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La nouvelle moralité contractuelle : le retraçage des frontières de la liberté

L’inadéquation du contrat comme pur accord de volonté. Dans le Code civil du Bas Canada, le contrat était décrit par référence à l’accord de volonté. La même définition volontariste a été reprise lors de la réforme du Code civil du Québec en 1994. L’alinéa 1er de l’article 1378 C.c.Q. le

définit comme « un accord de volonté, par lequel une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à exécuter une prestation ». Pourtant, la question de l’adéquation d’une telle définition aux rapports contractuels déséquilibrés et inégalitaires demeure entière. Il ne fait pas de doute que lorsqu’une personne s’est engagée contractuellement, elle doit respecter les termes de la convention qui en résulte, et ce, dans la mesure où le contrat reflète ce que les deux parties ont voulu. Les problèmes surgissent en matière de contrat d’adhésion et, plus largement en ce qui concerne les rapports contractuels mettant aux prises des contractants en situation de déséquilibre. Il est marquant de constater que cette définition volontariste du contrat ne tient pas compte de la nécessité de l’adapter à une société dans laquelle les réalités économiques et sociales sont de plus en plus complexes et rapides230. Une complexité qui a fait apparaitre encore

plus nettement les contractants ne pouvant pas négocier le contenu de leur contrat. De plus, la vulnérabilité du contractant résulte à la fois des caractéristiques qui lui sont propres et de celles qui découlent de la relation contractuelle231. La problématique de la protection du contractant

230 Le droit est appelé à composer avec la complexité de la réalité qui présente une multitude de composantes et de

facettes dont il n’est pas toujours évident de rendre compte. Pour une analyse complète, voir Droit et complexité. Pour une nouvelle intelligence du droit vivant, Mathieu Doat, Jacques Le Goff et Philippe Pédrot (dir.), Presses Universitaires de Rennes, 2007.

231 Voir le résumé de Marcel FONTAINE, « Rapport de synthèse », dans Jacques Ghestin et Marcel Fontaine (dir.), La

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vulnérable conduit rapidement à la remise en cause des principes volontaristes sur lesquels repose toujours la définition du contrat232.

La nécessité d’une réponse volontariste à la vulnérabilité du contractant. Aborder la question de la vulnérabilité du contractant renvoie à la problématique des rapports entre l’approche volontariste du contrat et le développement des contrats d’adhésion, des contrats non négociés, et des contrats types. Reprendre une telle étude peut donner l’impression de redites et de répétitions, car depuis la fin du 20e siècle, tout a semble-t-il été dit concernant l’inadéquation du

volontarisme contractuel face aux nouveaux défis posés par les rapports contractuels déséquilibrés233. Pourtant, lorsque ces questions sont traitées, il y a une tendance à réduire

l’individualisme juridique à partir duquel le Code civil a été interprété234 aux maximes « laissez

faire, laissez passer » de la doctrine libérale235. Ces boutades se traduisent elles-mêmes par une

approche rigide des principes de la liberté contractuelle, de la force obligatoire du contrat et du respect de la parole donnée. Cette conception a donné lieu à de nombreuses iniquités à l’égard notamment du contractant vulnérable qui pouvait se voir imposer toutes sortes de clauses excessives et exorbitantes sans que les juges n’estiment nécessaire d’intervenir236. Les tribunaux

étaient alors dépourvus de moyens juridiques favorisant une action protectrice appropriée. Ils n’étaient pas capables d’apporter des solutions adéquates liées aux inégalités de force et au déséquilibre entre les parties, notamment lors de la négociation du contrat237. Une approche du

232 Voir la remarque d’André BÉLANGER et Ghislain TABI TABI, « Vers un repli du volontarisme : L’exemple du contrat

de cautionnement », (2006) 47 C. de D. 431; Maurice TANCELIN, Les obligations en droit mixte du Québec, supra, note 79, n°61, p 59 et s.

233 Sans prétendre à l’exhaustivité, voir Marie Annick GRÉGOIRE, Liberté, responsabilité et utilité : la bonne foi comme

instrument de justice, supra, note 49; Pascal LOKIEC, Contrat et pouvoir. Essai sur les transformations du droit privé des rapports contractuels, supra, note 5; Francis LIMBACH, Le consentement contractuel à l’épreuve des conditions générales. De l’utilité du concept de déclaration de la volonté, Paris, LGDJ, 2004; Christophe BOURRIER, La faiblesse d’une partie au contrat, supra, note 10; Stéphane DARMAISIN, Le contrat moral, supra, note 48; Olivier LITTY, Inégalité des parties et durée du contrat. Étude de quatre contrats d’adhésion usuels, supra, note 2; Laurence FIN-LANGER, L'équilibre contractuel, supra, note 45.

234 Voir Claude MASSE, « Fondement historique de l'évolution du droit de la consommation », dans Pierre Claude

LAFOND (dir). Mélanges Claude Masse. En quête de justice et d’équité, supra, note 79, p.67; Maurice TANCELIN, Les obligations en droit mixte du Québec, supra, note 34, p. 59.

235 Voir Louise ROLLAND, « Les figures contemporaines du contrat », supra, note 69, 910.

236 Voir en ce sens quelques décisions de l’approche restrictive des pouvoirs reconnus au juge spécialement en matière

de prêt d’argent : B.P. Canada Lté c. Traders Finance Corp., [1970] C.A. 653; Simard c. Royer, [1975] C.S. 124; Construction St-Hilaire Ltd. c. Immeubles Fournier Inc., [1972] C.A. 35 inf. pour d’autres motifs par [1975] 2 R.C.S. 2; Banque Nationale c. Brousseau, (1932) 70. C.S. 167; Boutin c. Corporation de finance Belvédère, [1970] C.A. 389; Beneficial Finance c. Morasse Corporation de finance, [1972] C.A. 846.

237 Voir H. Cardinal Construction inc. c. Dollard-Des-Ormeaux (Ville de), J.E. 87-970 (C.A.); Montréal(Communauté

urbaine de) c. Ciment indépendant inc., J.E 88-1127 (C.A.); Construction C-2000 Ltée c. Québec (Procureur général), [1995] R.L. 185 (C.S.).

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contrat qui a pourtant connu quelques transformations avec l’adoption de nombreuses mesures proprement volontaristes, visant à protéger le contractant vulnérable, au nom d’une plus grande justice contractuelle238. L’importance de la liberté contractuelle a été réduite par d’autres

impératifs239, ceux-ci ayant une connotation fortement morale240. Il convient de préciser que la

relation entre le volontarisme et les idéaux libéraux n’a rien de nécessaire.

La fausse corrélation entre volontarisme contractuel et idéaux libéraux et individualistes. Le lien a souvent établi entre le volontarisme contractuel et les contrats déséquilibrés. En effet, en occultant les seconds, la définition volontariste du contrat aura joué un rôle non négligeable dans le développement de l’économie capitaliste. Toute chose qui ne met pourtant pas suffisamment en exergue les apports du volontarisme. Il importe pourtant de faire ressortir de manière positive ce que le volontarisme contractuel aura été ou est en matière contractuelle dans un contexte dominé par les relations déséquilibrées241. Les contrats d’adhésion se déploient dans un contexte

économique dominé par les idées libérales et individualistes ayant fortement influencé le droit des contrats242. L’individualisme juridique se traduit en matière contractuelle par l’opposition

d’intérêts entre les contractants et l’obligation de chacun de préserver les siens. Cette influence des doctrines libérales sur le droit des contrats est davantage liée à l’utilisation du contrat d’adhésion, des contrats types ou des contrats non négociés par le système économique industriel et capitaliste qu’à ce qu’aurait été véritablement et positivement le volontarisme. Il faudrait plutôt voir le lien entre les deux courants, davantage un rapport d’association que de corrélation : les contrats d’adhésion ayant servi à titre de technique économique dans un contexte dominé par l’individualisme libéral. Le contrat d’adhésion a joué comme instrument ayant rendu possible, du moins facilité l’expansion d’un type d’économie. Ce rapprochement n’a en conséquence rien d’indispensable, ni même de nécessaire. Il n’y a pas lieu de poser d’emblée comme postulat que le volontarisme contractuel constitue une approche du contrat qui implique nécessairement

238 Voir Maurice TANCELIN, « La justice contractuelle : expérience et perspectives au Québec », (1978) 30 R.I.D. comp.

1009; Louise ROLLAND, « Les figures contemporaines du contrat et le Code civil du Québec », supra, note 69, 903.

239 Voir Gérald GOLDSTEIN et Najla MESTIRI, « La liberté contractuelle et ses limites – Études à la lueur du droit

québécois », dans Benoît Moore (dir.), Mélanges Jean Pineau, supra, note 118, p. 210.

240 Voir Jean-Louis BAUDOUIN, « Justice et équilibre. La nouvelle moralité contractuelle en droit civil québécois », dans

Gilles Goubeau et Jacques Ghestin (dir), Études offertes à Jacques Ghestin. Le contrat au XXe siècle, Paris, LGDJ, 2001, p. 29.

241 Id.

242 Voir Jean-François NIORT, « Le Code civil dans la mêlée politique et sociale. Regards sur deux siècles de lecture d’un

symbole national », (2005) RTDciv. 273 et s; Alfons BÜRGE, « Le Code civil et son évolution vers un droit imprégné d’individualisme libéral », supra, note 212.

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l’opposition d’intérêts entre les contractants. Une telle orientation découle en réalité de l’influence qu’a eue sur lui la philosophie individualiste libérale. La précision est importante, car elle signifie que si le volontarisme s’était développé dans un contexte dominé par un autre courant de pensée, il en résulterait une tout autre approche de la relation entre les parties. Dans le même sillage, il faut mentionner que le dogme de l’autonomie de la volonté est une construction a posteriori.

Le dogme de l’autonomie de la volonté, une construction a posteriori. Faut-il rappeler que c’est en vue de critiquer la théorie de l’autonomie de la volonté et l’individualisme juridique qui la sous- tend qu’Emmanuel Gounot l’a du même coup construit243? Comme le note une auteure,

« l’absolutisme des principes de l’autonomie de la volonté et de la doctrine économique et libérale a été battu en brèche tout au long du XXe siècle. Curieusement, c’est à travers leur critique que ces principes furent expressément interpelés au regard de la théorie des contrats »244.

Comme le rappelle Véronique Ranouil, l’individualisme juridique « fait de l’individu, considéré comme une volonté libre, abstraite du milieu social, l’unique objet, l’unique fondement et l’unique fin de droit. Il est donc une philosophie de l’homme, une théorie du fondement du droit, et une théorie du but du droit »245. L’objectif du droit étant alors d’assurer en fin de compte

l’autonomie de la volonté qui n’est elle-même que le pouvoir de la volonté d’être un organe créateur et producteur de droit246. S’il n’y a pas lieu d’accepter sans recul l’approche volontariste

du contrat face au développement des contrats d’adhésion, il ne faudrait pas pour autant accepter les critiques portées contre celles-ci sans faire preuve d’esprit critique. En fait, il y a une manière de rendre compte de la vulnérabilité du contractant et du désir de protection relevant bien de l'individualisme contractuel. Dire qu'il est inadéquat, compte tenu de l’existence des contrats d’adhésion, et se contenter de le critiquer ne suffisent pas. Il faut encore ressortir la positivité et la logique du volontarisme contractuel en ce qui concerne la partie faible même si c'est pour conclure qu’elles sont insuffisantes, inadaptées, non pertinentes, inefficaces, bref,

243 Voir Véronique RANOUIL, L’autonomie de la volonté : Naissance et évolution d'un concept, Paris, PUF, 1980, p. 95.

L’auteure montre que Fouillée, sociologue et philosophe, a conceptualisé la doctrine individualiste à la fin du 19e siècle

et comment ses travaux ont eu un grande influence sur les juristes (spéc. p. 89-90). Si la critique atteint son apogée avec Gounot, ce dernier a été précédé de Beudant et Geny qui font déjà référence à l’autonomie de l’être humain ou de la volonté (spéc. p. 91-92).

244 Voir Louise ROLLAND, «Les figures contemporaines du contrat», supra, note 69, p. 911. 245 Voir L’autonomie de la volonté. Naissance et évolution d’un concept, supra, note 243, p. 139.

246 Emmanuel GOUNOT, Le principe de l’autonomie de la volonté en droit privé : contribution à l’étude critique de

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limitées dans un contexte de déséquilibre contractuel. Pour ce faire, il ne faudrait pas pour autant conclure à un volontarisme tempéré, car il n’en est rien, le courant étant toujours aussi dominant.

Le caractère illusoire d’un volontarisme contractuel « tempéré ». Face aux nombreuses critiques dont le volontarisme contractuel fait l’objet depuis le début du XXe siècle, il en résulte, en ce qui

concerne la protection du contractant vulnérable, une double lecture des transformations opérées au sein de l’approche individualiste du contrat. L’une d’elles consiste à mettre l’accent sur les mesures de correction qui ont été mises en place afin d’en adoucir la dureté et la sècheresse, permettant ainsi à ladite théorie de mieux intégrer les situations jusqu’alors insaisissables sous la théorie autonomiste du contrat. Cela expliquerait aisément le développement d’un ensemble de règles donnant lieu ce que d’aucuns qualifient de « volontarisme tempéré »247. On pourrait effectivement s’en tenir à un pareil constat, mais ce

serait alors ignorer la dynamique profonde du volontarisme et ses variations internes. Lorsqu’on prétend que le volontarisme s’est quelque peu tempéré en vue d'une meilleure justice contractuelle, cela apparait comme une excuse, un expédient, comme s'il n'existait pas d'autre façon de caractériser les mutations qui y ont été opérées face au déséquilibre contractuel; ce serait comme si le volontarisme confronté à ses propres effets pervers, menacé dans sa logique propre, avait changé peu ou prou de nature, s'était amendé au point de se contredire; on serait tenté de penser que quelque chose a été ajoutée au volontarisme remettant en cause son fonctionnement interne afin de tenir compte du contractant vulnérable; et que cela, bien qu'insuffisant, était nécessaire pour assurer sa survie, sa crédibilité et le maintenir à flot! Une telle explication ne saurait tenir, du moins, si l’on considère que cette doctrine reste et demeure encore dominante aujourd’hui en matière contractuelle, et ce, depuis plus d’un siècle, malgré les critiques sévères et récurrentes des Gounot et autres248. Cette posture un peu rapide d’un

volontarisme tempéré n'est ni satisfaisante ni convaincante principalement parce qu’elle part de

247 Voir Jean-Pascal CHAZAL, « La justice contractuelle », supra, note 33, p. 774-775. L’auteur explique que, face aux

critiques dont la perception volontariste traditionnelle a fait l’objet, un ensemble de règles a été mis en place en vue de corriger les effets délétères d’une conception trop rigide de la justice contractuelle sous l’angle autonomiste, ce qu’il qualifie de « volontarisme tempéré ».

248 Voir la remarque de Maurice TANCELIN, Les obligations en droit mixte du Québec, supra, note 79, p. 60. L’auteur

affirme, à propos de l’autonomie de la volonté, que : « si le droit est la science des rapports de l’homme vivant en société, l’individualisme conçu comme un égoïsme sacré n’est certainement pas une façon efficace de protéger l’individu contre ses semblables. Cette conception Robinsoniste, selon l’expression de Gounot, est cependant encore dominante chez les juristes contemporains » (n°61, p. 60); Claude MASSE « Fondement historique du droit québécois de la consommation », dans Claude Lafond (dir.), Mélanges Claude Masse. En quête de justice et d’équité, supra, note 34, p. 37.

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l'idée, somme toute discutable, de l’existence d’une contradiction dans les termes entre le volontarisme individualiste et la protection du contractant vulnérable. Il n’en est rien!

La pertinence d’un volontarisme contractuel remanié. Une deuxième lecture consiste à envisager le volontarisme contractuel dans toute sa densité, en tenant compte des déplacements et des bouleversements éventuels survenus au sein même de la théorie. Il nous semble que ce second décryptage rend mieux compte des évolutions de cette doctrine, en vue d’y intégrer l’idée de justice contractuelle. En fait, le volontarisme étant dominant, il n'est en lui-même ni tempéré, ni modéré, ni adouci. C'est encore à travers ses différents principes fondamentaux que la protection du contractant vulnérable est ou peut être envisagée, et sous ce prisme-là seulement, même si cela implique des exceptions, des interprétations larges ou restreintes des principes et mécanismes juridiques de protection du contractant vulnérable. Ce n'est donc pas que le volontarisme nie ladite protection. Il ne se corrige pas non plus pour le faire. En fait, lorsqu'on envisage la protection du contractant à travers le volontarisme, on procède nécessairement, car cela ne peut être autrement, à partir des catégories et des logiques qui lui sont propres. Cette protection prend alors des formes qui relèvent du volontarisme. C’est par exemple la raison pour laquelle la bonne foi a beau jeu d’être présentée comme le principal instrument de protection de la partie faible249, il s’agit aussi du principal visage contemporain à travers lequel le volontarisme

individualiste se donne aujourd’hui à voir250. Il est important de comprendre que l'identité des

moyens juridiques de protection ne doit pas voiler l'objectif et le fonctionnement profond des instruments de protection qui ne sont que la manière d’en rendre compte251. La justice

contractuelle, dans le sens où l’entend l’approche volontariste et individualiste du contrat, ne se traduit pas tant par une correction de lui-même que par un réexamen de ses principes et règles à

249 Voir Marie Annick GRÉGOIRE, Liberté, responsabilité et utilité : la bonne foi comme instrument de justice, supra, note

49; Le rôle de la bonne foi dans la formation et l’élaboration du contrat, supra, note 49; « Les sanctions de l’obligation de bonne foi lors de la formation et de l’élaboration du contrat », supra, note 194, 173-230; Brigitte LEFÈVBRE, La bonne foi dans la formation du contrat, supra, note 49; Pierre Paul CÔTÉ et Charles André DUBREUIL (dir.), La morale et le droit des affaires–Journées Maximilien-Caron 1993, Montréal, Éditions Thémis, 1994; Louise ROLLAND, « Les figures contemporaines du contrat et le Code civil du Québec », supra, note 69; Jean-Louis BAUDOUIN, « Justice et équilibre. La nouvelle moralité contractuelle en droit civil québécois », dans Gilles Goubeau et Jacques Ghestin (dir.), Études offertes à Jacques Ghestin. Le contrat au début XXI e siècle, Paris, LGDJ, 2001, p. 29; Georges RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, supra, note 221.

250 Il ne s’agit évidemment pas de la position de la majorité des auteurs au sein de la doctrine québécoise du droit des

contrats.

251 Voir Marcel FONTAINE, « Rapport de synthèse », dans Jacques Ghestin et Marcel Fontaine (dir.), La protection de la

partie faible dans les rapports contractuels. Comparaisons Franco-Belge, supra, note 9. L’auteur mentionne la diversité de moyens et des objectifs de protection de la partie faible (p. 623-640).

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l’aune du besoin de protection de la partie vulnérable. En effet, il n’est pas suffisant de dire que le volontarisme a simplement subi des corrections; il faut encore analyser d’un point de vue critique et positif les réponses apportées aux contrats déséquilibrés au sein de cette théorie. On peut tirer de l’approche volontariste de la vulnérabilité du contractant, de nombreux principes et règles protecteurs qui visent principalement le comportement et la conduite du contractant. La question est alors de savoir quel est le type de stratégie mise en œuvre au sein du volontarisme contractuel afin de prendre en compte la vulnérabilité du contractant. Quelle approche de la justice contractuelle en résulte-t-il? La question mérite au moins d’être posée et analysée autrement que par la critique négative du volontarisme contractuel. En fait, l’individualisme contractuel a été abondamment traité pour son incapacité à prendre réellement en compte la faiblesse du contractant252. Pareillement, de nombreuses études portent directement ou

indirectement sur la situation de la partie vulnérable qui a été scrutée sous diverses facettes. Paradoxalement, la question de l’approche volontariste de ladite protection, donc de la justice contractuelle, dans sa logique profonde et sa positivité, a été, à notre connaissance, peu analysée en tant que telle253. Ce qui parait pour le moins surprenant puisqu’après deux siècles de diatribes

constantes à l’encontre de l’individualisme contractuel et du dogme de l’autonomie de la volonté, ceux-ci restent et demeurent les références du droit des contrats et de la théorie générale. Ce succès ne s’explique-t-il pas également parce que le volontarisme a su accommoder ses principes à cette nouvelle exigence?

La reconnaissance de la vulnérabilité des parties dans une approche renouvelée du volontariste contractuel. La doctrine est unanime quant à la nécessité de protéger le contractant vulnérable. La question est cependant de savoir si la protection de la partie vulnérable doit, dans une perspective volontariste, faire naitre des droits. Quel régime juridique doit être mis en œuvre afin