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2.1.3.2 L’héritage flaubertien

Pour comprendre l‟impact du style flaubertien sur l‟écriture maupassienne, il faudrait davantage plonger dans cette relation ; maitre / disciple, et de la sonder dans ses entrains comme dans ses marasmes, afin de mieux la cerner et de l‟appréhender.

Si le maitre partageait avec son disciple des affinités presque paternelles, il n‟en était pas moins exigent avec lui et se montrait parfois intransigeant et intraitable sur des

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MURAT, Laure. La maison du docteur Blanche: histoire d’un asile et de ses pensionnaires, de Nerval

à Maupassant. Paris, France : Hachette littératures, 2002. p 420

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Ibid.

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GUINOT, Jean-Benoît. Dictionnaire Gustave Flaubert. Paris, France : CNRS éd., 2010. p 499

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Ibid.

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I.2.1 La question du mouvement : L’œuvre comme imitation de la réalité.

questions de l‟ordre et de la discipline, comme en témoigne cette correspondance dans laquelle, Flaubert n‟était point tendre à l‟égard de son disciple :

Enfin, mon cher ami, vous avez l’air bien embêté et votre ennui m’afflige, car vous pourriez employer plus agréablement votre temps. Il « faut », entendez-vous, jeune homme, il « faut » travailler plus que ça. J’arrive à vous soupçonner d’être légèrement caleux. Trop de p… ! trop de canotage ! trop d’exercice ! oui, monsieur le civilisé n’a pas tant besoin de locomotion que prétendent messieurs les médecins. Vous êtes né pour faire des vers, faites-en ! Tout le reste est vain. À commencer par vos plaisirs et votre santé ; f…-vous cela dans la boule. D’ailleurs, votre santé se trouvera bien de suivre votre vocation. Cette remarque est d’une philosophie ou plutôt d’une hygiène profonde.136

Maupassant suivit docilement les innombrables conseils littéraires, au point d‟assimiler les idées du maitre, ses méthodes d‟observation et de composition. Il avouera : il m’a donné des notions littéraires que je n’aurais pas acquises après quarante ans d’expériences.137

Et d‟écrire à sa mère cette phrase : je ne voudrais faire que des articles que j’oserais signer et je ne mettrai jamais mon nom au bas d’une page écrite en moins de deux heures. 138

Projeté dans l‟écriture prosaïque, après un échec retentissant et désastreux sur le plan de la poésie. C‟est Flaubert lui-même, qui aurait encouragé le jeune écrivain Maupassant à se reconvertir comme l‟affirme Dr. NastaranYasrebi-Nejâd de l‟université de Téhéran, spécialiste du réalisme Maupassien : Il [Flaubert] encouragea les premiers essais poétiques de Maupassant mais a vite compris que sa voie propre était la prose.139

C‟est donc à travers la prose que Maupassant exprime sa vision du monde. Par elle, il s‟exerce à l‟art de la description et consolide son esthétique réaliste. Une esthétique à laquelle renvoie cette transformation du poète en prosateur, et qui de la

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GUINOT, Jean-Benoît. Dictionnaire Gustave Flaubert. Paris, France : CNRS éd., 2010. p 466

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MAUPASSANT, Guy de. Études, chroniques et correspondance. Librairie de France, 1938. P 360

138

Ibid. 237

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I.2.1 La question du mouvement : L’œuvre comme imitation de la réalité.

poésie extrait le beau pour le transposer au vrai de la prose réaliste. Le maître Flaubert, en est donc pour beaucoup dans cette quête de soi. Il aurait permis, on l‟aurait compris, à son disciple de chercher son style et d‟affiner sa plume. Maupassant en est bien conscient, il exprime dans une dédicace, d‟une admiration et d‟un amour intarissable, sa reconnaissance envers son maitre dans son seul et unique recueil de poèmes :

À

Gustave Flaubert

À l’illustre et paternel ami que j’aime de toute ma tendresse À l’irréprochable maître

Que j’admire avant tous 140

A Cette admiration sans faille, la mort de Flaubert constitue une véritable perte pour notre écrivain. Une absence d‟un père spirituel qui l‟affectera et à laquelle il songera le restant de sa vie. Sa démarche, ses gestes, son intonation et son image ne quitteront plus sa tête et il en parlera à chaque occasion. Il exprime ici son désarroi à Madame Commanville :

…Je suis dans un état moral vraiment triste. Plus la mort du pauvre Flaubert s’éloigne, plus je me sens le cœur endolori et l’esprit isolé. Son image est sans cesse devant moi ; je le vois debout dans sa grande robe de chambre qui s’élargissait quand il levait les bras en parlant. Tous ses gestes me reviennent, toutes ses intonations me poursuivent, et des phrases qu’il avait coutume de dire sont dans mon oreille comme s’il les prononçait encore… Je sens en ce moment d’une façon aiguë l’inutilité de vivre, la stérilité de tout effort, la hideuse monotonie des événements et des choses, et cet isolement moral dans lequel nous vivons tous, mais dont je souffrais moins quand je pouvais causer avec lui ; car il avait, comme personne, ce sens des philosophies qui ouvre sur tout des horizons, vous tient l’esprit aux

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FÉCAMP et UNIVERSITÉ DE ROUEN. Flaubert - Le Poittevin - Maupassant: une affaire de famille

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I.2.2 La question du genre : Le fantastique chez Maupassant.

grandes hauteurs d’où l’on contemple l’humanité entière, d’où l’on comprend l’éternelle misère de tout…141

Si l‟influence d‟un Flaubert sur le style d‟un Maupassant est incontestablement grande, son influence sur son pessimisme, l‟est encore plus. Les caractéristiques de la prose de Maupassant, représente pleinement sa vision personnelle du monde, désabusée et pessimiste.142Insiste Adachi Kazuhiko. Flaubert aurait légué en outre, toute une passion à son disciple d‟une philosophie mélancolique représentée en la personne de Schopenhauer. Une façon de voir le monde que nous allons tenter, à travers les lignes qui suivent, de percer pour mieux approcher cet état d‟être qui, nous pensons, aurait trouvé écho avec sa maladie et joué un rôle important dans la reconversion de Maupassant à l‟écriture du fantastique.

I.2.2 La question du genre : Le fantastique chez Maupassant.

I.2.2.1 Cynisme et pessimisme.