• Aucun résultat trouvé

1.2.1.2 Incohérence et cohérence de l’écrit maupassien

aventure du texte

III. 1.2.1.2 Incohérence et cohérence de l’écrit maupassien

L‟intelligibilité des textes de Maupassant tenue par une lucidité de sa folie, comme on vient de le voir dans le point précédent (folie perçue comme questionnement de la raison qui s‟exprime au travers de la littérature) nous fait penser que cette mise en forme de son univers psychique, ainsi que sa thématisation littéraire récurrente, répond,

Aussi, à une certaine poétique de la réception.

Le choix esthétique engagé par l‟écrivain à en effet pour but de recréer chez ses personnages cette menace de l‟aliénation qui demeure prisonnière du jeu de l‟écriture et de la lecture. Car la folie est au demeurant un thème littéraire que Maupassant donne à voir pour ses lecteurs. Cette manière de concevoir l‟écriture de la folie répondant, avant

405

Ibid.

406

HEGEL, Georg Wilhelm Friedrich et VERA, Augusto Traduction Éditeur scientifique. Philosophie de

l’esprit. Bruxelles, France : Culture et civilisation, 1969. p 383

407

Comme le dénonce Michel Foucault à travers son li

408

DERRIDA, Jacques. L’écriture et la différence. Paris, France : Éd. du Seuil, DL 1979, 1979.

409

182

III.1.2 Rhétoricité de la folie chez Maupassant.

tout, aux attentes du lectorat, démontre de façon implacable la maitrise de l‟écrivain et

sa distanciation voulue entre son sujet et sa maladie qu‟il fait au moyen d’une scripture admirablement lucide et contrôlée. 410

S‟il est certain que la démence de Maupassant a largement influencé son imaginaire littéraire, comme on peut le conclure à travers les chapitres précédents, il nous est cependant impossible, au vue de cette maitrise dont fait preuve l‟écrivain, de trancher de manière irrévocable sur l‟intervention directe de cette maladie sur sa rhétoricité de la folie, et plus précisément sur le choix des procédés d‟écriture. En effet, L‟ensemble du texte maupassien témoigne à juste titre d‟une cohérence notable, raisonnable, qui chasse la suspicion sur un automatisme presque aléatoire du vocabulaire qu‟une folie laisse dicter et qui nous rappelle les procès souvent intentés aux surréalistes, un quart de siècle après, et dont le chef de file André Breton s‟en défendra dans son Manifeste du Surréalisme en tentant d‟assurer que la fureur des écrivains surréalistes, prise ici dans le sens de la folie, n‟a rien à voir avec le choix des mots.

Si la folie ne dicte pas, elle inspire tout bien que Maupassant :

Et qu’on comprenne bien qu’il ne s’agit pas d’un simple regroupement des mots ou d’une redistribution capricieuse des images visuelles, mais de la récréation d’un État qui n’a plus rien à envier à l’aliénation mentale. 411

dit-il.

Pourtant, il subsiste aujourd‟hui encore des parts d‟incertitudes sur l‟utilisation abusive de formules pleines d‟effroi, de répétition à l‟identique presque hystérique de termes, qui sonnent comme le signe d‟une folie qui frapperait à l‟avenir l‟auteur avant le narrateur à l‟exemple de ces complaintes dans Fou ? : Je ne suis pas fou. Je le jure, je ne suis pas fou !412 Ou bien dans le Horla : J’écoute, j’écoute quoi ?413 Ou encore

410

PONNAU, Gwenhaël. La folie dans la littérature fantastique. Paris, France : Centre national de la recherche scientifique, 1987. p 303

411

BRETON, André. Manifestes du surréalisme. Paris, France : J.-J. Pauvert, impr. 1965, 1965. p 136

412

183

III.1.2 Rhétoricité de la folie chez Maupassant.

avec ces lignes entières de pointillés, marque de discontinuité narrative, coupure de communication Non….Non…. sans aucun doute… Alors ?...Alors ?....414Ce procédé de suspension du récit semble dire comme le remarque Mariane Bury la défaite de la langue, l’abymede la pensée.415

Le doute demeurera donc entier, entre l‟incohérence ou la cohérence

III.1.2.2 La problématique de la rhétoricité du genre III.1.2.2.1 Les moyens de la brièveté : le récit court.

Hissé en maître incontesté de la nouvelle, genre qu‟il affectionne tout particulièrement, Maupassant adapte son imaginaire à la brièveté. Choix délibéré lié à la poétique du fantastique ou impératif médiatique lié à l‟essor de la presse ? La forme courte des récits à laquelle souscrit Maupassant semble donner, loin de ce débat, lieu à une autre difficulté ; cette fois ci d‟ordre terminologique comme le remarque Floriane Virginie Marguerite. Elle démontre la confusion déjà régnante à l‟époque entre lecteurs, critiques et écrivains et dont n‟échappera pas Maupassant à distinguer entre les termes « Contes » et « Nouvelles », comme l‟édifiera cette lettre envoyée par Maupassant à Havard :

Je vous prie d'envoyer tout de suite par la poste le volume de nouvelles paru chez vous ou on trouve une intitulée Le Testament. Je crois que c'est dans les Contes de la bécasse.416

Marguerite insiste sur le fait que le terme « Conte » auquel on attribuait les qualificatifs de philosophique, merveilleux, oriental, allégorique, de fées, a perdu très

413

MAUPASSANT, Guy de. Le Horla: et autres contes cruels et fantastiques. Paris, France : Garnier frères, 1976 / Deuxième version. p 6

414

Ibid.p 40

415

DE WOLF, Alice. Le primitif dans l’œuvre de Maupassant [en ligne]. Paris 4, 2011. p 630. Disponible à l‟adresse : http://www.theses.fr/2011PA040242

416

Maupassant, Guy de. Correspondance (Sélection): Nouvelle édition augmentée. Arvensaeditions, 2014. P 219

184

III.1.2 Rhétoricité de la folie chez Maupassant.

rapidement sa signification générique et poursuit : 'conte' et 'nouvelle' sont devenus deux termes interchangeables selon le bon plaisir de celui qui les utilise.417

Qu‟ils s‟agissent de contes ou de nouvelles, les récits courts assument une multiplicité thématique quasiment infinie : ce sont des genres polymorphes qui se prêtent à tous les avatars [...] Ils présentent une extraordinaire variété qui exclut toute conformité à un modèle précis. 418 Maupassant bien conscient des avantages à en tirer d‟une telle association générique, use des moyens de la brièveté pour explorer des thématiques, en coupant court à tout verbiage inutile. La mort, la cruauté, la souffrance, l‟érotisme, l‟échec, la tragédie, ou la farce se tissent et se dénouent dans le texte à grande vitesse, en reprenant la métaphore du critique Alain Buisine, qui ironise : Le conte de Maupassant, c‟est le TGV de la narrativité.419

Tout semble se déployer le temps d‟une crise.

Et c‟est précisément de crises, d‟angoisses ou de folies et de leur lien avec le choix du genre que l‟on s‟interroge ici. N‟y a-t-il pas de lien entre sa folie et ses nouvelles et contes dans leur formalité ? Le choix n‟aurait-il pas été déterminé par sa pensée elle aussi furtive et pressante ? Si l‟on s‟accorde sur le principe que l‟imagerie de la folie de Maupassant concorde avec celle de son imaginaire du fantastique alors il est bien plus qu‟évident Ŕ excusez cette lapalissade- que Maupassant a sciemment choisi le genre de la brièveté et de la clarté de l‟intrigue. N‟est-ce pas La littérature fantastique qui inaugure la période des formes brèves ? 420