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Une fonction protectrice circonscrite dans les carcans de la notion de vice de consentement. II n’existe ni conflit ni contradiction entre le principe de la liberté contractuelle et le consentement. La première n’existe que dans la mesure où aucun vice n’entrave l’existence et l’exercice du second. Le vice du consentement est le contraire même d’un engagement volontaire libre. Il n’y a pas d’incohérence à affirmer que la théorie des vices de consentement obéit à l’impératif de sécurité juridique et de stabilité contractuelle. D’ailleurs, l’anéantissement du contrat en cours de formation ou du contrat mal formé peut être pleinement justifié à cet égard308. Il y a une symbiose

entre le volontarisme imprégné par les préceptes libéraux et le consensualisme renouvelé qui en résulte. Toutefois, au sein même d’une approche volontariste, l’extension de la théorie des vices de consentement ne doit pas être entendue de manière illimitée, puisqu’« admettre cette règle trop largement équivaudrait toutefois à instaurer une grande fragilité du lien d’obligation et à nuire ainsi à la stabilité nécessaire de l’acte contractuel »309. Que la protection du contractant

faible soit envisagée dans le cadre de la théorie traditionnelle des vices de consentement, ou qu’elle le soit dans la perspective des « vices innommés », il n’empêche que ces outils juridiques paraissent si non obsolètes, du moins insuffisants. Plusieurs arguments sont avancés au soutien de l’idée que la théorie des vices de consentement, même élargie, ne permet pas d’assurer totalement et efficacement la protection du contractant en situation de faiblesse. D’une part, les notions d’erreur, de dol et de crainte ne peuvent pas couvrir toute la densité des inégalités contractuelles, car elles supposent qu’un vice soit caractérisé. Or, dès lors que la protection du contractant vulnérable est envisagée en dehors de l’existence de tout vice, cette théorie perd toute pertinence. D’autre part, les sanctions ne semblent pas toujours appropriées aux objectifs de protection poursuivis. En ce qui concerne les sanctions, l’erreur simple donne ouverture à une

307 Voir Marie Annick GRÉGOIRE, Le rôle de la bonne foi dans la formation et l’élaboration du contrat, supra, note 49, p.

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308 Voir l’étude de Jean-Michel Do CARMO SILVA, La stabilité de l’entité contractuelle, supra, note 297, 83-85. 309 Voir Jean-Louis BAUDOUIN, Pierre- Gabriel JOBIN et Nathalie VÉZINA, Les obligations, supra, note 34, n°203, p. 319.

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action en nullité. Selon l’article 1407 C.c.Q., elle ne peut donner droit à une réduction de l’obligation. Seuls le dol et la crainte peuvent autant fonder la nullité du contrat que la réduction d’obligations ou l’octroi des dommages-intérêts310. Ajoutons qu’il est erroné de croire que le

maintien du contrat est toujours en opposition avec l’idée de stabilité contractuelle311. Il peut être

à la fois dans l’intérêt de la victime du vice que le contrat soit maintenu et qu’une telle hypothèse assure la sécurité des transactions. Il n’empêche que l’efficacité de la notion même de vice est aujourd’hui de plus en plus remise en question.

Le vice de consentement, notion obsolète? Pour Michelle Cumyn, c’est le sort même de la théorie des vices de consentement qui est à revoir. Elle soutient que « le vice du consentement nous apparait donc comme une notion fausse, qui ne correspond pas ou que très peu au contenu des termes qu’elle regroupe. Le vice de consentement est une fiction qui conduit à bien des maladresses, voire des contresens, dans le texte même de notre code »312. Davantage que le

terme ou l’expression, c’est l’opportunité de recourir à son élargissement afin de protéger le contractant qu’il faudrait finalement repenser. En fait, la théorie des vices du consentement continue d’être enseignée comme étant le principal outil de protection du contractant vulnérable à la phase de conclusion du contrat. Un choix qui étonne à juste titre lorsqu’on sait comment se forment les contrats d’adhésion et les contrats non négociés. Dans un contexte où l’un des contractants se contente d’adhérer en bloc, il n’est pas certain qu’une réelle protection de celui- ci passe par la recherche d’un vice. Force est de constater « à quel point la survivance du consentement réduit à la formalité d’une signature est dangereuse, car la protection de la volonté par la théorie des vices du Code civil ne correspond plus à la réalité concrète de l’opération

310 Voir pour le dol, Kingsway Financial Services Inc. c. 118997 Canada inc., J.E. 2000-225 (C.A.); Pinkus Construction Inc.

c. McRobert, [1968] B.R. 516; Placements Jean-Claude Gagnon Inc. c. Bégin, [1990] R.J.Q. 484 conf. J.E.-93-1723 (C.A.). Signalons que s’ajoute aujourd’hui aux vices de consentement traditionnel, la prise en compte du dol incident qui ne vise pas seulement ce qui aurait déterminé la victime à contracter, mais à le faire dans des conditions qui s’avèrent par la suite trop onéreuse. À la différence du dol principal, le dol incident ne donnera droit qu’à des dommages-intérêts. Les vices de consentement ont également été élargis avec la notion de crainte ou de violence économique qui renvoie à des situations dans lesquelles la partie vulnérable a contracté sous l’emprise de menaces ou de représailles économiques de la part de son partenaire plus puissant. Ce dernier ne pouvait, dans de telles circonstances, exprimer une volonté réelle.

311 Voir l’étude de Jean-Michel Do CARMO SILVA, La stabilité de l’entité contractuelle, supra, note 297, 91-92. 312 Voir « La formation du contrat sous l’éclairage du droit comparé : vers une remise en question de la notion de « vice

du consentement », dans La pertinence renouvelée du droit des obligations : Back to Basics/The Continued Relevance of the Law of Obligations : retour aux sources, (Conférence Meredith Lectures - 1998-1999), Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2000, p. 325.

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marchande qu’est devenu ce contrat »313. D’une manière générale, le recours à la théorie des

vices de consentement, malgré quelques retouches, a pour objectif principal d’assurer la sécurité du commerce et la stabilité des transactions. Assimiler l’acte d’adhésion à un consentement est plutôt commode dans un tel contexte. Bien que revisitée, c’est le principe même de cette théorie qui semble, dans une large mesure, inadapté. De ce point de vue, le bilan des changements opérés au sein de cette théorie est plutôt mince314. Comme le note Maurice Tancelin, « la Refonte de

1991 procède à des rectifications de frontières très limitées plutôt qu’à une réforme proprement dite de cette partie du droit, en dépit de son vieillissement extrême, par rapport à la révolution des communications, qui a bouleversé l’ordre contractuel. Songeons seulement au phénomène de la sollicitation par centrale d’appels automatisée »315. Il n’empêche que cette réforme s’est

orientée vers une perspective individuelle. C’est dans ce sens qu’il note également ce qui suit :

Les remèdes aux vices du consentement sont restés ce qu’ils étaient lors de leur conception, dans l’antiquité romaine. Ce sont des sanctions individuelles, au cas par cas, dans un marché de produits et de services en série. Au point de vue juridique, rien ne correspond au niveau des techniques aux innovations majeures des contrats d’adhésion et de consommation. Rien de nouveau ne répond aux conséquences de la production de masse et aux besoins de la consommation, attisés par la publicité commerciale. Le droit commun des obligations est obstinément immuable à travers les révolutions industrielles successives316.

C’est dire qu’investir la théorie des vices de consentement pour assurer la protection du contractant est faire preuve d’immobilisme. Le contrôle par le juge de l’équilibre du contrat ne peut être soumis à la condition de l’existence d’un vice dans la mesure où il est parfaitement possible d’envisager l'inégalité ou le déséquilibre en dehors de tout vice de consentement, fut-il nommé ou innommé. Ce n’est pas au sein de cette théorie, même élargie, qu’il faut chercher, lors de la conclusion du contrat, le remède approprié aux défis posés par l’inégalité des parties propre aux rapports de consommation ou d’adhésion contemporains. Preuve supplémentaire que la vision volontariste du contrat ne répond pas adéquatement aux défis posés par la protection de la partie vulnérable. Un constat qui ressort également de la non prise en compte de l’erreur inexcusable.

313 Voir Maurice TANCELIN, Les obligations en droit mixte du Québec, supra, note 79, n°134, p. 112.

314 Exclusion faite ici de l’obligation de renseignement que nous verrons dans nos développements ultérieurs. 315 Voir Maurice TANCELIN, Les obligations en droit mixte du Québec, supra, note 79, n°171.1, p. 135. 316 Id.

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L’orientation individualiste de la théorie des vices du consentement : le rejet de l’erreur inexcusable. Le principe de la bonne foi est le fondement de la protection juridique du contractant faible. Il peut, par opposition, justifier le refus de ladite protection. En effet, celui qui prétend être protégé doit lui-même avoir agi de bonne foi. Ce qui, dans une perspective volontariste et individualiste, se comprend fort bien, car le contractant demeure responsable de ses propres actes. S’il s’estime être victime, il doit avoir lui-même agi suivant les standards de la diligence et de la prudence, notamment en matière de bonne foi. La conduite de la partie vulnérable peut exclure la protection à laquelle il aurait pu prétendre et limiter par le fait même les obligations de son partenaire à son égard. Il devra alors supporter les conséquences de son comportement imprudent et négligent et ne saurait en faire souffrir le cocontractant317. Même en présence de

forces inégales, il importe que les contractants adoptent une conduite responsable. Le régime de l’erreur inexcusable illustre parfaitement cette position individualiste du législateur, le comportement du contractant, quoique vulnérable, limite la protection à laquelle il aurait pu s’attendre. En fait, cette notion est en rupture avec le droit québécois des contrats sous le C.c.B.C. Avec l’exclusion de l’erreur inexcusable, le législateur de 1994 a orienté le droit des contrats vers la responsabilisation croissante des parties et l’individualisation accrue de la protection. L’erreur inexcusable se définit comme « une erreur qui, bien qu’intrinsèquement importante et déterminante du consentement, ne donne pas ouverture à l’annulation du contrat dans la mesure où la victime aurait pu aisément l’éviter en prenant un minimum de précautions qu’elle n’a pas prises »318. Elle « est, en quelque sorte, une "faute" grossière, tellement énorme qu’il serait

anormal que le cocontractant de bonne foi doive supporter la nullité qui en résulterait logiquement »319. Avant l’entrée en vigueur du Code civil du Québec, la jurisprudence considérait

l’erreur inexcusable comme un vice de consentement. Toutefois, le tribunal pouvait octroyer des dommages-intérêts au contractant qui en avait souffert320. En cas d’erreur, même inexcusable, le

contrat était alors considéré comme ayant été mal formé et pouvait à ce titre être annulé. La nouvelle position du droit de l’erreur inexcusable marque une avancée de la stabilité contractuelle et la sécurité des transactions sur la nécessité de protéger la victime. Le législateur refuse de

317 Voir une partie qui plaide l’erreur après une entente suite à une procédure contre elle, Dunn c. Williams, 2010 QCCA

2168 (CanLII), paragr. 27.

318 Voir Didier LLUELLES et Benoit MOORE, Droit des obligations, supra, note 158, n°540, p. 267. 319 Ibid., n°541, p. 268.

320 Voir North Montreal Land Centre Ltd. c. La prévoyance, (1924) 30 R.L. (n.s.) 256; Rawleigh Co. c. Dumoulin, [1926]

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protéger celui qui, par son insouciance, son imprévoyance ou sa négligence grossière ne peut requérir la protection du droit321. Même les contrats formés par simple adhésion n’y échappent

pas. Comme le mentionnent les professeurs Didier Lluelles et Benoît Moore, « le législateur vise à encourager les contractants à adopter une attitude proactive et responsable, y compris celui qui adhère à un contrat non négociable quant à ces stipulations essentielles, à ne pas pénaliser un contractant de bonne foi »322. La position individualiste du Code est claire à cet égard puisqu’« on

retrouve dans cette nouvelle règle le souci de la stabilité des contrats et l’idée, déjà admise dans un contexte voisin, que chacun doit se renseigner et effectuer les vérifications appropriées avant de passer un contrat »323. Toutefois, la portée du changement n’est pas aussi grande qu’on aurait

pu le croire, car ce n’est pas dans le régime de l’erreur que la théorie des vices de consentement pose le plus de problèmes. Maurice Tancelin rappelle que « c’est parce que la Refonte de 1991 a mis l’accent sur le maintien du contrat que l’erreur inexcusable a été rayée expressément de la liste des vices du consentement. Il n’est pas sûr que cela change quoi que ce soit, car le problème demeure de délimiter l’excusable de l’inexcusable »324. Une remarque qui nous ramène à la

définition du comportement fautif. La notion de faute est l’un des termes juridiques les plus communs; il n’est pas moins l’un des plus difficiles à définir. De même en est-il de la distinction entre le comportement erroné excusable de celui qui est inexcusable. Ce dernier ne doit pas être réduit à la faute simple325, mais à la faute lourde ou au comportement grossier dépassant la norme

de prudence et de diligence326. L’office revient alors au juge d’en déterminer les critères à partir

321 Pour le cas d’une personne qui n’a pas pris le temps de poser les questions à l’arpenteur-géomètre et de vérifier le

travail fait par ce dernier, voir Langlois c. Ferme Yveclair Ste-Luce Inc., 2009 QCCS 3549 (CanLII), paragr. 52. Il arrive qu’une personne ait lu rapidement le contrat et n’y ait pas porté une réelle attention, 9179-3737 Québec Inc. c. 3095- 4424 Québec Inc., 2011 QCCA 498 (CanLII).

322 Voir Droit des obligations, supra, note 158, p. 268.

323 C’est sur ce même principe que repose l’obligation fondamentale de se renseigner soi-même, et dont le non-respect

est finalement considéré comme une erreur inexcusable. Nous y reviendrons dans la section suivante. Voir Jean-Louis BAUDOUIN, Pierre-Gabriel JOBIN et Nathalie VÉZINA, Les obligations, supra, note 34, n°215, p. 327. Dans Langlois c. Ferme Yveclair Ste-Luce Inc., 2009 QCCS 3549 (CanLII), il y est précisé que : « Si erreur de sa part il y a, elle est inexcusable, ne s'étant pas conduit comme un contractant normalement prudent et diligent qui aurait évité l'erreur en prenant l'initiative de s'informer d'abord à ses fils qui l'ont représenté lors de l'abornement ou à l’arpenteur lui-même si ses fils n’étaient pas « jasants » puisque cette question de ligne séparative le préoccupait beaucoup » (paragr. 52).

324 Voir Maurice TANCLEIN, Les obligations en droit mixte du Québec, supra, note 79, n°173, p. 136. Une tâche qui n’est

pas toujours simple. Voir pour le cas d’un acheteur qui a posé des questions et pris certaines initiales pour s’assurer de protéger la vue de sa propriété. Même s’il conclut à l’erreur vice de consentement, le juge analyse la possibilité d’une erreur inexcusable et se demande pourquoi l’acheteur n’est pas allé pour loin et fait appel à un géomètre, à plus de démarches et vérifications pour s’assurer que les chiffres donnés afin de préserver la vue dans la servitude consentie par le vendeur étaient plausibles. Voir Lépine c. Khalid, [2004] R.J.Q. (C.A.) 2415, paragr. 56-61.

325 Pour une convention d’indemnisation signée par pure négligence, voir Garantie (La), compagnie d’assurances de

l’Amérique du Nord c. Létourneau, B.E. 97BE-152 (C.S.) paragr. 7.

326 Voir Légaré c. Morin-Légaré, [2002] R.J.Q. 2237 (C.A.) conf. J.E. 2000-1607 (C.S.), paragr. 63-64; Canadian American

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des dispositions de l’article 1474 C.c.Q. Mais sa tâche n’est pas mince, puisque « leur désir, sans doute inconscient, de se réserver un large pouvoir d’appréciation conduit, ici, à embrouiller le droit »327. Ce constat apparait davantage dans le rejet par le législateur de la lésion.

Le rejet de la lésion à titre de vice de consentement, un choix théorique. Il n’est pas simple de traiter de la notion de lésion dans le cadre de la théorie des vices de consentement, car elle intervient à plusieurs niveaux. Un auteur révèle à cet effet que :

La notion de lésion est très fortement controversée soit qu’on la considère comme un vice présumé du consentement, conception dite subjective, comme une erreur économique, conception dite objective, soit, plus rarement, qu’on y voit un des moyens de faire respecter l’ordre public économique, soit enfin qu’on lui dénie une place dans la théorie générale des contrats, puisque ce ne serait que le résultat d’une mauvaise affaire328.

Derrière cette diversité d’approches de la lésion, se trame en réalité la multiplicité des conceptions du contrat qui les sous-tendent et qu’il faudrait mettre en lumière pour la comprendre. Comme l’explique Élise Charpentier :

Peu importe l’époque à laquelle on se situe, le sort réservé aux contrats lésionnaires est intimement lié à la conception que l’on se fait du contrat, au contexte plus large de la théorie du contrat qui prévaut. Si la sanction relève d’abord d’un certain sentiment de justice, les transformations de cette notion font néanmoins apparaître la diversité des manifestations de ce sentiment. D’une conception du contrat où l’injustice découlait de l’absence d’équivalences des prestations et où la sanction de la lésion dépendait de ce critère, on est passé à une conception du contrat où la volonté devient la pierre angulaire de la construction de la théorie du contrat et où la mission de justice contractuelle se résume à assurer le respect de cette volonté329.

Admettre ou rejeter la lésion est donc d’abord un choix théorique. Nombreux sont les auteurs qui traitent la lésion comme un vice de consentement, donc sous l’angle de la volonté330. C’est

l’orientation des dispositions du Code civil du Québec qui impose une telle étude puisque l’article 1399 alinéa 2 pose la lésion comme un vice de consentement. Dans ce contexte, la sanction de la lésion objective parait pour le moins inappropriée.

327 Voir Jean-Louis BAUDOUIN, Pierre-Gabriel JOBIN et Nathalie VÉZINA, Les obligations, supra, note 34, n°215, p. 329. 328 Voir Maurice TANCELIN, Les obligations en droit mixte du Québec, supra, note 79, n°206, p. 153.

329 Voir Élise CHARPENTIER, « L’article 8 sur la Loi sur la protection du consommateur comme symbole de la

transformation de la lésion », dans Pierre-Claude Lafond (dir.), Mélanges Clause Masse. En quête de justice et d’équité, supra, note 34, p. 511.

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La non-pertinence de la lésion dans une approche volontariste de la formation du contrat. L’article 1405 C.c.Q. précise et restreint le champ d’application de la lésion qui relève davantage d’un défaut de capacité, donc de la vulnérabilité inhérente, puisqu’il s’agit de la protection du mineur ou du majeur inapte331. En dehors du régime des incapacités et de quelques situations

exceptionnelles, notamment la renonciation au patrimoine familial (art. 424 C.c.Q.) ou au régime de la société d’acquêts (art. 472 C.c.Q.), le Code civil du Québec ne considère pas la lésion comme un vice de consentement. Ce choix est d’autant plus cohérent qu’il traduit d’abord l’option volontariste et autonomiste du contrat qui y prévaut332. Pourtant, reconnaitre la lésion au stade

de la formation du contrat aurait pu être l’occasion d’élargir la théorie des vices de consentement et de renforcer la protection du contractant vulnérable333. Il est vrai que des transformations

internes ont été opérées au sein du volontarisme imprégné d’individualisme libéral en vue d’intégrer la vulnérabilité des parties. Toutefois, la reconnaissance de la lésion aurait été, non pas de l’ordre des variations internes, mais plutôt du dérèglement. Ce changement aurait nécessité une autre vision de la justice. Or, le contrat en tant que rapport économique reste soumis à la fiction de l’égalité des parties, et ce, même en présence d’un contrat déséquilibré ou d’adhésion. Ce postulat n’est pas tant l’expression du volontarisme que celle de la logique individualiste dans laquelle baigne le droit des contrats. Tel que l’indique Élise Charpentier : « l’égalité empirique des parties supposée, l’accord est présumé résulter de concessions réciproques : il est donc