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Une meilleure reconnaissance des parties prenantes des parties prenantes

responsabilisation des entreprises

3. La RSE au Nigéria : une notion au contenu varié

3.3. Les éléments constitutifs de la RSE

3.3.1. Une meilleure reconnaissance des parties prenantes des parties prenantes

Le débat fondamental sur les responsabilités de l’entreprise se focalise sur les acteurs auprès desquelles les entreprises devraient être responsables : envers ses actionnaires ou ses parties prenantes. D’après une première approche, les entreprises n’ont qu’une vocation : créer de la valeur pour leurs actionnaires693. Ainsi, la relation entre les actionnaires et les dirigeants de la compagnie l’emporte sur celle des dirigeants vis-à-vis d’autres parties. Selon ce point de vue, qui assure la meilleure allocation des ressources ? Les activités entrepreneuriales sont régulées par la main invisible du marché. Quand ce dernier s’avère inefficace, l’État corrige alors ces conséquences néfastes par des incitations directes ou indirectes694. Néanmoins, cette approche de la RSE n’exclue pas totalement la prise en compte de considérations juridiques ou sociales, tant qu’elles augmentent les dividendes des actionnaires :

“There is one and only one social responsibility of business – to use its

resources and engage in activities designed to increase its profits so long as it stays within the rules of the game”695.

692 MATTEN, Dirk, MOON, Jeremy, “”Implicit” and “Explicit” CSR: A Conceptual Framework …2008.

693 FRIEDMAN, Milton, Capitalism and Freedom. Chicago: University of Chicago Press, 1962; LEVITT, Theodore, “The dangers of social responsibility”, Harvard Business Review, (septembre/octobre), 1958, pp. 41 – 50.

694 CAPRON, Michel, QUAIREL-LANOIZELEE Françoise, Mythes et réalités de l’entreprise responsable : Acteurs,

Enjeux, Stratégies, Paris : La Découverte, 2004.

695 FRIEDMAN, Milton, Capitalism and Freedom…1962. Voir aussi FRIEDMAN, Milton (1962:133): “Few trends

would so thoroughly undermine the very foundations of our free society as the acceptance by corporate officials of a social responsibility other than to make as much money for their shareholders as they possibly can” ; LEVITT,

Theodore, “The Dangers of Social Responsibility…1958 p. 47: “government’s job is not business, and business’s job is

Les « rules of the game » ou règles du jeu pourraient être interprétées comme les normes sociales ainsi que les réglementations juridiques auxquelles l’entreprise doit se conformer. Au Nigéria, le cadre juridique accorde la priorité aux actionnaires et aux salariés. La loi Companies and Allied Matters Act (CAMA) de 1990 est le principal cadre juridique de la gestion d’entreprise. Son article 279(4) insiste sur le devoir du directeur de l’entreprise : veiller sur les intérêts des employés et sur ceux de ces actionnaires :

“the matters to which the director of a company is to have regard in the

performance of his functions include the interest of the company’s employees in general, as well as the interests of its members”.

Il s’agit de distinguer « la lettre » - l’interprétation littérale de la loi, et « l’esprit » – l’intention de la loi. La loi précise que les firmes doivent être gérées dans l’intérêt de ses « members », c’est-à-dire ses actionnaires. De la même façon l’article 2(2) du Code of Corporate Governance (2011)696 spécifie que l’entreprise doit être gérée dans l’intérêt des actionnaires, avant tout autre considération :

“The principal objective of the Board is to ensure that the company is

properly managed. It is the responsibility of the Board to oversee the effective performance of the Management in order to protect and enhance share holder value and to meet the company’s obligations to its employees and other stakeholders”.

Néanmoins, la loi détermine la manière dont les directeurs doivent veiller aux intérêts des actionnaires697. Les dirigeants d’entreprises peuvent donc choisir de s’engager dans la RSE afin d’accroitre la valeur actionnariale, ce qui est à la base du principe de « Enlightened Shareholder Value » (ESV). L’idée centrale de cette conception est qu’il pourrait être rentable pour l'entreprise de s'engager dans

696 Ce code remplace le Code of Best Practices on Corporate Governance in Nigeria (2003). L’article 1(c) de ce dernier donne la priorité aux actionnaires et employés en précisant que : “The Board should ensure that the value being created

is shared among the shareholders and employees with due regard to the interests of the other stakeholders of the company.”

697 Dans la loi Companies and Allied Matters Act (CAMA) de 1990, l’article 279(1) dispose : « A director of a company

stands in a fiduciary director’s relationship towards the company and shall observe the utmost good faith towards the company in any transaction with it or on its behalf” et 279(3): “A director shall act at all times in what he believes to be the best interests of the company as a whole so as to preserve its assets, further its business, and promote the purposes for which it was formed, and in such manner as a faithf ul, diligent, careful and ordinarily skillful director would act in the circumstances.”

certaines activités que des parties prenantes perçoivent comme importantes. En effet, à tout moment, ces dernières peuvent retirer leur soutien à la firme. C’est donc dans cette perspective que les dirigeants peuvent prendre en compte des questions sociales. Cependant, la prise en compte d’objectifs sociaux, environnementaux ou éthiques, doit être justifiée par l’amélioration de performances financières698.

D’après la seconde approche, celle de l’entité commerciale orientée vers ses parties prenantes, l’entreprise prend en compte les intérêts d’autres acteurs. Elle va au-delà de la création de valeur pour ses actionnaires699. Elle s’efforce d’atténuer ses impacts négatifs sur la société et l’environnement, voire contribue au bien-être social. Il s’agit de la prise en compte des parties prenantes qui sont « tout groupe ou individu qui peut influencer ou être influencé par la réalisation des objectifs de l’organisation»700. Elles interagissent avec l’entreprise ou ont un intérêt direct dans l’organisation701.

Pour Freeman (1984), une entreprise est seulement une série de connexions des parties prenantes, que les dirigeants d’entreprise tentent de gérer. Les parties prenantes ne sont pas uniquement les actionnaires mais un éventail de groupes d’acteurs économiques et sociaux pouvant être affectés par l’impact des opérations d’une firme. Cette dernière se doit de les prendre en considération702. Toutefois, la compagnie orientée vers les parties prenantes n’exclue pas totalement la logique de rentabilité. Elle peut prendre en compte les attentes des parties prenantes tout en restant rentable. Dans cette optique, la pérennité d’une organisation provient de

698 CAPRON, Michel, QUAIREL-LANOIZELEE, Françoise, Mythes et réalités de l’entreprise…2004, pp. 94 – 95. 699 FREEMAN, R. Edward. Strategic Management: A Stakeholder Approach, Boston: Pitman, 1984; HARRISON, Jeffrey S., FREEMAN, R. Edward, “Stakeholders, Social Responsibility and Performance: Empirical Eviden ce and Theoretical Perspectives”, Academy of Management Journal, Vol. 42, No. 5, 1999, pp. 479-85; KOCHAN, Thomas, A., RUBINSTEIN, Saul, A., “Towards A Stakeholder Theory of the Firm: the Saturn Partnership”, Organization Science, Vol. 11, No. 4, 2000, pp. 367 – 386; CLARKSON, Max E., “A Stakeholder Framework for Analyzing and Evaluating Corporate Social Responsibility”, The Academy of Management Review Vol. 20, No. 1, 1995, pp. 92 – 117; WADDOCK, Sandra A., BODWELL Charles, GRAVES, Samuel B., “Responsibility: The New Business Imperative”, The Academy of

Management Executive, Vol. 16, No. 2, 2002, pp. 132 – 147; DONALDSON, Thomas, PRESTON, Lee E., “The

Stakeholder Theory of the Corporation: Concepts, Evidence and Implications”, Academy of Management Journal Vol. 33, 1995, pp. 233 – 258.

700 FREEMAN, Edward R., Strategic Management: A Stakeholder …. 1984, p. 46.

701 STARIK, Mark, “The Toronto Conference: Reflections on Stakeholder Theory”, Business and Society, Vol. 33, 1994, pp. 89-95.

son aptitude à gérer les demandes des différents acteurs dont elle dépend pour sa survie703.

Clarkson (1995) distingue les parties prenantes primaires et secondaires. Les parties prenantes primaires sont définies de cette manière: « sans leur participation continue, l’entreprise ne peut pas être en activité »704. Elles comprennent les actionnaires, les employés, les clients, les fournisseurs. Elles incluent aussi les acteurs publics tels que les gouvernements et les collectivités territoriales fournissant des infrastructures et des cadres réglementaires. Ce sont les parties prenantes qui ont des relations contractuelles avec l’entreprise705. Elles sont privilégiées, en vertu de l’article 279(4) de la loi CAMA qui accorde la priorité aux actionnaires et aux salariés. D’autre part, les parties prenantes secondaires sont celles qui influencent ou subissent l’influence de l’entreprise. Toutefois , elles ne sont pas engagées dans des transactions essentielles à la survie de l’entreprise706. Les parties prenantes secondaires incluent les médias et la société civile.

Le concept des parties prenantes permet d’identifier les acteurs envers qui l’entreprise est responsable et il facilite l’identification de leurs attentes707. En revanche, sa limite est sa difficulté à prendre en considération les parties prenantes muettes comme l’environnement naturel et les parties prenantes absentes comme des victimes potentielles ou les générations futures708. Malgré la priorité accordée aux actionnaires et aux employés par la loi, les entreprises dans tous les secteurs déclarent prendre en compte les intérêts d’autres parties prenantes et contribuer au

703 CAPRON, Michel, QUAIREL-LANOIZELEE, Françoise, Mythes et réalités de l’entreprise responsable…2004, pp. 96-97.

704 “Those without whose continuing participation, the corporation cannot survive as a going concern ”. CLARKSON, Max E., “A Stakeholder Framework for Analyzing and….1995.

705 Bonnafous-Boucher et Pesqueux (2006) classent les parties prenantes en deux. Les parties prenantes contractuelles ont une relation directe et contractuelle avec l’entreprise (les actionnaires, les salariés, les fournisseurs et les clients). Le s parties prenantes diffuses peuvent affecter ou être affectées par l’entreprise sans avoir des liens contractuels avec elle (les ONG, les collectivités locales et les autorités publiques). BONNAFOUS -BOUCHER, Maria, PESQUEUX, Yvon, (dirs.), Décider avec les parties prenantes : approches d’une nouvelle théorie de la société civile, Paris : Recherches (La Découverte), 2006.

706 CLARKSON, Max E., “A Stakeholder Framework for Analysing and ….1995, p. 106.

707 CAPRON, Michel, QUAIREL-LANOIZELEE, Françoise, Mythes et réalités de l’entreprise responsable…2004. 708 PHILLIPS, Robert A., REICHART, Joel, “The Environment as Stakeholder? A Fairness-Based Approach”, Journal of

Business Ethics, Vol. 23, No. 2, 2000, pp. 185 – 197. ; CAPRON, Michel, L’économie ethique privée: la responsabilité des entreprises à l’épreuve de l’humanisation de la mondialisation, Paris: United Nations Educational, Scientific and

Cultural Organization, 2003, p. 15; BUCHHOLZ, Rogene A., “The Natural Environment: Does it Count?”, Academy of

Management Executive, Vol 18, No. 2, 2004, pp. 130 – 133, p. 130 ; WESTRA, Laura, Environmental Justice and the Rights of Unborn and Future Generations, London/Virgina: Earthscan, 2008.

bien-être social. Cela reste conforme avec l’approche des parties prenantes de la RSE. Cependant, le fait qu’elles reconnaissent d’autres parties prenantes ne veut pas dire que ces dernières sont toutes traitées sur un pied d’égalité. Selon Mitchell, Agle et al. (1997) l’influence des parties prenantes dépend de trois attributs : la légitimité, le pouvoir et l’urgence709.

Selon ces auteurs, une partie prenante doit avoir au moins un de ces trois attributs pour retenir l’attention de la firme. La priorité sera donnée à la partie prenante ayant le plus d’attributs710. Autrement dit, une entreprise ferait plus attention à des parties prenantes légitimes, puissantes et lors d’une situation d’urgence. Dans le même ordre d’idées, la capacité des parties prenantes à influencer l’entrepri se est inconstante et inégale car les priorités de celle-ci varient quelquefois. À titre indicatif, les entreprises peinant à garder les salariés vont donner la priorité à ce problème. Celles qui participent aux marchés de consommation vont accorder une plus grande attention aux questions qui affectent leur réputation711.