• Aucun résultat trouvé

I NTRODUCTION Les problèmes posés par la dispersion de polluants dans l’environnement ont suscité

l’intérêt de la communauté scientifique depuis maintenant de nombreuses décennies. La prise de conscience de la nécessité de préserver les écosystèmes terrestres et aquatiques a ainsi fait émerger certaines questions, notamment celles du devenir de ces polluants dans l’environnement ainsi que de leurs effets sur les communautés animales et végétales.

Parmi les contaminants majeurs de l’environnement, les métaux lourds posent de sérieux problèmes écologiques, tant par le caractère ubiquiste de leur présence au sein de la biosphère que par leur forte rémanence et leur toxicité élevée. Parmi eux, l’uranium présente un intérêt particulier. En effet, en plus de présenter les caractéristiques propres à ces éléments, l’uranium est doté d’une activité radioactive manifestée sous la forme de l’émission de particules α pour l’ensemble de ses isotopes . En outre, l’un des isotopes de l’uranium (l’235U) est fissile . Cette caractéristique n’est présentée que par deux éléments chimiques : l’uranium et le plutonium. Or, c’est à partir de la réaction de fission nucléaire qu’est produite l’énergie dite “nucléaire”. L’intérêt de l’uranium pour l’industrie et même l’économie mondiale s’est donc vu matérialisé par une exploitation intensive des minerais d’uranium à travers le monde, drainant avec elle les problèmes de contamination de l’environnement proche des mines. Ainsi, l’uranium constitue quantitativement l’un des premiers toxiques, à la fois sur le plan chimique et radiologique, présent dans les eaux d’exhaures d’exploitation de ce minerai. Comme nous pourrons le voir dans ce document, l’industrie nucléaire n’est pas la seule responsable de la redistribution de l’uranium dans l’environnement. L’origine de l’uranium importe peu d’ailleurs, seul le constat de sa présence dans les systèmes aquatiques continentaux suffit à motiver la conduite d’études visant à évaluer les conséquences de cette présence sur les biocénoses .

Deux ambitions majeures ont donc motivé ce travail : (i) étudier les paramètres toxicocinétiques (internalisation, distribution de l’élément dans l’organisme) et toxicologiques (mécanismes d’action toxique, effets biologiques) de l’uranium chez le poisson et (ii) estimer l’influence relative des propriétés chimiques et radiologiques de l’uranium sur ces paramètres.

Le poisson a été choisi en tant que modèle biologique pour notre étude du fait de sa position dans les systèmes aquatiques. Les poissons sont en effet des organismes intégrateurs puisqu’ils sont généralement situés très en aval des chaînes trophiques aquatiques. De plus, dans le cas d’espèces dites “nobles”, les poissons peuvent présenter un intérêt halieutique très important. Ils peuvent de ce fait représenter un risque potentiel pour la santé publique. Ce modèle a préalablement été étudié dans le cadre de recherches menées sur l’uranium (Poston, 1982 ; Swanson, 1985 ; Waite et al., 1990 ; Bywater et al., 1991 ; Holdway, 1992 ; Hamilton, 1995 et 1997 ; Labrot, 1996 ; Labrot et al., 1999 ; Cooley et al., 2000 ; Cooley et Klaverkamp, 2000 ; Buet et al., 2005). Néanmoins, la plupart des auteurs ne se sont intéressés qu’à l’accumulation et/ou à la distribution du radioélément dans les organismes (Poston, 1982 ; Swanson, 1985 ; Cooley et

Klaverkamp, 2000) ou à sa toxicité aigüe , utilisant la mortalité comme paramètre de mesure

(Bywater et al., 1991 ; Holdway, 1992 ; Hamilton, 1995 et 1997).

Les études portant sur les effets toxicologiques de l’uranium sur le poisson sont quant à elles beaucoup plus rares. De plus, bien qu’elles aient contribué à alimenter les jeux de données toxicologiques sur le sujet, ces études ont également soulevé un grand nombre de questions restées sans réponse (Waite et al., 1990 ; Labrot, 1996 ; Labrot et al., 1999 ; Cooley et al., 2000 ; Buet et

al., 2005). En effet, les résultats obtenus par le biais de ces rares études conduisent à des

conclusions souvent peu consistantes voire contradictoires. Ce bref aperçu des données disponibles dans la littérature nous permet donc de voir qu’un effort substantiel est à produire de façon à accroître les connaissances scientifiques dans ce domaine.

Dans ce contexte, notre étude toxicologique a consisté en l’analyse de marqueurs biologiques susceptibles de fournir une réponse précoce à la présence d’uranium dans l’eau. Dans la cascade d’évènements initiés au contact de l’uranium, un large panel de mesures biologiques est susceptible d’être investigué, depuis des altérations moléculaires jusqu’à des conséquences populationnelles, voire au-delà (communautés, écosystèmes). Dans le cadre de notre travail, nous nous sommes attachés à suivre des marqueurs situés en amont de la cascade d’évènements et qui constituent donc les premières évidences de perturbations. Au niveau subcellulaire, nous nous sommes ainsi intéressés au suivi de marqueurs enzymatiques et non enzymatiques de stress oxydant, d’un marqueur enzymatique de neurotoxicité ainsi qu’au suivi de l’intégrité d’une macromolécule clé du vivant : l’ADN. Nous avons également recherché des effets histopathologiques au niveau de

certains tissus d’intérêts (branchies, cerveau, muscle et gonades). Au travers de cette approche multiparamétrique, nous avons ainsi tenté d’obtenir une image “multidimensionnelle” des conséquences biologiques d’une interaction uranium/poisson.

Nous nous sommes également attachés à évaluer la part relative des effets chimiques et radiologiques de l’uranium in vivo (cet aspect n’ayant été traité par aucune étude à notre connaissance). Pour cela, différents mélanges isotopiques d’uranium ont été utilisés de manière à faire varier l’activité radiologique de l’élément.

Afin de présenter l’étude menée en ce sens, le présent manuscrit s’articule en deux parties : l’une bibliographique, l’autre expérimentale.

Dans la partie bibliographique, un “état de l’art” concernant l’uranium est dressé et constitue un premier chapitre. Sont ainsi successivement abordées : son histoire, ses propriétés physico-chimiques, sa présence dans l’environnement ainsi que ses caractéristiques toxicologiques et écotoxicologiques (toxicocinétique, toxicités chimique et radiologique). Un second chapitre est quant à lui dédié à la présentation des outils d’évaluation écotoxicologique, en particulier les biomarqueurs , et présente ceux choisis pour notre étude sur l’interaction uranium/poisson.

La partie expérimentale débute avec la présentation de la démarche entreprise qui tient lieu de préambule au chapitre “Matériels & Méthodes“ proprement dit. Les chapitres “Résultats” et “Discussion” sont ensuite exposés avant de dresser un bilan de ces travaux au travers d’une conclusion générale et de présenter les perspectives d’études sur lesquelles ces travaux seraient susceptibles de déboucher.