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Chapitre 4 : choix méthodologique

2. Echantillon et techniques d'échantillonnage :

L‟étude a été menée à la fois au Congo-Brazzaville et au Congo-Kinshasa et a touché 113 enseignant-e-s. 10 enseignant.e.s n‟ont plus participé aux interviews pour des raisons de santé de dernière heure. C‟est pourquoi notre échantillon s‟est basé sur 103 interviews biographiques. Rappelons que notre échantillon est qualitatif et que les enseignant.e.s qui font l‟objet de cette étude n‟ont pas été choisis à partir du fichier des salaires disponibles au niveau du service des statistiques et du service du personnel de la fonction publique, ce type de fichier étant presque inexistant. Par ailleurs, notre appartenance à l'équipe enseignante, à un certain moment de notre itinéraire, nous a permis de disposer de listes nominatives et de contacter directement les enseignant.e.s sur leur lieu de travail, parfois à leur domicile. La population d'où nous avons extrait notre échantillon en vue de l'enquête présente certaines caractéristiques liées essentiellement au sexe, à l'ancienneté et à la discipline à enseigner. L'échantillon sur lequel nous avons travaillé se présente ainsi:

a) Le sexe : Hommes / Femmes : Effectifs, 54, soit 52.10 % et 49 soit 46.6%

b) L'ancienneté : de 20 ans, effectif de 4 soit 41.6% ; + de 20 ans, effectif de 5 soit 58.4% Les enseignant.e.s ayant plus de 20 ans d'exercice sont les plus nombreux. Ils constituent 58.4 % de la population globale. Cette situation a été créée par un recrutement massif lors des années 80 et 90 et un gel de ce recrutement durant les dernières décennies.

c) Discipline enseignée : Scientifiques / Littéraires : Effectif, 66.2% et 33.8%

3. Choix de l'outil d'investigation : a. La démarche suivie :

La composition de la population des enquêté.e.s a été obtenue par le croisement entre la liste des enseignant.e.s retenu.e.s pour l‟enquête répartie sur les deux pays pendant notre travail sur le terrain du 12 janvier 2011 au 13 Février 2011 ; du 12 janvier 2012 au 13 Février 2012 ; du 02 au 30 Novembre 2013, puis du 12 Mars au 31 mars 2014.

Pendant la première enquête (Janvier 2011), les démarches de prise de contact avec les enseignant.e.s du Congo-Brazzaville, ont été effectuées sur place de vive voix en discutant avec les chefs d‟établissement scolaire du motif de notre présence. Au Congo-Kinshasa, nous avons contacté les chefs d‟établissement par lettre. Nous avions pour ambition de départ, d‟atteindre l‟objectif des 1000 professeurs. Il n‟existe pas de fichiers informatisés dans les établissements scolaires pour nous permettre de récupérer les adresses de façon à retrouver facilement les enseignant.e.s.

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Cet échantillon qualitatif a été constitué en contactant directement les enseignant.e.s sur leurs lieux de travail, un questionnaire leur a été distribué. Mais cela ne s‟est pas fait sans difficulté. Plusieurs facteurs, parfois combinés entre eux, sont intervenus, parmi lesquels le refus de certains enseignant.e.s de participer à l‟entretien. Outre les refus clairement exprimés par une partie des enseignant.e.s, un certain nombre d'autres situations laissent à penser qu'ils n'ont pas souhaité donner suite à la demande d'entretien.

D‟autres enseignant-e-s n'ont pu être contactés ou rencontrés pour des raisons de congé maladie, de maternité. Enfin plusieurs enseignant-e-s se préparaient d‟aller en retraite pour la fin d'année scolaire et ne jugeaient pas utile de participer à cette enquête. En outre, quelques enseignant.e.s avaient changé de fonction et n'exerçaient plus en tant qu'enseignant.e. Lors de la seconde vague d‟enquête, (Janvier 2012), les enseignant.e.s interviewés lors de la première vague ont été informés par courrier d‟un prochain contact les concernant. Celui-ci s'est effectué dans la plupart des cas dans des conditions satisfaisantes permettant de limiter le nombre de chutes. Au total, 90 enseignant.e.s de notre fichier ont été interviewés et 13 n'ont pas participé à la seconde vague d'enquête, soit un peu plus de 10 % de l'effectif initial. Plus d‟un motif de non interview sur deux a été du à l‟impossibilité – parfois, sans doute, une forme de refus déguisé- de joindre l‟enseignant ou de convenir d‟un temps d‟entretien. Lors de la troisième vague d‟enquête (mars 2014), nous avons utilisé la même stratégie qui consistait à envoyer à l‟avance des lettres de contact aux enseignant.e.s, leur expliquant les mêmes buts que nous poursuivions. Notre objectif consistait à suivre quelques enseignant.e.s pour répondre à la question : « comment arrondir les fins de mois ? ». Il s‟agissait de voir comment est la fertilité de leur imagination dans la recherche d‟autres rétributions.

b) L’analyse qualitative

L‟un des objectifs de recherche des entretiens réalisés avec les deux populations, les enseignant.e.s des deux Congo, a concerné la compréhension des facteurs sociaux qui ont contribué au reniement du métier d‟enseignant au point de le réduire à un travail de forçats de la faim. L‟engouement qui s‟ensuit a pour corollaire l‟effritement de l‟image des enseignant.e.s, avec mots-clés : identités professionnelles confrontées à la réalité sociale du

métier d'enseignant, du vécu quotidiende ces enseignant.e.s impliquant l'environnement

physique. En tout, faire émerger les réseaux informels qui leur permettent de se redéfinir. A

cette fin, il leur a été demandé de répondre à la question suivante : « quelle est le rôle d‟un

enseignant et comment se considère-t-il ou à quel degré se place-t-il vis-à-vis de la société ? ». Les questionnaires ont produit des items qui expriment, décrivent diverses ressources,

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entre autres des savoirs comme « Avoir des connaissances générales », « un omnipotent »,

des comportements sophistes comme « on me considère comme un savant », des attitudes

comme « S‟impliquer affectivement dans son enseignement », ou des capacités telle « Être

capable de raisonner de façon méthodique et progressive », constituant « l‟identité

professionnelle de base ». A l‟issue des échanges avec les enseignant.e.s, nous avons procédé

à une analyse de contenu qui a abouti à la catégorisation des items produits par les enseignant.e.s des deux Congo. Cette catégorie est définie comme suit : les réalités sociales et familiales marquent un tournant dans la nouvelle vie des enseignant.e.s confronté.e.s à la vie professionnelle/vie familiale. C‟est un moment qui correspond pour les uns, à l‟acquisition d‟une vision nouvelle sur le monde et pour les autres un début des espoirs déçus.

c) L’analyse quantitative

Nous avons exprimé le pourcentage pour une meilleure lisibilité des résultats. Pour cela, il a suffi d‟utiliser la règle de trois, en divisant le résultat par le nombre représentant l‟échantillon de base. Le but est de dégager les différents itinéraires et vécus entre diverses promotions (1980, 1990, 2000, 2010) d'une part, et d'obtenir, le mieux possible, un échantillonnage représentatif.

d) Quantification des appréciations

On a demandé aux enseignant.e.s d‟exprimer leur jugement relativement au dispositif de

rémunération et de considération sociale en répondant à la question « votre salaire vous

permet-il de joindre les deux bouts du mois ? ». Rappelons que, de cette question ouverte,

l‟enseignant.e était libre de répondre sans quantification. L‟appréciation moyenne d‟un item est la moyenne chiffre qui lui sont alloués par l‟ensemble des répondants.

e) Données concernant l'itinéraire professionnel et l'itinéraire de formation des enseignant-e-s

La question sur la formation initiale est relative à la compréhension de l‟itinéraire de la formation et l‟itinéraire professionnelle des enseignant.e.s afin de mettre en évidence leur lien avec leur implication ou leur retrait. Au Congo-Brazzaville, 25% des enseignant.e.s ont été embauché.e.s directement selon le système du service civil, 12,51% ont suivi une formation initiale d'une année au sein de l‟ENS. Celle-ci forme les enseignant.e.s du second degré à 62,51%. Tous les enseignant.e.s interviewé.e.s qui ont suivi une formation initiale affirment bénéficier sur le terrain de la formation initiale suivie. Charles, enseignant de la période 1990,

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au lycée de Makoua au Congo-Brazzaville reconnait l‟apport de la formation dans l‟exercice

de son métier. Aussi dit-il « le fait de beaucoup lire a contribué à ma formation personnelle.

J‟avais en charge une Terminale littéraire et les élèves, candidats au Baccalauréat ne comptaient et ne juraient que sur mes recherches personnelles...Dans tous les cas, tous les enseignant.e.s de ce lycée et des villages environnants furent tous des magister omniscients et

omnipotents ». Cela s‟explique par le manque d‟infrastructure ou d‟équipement comme les

bibliothèques et/ou d‟autres centres, à savoir les phonothèques, discothèques et autres archives.

Quant à la formation continue, les réponses varient entre une absence totale de formation et une formation de quelques jours. 43 ,75% ont répondu ne jamais avoir suivi de formation continue durant toute leur carrière tandis que 56,25% reconnaissent avoir suivi une formation continue de quelques jours même si celle-ci ne répondait pas aux attentes des enseignants par rapport à la réalité de leur métier. La question relative à la formation personnelle des enseignant.e.s du secondaire a démontré que nombre d‟entre eux, à 50% s'auto former par des lectures et des cumuls d'expériences, comme la génération 1980, alors que 37,5% disent ne jamais avoir le temps de se remettre en cause. C‟est le cas des enseignantes du primaire.

L‟une d‟entre elle, Abeti, du Congo-Kinshasa déclarait : «je ne lis pas de façon assidue car je

n‟arrive pas à concilier mon métier et mon rôle d‟épouse. J'ai des responsabilités familiales

et en plus je dois aller vendre du pain au marché de nuit ». Seulement 12,5% annoncent avoir

poursuivi une formation académique par initiative personnelle pour l'obtention d'un Master I ou II.

Concernant les raisons du choix du métier par les enseignant.e.s/objet, 56,25% ont répondu que c'est un choix personnel émanant d'un amour du métier. 37,5% ont dit avoir été obligé de

devenir enseignant comme Mamona : « je n'avais pas d‟autres choix. L'horizon était limité »;

Jean-Aimé : « Devenir enseignant c‟est le moins bon des choix que de se pavaner dans les

rues avec son diplôme dans la poche » ; et 6,25% ont dit qu'ils sont devenus enseignants par

accident comme Pierre : « Après ma licence en sciences économiques, je ne pouvais pas

m‟inscrire en Master car ce diplôme n‟existait pas ». Cette situation concerne les enseignants

du Congo-Brazzaville de la période 1990. En effet, c‟est une période qui correspond au blocage d‟entrer dans la fonction publique et au déficit des enseignant.e.s des disciplines comme les mathématiques, les sciences physiques. Pour éviter le chômage, des diplômés ont accepté d‟aller dans l‟enseignement malgré eux, sans formation pédagogique.

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Si choisir le métier d‟enseignant-e est parfois volontaire ou sans conviction, une question concernant l‟engagement dans le métier permet de connaitre les raisons qui retiennent ces enseignant-e-s dans ce métier. Seulement 62,50% disent vouloir rester par amour alors que 37,50% affirment continuer par optimisme : en dépit de tout, certainement qu‟il y aura des décisions de la part de l‟administration générale d‟améliorer les conditions de vie des enseignants. Il existe aussi ceux qui se sont engagés dans le métier sans contrainte au départ et ne veulent rester que pour des raisons matérielles (18,75%). Le même pourcentage concerne aussi ceux qui ont choisi le métier au début à défaut d'autre chose et persistent pour la même raison.

Au Congo-Kinshasa, la prime à la motivation, les aides et les encouragements que les enseignants reçoivent tout le long de leur carrière pourraient inciter ceux-ci à rester dans le métier. Ainsi, 18,75% des enseignant.e.s interviewé.e.s déclarent avoir reçu parfois des aides de leurs inspecteurs, des parents d‟élèves et des élèves. Mais aucun enseignant n'a jamais reçu d'aides matérielles pour des activités ou des projets qu'il voulait effectuer, comme

Ndombe à Kinshasa : « Jamais je n'ai reçu d'aides ou d'encouragement ». De même, aucun

enseignant n'a jamais reçu de félicitations ou de remerciements pour un travail distingué. La population des enquêté.e.s suivante traduit l‟implication participante des enseignant-e-s.

f. La population des enquêté.e.s

La population est composée de 54 hommes et de 49 femmes soit un total de 103 enseignants – les plus effectifs - entre les deux Congo qui ont répondu aux questionnaires. Le choix de Kinshasa repose sur l‟accessibilité de la population enseignante jugée assez représentative. En effet, Kinshasa compte plus de 10 millions d‟habitants, trois fois la population du Congo-Brazzaville. Nous n‟avons pas pu nous rendre dans d‟autres provinces du Congo-Kinshasa pour des raisons de sécurité. Le tableau représentant les résultats de l‟enquête est situé en annexe 4.

f.1 Le traitement statistique :

Les tris à plat.

Les tris à plat constituent une technique statistique élémentaire, mais indispensable, qui permet de connaître et d‟afficher la répartition d‟une variable sur l‟ensemble ou sur une partie du fichier. Cette technique permet d'examiner les grandes tendances qui se dégagent des

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réponses au questionnaire et qui sont traduites par les fréquences et les pourcentages de chaque modalité de réponse.

Les tris croisés

Les tris croisés représentent un traitement statistique des données dont l'objectif est de mesurer les relations entre variables. Si le tri à plat permet de connaître la distribution d'une variable nominale, le tri croisé analyse la nature de la liaison entre deux variables nominales ou qualitatives et effectue une comparaison entre leurs différentes distributions. Dans le cas de nos données, le choix des questions à croiser est essentiel. En effet, parmi les questions que l'on se pose lorsqu'on opte pour ce type d'analyse ou de traitement figure celle relative à la définition des questions à croiser entre elles. Le recours aux théories de la recherche orientent certes le choix, mais disons que cela dépend du chercheur lui-même, des objectifs de l'étude, de la nature du questionnaire. C'est ce que nous avons pris en considération pour déterminer les caractéristiques que nous avons croisées. Une seconde difficulté lors de ce

type de traitement est celle relative au commentaire des tableaux, « Cette pratique conduit en

général à ce genre littéraire hautement soporifique qu'est le commentaire de tableaux croisés

où une modalité est ainsi comparée de tableau en tableau »111

f.2 Traitement des données :

Il décrira la démarche de traitement des problèmes liés à l‟identité professionnelle des enseignant.e.s et aux situations d‟incertitudes. Dans la méthodologie de recherche, nous aborderons la construction et l‟expression de notre projet sous la forme d‟une question. Nous détaillerons également les modalités de recueil, de construction et de validation de nos données empiriques. Nous n‟oublierons pas de faire part de nos actions de restitution sur le terrain. La méthodologie de l‟enquête nous permettra d‟identifier des tendances et de structurer le contenu en quelques points :

1- Le désintéressement des enseignant-e-s par rapport à leur métier

2- La situation d‟incertitude dans laquelle les enseignant.e.s se trouvent impliqué.e.s

3- Les aspects macroéconomiques

L‟ensemble de ces points illustrent la diversité des enjeux que peut poser le problème de l‟analyse des situations relatives aux identités professionnelles : l‟image idéale des enseignant-e-s, telle que souhaitée par la société et les institutions, ne correspond pas à l‟image réelle telle que vécue par les enseignant-e-s.

111Cibois Ph., Le PEM, pourcentage de l'écart maximum : un indice de liaison entre modalités d'un tableau de contingence, Bulletin de méthodologie sociologique, 1993, n° 40, p. 47

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Nous avons bien voulu vérifier si ces images pouvaient avoir une conséquence sur leur situation sociale et familiale. Nous avons opté pour une démarche méthodologique multiple recourant à une analyse théorique en présentant une revue de littérature relative à notre thème ; ensuite, une évaluation empirique de la situation des enseignant.e.s au Congo-Brazzaville et au Congo-Kinshasa.

Déjà Weinberg112 recommande le dépassement de la querelle de méthode entre approche

qualitative et approche quantitative. Il propose de choisir entre une méthode en rapport adéquat avec les objectifs assignés à la recherche. Dans ce sens un croisement de méthodes de collectes permettra d‟une part de renforcer la connaissance de l‟objet de recherche, et d‟autre part de mieux appréhender la réalité de terrain. La dimension comparative de nos données sur les deux pays procure à notre étude un intérêt unique dans la mesure où elle nous permet d‟orienter la réflexion à partir des actes des individus et du sens donné à ces actes par ceux qui l‟accomplissent. Cette posture est subjective c‟est à dire elle met le sujet au centre de l‟action, en partant de son point de vue personnel pour comprendre ses engouements, pour les étudier en parallèle avec celles d‟autres acteurs impliqués dans le processus de réalisation de ce fait social.