 2012 – 2016, 2012. 640 HOLMES, Rebecca, AKINRIMISI, Banke, MORGAN, Jenny, BUCK, Rhiannon, “Social Protection in Nigeria; Mapping Programmes and Their Effectiveness,” London: Ove rseas Development Institute, 2012; HAGEN-ZANKER, Jessica, HOLMES, Rebecca, “Social Protection in Nigeria, Synthesis Report” London: Overseas Development Institute, 2012; WOOD, Rachel G., CHOPRA, Deepta, “Social Protection and Child Malnutrition: A Need fo r Political Will and Resources”, Briefing, Save the Children, June 2012; FISZBEIN, Ariel, SCHADY, Norbert, “Conditional Cash Transfers, Reducing Present and Future Poverty”, Policy Research Report, Washington D.C.: The World Bank, 2009.

641 Voir LAFORE, Robert, “Le rôle des associations dans la mise en oeuvre des politiques d’action sociale”, Informations

sociales, Vol. 6, No. 162, 2010, pp. 64-71; KELSALL, Tim, Going with the Grain in African Development?, Discussion Paper No. 1, Africa Power and Politics in Africa Programme, London: Overseas Development Institute, 2008.

de couverture santé auprès de leurs employés. Elles offrent parfois des infrastructures sociales dans les communautés où elles interviennent professionnellement. Ces activités ont des effets multiplicateurs inestimables. Les employés n’ont pas seulement un travail mais aussi des moyens pour aider leurs proches. Car les compagnies versent souvent des allocations à leurs salariés pour les personnes à leur charge. Elles prennent aussi en charge leur assurance médicale. La fourniture des infrastructures sociales, comme les soins de santé et l’approvisionnement en eau potable, aide à maintenir les bénéficiaires en bonne santé afin qu’ils puissent travailler ou étudier.

Depuis toujours, dans certaines zones du pays, les entreprises prennent en charge, parfois par nécessité, le développement des régions locales dans lesquelles elles opèrent. Alors que l’État a joué un rôle limité dans le développement socio-économique du pays après l’Indépendance, les acteurs privés, notamment les entreprises et les entrepreneurs locaux, ont joué un rôle significatif dans le développement local, surtout dans les régions rurales. Dans les années 1920, la philanthrope, Charlotte Obasa, a mis en place un système de transport routier social642. L’entreprise Cadbury Nigeria Plc est engagée dans le développement local depuis les années 1960. L’entreprise Ewekoro Cement Factory, à peu près dans la même époque, a construit un domaine résidentiel avec services pour ses employés. Brautigam (1977, p. 1077), Forrest (1994) et Meagher (2010) donnent l’exemple des entrepreneurs Igbo. Ces derniers ont construit des routes, assuré la couverture électrique dans certaines régions, et installé des pompes et des puits643.

La tendance des entreprises à l’investissement dans le développement local se poursuit. Le gouvernement reconnaît l’importance de la contribution du secteur privé au développement :

“The private sector will be expected to become more proactive in creating

productive jobs, enhancing productivity, and improving the quality of life. It

642 FORREST, Tom G., The Advance of African Capital ...1994, p. 21.

643 BRAUTIGAM, Deborah, “Substituting for the State: Institutions and Industrial Development in Eastern Nigeria,” World Development, Vol. 25, No. 7, 1997, pp. 1063 – 1080; FORREST, Tom G., The Advance of African Capital…. 1994; MEAGHER, Kate, Identity Economics: Social Networks and the Informal Economy in Nigeria , Suffolk: James Currey/Ibadan: HEBN Publishers, 2010.

is also expected to be socially responsible, by investing in the corporate and social development of Nigeria…”644.

Les instances gouvernementales des États fédéraux et les gouvernements locaux encouragent des collaborations avec les firmes pour les questions de développement dans le cadre des partenariats public – privé (PPP). Le gouverneur de l’État fédéré de Lagos, Raji Fashola, a admis qu’il existe des chevauchements entre les domaines d’intervention des entreprises et ceux du gouvernement dans le développement socio-économique645.

Les attentes de la société envers les firmes sont fluctuantes. Elles évoluent en fonction des enjeux les plus importants à un moment donné. En outre, le rôle d’une entité commerciale dans la société n’est pas fixée mais sujette à évolution. L’environnement, dans lequel les entreprises se trouvent, influence et parfois détermine leurs décisions, comportements et obligations sociales. De même, l’évolution de l’environnement a des impacts sur la RSE entrepreneuriale. Alors que la RSE est considérée essentiellement comme une contribution au développement socio-économique, la vision sociétale de ce qui devrait constituer la RSE n’est pas figée. Elle évolue de temps en temps en fonction de certains incidents et crises. Nous allons donner quelques illustrations dans les lignes ci-dessus.

En 2002, 45 personnes sont mortes dans l’incendie d’une usine chinoise de plastiques à Lagos. Les allégations selon lesquelles les travailleurs sont décédés parce qu’ils étaient enfermés par leurs employeurs ont conduit à des émeutes646. Plus tard, les enquêtes ont aussi révélé que l’usine ne respectait pas les normes. À la suite de cet incident, l’attention du public s’est portée sur le problème des accidents industriels et l’environnement de travail. Par la suite, certaines

644 NIGERIAN NATIONAL PLANNING COMMISSION, National Economic Empowerment Development…2005, p. 58. 645 EHIDIAMEN, Jen, “CSR is Key to the Future of Africa, – President Robinson”, CP-Africa, 21 juin 2011. Disponsible en ligne sur: http://www.cp-africa.com/2011/06/21/csr-is-key-to-the-future-of-africa-president-robinson/. Consulté le 27/10/12.

646 WORLD SOCIALIST WEBSITE, Nigerian Factory Fire Kills 45 Workers, 25 septembre 2002. Disponible en ligne sur: http://www.wsws.org/en/articles/2002/09/fire-s25.html. Consulté le 21/03/13; UTOMI, Pat, China and Nigeria, Center for Strategic and International Studies, 2008, p. 42.

entreprises ont affiché leur engagement à fournir de bonnes conditions et à adopter des normes de santé et de sécurité au travail. Néanmoins, cet aspect de la RSE, relatif aux normes sanitaires de sureté et de sécurité, n’en est qu’à son début au Nigéria. En 2011, il a été révélé qu’au moins 200 accidents du travail se produisent chaque jour avec un taux tout aussi élevé de décès647.

De la même façon, le secteur bancaire et financier a subi une grave crise. Entre 2008 et 2009 le marché boursier s’est effondré, perdant 70 pour cent de sa valeur. Le secteur bancaire a été affecté par l’instabilité macro-économique, les difficultés de gouvernance d’entreprise, la surestimation des actifs et les lacunes importantes dans leur règlementation648. Ce n’était pas le premier incident de ce type. Une vingtaine de banques et plusieurs établissements financiers se sont effondré en 1990649, emportant avec eux l’argent de leurs déposants650. Les responsables n’ont pas été poursuivis en justice, probablement en raison de leurs liens avec le pouvoir politique651.

Toutefois, tel n’a pas été le cas durant la crise de 2008-2009. Le gouvernement a été obligé de financer les banques à hauteur de plus de quatre milliards de dollars. Il a aussi poursuivi leurs administrateurs et leurs débiteurs pour empêcher le système financier de s’écrouler652. Postérieurement, des firmes du secteur bancaire et financier ont affiché leur engagement pour des pratiques éthiques et le respect des principes de bonne gouvernance d’entreprise, dans le cadre de leurs responsabilités sociales. La reconnaissance de leurs responsabilités sociales est également imposée par l’institution de régulation du marché financier, la Securities

647 THE NIGERIAN VOICE, Safety at Work: Nigerian Workers, the Endangered Species, 4 janvier 2011. Disponible en ligne sur : http://www.thenigerianvoice.com/nvnews/42628/1/safety-at-work-nigerian-workers-the-endangered-spe.html. Consulté le 23/03/13.

648 SANUSI, Lamido, Sanusi, « The Nigerian Banking Industry: What Went Wrong and the Way Forward ». Full Text of a Convocation Lecture delivered at the Convocation Square, Bayero University, Kano, on Friday 26 February, 2010 to mark the Annual Convocation Ceremony of the University; HINSHAW, Drew, “Nigeria’s Banking Crisis” , Global Post, 15 octobre, 2009. Disponible en ligne sur : http://www.globalpost.com/dispatch/nigeria/0 91013/nigerias-banking-crisis?page=0,0. Consulté le 23/03/13.

649 Voir le premier chapitre pp. 84- 85.

650 BROWNBRIDGE, Martin, “The Causes of Financial Distress in Local Banks in Africa and Imp lications for Prudential Policy”, UNCTAD Discussion Paper UNCTAD/OSG/DP/132, Geneva: United Nations Conference on Trade and Development (UNCTAD), 1998; ODUNFA, Sola, “African View: Devoured by Greed?” BBC News, 26 août 2009. 651 ODUNFA, Sola, “African View: Devoured…2009.

652 Seulement une (Cecilia Ibru, la PDG de l’Oceanic Bank) d’eux a été condamnée. Voir ADESOMOJU, Ade, “Corruption why EFCC prefers Lagos Courts as First Choice”, Punch, 5 août 2013.

and Exchange Commission (SEC) du Nigéria. Dans le cadre du Code of Corporate Governance for Public Companies in Nigeria de 2011, la SEC a obligé les institutions financières à adopter les codes de gouvernance relatifs à la gestion d’entreprise.