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3.1.1.2 Le fol un insensé plein de sens

paradigme de la folie chez

II. 3.1.1.2 Le fol un insensé plein de sens

Si l‟écart de la norme a toujours accompagné l‟image du fou à travers l‟histoire humaine, celle de l‟individu bizarre, hors norme, qui n‟hésite pas à ridiculiser les travers de ses contemporains, a spécialement caractérisé la fin de l‟époque classique. En continuité de cet esprit, le fou du XIXème revêt le caractère du « poète ».

Nombre d‟écrivains romantiques, refusant de cantonner l‟esprit à la raison positive, proposent l’ouverture à un monde de correspondance dans lequel le rêve et le

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MAUPASSANT, Guy de. L’homme de Mars. phonereader, [sans date]. p 4

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BARBÉRIS, Pierre. Le Prince et le marchand: idéologiques : la littérature, l’histoire. Paris, France : Fayard, 1980. p 299

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II.3.1 La folie comme refus de la positivité.

délire viennent brouiller les frontières du réel. 341Le poète fou se doit dans cette logique de pousser sa conscience aux limites. Toute une génération d‟écrivains européens valsera dans ce monde de l‟irréel où imaginaire rimera avec ambigüité.

Guy de Maupassant est un de ces auteurs-là de la deuxième moitié du XIXème qui à travers la littérature fantastique, feront basculer le mythe du poète au sceptique. Ainsi, de la folie de ses personnages, il en fera le seule échappatoire devant un univers au bord du désastre. Les découvertes scientifiques, l‟ébranlement des certitudes anciennes placent ses antihéros au cœur de l‟équivocité du modernisme. En expérimentateurs de l‟inconnu, ils représentent, à diverse titres, l’image particulièrement originale d’une forme de sagesse qui paradoxalement, s’oppose aux lois de la raison. 342

Cette opposition aux lois de la raison, se confirme dans cette transgression des normes établies comme des postulats. Le fou de Maupassant présenté comme étant sensé mais insensé aux regards des autres, refuse l‟ordre de la nature. Il remet en question l‟enseignement de la science perçue comme orthodoxe, et conteste vivement les frontières des connaissances attestées.

Encore une fois dans sa nouvelle L’homme de mars, Maupassant récuse cette idée selon laquelle le monde progresse à grande vitesse sous l‟impulsion des sciences positivistes, de la mécanisation et du progrès social. Bien au contraire, il s‟obstine à ne reconnaitre là qu‟un échec cuisant qui démontrerait, à l‟inverse, notre velléité et notre manque d‟intelligence :

Voyez donc, Monsieur, comme tout le monde est sot, étroit et persuadé de la puissance de notre intelligence, qui dépasse à peine l'instinct des animaux. Nous n'avons même pas la faculté de percevoir notre infirmité, nous sommes faits pour savoir le prix du beurre et du blé, et, au plus, pour discuter sur la valeur de deux chevaux, de deux bateaux, de deux ministres ou de deux artistes. C'est tout. Nous sommes aptes tout juste à cultiver la

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ARON, Paul, SAINT-JACQUES, Denis et VIALA, Alain (éd.). Le dictionnaire du littéraire. Paris, France : Presses universitaires de France, DL 2010, 2010 / Fou

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PONNAU, Gwenhaël. La folie dans la littérature fantastique. Paris, France : Centre national de la recherche scientifique, 1987. p 116

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terre et à nous servir maladroitement de ce qui est dessus. A peine commençons-nous à construire des machines qui marchent, nous nous étonnons comme des enfants à chaque découverte que nous aurions dû faire depuis des siècles, si nous avions été des êtres supérieurs. Nous sommes encore entourés d'inconnu, même en ce moment où il a fallu des milliers d'années de vie intelligente pour soupçonner l'électricité. Sommes-nous du même avis ?343

II.3.1.2 Les figures sociales de la folie : Entre science et dogme II.3.1.2.1 Un lieu commun entre inclusion et exclusion

La problématique de la représentativité de la figure sociale du Fou, en dehors et à l‟intérieur de l‟imaginaire littéraire, demeure particulièrement flexible. Et si le modernisme enchaine toute une socialisation de la stature du fou, en lui accordant une place privilégiée celle du « Patient » (grâce au progrès des sciences médicales, triomphant du fait sur le dogme et l‟ordre ancien), cette supposé ouverture n‟échappe pas elle non plus à la catégorisation sociale.

Bien pire, la marginalité de l‟aliéné s‟opère à présent au nom de la science. Le fou doit désormais être soumis à la raison pure ; celle qui l‟encloisonne derrière des murs, dans des asiles censés à la fois le guérir et l‟isoler du reste de la société. Une société qui se doit, elle aussi, de l‟accepter et de l‟exclure. Entre ces doubles communs des inclusions et des exclusions, le fou est forcé à trouver sa place. Il compose avec cette situation dont il n‟en a nulle maitrise. Il s‟enveloppe du génie pour donner sens à ses idées qui dépassent l‟entendement de la foule.

C‟est plus précisément le cas des fous littéraires. Englobant communément auteurs et personnages, les fous littéraires sont les otages de cette situation de l‟ostracisme et de l‟assimilation. En se protégeant derrière la singularité du don artistique et du génie 344(auteurs) et de l‟acuité sensorielle et du doute (personnages), ils renvoient une réponse particulière aux efforts de catégorisation sociale des fous qui,

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MAUPASSANT, Guy de. L’homme de Mars. phonereader, [sans date]. p 6

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PONNAU, Gwenhaël. La folie dans la littérature fantastique. Paris, France : Centre national de la recherche scientifique, 1987. p 116

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II.3.1 La folie comme refus de la positivité.

impose à la fois l‟idéologie galopante du progrès et la norme et les vestiges de l‟ancien ordre des dogmes et des croyances.