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Une nouvelle pratique du fantastique

I. 2.2.1.2 Méprise des convenances sociales

I.2.2.2 Une nouvelle pratique du fantastique

Faisant valoir le primat du réel Ŕpossible ou improbable- sur la pensée ; Le genre fantastique, est de ce fait, objet d‟un déni de pertinence dans la doxa rationaliste occidentale, et peine à atteindre une reconnaissance institutionnelle qui souvent le relègue au rôle du divertissement littéraire. Pourtant, ce genre qui fait naitre des univers parallèles, du rationnel et de l‟irrationnel, est le noyau même à travers son imaginaire, de la littérature. Provenant de l‟ancien grec « Phantasia » qui signifie apparition d‟où imagination, image qui s’offre à l’esprit. 165

Le terme du fantastique, déborde la littérature vers toutes les autres formes d‟art et correspondra aux productions qui suscitent des émotions de peur et d’angoisses. 166

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Marie-Claire Bancquart, «Un auteur fin-de siècle?», Magazine littéraire, no 310, mai 1993, p. 47-50.

165

BÉNÉVENT, Christine et LAGIER, Valérie. Le Horla. Paris, France : Gallimard, 2003. /Etude.

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I.2.2 La question du genre : Le fantastique chez Maupassant.

Le fantastique est donc rupture de l’ordre reconnu, irruption de l’inadmissible au sein de l’inaltérable légalité quotidienne167

ou comme dira Jean- Pierre Bertrand :

Est fantastique, ce qui déroge à nos représentations, trouble nos croyances, déplace nos modèles, divise notre singularité, dévoile le temps d’une fiction l’altérité qui sommeille en nous.168

C‟est en effet à travers ce climat d‟incohérence universelle, de frayeur et d‟épouvante que se distingue le fantastique d‟un autre genre de l‟imaginaire littéraire ; le merveilleux, qui contrairement au premier :

Se déroule dans un monde ou l’enchantement va de soi et où la magie est la règle. Le surnaturel n’y est pas épouvantable, il n’y est même pas étonnant, puisque il constitue la substance de cet univers […]169

Fantastique et merveilleux ont longtemps coexisté ensemble. Caractérisés par un renversement des perceptions rationnelles du réel. Le genre de l‟imaginaire trouva souvent refuge dans le ciel mythologique de la Grèce antique où les vers homériques de l‟Eliade et de l‟Odyssée ont relié le monde des dieux avec le monde humain, à travers ces héros et ces demi-dieux aux pouvoirs surnaturels. Mais c‟est dans le monde musulman que se développa cette fantaisie poétique qui marquera largement le répertoire des contes européens, fascinés certainement par ces récits qui regorgent de créatures fabuleuses, des goules, des afrites, des génies.

Du moyen Age et jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, et au début du romantisme, les diableries, les sorcelleries, peuplent une part de la littérature occidentale (le plus souvent populaire et orale). Le courant germanique, porté entre autres par E.T.A. Hoffmann et des romantiques tels que Kleist, Brentano, et le roman gothique anglais ont

167

CAILLOIS, Roger. Au cœur du fantastique. Gallimard, 1965.p 61

168

STANISLAW Lem, In : essai (en français) de Jean Molino , Paris P4

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I.2.2 La question du genre : Le fantastique chez Maupassant.

apporté les thèmes et les images majeurs (châteaux hantés, revenants etc.). La France comme accoutumé à l‟imitation, semble ne rien inventer et c‟est Charles Nodier qui promeut cette littérature venue d‟ailleurs, d‟autres adeptes viendront s‟ajouter à la liste à l‟instar de Gérard de Nerval, Théophile Gautier, Honoré de Balzac, Prosper Mérimée qui s‟adonnent à ce nouveau genre ; qui bénéficie de l‟essor de la presse et du feuilleton.

C‟est l‟Etrange davantage que l‟Eprouvante et la Frénésie, qui est désormais au cœur du fantastique.

Se plaisant plus spécialement avec Maupassant, l‟étrange interroge les certitudes les plus scientifiques, introduit le doute et l’hésitation, fait chavirer la raison, manières de symboliser les limites de l’identité et de la fragilité de l’autonomie du sujet pensant. 170

En effet, la prose fantastique de Maupassant qui dépasse les trentaines de nouvelles, écrite entre 1883 et 1887, se concentre la plupart du temps sur l’exploration des mécanismes de l’esprit en proie à la peur, à la folie et à l’angoisse de la mort, 171poussé peut être comme, on la déjà vu au premier chapitre, par ses troubles psychiques qui n‟ont cessé de le ronger. Plus qu‟un théoricien et écrivain extrêmement lucide. Maupassant, est un analyste pénétrant son mal :

Il décrit sa peur et ses cauchemars au scalpel, et comme certains de ses plus célèbres protagonistes, il se sert de sa plume pour exorciser ce sourd effroi qui l’exalte et le terrasse. 172

Il en fait son portrait en analysant la démarche de l‟écrivain fantastique dans le Gaulois (7 octobre 1883) :

L’écrivain a cherché les nuances, a rodé autour du surnaturel plutôt que d’y pénétrer. Il a trouvé des

170

ARON, Paul, SAINT-JACQUES, Denis et VIALA, Alain (éd.). Le dictionnaire du littéraire. Paris, France : Presses universitaires de France, DL 2010, 2010/ Fantastique.

171

PRINCE, Nathalie. La littérature fantastique. Paris, France : A. Colin, DL 2015, 2015. p 587

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I.2.3 L’écriture visuelle : Une nouvelle stratégie scripturale.

effets terribles en demeurant sur la limite du possible, en jetant l’âme dans l’hésitation, dans l’effarement : le docteur indécis ne savait plus, perdait pied, comme en une eau dont le fond manque à tout instant , se raccrochait au réel pour s’enfoncer encore tout aussitôt, et se débattre de nouveau dans une confusion pénible et enfiévrante comme un cauchemar.173

Le ton est donné à travers cet article. Le fantastique de Maupassant cherche à faire exhumer ces angoisses enfouies, ces inquiétudes intérieures à l‟homme où ses sens exacerbés créent pour lui des effets de trouble ou de peur. C‟est pourquoi, les thèmes en relation à la perception sont largement repris ; celui du double, des hallucinations, et du cauchemar. Des thèmes qui trouvent aussi place dans les œuvres de Poe, Hoffmann et surtout Tourgueniev dont il s‟en est fortement inspiré. Le fantastique de Maupassant demeure également habité par un certain nombre de textes fondamentaux de l‟époque, ceux de Schopenhauer à l‟exemple du Monde comme volonté et comme représentation, 1819 qui forgera son caractère de pessimiste et de cynique.

I.2.3 L’écriture visuelle : Une nouvelle stratégie scripturale.

I.2.3.1 Voir pour écrire