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Chapitre 5: Présentation et analyse des résultats

2. Les nouvelles formes de solidarité

Chapitre6 : Construire un équilibre de vie « malgré tout »137

Choisir le métier d‟enseignant.e constitue un projet d‟enseigner, par ailleurs, une base pour la construction de l‟identité professionnelle. Les enseignant.e.s/objet, tout comme les autres catégories des fonctionnaires, sont confronté.e.s aujourd‟hui à concilier vie professionnelle et vie familiale. Souvent la distance entre le domicile et le lieu de travail et le coût élevé de la vie contribuent au déséquilibre familial. Pour les enseignant.e.s marié.e.s, leurs épouses s‟activent à leur manière de ramener de quoi manger à la maison parfois au détriment des enfants. Cette situation, qui induit une forme d‟insécurité concerne une majorité d‟enseignant.e des deux rives du Congo. Dans les lignes qui suivent quelques illustrations permettront de voir comment des enseignant-e-s arrivent à se maintenir malgré eux.

a- Les liens sociaux

- Les tontines :

Les « tontines », appellation dans l‟Ouest africain ; « esusu », au Nigéria ; « arisan », en Indonésie, est un néologisme sémantique pour désigner des groupes d‟individus volontaires qui construisent un cycle d‟épargne et de prêt. Les origines sont à chercher au sein des Associations Rotatives d‟Epargne et de Crédit (ECRA) qui, pendant des siècles, dans différentes régions du monde, montent un fonds pour financer le crédit rotatif dont chaque membre bénéficiera au cours du cycle, chacun à un tour précis. Ce qui contribue à nourrir le

secteur informel. On le défini comme « L‟ensemble des activités économiques qui se

réalisent en marge de législation pénale, sociale et fiscale ou qui échappent à la comptabilité nationale. Autrement dit, c‟est l‟ensemble des activités qui échappent à la politique

économique et sociale, et donc à toute régulation de l‟Etat » (BIT, 2006). Comme le souligne

le BIT, les activités du secteur informel jouent un rôle dynamique dans les économies africaines. En effet, cet organisme a entre autre, mis l‟accent sur les aspects positifs de ce secteur qui peuvent s‟avérer rentables, productifs et créatifs.

136Jacques Matand, Journaliste congolais, spécialiste de la région des grands lacs en Afrique. Rédacteur en chef adjoint du site grandslacsTv.com. Source, www.slateafrique.com du 22/08/2012

137 C‟est un sous-titre que nous empruntons du livre Les salariés de l‟incertitude : solidarité, reconnaissance et équilibre de vie, coordonné par Marc Uhalde, Octares 2013 p. 128

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D‟où l‟idée de repenser le processus évolutif spécifique du secteur informel qui est un facteur de développement de l‟Afrique. D‟après le BIT la spécificité du problème posé à ce niveau est celle de l‟articulation des deux secteurs formel et informel.

Le premier secteur formel, dit " moderne ", doté d‟une organisation efficace, est régi par la rationalité économique, respectueux de la légalité et de la réglementation, atteint un niveau appréciable de productivité. Sa transparence, son homogénéité ainsi que sa conformité au modèle régissant l'appareil statistique des recensements, permettent d'établir une nomenclature claire de l'appareil d'État et des planificateurs.

Le second secteur dit " informel " serait son négatif : faiblement organisé, dominé par les relations familiales, enfreignant à la légalité et peu productif. Opaque, fluide, instable, il échappe aux circuits officiels et cadre mal avec les concepts classiques et les outils de mesure. L'autorité tolère son existence mais le néglige, l'exclut de sa politique économique; les planificateurs le délaissent et l'ignorent. Mais c‟est un secteur qui contribue à lutter contre la pauvreté car le système des tontines ou des prêts entre familles et amis permet de combler le manque de financement formel dont pourrait bénéficier les populations plus défavorisées. Aux Congo, c‟est l‟appellation « tontines » ou connu sous l‟appellation locale « likelemba » qui est en usage avec une composante sociale et culturelle. Plusieurs milieux socioprofessionnels ont recours à ce crédit ou système. La grande nouveauté aujourd‟hui, c‟est que les tontines ne sont plus limitées à l‟épargne d‟argent, mais intéressent aussi bien la nourriture, les produits pharmaceutiques qu‟aux autres biens matériels. En effet, au Congo-Brazzaville, par exemple, certains membres égarés de la force publique improvisent des barrages de contrôle dans des quartiers reculés. Les chauffeurs des taxis et mini bus sont rançonnés. A la fin de la journée, l‟argent de la rançon ou tout objet de la rapine est confié à un membre du groupe. La rotation se fera jusqu‟à concurrence du reste du groupe.

Le milieu qui nous intéresse, c‟est celui des enseignant-e-s. Ceux-ci, ont innové le système, c‟est le cas des enseignant.e.s de l‟école primaire de Poto-poto au Congo-Brazzaville et de l‟école Saint-Esprit de Kinshasa. A Poto-poto, les enseignant.e.s ont organisé une chaine alimentaire entre eux. Ceux qui ont des parents vendeurs de poisson, de charbon, d‟huile, de savon, de la margarine et d‟autres produits de première nécessité constituent une banque alimentaire. Chaque jour, un membre du groupe bénéficie ce dont il a besoin et à tour de rôle. Nous avons voulu savoir un peu plus, lors de nos enquêtes, sur la naissance de l‟idée et de son fonctionnement.

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L‟idée est née « un jour pendant la grève de revendication salariale, un enseignant de l‟école

primaire, revenant d‟un sit-in, s‟est vu barricadé sa maison par son propriétaire à cause de trois mois de loyer impayés. A cela s‟est ajouté les pleurs des enfants qui n‟avaient rien à manger depuis trois jours. Le père (l‟enseignant), impuissant est tombé évanouit. C‟est à

l‟hôpital qu‟il avait été ramené, mais trop tard », souligne, au bord des larmes, Gertrude. La

chaine alimentaire aide plus d‟un enseignant. Au moins le besoin du ventre est réglé par une aide de proximité, réalisée entre enseignant.e.s.

A Kinshasa, à l‟école Saint-Esprit, une chaine alimentaire existe, de même que des activités commerciales. Des enseignantes ramènent de la nourriture cuite qu‟elles revendent à l‟école, des cacahuètes, bonbons et autres produits, elles vendent en classe. Les élèves sont les clients potentiels dans un environnement où les cantines scolaires sont inexistantes.

b- Les solidarités familiales : bases de structures identitaires aux Congo

L‟historien Edward Shorter138 écrit de la façon suivante l‟état d‟esprit communautaire : « Les

membres d‟une famille traditionnelle sont prêts à renoncer à certaines de leurs ambitions personnelles. Malgré l‟impact du modernisme et les difficultés économiques beaucoup de citadins sont très attachés aux valeurs traditionnelles même si les contraintes obligent des

africaines à suivre changement économique et social malgré eux ». C‟est dire que dans le

temps, les familles traditionnelles étaient caractérisées par les principaux traits : l‟union et la solidarité, et un même but et des mêmes objectifs, la survie du groupe et la transmission du patrimoine familiale. Les classes d‟âges se devaient de respecter chacune sa place. Ainsi, l‟autorité des plus âgés sur les jeunes générations n‟étaient pas souvent bafouée. Tous ces traits forment la parenté, c‟est-à-dire un ensemble de dispositions qui permet à des personnes vivant ensemble de coopérer selon les règles de la vie sociale. Elle est basée sur un ensemble

de solidarités et d‟alliances. Encore, elle est « un mode de penser et d‟organiser la vie »139. Il

est important de signifier que la parenté n'est pas un cercle vicieux. Elle est en rapport avec tout le système social global, base des structures identitaires. Elle définit le rôle que joue chaque individu dans la société, s‟organise autour d‟une culture de partage.

138 Shorter, E. Naissance de la famille moderne. Nouvelle édition du seuil, 1981, p 17

139Alliot, M. Modelés sociétaux,-1 Les communautés , dans Recueil d‟articles, contributions a des colloques , textes (1953-1980), Paris, LAJP, p.156-159

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Le caractère culturel de la parenté se manifeste de manière différentielle dans les sociétés humaines. Ce qui nous introduit dans la logique de considérer que le système de parenté est différemment vécu et apprécier dans les différents groupes ethniques, surtout en matière de paternité, d‟entraide, de cohésion sociale. De nos jours, compte tenu de l‟exode rural et de la concentration des populations dans des grandes villes africaines et congolaises, un climat d‟indifférence semble s‟installer et fait reculer la solidarité au profit de l‟individualisme. Le sens de la générosité et de la solidarité qui caractérisait jadis les coutumes congolaises est en train de s‟effondrer. Certes, la solidarité du clan est encore forte chez certaines familles, et c‟est dans cette réalité sociologique que nous retrouvons un certain nombre de familles d‟enseignant-e-s constituant notre échantillon. Pour témoigner de la solidarité du clan,

certains enseignant-e-s de souche matriarcale aux Congo disent: « Papa a enfanté pour

maman », autrement dit, les enfants appartiennent à la mère. C‟est cette réalité que nous

retrouvons chez les Mbala140 au Congo-Kinshasa : « Un enfant ne soigne pas son père

malade, c‟est la responsabilité des neveux et des nièces ». La solidarité familiale s‟inscrit ici

dans une structure avunculaire. Chez les Mbala, l‟oncle maternel sert de jonction entre les vivants et les ancêtres. Il occupe une place vitale dans la famille, le clan, telle illustrée dans

cette forme de solidarité: « Le chasseur Mbala réserve la cuisse du gibier au chef, l‟autre

cuisse à l‟oncle, le cœur aux enfants, la tête à son père. Le reste pour lui et son

entourage »141. Les efforts d‟entraide se concentrent autour de l‟oncle maternel, ciment de

tous les membres du clan ou du lignage. Dans ce contexte, l‟oncle maternel supervise la solidarité familiale, clanique et joue « le rôle d‟amortisseur social », pour reprendre les mots de Mauss. L‟organisation de la parenté ici n‟a pas d‟équivalent terminologique occidental de cousins, cousines, demi-frère, demi-sœur, belle-mère. La terminologie de la parenté est un système de classement des parents qui désigne les conduites d‟évitement, de respect, de

plaisanterie que l‟on peut avoir avec ces types de parents.

Les enfants de son oncle, de sa tante sont ses frères. Si le père ou la mère s‟est remarié, les enfants issus de ce mariage sont des frères et des sœurs, non pas des frères et des demi-sœurs. La femme de son père n‟est pas sa belle-mère ou la marâtre mais sa maman. Le père et la mère de sa femme ou de son mari sont appelés affectueusement « papa »et « maman »

mieux encore le terme beaux-parents rendu par bokilo. De même, une femme mariée dans le

140 Les Mbalasconstituent un groupe ethnique de la province de Bandundu au Congo-Kinshasa. Ils sont localisés dans les secteurs de Bindungi, Kinzenga, Kinzenzengo, Kipuka, Kitoy, Kwilu-Kimbata, Lumungu, Masi-Manimba, Mikwi, Mokamo, Mosango, Nko, Pay Kongila et Sungu.Guthrie les classe dans le groupe Niger-Congo, H41

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lignage, à la mort de son époux, pour la sécurité des enfants, le frère du défunt peut bénéficier de cet héritage. (La veuve comme les enfants). Ce cas de lévirat a été observé dans plusieurs coutumes congolaises. Par ailleurs, le sororat autorise la femme à se marier avec le veuf de sa

sœur défunte. Ce qui est « visé dans ces deux règles, c‟est d‟assurer au défunt ou à la défunte

une progéniture : les enfants issus de ces formes d‟union sont pensés avoir pour père ou pour

mère la personne décédée »142. Mais c‟est une tendance qui disparait au fil des jours. Cela en

dit long sur les liens autour de l‟oncle, car c‟est il joue le rôle d‟exorciseur et décide du mariage de ses nièces afin de perpétrer le lignage. L‟adhésion à ses idées, à ses démarches relatives à la protection contre les ennemis extérieurs est un gage pour l‟équilibre du clan.

C‟est lui qui décide de la dot143 et du choix du futur gendre et menace de malédiction tous

ceux qui contredisent sa volonté. Cette même tendance est vécue chez les vili144 où coexiste

aussi une tendance à la filiation bilatérale. Cependant, de nos jours il semble difficile de se

faire une idée de la limite des autorités paternelles et avunculaires. En effet « l‟évolution qui

tend à transformer la parenté matrilinéaire en parenté patrilinéaire tend par là même à

retirer au profit du père l‟autorité que l‟oncle maternel avait sur les enfants de sa sœur145 ».

Nous pouvons le vérifier par l‟attribution du nom (ndusi=homonymie). L‟oncle maternel qui

voudrait que l‟un des enfants de sa sœur porte son nom, « achète le nom» selon l‟expression,

en offrant quelques présents : vin rouge, sac de riz, sac de sel, bouteilles de whisky et une certaine somme d‟argent. Est-ce un signe de déchéance du matriclan ? Sous l‟influence de la réalité occidentale du code civil, l‟enfant doit porter le nom de son père biologique. Cette pratique de l‟héritage du nom du père, bien que commode au point de vue administratif entraine dans une société matriarcale, une perte de la diversification et une certaine confusion dans l‟identification de la lignée clanique. Ceci est bien vrai car il existe une rupture de continuité dans l‟essence même de l‟attribution du nom au Brazzaville et au Congo-Kinshasa.

142 Colleyn, J.P. & Declercq. Dictionnaire d‟anthropologie, p.97

143La dot est une compensation matrimoniale présente dans la littérature francophone ou prix de la fiancée, consiste en une série de biens et/ou de services offerts par le fiancé et ses présents au père ou d‟autres parents de la fiancée pour conclure ou valider le mariage et compenser par la famille de la jeune fille la perte d‟un de ses membres. (Auge M., dans Les domaines de la parenté: filiation, alliance, résidence. Maspero, Paris 1975). Chez les kongo, au Congo-Brazzaville, la compensation se symbolisait par la houe et la machette.

144Parler bantu du Congo-Brazzaville, classé en zone H11 (Guthrie), appartient au grand groupe Koongo constitué de bien d‟autres ethnies : suundi, kuni, beembe, laadi, haangala, yoombe, doondo, kaamba. Tous ces peuples ont une souche commune, le Kongo dia Ntotila en Angola.

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Le phénomène s‟observe surtout dans la gémellité, c‟est-à-dire de la naissance et l‟attribution

des noms particuliers des jumeaux selon qu‟ils sont aîné (cibasa), cadet (Futi) ou puiné

(nsunda). Le paradoxe est visible par l‟imposition du nom du père au sens de la culture

occidentale. Le déséquilibre est que le père qui s‟appelle cibasa, Futi ou nsunda attribue son

nom à ses enfants sans que ceux-ci n‟appartiennent à l‟une ou l‟autre branche des jumeaux.

Par ailleurs, bien que les Mbala soient de tradition matriarcale, l‟homme Mbala a le devoir

social d‟assurer l‟unité du clan par son travail, et l‟entretien aussi bien de ses enfants que de

ses neveux et nièces. Dans ce cas, l‟exemple MBochi146 au Congo-Brazzaville le confirme.

En effet, la parenté est appelée Oboro, elle désigne le lien qui unit tous ceux qui sont issus

d'un ancêtre commun, tout sexe confondu. Ainsi, le clan « rassemble tous ceux qui se

considèrent, en vertu d'une relation généalogique présumée et indémontrable, comme les descendants en ligne directe, soit paternelle (patriclan), soit maternelle (matriclan), d'un(e)

ancêtre commun(e) légendaire ou mythique »147. L'entraide familiale, ou solidarité, est donc

l'une des composantes essentielles du maintien de la cohésion des sociétés Africaines et Congolaises. Elle peut prendre des formes multiples et diverses, parmi lesquelles on peut citer, en ce qui concerne notre enquête, les transferts d'argent, de vivres, de crédits de communication, les produits alimentaires et pharmaceutiques sous certaines conditions. C‟est cette réalité culturelle de solidarité familiale se fondant sur les liens de sang formant l‟identité des enseignant-e-s que nous allons décrire à travers les lignes suivantes.

Le devoir de sang :

Lorsqu‟une personne, Ego, est dans le système matrilinéaire (mode de filiation matrilinéaire,

c‟est-à-dire, l‟autorité paternelle de l‟oncle maternel. Il est appelé mère-oncle (ma-nkasi),

c‟est lui le chef de la famille), ses enfants impérativement s‟incluent dans le lignage de leur mère et héritent de leur oncle, tandis que les enfants du frère d‟Ego ne sont pas considérés comme les siens. C‟est dire que le groupe de descendance utérine comme le souligne

Sacripanti, « est une croyance répandue chez les kongo, selon laquelle le sang, vecteur

métaphysique essentiel, se transmet par la mère, détermine l‟organisation du likaanda (clan),

élément principal du cercle de la parenté et de l‟édifice sociale chez les vili »148.

146 Parler bantu du Congo-Brazzaville, classé en zone C20 (Guthrie) ayant des sous-groupes : -asi olu, -asi nguilima, -asi ngae, -asi tsambitso, -asi mbonzi, -asi oba, -asi eboyi

147Augé, M. Les domaines de la parenté, Maspero, Paris, 1975, p26

148Sacripanti-Hagenbucher F., Les fondements spirituels du pouvoir au royaume de Loango, mémoires ORSTOM, Paris 1973 p.90

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Le « likaanda » qui forme le plus grand groupe à filiation unilinéaire est selon Van Wing « la

collectivité de tous les descendants par filiation utérine d‟une aïeule commune, qui porte le nom de cette collectivité. Il comprend tous les individus des deux sexes qu‟ils vivent en

dessous ou au-dessus de la terre »149. La transmission de l‟héritage (matériel et spirituel) se

fait de l‟oncle utérin aux enfants de la sœur et se soumet à la triade : participation, médiation

et manipulation des vivants, bamoyo et des morts, bakulu, bafwa.Cette vision du monde

circule dans les mentalités collectives. Ici, l‟esprit des ancêtres, dans l'imaginaire, est capable d'apporter bénédiction et malédiction aux vivants. Ces esprits sont partout dans l‟air, les eaux, dans les forêts et dans toute la nature. La société est gérée sous un dualisme fait du visible et de l'invisible. C‟est ce qui justifie la pensée africaine dans la conception du monde

réelle « comme la somme des mondes visible et invisible entre lesquels circulent les

énergies »150.

Pour éviter toute aliénation par un tiers du patrimoine commun, une série d'interdits est imposée. Dans ce cas, l'interdit ou tabou constitue, dans la société traditionnelle africaine congolaise, un des traits culturels. Selon qu'on se trouve dans une aire culturelle bien déterminée, selon l'environnement spatial, temporel et social, l'interdit peut varier. Code social et moral, l'interdit dans la société traditionnelle congolaise est assimilé à une forme de

règle ou de loi qui est observée rigoureusement par tous les membres de la communauté.

Chaque membre du clan a un devoir moral d'assister, en tout temps et en tout lieu, ses parents consanguins. Le refus à cette règle signifiait l‟exclusion pure et simple de soi-même et de ses origines. D'aucuns finissent par être ensorcelés pour n'avoir pas respecté ce lien tout naturel. On assiste donc à une obligation d‟assistance morale. Ce devoir de sang a une grande dimension identitaire dont la responsabilité morale incombe à chaque membre. C‟est ce qui justifie dans une certaine mesure le comportement des enseignant-e-s quant à leur responsabilité vis-à-vis de la famille : ils sont engagés à lutter quotidiennement pour la survie de leur ménage, mais aussi à apporter aide matérielle et financière aux membres de leur clan. Le clan est vu, sous cet angle, comme une identité culturelle plurielle qui se définit de façon

claire sur le kinkulu, l'ancien, un héritage aux doubles assises matérielle et immatérielle.

Au-delà de sa forme nucléaire, le clan regroupe tous ceux qui ont conscience de la relation de consanguinité qui les unit.

149 Sacripanti, Op cit p.90

150 Leroy, E. L‟esprit de la coutume et l‟idéologie de loi. In : La connaissance du droit en Afrique, Paris, Arsom, 1983

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Sous cette forme, celui-ci est doté d‟une hiérarchie interne, les aînés ayant la charge des cadets qui leur doivent respect et considération. Chaque individu a un rôle et une place bien