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5.4.5 - Effets observés au niveau des tissus et organes

Les cibles principales de la radiotoxicité de l’uranium sont l’appareil pulmonaire et le tissu osseux pour lesquels les seuils de toxicité fixés par le CIPR sont respectivement de 2,5 mg et 59 µg d’uranium par jour chez l’Homme (Ribera et al., 1996).

5.4.5.1 - Radiotoxicité pulmonaire

Une étude menée par Mitchel et al. (1999) sur des rats soumis à des inhalations quotidiennes d’uranium naturel (à raison de plus de 4 h/j, 5 j par semaine pendant 65 semaines) a mis en évidence l’apparition de tumeurs pulmonaires primaires malignes et bénignes. Deux concentrations ont été testées. Aucune différence dans la durée d’apparition des tumeurs n’a été constatée, cependant, la fréquence d’apparition des tumeurs malignes est apparue proportionnelle au débit de dose reçue.

Lors d’inhalation, les composés d’uranium insolubles persistent dans le système respiratoire et peuvent être responsables d’une irradiation locale et interne des poumons (Leach et al., 1973). Dans les poumons, l’action radiotoxique de l’uranium serait avant tout cancérogène dont les deux effets les plus connus à long terme sont la formation de fibroses pulmonaires et la transformation néoplasique (Leach et al., 1973).

Chez l’Homme, différentes études épidémiologiques ont concerné diverses cohortes d’individus exposés à l’uranium : des mineurs, des victimes d’Hiroshima et Nagasaki, mais aussi des vétérans de la guerre du Golfe ou des Balkans (Kathren et Moore, 1986 ; Kathren et al., 1989 ;

ATSDR, 1999 ; Ritz et al., 2000 ; Mould et al., 2001 ; McDiarmid, 2001b ; Tirmarche et al., 2004).

Cependant, dans la plupart des cas, aucune augmentation de l’incidence de cancers quels qu’ils soient n’a pu être attribuée aux effets radiotoxiques de l’uranium. En effet, de part l’importance de facteurs confondants tels que l’exposition aux émissions γ du radon chez les mineurs, l’exposition à des agents chimiques cancérigènes tels que le benzène contenu dans les feux de puits de pétrole en Irak ou la mort prématurée des individus (notamment pour les militaires), aucun lien direct n’a pu être établi entre l’émission de radiations ionisantes issues de la décroissance radioactive de l’uranium et des phénomènes de cancérisation (Roscoe, 1997; Hornung et al., 1998; Tirmarche et al., 2004).

5.4.5.2 - Radiotoxicité osseuse

La présence d’émetteurs alpha tels que les isotopes de l’uranium au sein du tissu osseux peut engendrer des complications graves telles que l’apparition de radionécroses de l’os (phénomène qui correspond à la rupture d’un équilibre entre la matrice et les cellules osseuses, conduisant à une perte de substance ou à la mort cellulaire). De même, l’augmentation significative de l’induction de tumeurs osseuses (Wrenn et al., 1985 et 1987 ; Bosshard et al., 1992 ; Ribera et

al., 1996) ainsi que des atteintes de la moelle osseuse peuvent survenir. Pour exemple, chez

l’Homme, une dose seuil au-delà de laquelle l’incidence des tumeurs osseuses serait significativement accrue a été fixée à 0,8 Gy (appartenant au domaine des fortes doses).

Des études révèlent que les pathologies osseuses radio-induites sont en relation directe avec la répartition et la durée effective de rétention du radionucléide dans le squelette. En fonction du site de rétention et de la nature des rayonnements émis, l’irradiation touchera majoritairement la matrice osseuse calcique et/ou les cellules osseuses impliquées dans la formation et le remaniement de l’os. La dose moyenne délivrée localement dans les différentes parties du squelette représente donc le paramètre prépondérant à l’origine des effets biologiques radio-induits (radionécroses, tumeurs osseuses).

5.4.5.3 - Radiotoxicité rénale

Le tissu rénal est considéré comme peu radiosensible aussi bien en ce qui concerne les effets déterministes à court terme que les effets stochastiques à long terme. Les études histologiques n’ont pas permis de définir le site initial du dommage rénal (vasculaire, glomérulaire ou tubulaire). L’expression retardée du dommage est due au fait que les cellules rénales sont à renouvellement lent et que l’apparition et l’aggravement des manifestations fonctionnelles sont liées au déclenchement des mitoses qui entraînent la mort cellulaire. A la suite d’une contamination par l’uranium, il existe dans le rein des “points chauds” constitués par des microprécipités de phosphate d’uranium présents dans les cellules tubulaires proximales du rein.

5.4.5.4 - Radiotoxicité neurologique

Il a été montré que dans certaines conditions d’expositions chroniques, l’uranium peut atteindre le système nerveux central de rats (Gilman et al., 1998a,b,c ; Pellmar et al., 1999b).

L’étude de Houpert et al. (2005) apporte de nouvelles informations relatives au comportement de l’uranium vis-à-vis du système nerveux.

Dans le cadre de ce travail, les effets sur le cycle sommeil-éveil ainsi que sur le comportement ont été étudiés après exposition chronique à de l’uranium enrichi ou appauvri par voie orale. Il a été démontré que les rats exposés durant six semaines à de l’uranium enrichi en 235U (4 % de la composition isotopique) par leur eau de boisson ont accumulé deux fois plus d’uranium dans des zones cérébrales telles que l’hippocampe, l’hypothalamus et les glandes surrénales que les individus exposés à de l’uranium appauvri. Cette accumulation semble en outre corrélée avec une augmentation de la durée du sommeil paradoxal, une réduction des capacités relatives à la mémorisation de l’environnement spatial ainsi qu’une anxiété accrue. En effet, les trois sites d’accumulation précédemment mentionnés sont connus pour être impliqués dans les processus comportementaux répertoriés comme étant affectés. Ainsi, l’étude de Houpert et al. souligne que l’hippocampe est impliqué dans la mémoire de l’environnement spatial et l’axe “hypothalamus – hypophyse - glandes surrénales” intervient dans la gestion du cycle sommeil-éveil ainsi que dans les comportements anxieux.

L’exposition à de l’uranium appauvri dans des conditions comparables n’a pas induit d’effets comparables à ceux-ci, suggérant que l’activité radiologique est à leur origine.

Les mécanismes par lesquels l’uranium induit de tels effets restent encore à élucider. Néanmoins, il est intéressant de remarquer que, lors de cette étude, la quantité d’uranium retrouvé dans les reins n’a été que de 0,12 mg d’U/g de tissu, c'est-à-dire bien en deçà de concentrations décrites comme étant néphrotoxiques soit 1,2 mg d’U/g selon Diamond et al. (1989). Ceci contribue donc à nuancer le fait que les reins soient la cible la plus sensible des effets toxiques de l’uranium.

Dans l’étude de Houpert et al. (2005), une question reste cependant sans réponse pour les auteurs. En effet, l’uranium enrichi n’a pas été distribué au sein des différentes régions cérébrales de la même façon que l’uranium appauvri. Or, l’uranium, qu’il soit appauvri ou enrichi, a été introduit sous la même forme chimique à l’eau de boisson et au même pH. Cela signifie que les espèces chimiques mises en jeu ont été les mêmes. La seule différence séparant l’uranium enrichi de l’appauvri réside dans leurs activités spécifiques respectives. De ce fait, l’accumulation différentielle de l’uranium enrichi ne peut être expliquée que par le fait que son activité

radiologique soit quatre fois plus importante. Les auteurs suggèrent que ces résultats mettent en évidence le fait que la composition isotopique influe sur le dépôt et la distribution de l’uranium dans les différentes régions cérébrales. Les mécanismes sous-jacents n’ont cependant pas été identifiés.

5.4.5.5 - Radiotoxicité et reproduction

Les lésions causées par l’irradiation des organes de la reproduction peuvent entraîner deux types d’effets : la mort cellulaire, avec une diminution transitoire ou définitive de la fertilité, ou des mutations dans les cellules germinales pouvant être transmises lors de la fécondation et se manifester en tant que désordre héréditaire chez les descendants de l’individu exposé.

Le développement de modèles expérimentaux d’irradiations des gonades après contamination interne est resté très modeste, car les premières expériences menées sur les actinides ne démontraient pas de forte affinité pour ces organes, notamment par rapport aux principaux organes de dépôt et de rétention (poumon, squelette, rein).

Par contre, certaines études font état de dommages chromosomiques sur les spermatogonies de rongeurs exposés à de l’uranium enrichi. En effet, l’induction d’aberrations chromosomiques dans les cellules germinales a également été observée chez des souris mâles exposées par injection intratesticulaire de fluorure d’uranyle contenant de l’uranium enrichi (Hu et Zhu, 1990).

Chez l’Homme, on considère généralement que, pour les gonades, le seuil de stérilisation pourrait varier d’un facteur 10 (entre 1 et 10 Gy) selon le moment de l’irradiation dans la vie de l’individu et son sexe (Calmet et al., 2003).

Même si le risque d’effets héréditaires radio-induits n’est pas au premier plan des risques des rayonnements et si les niveaux de contamination par des actinides rendent très improbable l’observation d’effets sur la fertilité, certaines questions relatives aux conséquences sur la reproduction restent en suspens. Dans les gonades, les lésions peuvent conduire à une mutagénèse accrue, à une altération des fonctions hormonales ou de la fertilité (Calmet et al., 2003).

5.4.5.6 - Autres manifestations d’effets radiotoxiques

Différents travaux menés chez des mineurs d’uranium ont permis de conclure à une augmentation de mortalité liée au développement de cancers tel que les cancers de l’estomac, du

rectum, etc. (Laurier et al., 2001). Néanmoins, ces résultats ne sont pas associés à la radiotoxicité de l’uranium mais à celle du radon présent dans l’environnement professionnel de ces individus.

Une relation dose-réponse a été observée pour des cancers hématopoïétiques et lymphopoïétiques chez des travailleurs du nucléaire exposés de manière chronique à des radionucléides, principalement uranium et produits de fission (Ritz et al., 2000). De même, des dommages à l’ADN et des aberrations chromosomiques ont été observés dans les cellules sanguines de travailleurs exposés de manière chronique à des composés uranifères ainsi qu’à de faibles doses de radiations ionisantes (Garaj-Vrhovac et Kopjar, 2003 ; Prabhavathi et al., 1995 ; Prabhavathi et al., 2000, Touil et al., 2002).

SYNTHESE DU CHAPITRE SUR LURANIUM