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Obligation d’information et de renseignement. L’information du contractant participe de la nécessité d’assurer aux parties un consentement éclairé en vue d’un engagement en toute connaissance de cause. La vulnérabilité informationnelle d’une partie renvoie aussi bien à l’existence d’une obligation d’information que de renseignement.Il est vrai qu’on peut trouver au sein de la doctrine des nuances pouvant faire croire qu’il existe entre ces deux formes une différence de nature358 . Muriel Fabre-Magnan précise pourtant que : « information et

renseignement peuvent tous deux avoir les mêmes origines et leur contenu ainsi que leur portée être identiques. Il s’agit, dans les deux cas, de communiquer à autrui un élément objectif, à l’état brut »359. Nous souscrivons à ce rapprochement. Nous traiterons indifféremment information et

renseignement dans l’analyse de la vulnérabilité du contractant. De plus, c’est davantage la vision du contrat sous-jacente à la définition de l’information qu’on adopte qui importe pour le présent travail que les différentes expressions utilisées pour rendre compte de ses manifestations. C’est

355 Voir Jean-Louis BAUDOUIN, Pierre-Gabriel JOBIN et Nathalie VÉZINA, Les obligations, supra, note 34, p. 320. 356 Voir Brigitte LEFEBVRE, La bonne foi dans la formation du contrat, supra, note 49, p. 82 et s.

357 Voir Didier LLUELLES et Benoit MOORE, Droit des obligations, supra, note 158, n°930.

358 Voir l’étude de Muriel FABRE-MAGNAN, De l’obligation d’information dans les contrats. Essai d’une théorie, Paris,

LGDJ, 1992, p. 7 et s.

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la supériorité informationnelle d’un contractant qui justifie l’obligation d’information. Elle intervient tant à la phase précontractuelle, de formation du contrat que pendant son exécution360.

Il parait alors tout à fait approprié d’étudier l’obligation de renseignement ou d’information à titre de moyen visant à rétablir la liberté et l’égalité entre les parties361. Elle a pour but d’assurer à la

fois la qualité et l’intégrité du consentement362. L’idée étant que celui qui dispose de toute

l’information peut alors s’engager de manière éclairée et réfléchie. Tel ne saurait être le cas lorsque l’une des parties adopte un comportement dolosif.

Une obligation d’information fondée sur le dol. L’obligation de renseignement peut découler directement ou indirectement des dispositions du Code civil du Québec ou de certaines lois et règlements363. Pour ce qui est de l’obligation générale de renseignement, c’est vers la bonne foi

et le dol qu’il faudrait se tourner. C’est sous ce double fondement que l’obligation de renseignement a été développée dans la jurisprudence et la doctrine364. C’est dans le cadre de la

360 Nous nous attarderons sur l’obligation d’information au stade de la formation, mais il arrive que le tribunal

reconnaisse l’existence d’une pareille obligation au stade de l’exécution sur les fondements combinés des articles 1375 et 1434 C.c.Q. Voir Banque de Montréal c. Bail Ltée, [1992] 2 R.C.S. 554; pour un cas dans lequel l’estimation donnée à un client s’est avérée dérisoire par rapport au montant final des honoraires, voir Alepin Gauthier c. Montpetit, [2001] J.Q. no 8653 (C.Q.), paragr. 16-22; Une partie peut estimer qu’elle n’a pas été informée de manière appropriée dans un dossier afin de prendre la décision d’emprunter, voir Compagnie d’assurance Standard Life c. McMaster Meighen, (C.A.), paragr. 16-22; Une entreprise qui décide de déplacer son personnel dans le cadre d’une restructuration doit prendre toutes les mesures sur le plan organisationnel afin d’informer son personnel de manière adéquate des changements qui pourraient les influencer, voir Maisonneuve c. BCE Emergis inc., 2004 QCCS 51184 (CanLII), paragr. 105-106. Voir Brigitte LEFEBVRE, « Liberté contractuelle et justice contractuelle : le rôle accru de la bonne foi comme norme de comportement », dans Barreau du Québec, Développements récents en droit de contrats, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2000, 49.

361 Anne Sinay-Cytermann traite des mécanismes juridiques de protection du consommateur visant à rétablir sa liberté

et l’égalité contractuelle en termes de droits individuels et de droits collectifs. Voir « Les relations entre professionnels et consommateurs en droit français », dans La protection de la partie faible dans les rapports contractuels déséquilibrés. Comparaisons Franco-Belge, supra, note 9, p. 251 et s.

362 Une telle distinction peut paraitre bien théorique, car certains ouvrages traitent aussi bien des vices de

consentement que de l’exigence d’un consentement éclairé au titre de la recherche de la qualité du consentement. Voir Didier LLUELLES et Benoit MOORE, Droit des obligations, supra, note 158, p. 252 et s.

363 Voir les articles 1473 C.c.Q. sur le devoir d’information du fabricant, du distributeur ou du fournisseur; Les articles

1785 et 1786 C.c.Q. sur les informations que doivent contenir le contrat préliminaire obligatoire lors de l’achat d’un logement neuf.

364 Dans Banque de Montréal c. Bail Ltée, [1992] 2 R.C.S. 554, la décision de la Cour supérieure, infirmée par la Cour

d’appel, était fondée sur le dol et le silence d’Hydro-Québec, alors que la Cour suprême ne fait pas directement référence au dol dans sa tentative d’établir un régime de l’obligation de renseignement (p. 585-588); Commet un acte dolosif le vendeur-promettant qui n’informe pas spontanément l’acheteur-promettant du contenu d’une servitude qui grève le terrain alors même que le premier sait que l’existence de la servitude empêche définitivement la réalisation des projets envisagés. Voir F & I. Holdings Inc. c. 87313 Canada Ltée, [1996] R.J.Q. 851, (C.A.), p. 6-11 du texte intégral; Le promoteur immobilier qui ne dénonce pas à l’acheteur l’existence d’une servitude en faveur d’Hydro-Québec et de la ville ne respecte pas son obligation de renseignement, lorsqu’en plus, il est conscient que celle-ci aura pour effet d’entraver le désir des acheteurs de faire construire une piscine. Voir Boucher c. Développements Terriglobe inc., [2001] R.D.I. 213 (C.A.), paragr. 10 -27; Ne saurait être condamné pour dol, le vendeur qui n’informe pas l’acheteur des privilèges dont il bénéficie en matière de chauffage alors qu’il ne parait pas clairement que cet aspect était important

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théorie des vices de consentement, précisément à l’article 1399 C.c.Q., et de la moralisation des comportements des parties issue des articles 6, 7 et 1375 C.c.Q. qu’il faut saisir le droit à l’information du contractant faible. Didier Lluelles et Benoît Moore estiment dans cette perspective que l’article 1399 C.c.Q. est :

loin d’être simplement introductif aux vices prévus par les dispositions de la section 3 (« des qualités et des vices du consentement »), ne serait-ce pas une disposition générale, contenant des potentialités de vices du consentement qui ne cadreraient pas forcément avec les vices spécialement réglementés? Le premier alinéa de l’article 1399 constitue-t-il un simple préambule, ou possède-t-il une autonomie normative? On pourrait également, à l’instar de plusieurs auteurs, rattacher cette question non pas à l’autonomie normative de 1399, mais à celle de l’article 1375, lequel exige la bonne foi des parties à tout moment du rapport d’obligation, et notamment lors de sa formation365.

L’obligation d’information ressort de l’alinéa premier de l’article 1399 C.c.Q., creuset autonome et direct de nouveaux vices. Ce qui n’est pas sans poser certaines difficultés. Ainsi, faut-il conclure que les articles 1399 C.c.Q. et 1375 C.c.Q. constituent deux fondements autonomes et différents? Ou faut-il combiner les deux dispositions, l’article 1399 C.c.Q. n’étant alors qu’une application plus générale de 1375 C.c.Q.? La réponse n’est pas claire. En effet, il n’est pas rare de trouver dans la doctrine des auteurs qui considèrent la théorie des vices de consentement comme une application du principe général de bonne foi de l’article 1375 C.c.Q.366. Ce qui serait

particulièrement le cas du dol, de sorte que sanctionner l’obligation de renseignement sous l’angle du dol n’est encore qu’une forme de mise en œuvre de la bonne foi367, quoique de manière

restrictive. Par conséquent, que le fondement des nouvelles obligations de renseignement relève de la bonne foi ou de 1399 al.1 n’a pas véritablement d’impact significatif, puisqu’en fin de compte c’est toujours la bonne foi qui sert de base à la sanction de l’obligation de renseignement. Justifier l’obligation de renseignement par le dol revient encore à la faire reposer sur la logique de la bonne foi, bien que la notion de dol existait, et ce, bien avant le regain que connait la notion de bonne

pour ce dernier. Voir Société en commandite D.M.L. c. Gilbert, [2008] R.D.I. 83 (C.S.), paragr. 68-76. Pour la doctrine, voir Jean PINEAU, « Coexistence et limites de la discrétion judiciaire dans la formation et l’exécution du contrat », dans Barreau du Québec, Développements récents en droit commercial, Obligations, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2996, 1. Marie Annick GRÉGOIRE, Liberté, responsabilité et utilité : la bonne foi comme instrument de justice, supra, note 49, p. 213 et s.

365 Voir Didier LLUELLES et Benoît MOORE, Droit des obligations, supra, note 158, n°920, p. 463. 366 Voir Brigitte LEFEBVRE, La bonne foi dans la formation du contrat, supra, note 49, p. 113 et s.

367 Voir Jean-Louis BAUDOUIN, Pierre-Gabriel JOBIN et Nathalie VÉZINA, Les obligations, supra, note 34, n°304, p. 402;

Marie Annick GRÉGOIRE, Le rôle de la bonne foi dans la formation et l’élaboration du contrat, supra, note 49, p. 56 et s. Vincent KARIM, « La règles de la bonne foi prévue dans l’article 1375 C.c.Q. : sa portée et les sanctions qui en découlent », (2000) 41 C. de D. 459.

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foi. Ce qui s’explique par le caractère englobant et la souplesse de la bonne foi. Le comportement dolosif est en fait assimilé aux actes frauduleux condamnés dans le cadre de la bonne foi, unique source de contrôle de l’obligation de renseignement 368. Quoi qu’il en soit, le dol constitue bien le

fondement approprié lorsque la vulnérabilité informationnelle découle d’une réticence ou d’un acte frauduleux ou malhonnête avec l’intention de tromper369. Toutefois, la violation du droit

d’être renseigné de la partie vulnérable ne comporte pas toujours les éléments d’une conduite dolosive. La nécessité de renseigner la partie vulnérable peut exister en dehors de toute intention malicieuse370. Le recours au dol est en outre restreint parce qu’il offre un éventail limité de

sanctions. Toute chose qui pourrait laisser la victime sans recours, si celle-ci ne peut prouver que la gravité du manquement était telle qu’elle ne se serait pas engagée371. Il faut alors chercher,

selon la majorité de la doctrine, dans le principe de la bonne foi, le fondement qui fournit le plus de potentialités et davantage de ressorts protecteurs.

Une obligation d’information basée sur l’article 1375 C.c.Q. En dehors des cas de dol, le principe de la bonne foi est un fondement autonome et direct qui n’exige pas de faire le détour par la théorie des vices du consentement372. C’est dans le même sens que la jurisprudence sanctionne

l’obligation d’information sur le fondement de l’article 1375 C.c.Q.373. Le recours à la bonne foi

est d’autant plus approprié et avantageux que la victime peut prétendre à de nombreuses

368 Cette faute pouvant découler également du silence d’un contractant. Voir Corporation de développement Toulon c.

Valro Inc., J.E. 94-1600 (C.A.), p. 2 du texte intégral; Commet un dol, le vendeur qui, à la suite d’une erreur faite dans l’offre d’achat, laisse croire à l’acheteur qu’il acquiert une partie de terrain qui appartient dans les faits à la municipalité. Voir Creighton c. Grynspan, [1987] R.J.Q. 527 (C.A.), p. 4-5 du texte intégral.

369 Voir la position de la Cour supérieure dans l’affaire Banque de Montréal c. Bail Ltée [1992] 2 R.C.S. 554, 568-570.

Voir également Gendron c. 87220 Canada Ltée (Excavation Bruno Sanfaçon), 2009 QCCQ 583 (CanLII), paragr. 80-88; Est condamné pour dol et violation de l’obligation de renseignement, le fabricant qui, au courant de l’existence tant d’un recours à son encontre et d’une décision rendue contre lui, n’en informe pas les personnes pouvant en bénéficier afin d’éviter de leur verser les paiements dont elles auraient droit en vertu d’un règlement obtenu au préalable. Voir Association d’aide aux victimes des prothèses de la hanche/The Hid implant Victim’s Association c. Centerpulse Orthopedics Inc., [2005] R.J.Q. 1701 (C.S.), paragr. 51-108; Boucher c. Développements Terriglobe inc., [2001] R.D.I. 213 (C.A.), paragr. 10-27; F & I. Holdings Inc. c. 87313 Canada Ltée, [1996] R.J.Q. 851 (C.A.), p. 6-11 du texte intégral; Société en commandite D.M.L. c. Gilbert, [2008] R.D.I. 83 (C.S.), paragr. 68-76.

370 Voir l’analyse détaillée de Marie Annick GRÉGOIRE, Le rôle de la bonne foi dans la formation et l’élaboration du

contrat, supra, note 49, p. 34 et s. et 81 et s. À travers l’analyse détaillée de la jurisprudence, l’auteure montre de manière convaincante qu’une bonne compréhension de la bonne foi, notamment dans le cadre de l’obligation d’information, ne requiert pas forcément la présence d’une intention dolosive ou malicieuse.

371 Voir Marie Annick GRÉGOIRE, « Les sanctions de l’obligation de bonne foi lors de la formation et de l’élaboration du

contrat », supra, note 194, 173.

372 Voir Didier LLUELLES et Benoit MOORE, Droit des obligations, supra, note 158, n°920, p. 463; Marie Annick GRÉGOIRE,

« Les sanctions de l’obligation de bonne foi lors de la formation et de l’élaboration du contrat », supra, note 194, 173.

373Dans Walsh & Blais Inc. c. Communauté urbaine de Montréal, [2001] R.J.Q. 2164 (C.A.), il est rappelé que l’obligation

de renseignement est fondée sur la nouvelle moralité contractuelle et l’obligation générale de bonne foi (paragr. 229); Confessions Lamartine inc. c. Informatique EBR inc., B.E. 99BE-294 (C.Q.), paragr. 28-30.

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catégories de sanctions en fonction de la situation, notamment la fin de non-recevoir. Elle entraine la paralysie totale du recours et évite à la victime tout débat au fond. La partie vulnérable peut soulever le non-respect de son droit à l’information afin de mettre fin aux poursuites introduites contre elle par son cocontractant, notamment lorsque ce dernier demande l’exécution du contrat ou évoque une clause contractuelle de non-responsabilité afin de s’exonérer de son comportement fautif374. Le juge peut aussi reconnaitre l’existence d’une obligation d’information

sur le fondement de l’article 1375 C.c.Q.375.

L’élargissement de l’obligation d’information sous l’égide de la bonne foi. La portée de la bonne foi en matière informationnelle va plus loin que l’obligation contractuelle d’information. Si l’on considère la bonne foi comme un fondement autonome et direct de l’obligation d’information, cela s’applique-t-il également à la phase précontractuelle? La réponse n’est pas simple, car elle implique une prise de position sur la nature extracontractuelle ou contractuelle des sanctions applicables à ce stade. Pour une partie importante de la doctrine, la période précontractuelle est source de responsabilité extracontractuelle376. De l’avis de Vincent Karim, les parties sont liées,

de la période des pourparlers à la période post-contractuelle, par un ensemble d’obligations et de droits virtuels, issus de la bonne foi et de l’équité, qui s’imposent derechef à eux, desquels résulte notamment l’obligation précontractuelle d’information377. L’idée n’est pas sans intérêt,

car elle rend possible la sanction contractuelle du manquement à l’obligation d’information à ce stade, et élargit surtout la protection du contractant dans une perspective moralisatrice. L’obligation d’information fait partie d’un ensemble d’obligations se greffant au contrat et ne tire

374 Les parents peuvent ainsi contester les poursuites exercées contre eux à titre de caution pour les dettes de leur

enfant. Voir Caisse populaire de Sorel c. Beauchemin, J.E. 98-1886 (C.S.) paxim; Ne respecte son obligation d’information, la banque qui néglige d’informer son débiteur des différentes modifications apportées à sa créance, notamment en cas de dation, de substitution de débiteur ou d’une vente pour taxes. Voir Salvatore L. Briqueteur inc. c. Banque Nationale du Canada, [2002] R.J.Q. 1895 (C.A.), paragr. 66; N’agit pas de bonne foi, celui qui accepte l’offre d’un soumissionnaire sachant que ce dernier ne pourra en exécuter les termes et ne lui divulgue pas les informations qu’il détient dans l’espoir de lui faire supporter la différence de prix dans l’exécution des travaux. Voir Confédération des caisses populaires et d’économie Desjardins du Québec c. services informatiques Decision sxdd, [2004] R.J.Q. 69 (C.A.), paragr. 62 -67.

375 Citons l’exemple de la garantie conventionnelle présentée dans un message publicitaire et que les parties n’ont pas

repris dans le contrat. L’article 143 de la Loi sur la protection du consommateur permet alors au tribunal de l’ajouter au contenu contractuel. Voir Marie Annick GRÉGOIRE, « Les sanctions de l’obligation de bonne foi lors de la formation et de l’élaboration du contrat », supra, note 194, 173.

376 Voir Brigitte LEFEBVRE, « La négociation d'un contrat : source potentielle de responsabilité extracontractuelle »,

supra, note 339, p. 571-592.

377 Voir Vincent KARIM, « La règles de la bonne foi prévue dans l’article 1375 C.c.Q. : sa portée et les sanctions qui en

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pas leur source de la volonté des parties, mais directement de la bonne foi. Il en résulte un véritable « contrat moral »378 et rien n’empêche alors d’envisager l’existence de telles obligations

au stade précontractuel. En reconnaissant une obligation d’information en faveur du contractant en position de vulnérabilité, le tribunal admet que les contractants ne peuvent plus rester indifférents l’un par rapport à l’autre ou exploiter impunément une position ou une information privilégiée. Il ne s’agit plus seulement pour le contractant d’être prudent et diligent. Ce dernier commet une faute lorsque, sachant l’importance de l’information qu’il détient pour son cocontractant, il ne la lui transmet pas. La responsabilité de la partie débitrice de l’information se trouve élargie. La bonne foi donne à cet égard une nouvelle couleur à la relation entre les parties. Le contractant n’est plus seulement tenu d’exécuter sa prestation, il doit informer son partenaire et lui transmettre, si nécessaire, tout renseignement permettant de lui assurer un engagement réel. La reconnaissance de l’obligation d’information traduit la prise en compte de l’inégalité informationnelle entre les parties et la pénétration d’obligations nouvelles au sein du champ contractuel qui en ressort agrandi. Cette orientation ressort nettement des situations spécifiques dans lesquelles le législateur a choisi d’imposer une telle obligation.

Le contrat de vente. Il arrive que l’information soit codifiée par le législateur dans des circonstances spéciales. Il en va ainsi de la notion de vices cachés dans le contrat de vente. L’article 1733 C.c.Q. prévoit que « le vendeur ne peut exclure ni limiter sa responsabilité, s’il n’a pas révélé les vices qu’il connaissait ou ne pouvait ignorer et qui affectent le droit de propriété ou la qualité du bien ». Une disposition dont la lecture doit être combinée à celle de l’article 1726 C.c.Q. sur la garantie de qualité due à l’acheteur par le vendeur. L’article 1728 C.c.Q., quant à lui, prévoit la sanction en cas de non-respect de cette garantie. Une autre forme d’obligation indirecte de divulgation dans le contrat de vente résulte de la garantie par le vendeur de son droit de propriété prévue à l’article 1723 C.c.Q. Cette garantie concerne l’existence d’éventuels empiètements ou les restrictions liées à l’application d’un règlement de droit public, tel un

378 Voir en France, Stéphane DARMASIN, Le contrat moral, supra, note 48. L’auteur montre qu’étant donné l’importance

accordée en droit des contrats contemporains aux notions morales, notamment l’abus et la bonne foi, il émet l’hypothèse qu’il existe dès la phase des négociations, un contrat moral entre les parties. Celui-ci tire son fondement de la morale. Il se greffe et se rattache de manière virtuelle, mais tout à fait réelle, au contrat lui-même et constitue la source d’obligations qui s’imposent par le fait même aux parties. La proposition de Monsieur Karim peut parfaitement s’intégrer dans une telle perspective.

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règlement de zonage ou une restriction379. La non-divulgation des informations lors de la vente

peut être mise en œuvre aussi bien dans le cadre des règles spécifiques à la vente que celles de la théorie des vices du consentement, notamment le dol. Mais tel n’est pas toujours le cas, puisque le non-respect du droit à l’information implicite de l’acheteur exige que le débiteur ait agi sciemment. La même observation peut être faite concernant l’obligation implicite d’information du vendeur professionnel tirée cette fois de l’article 1434 C.c.Q. Ce dernier doit avertir l’acheteur de la dangerosité cachée et inhérente 380. Cette obligation découle

indirectement des termes de l’article 1434 C.c.Q. qui énonce que les obligations contractuelles ressortent non seulement de ce qui est stipulé, mais aussi de la nature, les usages, l’équité ou la loi381. En fait, la loi punit celui qui, connaissant certaines informations et les sachant essentielles

à l’engagement de l’autre partie, choisit sciemment de ne pas les divulguer, espérant ainsi