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Objectifs et démarche de l’OGM : l’opportunité d’une recherche appliquée

UN PROJET, DES SITES ET DES DONNEES : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE

1.1.1 Objectifs et démarche de l’OGM : l’opportunité d’une recherche appliquée

1.1.1.1 Les origines d’un observatoire en Guinée Maritime :

Le développement est un processus et son histoire récente en Guinée Maritime, amplement décrite par O. Ruë dans « L'aménagement du littoral de Guinée (1945-1995) : mémoires de Mangroves », met en évidence un contexte qui a favorisé la recherche actuelle de nouveaux outils d’élaboration et de réalisation de projets. Ainsi, la mise en œuvre d’un programme de recherche-action en Guinée Maritime, à partir de 2003, témoigne de l’attrait que suscite cette région naturelle. Cependant cette tendance n’est pas un phénomène récent puisque dès la colonisation, la métropole française s’intéresse aux atouts des milieux de Guinée Maritime, notamment aux potentialités agricoles. Aux lendemains de la Deuxième Guerre Mondiale, en pleine crise coloniale indochinoise, cette richesse potentielle de la région fait l’objet de nombreuses études et stimule les scénarios faisant de la Guinée Maritime un « grenier à riz » de l’empire colonial et un berceau de l’industrialisation en Afrique de l’Ouest. Rapidement, les ambitions françaises se trouvent réduites avec la mise en œuvre laborieuse des premiers programmes agricoles, notamment l’aménagement de plusieurs milliers d’hectares de casiers rizicoles, en raison de la complexité des milieux biophysiques littoraux. Puis en 1958, l’indépendance porte un coup d’arrêt aux velléités françaises : suite au célèbre « non » à De Gaule, Sékou Touré décline la proposition d’indépendance sous protectorat français et la Guinée devient alors une république populaire révolutionnaire, s’appuyant désormais sur l’URSS et le bloc communiste.

Durant la période socialiste « sékoutouréenne », l’isolement du pays nécessite la mise en œuvre de vastes programmes destinés à développer la Guinée Maritime, basés sur les prospections et les projets de l’ancienne colonie. D’un côté, le volet concernant l’utilisation des ressources minières a abouti à l’exploitation de nombreux sites d’extraction, dont ceux de bauxite à Sangarédi et à Fria ; mais la Guinée exporte alors du minerai brut, peu ou pas transformé et donc à faible valeur ajoutée. De l’autre, des projets rizicoles tentent d’atteindre l’objectif d’autosuffisance alimentaire ;

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menés par des ingénieurs et des techniciens soviétiques, entre autres18, ces projets n’ont conduit

qu’à des écueils, là même où les français avaient déjà échoué. A la mort de Sékou Touré, une autre forme de gouvernance s’installe en Guinée après 26 ans de dictature, sous la houlette du militaire putschiste Lansana Conté. Le changement annoncé s’avère en fait trompeur, tant sur le plan politique que sur le plan des méthodes de développement. Ainsi, jusque dans les années 1990, des dizaines de projets rizicoles voient le jour en Guinée Maritime, commettant les mêmes erreurs que les français quatre décennies plus tôt, alors que l’industrialisation du pays reste en panne.

De toute évidence, cette rapide rétrospective sur les dernières décennies du développement en Guinée Maritime montre bien que celui-ci est « aveugle et amnésique » (Ruë, 1998). Pour de nombreux auteurs (Ruë [1998], Rossi [2000], Baré et alii, [2001] [2006], Lavigne-Delville [2001]), les origines de ces successions d’échecs dans les processus de développement sont liés au fait que « depuis le début des années 1960, l’analyse des programmes de développement proposés par les pays occidentaux fait ressortir une nouvelle tendance, celle de préférer l’expertise internationale à l’ingénierie de terrain : Tout se passe comme si les penseurs des politiques de développement voulaient écarter les avis des hommes de terrain sur l’importance des contraintes spécifiques parce qu’ils contredisent les objectifs productivistes et "parce que le progrès doit pouvoir dépasser ça". […] [C’est] l’avènement de la politique d’expertise comme seul support pour bâtir la pensée du développement, une pensée ligotée par les exigences de production » (Ruë [1998], Beuriot [2007]).

Néanmoins dès les années 1990, l’accumulation d’échecs répétés, de gaspillages financiers notables et, surtout, de la persistance de situations de pauvreté aigues, engendre des débats réunissant certains chercheurs, responsables d’instances internationales en charge du développement, responsables politiques nationaux et acteurs de la société civile (ONG, associations, etc.). La question de la mise en œuvre de processus de développement est au centre de ces débats, desquels ressort qu’un changement de méthode s’impose. En effet, trop souvent les concepteurs de projets et de politiques de développement sont éloignés des réalités et des aspirations des populations bénéficiaires, faute de connaissances sur les logiques et les stratégies socio-économiques de ces derniers ainsi que sur l’histoire du développement local : « les projets de développement tendent à considérer qu’ils arrivent en terrain vierge » et cet « autisme » (Lavigne-Delville, 2001) est préjudiciable à l’efficacité des actions engagées. De ces débats, on pourrait notamment retenir que la durabilité du développement ne peut s’envisager qu’avec un changement de démarche, du top-down, actuellement toujours dominante dans les pratiques des développeurs et de l’expertise, vers le down-top, favorisant l’émergence de savoirs locaux. Egalement, ces débats soulignent l’insuffisance de suivi-évaluation des actions de développement et de leurs impacts.

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Durant la Première République, populaire et révolutionnaire, des experts internationaux de la FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations) ont aussi collaboré à de grands projets agricoles.

C’est dans ce contexte de renouvellement des méthodes que se construisent de nouvelles approches des actions de développement depuis la fin des années 1990. « Le monde du développement » attache dorénavant une importance croissante à des facettes essentielles des

sociétés19 cibles : non seulement à leurs savoirs et à leurs aspirations, mais aussi à leur histoire

socio-économique avec ses dynamiques et ses changements, ainsi qu’à une vision pluridisciplinaire de leur fonctionnements.

En Guinée Maritime, ce changement de paradigme est à l’origine d’un ensemble de programmes de recherche pour l’appui au développement, basés sur de nouvelles pratiques de l’expertise, auxquels appartient l’OGM.

1.1.1.2 Un outil pour le développement

Les temporalités de l’action ont souvent éloigné la recherche scientifique en sciences humaines des exigences du développement, au profit de pratiques d’expertises formatées et normatives. Aujourd’hui, la question de l’opérationnalisation des méthodes et des savoirs est à l’origine d’un mouvement de rénovation en sciences humaines, parallèlement à l’intérêt porté par les bailleurs et les opérateurs aux questions sociales, incontournables pour la réussite de leurs projets. Cette convergence a nécessité l’élaboration d’outils adaptés pour répondre aux besoins de la mise en œuvre et du suivi de projets.

A l’image de ce qui se pratique dans les pays occidentaux pour répondre et suivre l’évolution d’une problématique d’intérêt public, des observatoires thématiques ou pluridisciplinaires ont vu progressivement le jour dans les pays en développement, afin de répondre aux besoins d’informations des politiques de développement. Conçu comme un outil, l’observatoire permet de construire, pour des espaces ou des sociétés donnés, des systèmes d’investigation capables de recueillir les informations nécessaires à la description de différentes situations ciblées, à leurs évolutions et à la mise en valeur des facteurs explicatifs de ces dernières. Les observatoires présentent ainsi des caractères opérationnels : la permanence de l’observation, la structure autonome, le ciblage, la production d’information variée, un réseau d’utilisateurs, ainsi que le choix d’échelles spatiales ou thématiques, l’adaptation du processus de production de données au contexte, ou encore la combinaison des approches qualitatives et quantitatives (Droy et Dubois, 2002).

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Pour un géographe, « qu’est-ce qu’une société ? C’est une population vivant sur un territoire dont elle exploite « collectivement » les ressources, selon une organisation sociale du travail dont les inégalités sont légitimées par un accord politique. » (Retaillé, 2007)

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En Guinée Maritime, en amont de l’OGM, de telles structures ont été crées dès la fin des années 1990. Citons principalement le Projet d’Etudes Côtières et le projet Observatoire de la Mangrove. Ces deux programmes ont permis de mieux comprendre le fonctionnement biophysique des milieux littoraux guinéens et les logiques économiques et sociales des groupes humains qui y vivent. Un Atlas Infogéographique de Guinée Maritime compile sous la forme d’un SIG l’ensemble des données disponibles sur cette zone. S’appuyant sur ces acquis, l’OGM s’inscrit dans la continuité de ces deux précédents programmes qui ont initié, en Guinée Maritime, de nouvelles pratiques dans la recherche appliquée au développement.

Ces nouvelles pratiques occupent une place centrale au sein des objectifs généraux du programme Observatoire de la Guinée Maritime, lorsque celui-ci commence ses activités en avril 2003.

La démarche mise en œuvre proposée par l’OGM vise à « produire un changement dans les pratiques de travail entre chercheurs/techniciens et paysans afin d’améliorer la production d’innovations dans la maîtrise locale de l’environnement et du développement durable » (OGM, 2002). Créé à l’initiative de divers partenaires institutionnels du développement en Guinée Maritime (bailleurs de fonds, opérateurs, Etat guinéen, recherche scientifique), l'OGM a ainsi pour mission première la création d’outils méthodologiques et d'information d'aide à la décision.

La singularité de cette démarche de recherche-développement est à l’origine d’une réflexion théorique et méthodologique sur des espaces communs, impliquant la mise en place d’un dispositif spécifique qui combine plusieurs volets scientifiques, afin d’aboutir à un objectif pluridisciplinaire : « La construction d’outils pertinents pour le développement » (OGM, 2002). Ces volets scientifiques sont : un volet « pauvreté et inégalités », un volet « biodiversité », un volet « systèmes ruraux » et un volet « innovation, pouvoir et foncier ». Entre avril 2003 et juin 2006, l’ensemble des travaux scientifiques ont eu pour principal objectif de construire les méthodes et les outils nécessaires à une expertise scientifique opérationnelle pour l’accompagnement et le suivi d’actions de développement. Parmi les réalisations, l’OGM a produit un « état zéro » des situations rencontrées sur les zones d’étude sélectionnées, construisant une base pour les processus de suivi-évaluation des actions. Egalement, des plans de développement locaux ont été élaborés en concertation avec les populations locales, devenant des cadres de référence aux actions. En optant pour une méthode de co-construction des procédures, l’OGM s’est positionné en agent de liaison, en interface entre partenaires du développement aux logiques et aux stratégies si souvent éloignées : les bailleurs de fonds, les agents de développement (maîtres d’ouvrage et opérateurs) et les populations bénéficiaires (annexe 1).

Les orientations opérationnelles et pluridisciplinaires de l’OGM ont offert aux différentes équipes de recherche thématiques de nombreux échanges pratiques et théoriques, permettant l’établissement de passerelles et la combinaison des approches sur des problématiques communes. Le montage d’un système d’information, au moyen d’une base de données commune à l’ensemble du programme, est l’un des outils dont nous disposons aujourd’hui pour aborder la dialectique entre

niveau d’accessibilité et niveau de développement humain. Plus particulièrement, notre participation aux travaux du volet Pauvreté et Inégalités nous permet l’accès au système d’information de ce volet, qui regroupe une multiplicité de données riches et variées, récoltés au fil des missions sur le terrain, puis analysées.

1.1.2 Le cahier des charges de l’OGM : la construction d’un

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