• Aucun résultat trouvé

L’influence des changements des notions de base sur la compréhension de la culture et de la religion

2.1.3. Les objectifs de la culture

Si l’objectif n’existe pas, le chemin vers cet objectif n’existe pas non plus. C’est l’objectif qui est la condition sine qua non des actes humaines – d’après la formule scholastique – finis est propter quis agit. Le principe de la finalité, si utile par exemple dans le système philosophique de saint Thomas d’Aquin, est l’un des concepts les plus critiqués de la philosophie classique et complètement rejetés dans la postmodernité. Cependant, ce principe nous servira à montrer quels sont les buts de la culture classique.

Le critère du temps permet de distinguer les buts de la culture qui se réfèrent au passé, au présent et à l’avenir. Tout d’abord, au niveau du passé, la culture assure l’héritage, elle est la mémoire de l’humanité, mais elle peut aussi être un frein pour le progrès. Ensuite, au niveau du présent, la culture devient le moyen d’approfondir, de changer, de comprendre et de vivre la réalité. Enfin, le progrès oriente la culture vers le futur. La question qui se pose aujourd’hui, est la suivante : « la destruction » peut-elle être un moyen de construire la culture ? La négation de la beauté classique dans l’esthétique et de la bonté dans l’éthique peut-elle être un facteur du vrai développement?

On peut aussi se demander si la culture n’est pas un obstacle au progrès, du fait de sa vocation conservatrice à l’égard du passé. En réalité, cette mémoire culturelle n’est pas prisonnière du passé, elle est plutôt un tremplin pour le présent. C’est la mémoire qui se réalise et surtout s’actualise. Cette actualisation se fait en deux temps. Tout d’abord, il s’agit de construire sur ce qui est vérifié en tant qu’efficace, bon et durable. Ensuite, il faut garder en mémoire ce qui créait l’anti-culture. Cette démarche permet d’entreprendre des actions préventives en vue de se protéger de la destruction.

La notion première du mot « culture » illustre son évolution (décrite dans le mot même). Le lien entre l’agriculture et la culture souligne le but de l’action, à savoir la récolte, le progrès et la croissance de ce qui est semé. Dans la notion classique, la culture engage l’homme et le monde, elle est une synthèse modificative. Mais, de quelle façon la culture est-elle modificative ? Est-ce qu’elle signifie la production, la création, le développement ou est-ce que la destruction fait aussi partie de la culture ? La culture

138 qui ne stimule plus l’homme à se développer, est-elle encore culture ou se transforme-t-elle en anti-culture ? Et si la culture doit être soumise au progrès, de quel progrès parlons-nous ?

Nous évoquerons d’abord le développement de la personne en tant que personne. L’homme est une personne, tout en sachant qu’il lui faut mûrir afin d’atteindre la pleine dimension de la personne. Le statut de la personne n’est pas seulement la réalité présente de l’homme, mais c’est également le futur, le projet de vie pour chaque être humain. Le progrès personnel exige des relations personnelles et c’est dans la sphère culturelle que ces relations se produisent, parce qu’elle est le fait de l’homme qui entre en relation avec la réalité pour en recueillir les effets bénéfiques. L’homme en tant que personne est à la fois auteur et destinataire des œuvres culturelles. La lecture et la transformation de la réalité seraient dépourvues de sens s’il n’existait pas la personne capable de faire ces activités. Dans cet ordre-là, la culture, par une sorte d’exaltation de la beauté, par le scandale ou la provocation, est capable de stimuler la réflexion ainsi que le progrès.

Il convient de rappeler ici les possibilités volitives et cognitives de la personne et ce qui les accompagne : le bien et le beau, comme des catégories de l’éthique et de l’esthétique classique. La culture a trait non pas seulement aux choses matérielles, mais aussi aux réalités immatérielles, comme les comportements, par exemple. Dans la philosophie classique, l’éthique traite du bien et de la réalisation du bonheur de l’homme, tandis que l’esthétique s’occupe du beau qui suscite le désir. Et ce sont ces domaines qui doivent servir le développement personnel. Le progrès ainsi compris est opposable au mal compris dans le sens ontologique comme le manque du bien : malum

est privatio boni debiti203.

Le développement personnel présuppose un autre principe encore, celui de l’intégrité. Pour être vrai, il doit englober toute la personne. Reconnaître une partie de la vérité de l’homme comme toute la vérité serait un mensonge et provoquerait sa destruction. La réduction du progrès aux facteurs biologiques, économiques, technologiques ou sociologiques, sans synthèse et vision anthropologique intégrale, revient à la réduction de l’homme lui-même et de son futur. A la lumière du principe de l’intégrité, nous parvenions à la notion de la vérité et aux questions de base que nous

203

Ce n’est pas le mal au sens moral de cette notion. Moralement le mal s’oppose au bien et au développement et il est une conséquence de l’action humaine, de la volonté et de la liberté.

139 avons traitées dans notre étude ci-dessus : n’y a-t-il qu’une vérité ? Et peut-on la connaître ?

Le progrès, inscrit dans la nature humaine, se manifeste dans l’histoire. Tant la philosophie de l’histoire que les thèses particulières des philosophes confirment l’idée du développement. Depuis Héraclite jusqu’à la philosophie de Whitehead, le changement et le mouvement en tant que finalité de la culture ont la capacité d’unir le passé, le présent et le futur. Le progrès dépend des efforts actuels, du travail accompli dans le passé qui sert de point de départ à la nouvelle génération, une génération qui prend la responsabilité de la relève afin de préserver l’héritage culturel et son progrès futur.

140 2.2. La notion de la religion

La postmodernité a une approche très spécifique de la religion. Pour l’éclairer, nous évoquerons d’abord la notion classique du phénomène religieux. Cela permettra de répondre aux questions suivantes : quelle est l’essence de la religion ? A quels changements est-elle associée ? Quelle forme prendra-t-elle dans l’avenir ?

2.2.1. Entrer en relation avec la transcendance : une notion classique de la