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NOUVELLES TENDANCES : UN AUTRE REGARD PORTE SUR LES ESR

II– CONSEQUENCES SUR LA RECHERCHE DE SOLUTIONS

III- NOUVELLES TENDANCES : UN AUTRE REGARD PORTE SUR LES ESR

S’il est difficile pour la société d’admettre la présence d’enfants en rue, il devient inutile de préciser que cette perception de la rue a fortement soutenu l’idée selon laquelle, un enfant qui ne vit pas dans le cadre familial est d’office exclu ou marginalisé, donc privé d’une bonne partie de ses droits les plus élémentaires. Et malheureusement la plupart des ESR sont victimes de cette considération, par le simple fait de leur rupture familiale. Or, le savons nous, nous ne saurons continuer d’avoir cette lecture de la rue, à un moment où le nombre d’enfants qui y arrivent augmente et ce, à un rythme effrayant. Doit-on toujours se réfugier derrière ce côté pervers de la rue pour nier toute vie possible en rue ? Autrement, la perception négativiste de la rue suffit-elle pour justifier l’amputation aux ESR de tous leurs droits d’enfants ? Si non, quelle démarche la société adopte-t-elle en vue d’une restauration minimale des ESR dans leur condition d’enfants égaux à ceux qui vivent encore dans des familles ? N’est-il pas peut-être temps pour nous de revoir notre compréhension de la rue ? Que faire donc ?

3.1. Reconnaissance de la rue comme un milieu de vie pour certains enfants L’expérience du travail avec les enfants vivant dans les rues de Ouagadougou, a suscité chez certains travailleurs, l’adoption de pratiques singulières dont le but essentiel est : la communication orientée vers la recherche de solutions pour une

réinsertion sociale réussie. C’est dans ce cadre que s’inscrit KEOOGO3, structure d’accompagnement médico-psychosocial des enfants en situation de rue. Pour les acteurs de cette structure la rue constitue un milieu de vie pour certains enfants, notamment ceux qui y ont élu domicile après une rupture totale des liens qu’ils entretenaient avec leurs familles. C’est pourquoi, il paraît nécessaire, si l’on veut être réaliste, de ne pas occulter cet aspect fondamental de la question très délicate de l’accompagnement des enfants en milieu ouvert. Il est d’ailleurs plus judicieux, de considérer cette approche avec scientificité, c'est-à-dire : loin de tout préjugé hâtif ou subjectif; et percevoir à travers cette approche communautaire et

participative, l’élan d’une intégration sociale basée sur la culture ou la

restauration de l’estime de soi, facteur déterminant pour un passage réussi à l’âge adulte. Aucun enfant ne peut réellement être tenu pour responsable de sa présence en rue, pourvu qu’on se souvienne de la valeur d’une famille dans la vie d’un enfant, en référence au contexte socioculturel burkinabé. En ce sens, l’idéal communautaire de la réinsertion des enfants de la rue, en dépit des préjugés malveillants dont elle fait souvent l’objet, se justifie, en tant qu’alternative méthodique et pratique de la socialisation intégrale. Il suffit peut-être d’en avoir la compétence et les moyens.

3.2. La vie en rue : dynamique d’un changement alternatif

La rue est un milieu très dynamique où sont mis en jeux plusieurs systèmes de relations. Selon la structure socio-familiale d’origine, chaque enfant qui entre en contact avec la rue, réagit : c'est-à-dire qu’il ajuste son interaction avec ce nouvel environnement, de sorte à obtenir un niveau plus ou moins adapté pour sa survie. Ainsi, en fonction du degré d’adaptation aux perpétuels changements qui surgissent dans ce milieu, on peut remarquer des catégorisations dans la structure relationnelle en rue. Cette structuration est l’élément moteur de la vie en rue. Elle détermine de ce fait, l’originalité et la complexité du processus à travers lequel se construisent les systèmes de relations en rue. Sa compréhension n’est pas systématique, surtout pour ceux qui considèrent la rue comme un simple lieu de passage pour les enfants. Cependant une observation bien appliquée permet une meilleure compréhension du phénomène, et de ce fait, l’identification d'alternatives fiables de communications. La présence, la proximité et la fidélité de nos

3 Ce mot signifie en mooré « espace initiatique de transmission des valeurs et des vertus pour un passage réussi à

l'âge adulte ». Les fondateurs de l’association on baptisé leur structure du nom de keoogo car ils considèrent le cadre qu’offre cette dernière comme un passage qui favoriserait l’intégration sociale des enfants de rue.

interventions ne sauraient à elles seules garantir l’ébauche d’une pratique pertinente. Au contraire, la réussite de l’intervention réside dans l’intérêt qui soutient notre interférence à ce milieu. Ainsi, pour aider efficacement les enfants à trouver des solutions durables à leurs problèmes, il s’impose un préalable : l’analyse de certains préceptes, et leurs enjeux sur nos attitudes envers les ESR.

3.3. La connaissance de la rue : des repères de socialisation à partir de la rue La connaissance du contexte de la rue a pour but premier, la compréhension des systèmes de fonctionnement et relations qui déterminent la représentation que les ESR se font de leur propre situation. Cette compréhension de la rue permet d’identifier un certain nombre de repères capables de soutenir le travail à partir de la rue, avec tous les enjeux opérationnels que cela comporte. En procédant de cette façon, la rue est perçue comme un milieu de vie où des supports d’accompagnement thérapeutique peuvent être introduits en vue d’opérer des changements différentiels relatifs à l’état ou à l’organisation structurelle de chaque enfant. Qu’est ce que la rue ? Quels types d’enfants trouve t on en rue ? Quelles sortes de relations ces enfants développent-ils en rue ? Quels rapports entretiennent ils avec les intervenants de rue ? Quelles sont les difficultés majeures liées à l’accompagnement ESR ? Là se trouvent quelques interrogations poignantes de la réflexion à mener sur la précieuse question des possibilités de réinsertions à partir de la rue.

- Les attitudes que nous avons envers les ESR ont un enjeu paradoxal sur notre relation avec eux. Les attitudes les plus favorables sont celles qui les rassurent et les sécurisent. Il convient donc d’en tenir compte si nous voulons vraiment réussir notre relation avec eux. Cela suppose que nous devons fournir des efforts pour adopter des attitudes qui ne sont pas de nature à exclure. C’est-à-dire que nous devons éviter de renfermer les enfants dans des étiquettes du genre : « tu es ceci, tu es cela » « tu es irrécupérable » « tu es comme un tel, tel autre vaut mieux que toi ». Comparer, dévaloriser, culpabiliser, menacer, moraliser, sermonner, obliger, ridiculiser, prêter des intentions négatives, ou imaginer à leur place, sont des attitudes qui ne favorisent pas notre communication avec eux.

- L’enfant qui a perdu confiance en l’adulte se croit lui-même adulte. Il se croit autosuffisant, et se réfugie dans une fausse personnalité à travers laquelle, il nie tout rôle qu’un adulte jouerait à ses côtés pour l’aider à grandir. Cette méfiance exagérée conduit l’enfant à un repli sur soi qu’il

manifeste diversement dans ses relations avec les autres (réticence défensive, agressivité, mensonge, toxicomanie, mobilité excessive, brutalité…). Il ne se livrera donc pas par plaisir au premier passant. Ce n’est pas non plus une règle établie ! Cependant, il est plus réaliste de cultiver soigneusement mais sûrement la confiance d’une personne, plutôt que de se précipiter pour tout briser dès la première rencontre. Quelque soit sa situation et son état, l’enfant a besoin d’être vu, compris, accepté, respecté et considéré comme tel. Nos premiers jugements (surtout les mauvais) sont très vite perçus par les enfants. Et cette première impression qu’ils ont de nous, déterminera pendant longtemps, la qualité de la relation que nous construirons avec eux.

- En fin, il est important de savoir que l’enfant qui vit en rue acquiert des compétences, crée des projets et développe un réseau social nécessaire à sa survie dont il faut absolument tenir compte.

3.4. L’approche communautaire : un facteur de restauration des ESR dans leurs droits

Les enfants, quel que soit leur niveau de désorganisation structurelle, gardent en eux-mêmes le sentiment d’appartenance à une famille, à une société, à une communauté. Leur situation d’enfants en situation de rue ne saurait donc les soustraire du milieu socio-familial et culturel ordinaire, qu’ils ne s’en sont démarqués que physiquement. Leur présence en rue n’est autre que la matérialisation de leur désir de reconstitution d’un vécu traumatique, intégré en lambeaux tout simplement parce qu’ils ont fui l’adulte par instinct de survie. Malheureusement, la triste réalité est que l’enfant quitte sa famille et va se réfugier en rue où il devient son propre père et sa propre mère. Il grandit trop vite donc pour encore avoir confiance en l’adulte que nous sommes. C’est une situation douloureuse à accepter, surtout quand on tient compte du cadre socio- culturel dans lequel nous vivons. Et c’est justement parce que la situation est douloureuse, que notre responsabilité dans la situation de ces enfants se trouve indexée. Aucun parent ne serait fier de voir son enfant aller en rue. C’est pourquoi, l’obligation parentale se pose comme idéal prioritaire dans le processus de réinsertion sociale des ESR. En entendant, doit-on contraindre ces enfants à retourner dans leurs familles respectives, doit-on peut-être les récupérer tous dans des structures correctionnelles ou dites de redressement ? Les travailleurs du domaine répondraient mieux à ces questions. Ils feront l’analyse des tentatives de réinsertion forcée ou musclée, en montrant peut-être quels sont les avantages et les limites de cette approche. Ainsi, pourrons-nous constater que la question de la

réinsertion de ces enfants doit, elle aussi, évoluer selon la conception de la notion d’enfant, et celle des droits de l’enfant. Pour nous praticiens, nous retiendrons simplement qu’à tous les niveaux de la vie d’un enfant, il y a quelque chose à faire, un rôle que l’adulte doit jouer pour l’accompagner petit à petit vers l’âge adulte. Mais pour jouer convenablement ce rôle, il est nécessaire que nous soyons suffisamment outillés, motivés, et engagés pour atteindre notre but qui est celui d’aider l’enfant à résoudre ses problèmes, partout où il se trouve, même si c’est en rue qu’il dort.

Dans cette démarche, l’implication de toute la société est nécessaire, et exige de la part de chaque citoyen une participation à la hauteur de ses rapports avec les enfants en général. De façon pratique, l’approche communautaire s’investit à

protéger les ESR, en leur accordant une place sociale valorisante à travers la restauration d’une estime de soi suffisante pour une autopromotion intégrale, dans le respect de leurs droits. Ainsi, devons-nous encore préciser que cette

approche novatrice permet d’éviter les pratiques de réinsertion sociale forcée qui d’ailleurs, ont des répercussions graves sur la situation des enfants.

IV- L’APPROCHE COMMUNAUTAIRE DE KEOOGO : UNE