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La moralité contractuelle, fondement du contrôle des pouvoirs unilatéraux de la partie en

Les enjeux liés à l’existence des pouvoirs contractuels unilatéraux. Le contrat d’adhésion est certes utile, n’empêche qu’il est déséquilibré. Au plan juridique, il parait important de poser des balises afin d’éviter les dérives et les excès pouvant en résulter. Comme le signale la professeure Brigitte Lefebvre, les contractants « ne possèdent pas le même pouvoir de négociation. De tout temps, le plus fort a su dicter sa loi et l'on est forcé de constater qu’il en sera toujours ainsi si aucune limite n’est posée pour l’exercice de ses droits »595. Il importe que l’unilatéralisme dans le

contrat ne se transforme pas en abus. Dans le contexte d’accroissement des pouvoirs contractuels, on peut se demander comment éviter que les avantages économiques tirés de l’utilisation des contrats d’adhésion et de consommation ne se fassent au détriment de l’adhérent. Plus nettement encore, le contractant dominant, compte tenu de sa puissance, doit-il être obligé juridiquement à tenir compte de l’intérêt de son cocontractant? Le juge ou le législateur doivent- ils imposer à l’un des contractants des obligations et devoirs positifs afin de rééquilibrer le rapport de force? Le juge peut-il intervenir afin de corriger les abus pouvant résulter des clauses contractuelles imposées par un contractant à son partenaire? À s’en tenir à la frontière traditionnelle entre droit et morale, les réponses à toutes ces questions devraient être négatives. Les transformations qui ont été opérées au sein du volontarisme contractuel fournissent pourtant nombre de solutions. Avant de plonger dans une analyse détaillée, il convient de s’attarder sur le sens de ces pouvoirs contractuels.

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La définition des pouvoirs contractuels unilatéraux. Selon le dictionnaire Larousse, le terme pouvoir est tout à la fois la capacité ou la possibilité de faire quelque chose et l’autorité ou la permission de le faire. Reporté à la sphère contractuelle, le pouvoir peut être entendu comme l’aptitude à assujettir autrui à sa volonté596. La personne devant subir le vouloir d’autrui est elle-

même tout à fait autonome et juridiquement apte597. Le pouvoir contractuel s’exerce donc à

l’égard d’une personne capable, un sujet de droit. En outre, l’exercice du pouvoir est avant tout une éventualité, une probabilité qui elle-même comporte des degrés variables. Le stipulant qui rédige ou fait rédiger le contrat pour son compte possède sur l’adhérent une incontestable ascendance dont il peut tirer avantage. L’exercice d’un pouvoir ne se situe pas seulement au plan conventionnel. On retrouve en droit des contrats de nombreuses dispositions qui attribuent ou consacrent des pouvoirs aux contractants ou aux tiers. Il en va ainsi de la définition du contrat d’adhésion à l’article 1378 du C.c.Q. qui reconnait explicitement à un contractant le pouvoir de déterminer unilatéralement les stipulations contractuelles598. Il arrive que le concept de pouvoir

entre en conflit avec celui de contrat qui, par hypothèse, est la rencontre voulue et acceptée de deux volontés. Contrat et pouvoirs contractuels unilatéraux semblent en soi antagonistes, le premier portant en lui les germes d’une œuvre commune semble exclure par principe les seconds599. Par conséquent, lorsqu’un des contractants peut dicter à l’autre sa volonté, ce que

sera alors leur contrat, cela ne peut être que source de tensions, d’abus et d’injustices potentiels. La disparité de pouvoir est présente depuis la phase de formation du contrat ou l’absence de négociation. Une supériorité qui se traduit ensuite dans le contenu du contrat qu’il faudra éventuellement rééquilibrer. Dans un contexte dominé par les pouvoirs contractuels unilatéraux, il importe de revoir le postulat de la force obligatoire du contrat qui n’a de sens que si les dispositions contractuelles sont réellement le résultat de deux volontés. Une transformation d’autant plus légitime que les clauses de pouvoirs affectant le contrat sont diverses.

596 Voir Pascal LOKIEC, Contrat et pouvoir. Essai sur les transformations du droit privé des rapports contractuels, supra,

note 5, p. 12. Le pouvoir pouvant être représenté ainsi: A exerce du pouvoir sur B dans la mesure où il obtient de B une action que ce dernier n’aurait pas effectuée autrement. Voir Robert DAHL, Qui gouverne?, Paris, Armand Colin, 1971.

597 Voir Georges FARJAT, Droit économique, Paris, PUF, 1982, p. 375.

598 Le pouvoir contractuel est lui-même plus complexe que la possibilité d’imposer sa volonté à un contractant. Il est

vrai que c’est ce versant du pouvoir contractuel qui nous intéresse, mais il peut avoir de nombreuses variantes. Voir Pascal LOKIEC, Contrat et pouvoir. Essai sur les transformations du droit privé des rapports contractuels, supra, note 5.

599 Nous verrons dans notre deuxième partie qu’une doctrine comme celle du solidarisme contractuel repose en grande

partie sur la prise en compte de la montée de pouvoirs contractuels unilatéraux dans le lien contractuel. Voir infra, Titre II, Partie II.

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La nature des clauses de pouvoirs. L’étendue des pouvoirs dont dispose l’une des parties porte potentiellement sur l’ensemble des clauses. Schématiquement, le contenu du contrat regroupe deux blocs de clauses : obligationnelles et non obligationnelles600. Pour ce qui est des premières,

il s’agit de l’aptitude à déterminer les droits et obligations des parties, c’est-à-dire le contenu et la portée des prestations contractuelles. Par ces clauses, le contractant fort peut fixer de manière unilatérale de nombreux aspects du contrat à l’instar du prix, des modalités de paiement, ou encore l’étendue des obligations de l’autre partie. Ces énoncés contractuels concernent la part du contrat qui crée des droits et engendre des obligations. Habituellement, ce sont les deuxièmes qui sont visées et qualifiées de clauses de pouvoirs. Elles désignent les modalités et les conditions de certaines stipulations, quelques accessoires, mais pouvant aggraver sérieusement la situation du contractant. À titre d’exemple, on peut citer la clause pénale601, la clause de résiliation ou de

renouvellement, la clause de limitation ou d’exclusion de responsabilité602, la clause de non-

concurrence603, la modification unilatérale des modalités d’exécution ou des prestations, ou

encore la clause d’arbitrage604. Cette liste n’est pas exhaustive puisque les clauses dites de pouvoir

sont illimitées605 et ne dépendent que de l’imagination du rédacteur du contrat ou de l’originalité

de la situation de fait. Longtemps considérées comme étant d’un intérêt secondaire, les stipulations non obligationnelles peuvent pourtant avoir des effets néfastes réels606. Elles font

partie intégrante du lien contractuel. En réalité, la distinction permet de saisir la nature et les catégories des clauses contractuelles. Pour notre part, nous estimons que, lorsqu’on aborde les pouvoirs contractuels du contractant, il n’y a pas lieu de maintenir la distinction entre les dispositions contractuelles. Il n’y a pas de raison de restreindre les pouvoirs unilatéraux de la partie forte au seul bloc non obligationnel607. Cette dernière a la possibilité de décider du sort du

600 Voir la distinction opérée par Marc ANCEL, « Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat », (1999) RTDciv.

789.

601 Voir Vincent KARIM, « La clause pénale et le pouvoir de révision des tribunaux Pierre-Claude Lafond (dir.), Mélanges

Claude Masse. En quête de justice et d’équité, supra, note 34.

602 Voir Ghislain TABI TABI, Les nouveaux instruments de gestion du processus contractuel, supra, note 54, p. 273. 603 Voir Didier LLUELLES, « La révision du contrat en droit québécois », (2006) 36 R.G.D. 26-67. L’auteur examine les

différentes formes de révision tant contractuelles que judiciaires dans de nombreuses hypothèses impliquant une variété de stipulations contractuelles.

604 Id.

605 On peut également citer les clauses de résiliation, les clauses discriminatoires, les clauses d’élection de for, la clause

de déchéance du terme, de garantie de solvabilité et de pénalités de retard. Ces clauses de pouvoirs ne sont limitées que par l’imagination du stipulant. Certes, elles n’ont pas toutes la même portée, mais dans tous ces cas, l’une des parties peut s’octroyer certains privilèges au détriment de l’autre.

606 Voir Marc ANCEL, « Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat », supra, note 578.

607 D’autres catégories sont possibles : les stipulations essentielles et secondaires ou les clauses principales et

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contrat dans son entier puisqu’elle a le pouvoir de déterminer la teneur du contrat, et ce, peu importe la catégorie de clauses concernées. Toute chose qui traduit l’influence que l’un des contractants exerce sur le contrat et fait naitre un déséquilibre au détriment de la partie vulnérable. Il peut avoir recours à l’un ou l’autre des types de stipulations pour s’arroger des prérogatives et privilèges608. La tentation est forte pour la partie en position de supériorité de

truffer le contrat de clauses de pouvoirs609. Heureusement, il ne saurait insérer impunément dans

le contrat toutes les conditions qu’il souhaite, surtout si elles s’avèrent abusives. Un contrôle d’autant plus nécessaire que ce pouvoir équivaut à un authentique « pouvoir normatif [est] conféré au stipulant par les nécessités de la vie économique »610. (Nos ajouts) La convention qui

en résulte apparait comme une véritable source de droit fixant le cadre d’une relation entre une entreprise ou un prestataire de service et un client. Délimitant à la fois les obligations et les droits réciproques, de même que toutes leurs modalités, la vulnérabilité qui résulte du contrat relève d’un phénomène courant, raison pour laquelle les remèdes aux éventuelles injustices doivent être mis en place611. Pour ce faire, la moralité contractuelle va servir d’assise théorique.

La moralité contractuelle, corolaire de l’utilité sociale du contrat. Pour le législateur, il ne suffisait pas de faire du contrat d’adhésion une catégorie contractuelle, il fallait encore prévoir des règles qui en reflètent la spécificité. C’est pourquoi il a prévu quelques dispositions dans le

Code civil du Québec qui visent de manière précise les contrats d’adhésion et de consommation612.

En fait, « si le rédacteur profite de sa situation plus favorable pour insérer subrepticement (contrairement à la bonne foi) des clauses qui déséquilibrent le contrat en sa faveur

formelles ou pédagogiques. Nous verrons plus loin que plusieurs distinctions effectuées entre les catégories de clauses ne sont pas sans effet puisqu’elles permettent à l’occasion d’orienter le contrôle du déséquilibre contractuel, et ainsi de l’admettre pour des clauses de telles natures et de le limiter, voire l’exclure, pour d’autres. Voir supra, chapitre II du présent titre et le chapitre II du Titre II de la partie II qui font ressortir l’imaginaire contractuel qui sous-tend l’une ou l’autre des choix.

608 Voir Ghislain TABI TABI, « La remise en cause contemporaine du volontarisme contractuel », supra, note 6, 595. 609 Voir François COLLART-DUTILLEUL, « Quelle place pour le contrat dans l’ordonnancement juridique? », dans

Christophe Jamin et Denis Mazeaud (dir.), La nouvelle crise du contrat, supra, note 1, p. 233.

610 Voir Georges BERLIOZ, Le contrat d’adhésion, supra, note 78, n°359, p. 171.

611 Telle est également l’une des différences majeures avec notre premier titre dans lequel il s’agissait de rétablir

l’égalité contractuelle en donnant des moyens aux contractants. Or, autoriser l’un à faire le contrat et l’imposer à l’autre implique l’existence d’un certain déséquilibre, dont il faudrait contrôler les effets. Il ne s’agit plus tant de rétablir l’égalité que d’éviter les dérives d’un déséquilibre contractuel quasiment normal.

612 Pour les règles d’interprétation, voir l’article 1432 C.c.Q. Pour l’essentiel du régime, voir les articles 1435 à 1437

C.c.Q. Dans la doctrine, voir Brigitte LEFEBVRE, « Les contrats d’adhésion », supra, note 161; Benoît MOORE, « L’avenir incertain du contrat de consommation », (2008) 49 C. de D. 5. Signalons que quelques règles du droit international privé peuvent également intervenir, notamment sur le contrat de consommation à l’article 3117 C.c.Q.

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(contrairement à la justice), l’intervention des pouvoirs publics est justifiée, et elle devra tenir compte de la portée générale qu’on en fait, les contrats d’adhésion »613. En fait, il existe une sorte

de concomitance entre l’influence des préoccupations économiques sur l’orientation du droit et l’inflation du discours sur l’éthique et la morale614. Le droit des contrats n’a pas échappé à cette

double emprise puisqu’il repose dorénavant sur trois piliers : la volonté, l’utilité sociale et la bonne foi615. Il reconnait certes le pouvoir d’une partie de fixer le contenu du contrat, mais cette

dernière est soumise à une plus grande exigence morale de bonne foi. Le législateur et le juge tentent aussi de décourager l’usage des dispositions trop abusives ou draconiennes. Dans un rapport déséquilibré, l’une des parties est en position de supériorité et jouit de pouvoirs étendus, il est normal d’attendre d’elle un peu plus que la simple exécution passive de son obligation. En ce sens, la partie forte ne doit pas seulement à l’autre sa prestation, elle doit en plus adopter une conduite éthiquement acceptable dans l’exécution et la préparation du contrat. D’ailleurs, cette extension de ses obligations et du contrôle de son comportement trouve aussi son fondement dans l’utilité publique. C’est ce que soutient Jacques Ghestin lorsqu’il indique que c’est au nom de l’utilité sociale des contrats qu’un contrôle des abus survenus lors de leur formation ou de leur exécution est possible616. L’état de supériorité du contractant non seulement lui interdit des

comportements abusifs, mais l’oblige à adopter envers son cocontractant une conduite honnête.

Le contrôle possible des clauses contractuelles sous l’angle volontariste. L’existence des pouvoirs contractuels unilatéraux renverse les préceptes de l’approche volontariste du contrat

613 Voir Jacques GHESTIN, Les obligations. Le contrat : formation, Traité de droit civil, sous la direction de Jacques

Ghestin, Paris, LGDJ, 1982, p. 190, n°178-4.

614 Voir Pierre Paul CÔTÉ et Charles André DUBREUIL (dir.), La morale et le droit des affaires, dans Les journées

Maximilien Caron, 1993, supra, note 249.

615 Par conséquent, il est vrai « qu’il serait plus juste de caractériser ce droit comme fondé sur trois principes : à côté

de l’autonomie de la volonté, il y aurait lieu d’admettre également la loyauté contractuelle, qui s’exprime par la bonne foi et l’équité, et l’utilité sociale, qui se reflète dans l’ordre public et dans la sécurité juridique ». Voir Ejan MACKAAY et Stéphane ROUSSEAU, L’analyse économique du droit, supra, note 532, p. 363. Or, un tel constat traduit les différents mouvements au sein du volontarisme individualiste. Il ne reflète en aucun cas une rupture avec lui. Pour prendre acte de la figure du volontarisme aujourd’hui, il faut nécessairement rendre compte du principe de départ de l’autonomie de la volonté, de sa soumission à la morale et des liens étroits créés avec la fonction économique du contrat. Ce qui ne signifie pas qu’on ne peut pas y voir là un nouveau droit, il faudrait seulement préciser, car on ne le remarque pas assez, qu’il s’agit d’une nouvelle variante du volontarisme individualiste.

616 Voir Jacques GHESTIN, Grégoire LOISEAU et Yves-Marie SERINET, La formation du contrat : Le contrat, le

consentement, supra, note 113, p. 193 et s. On retrouve des arguments similaires dans l’analyse économique du contrat dans laquelle, outre la bonne foi, l’économie de marché repose sur la confiance et l’absence de comportement opportuniste, c’est-à-dire du recours à la force ou à la ruse, ce qui se rapproche quelque peu de la mauvaise foi. Preuve s’il en est que l’analyse économique du contrat ne le réduit pas à l’accord de volontés. Voir Ejan MACKAAY et Stéphane ROUSSEAU, L’analyse économique du droit, supra, note 532, p. 379 et s.

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qui supposent l’exercice des deux libertés de la volonté617. Toutefois, il serait erroné d’en déduire

que ce courant ne fournit pas de moyens de contrôle des pouvoirs exorbitants du contractant fort. C’est sans surprise que l’on constate que c’est en élargissant encore les frontières de la morale que les mécanismes ayant pour objectif de rééquilibrer le contrat peuvent être envisagés. Le contractant fort peut seul rédiger le contenu matériel du contrat et lui voir reconnaitre la force obligatoire. Il parait logique qu’il adopte un comportement moral et se plie éventuellement au contrôle du contenu contractuel. Il en résulte à son égard des obligations et devoirs moraux. Un constat qui débouche sur le renouvellement des bases et principes de contrôle du contenu contractuel et, dans une large mesure, du travail de la jurisprudence.

Para. II La transformation des pouvoirs du juge par la nouvelle moralité contractuelle

Le principe de non-immixtion des juges dans la teneur matérielle du contrat ou l’intangibilité du contrat. Au début des années 80, de nouvelles tendances jurisprudentielles ont vu le jour et ont contribué à transformer l’approche volontariste du contrat alors dominante. Après des décennies de rigidité et de respect aveugle du dogme de l’autonomie de la volonté, les juges, suivis par le législateur, ont pris des positions favorisant une plus grande protection du contractant618. Certaines positions jurisprudentielles méritent à cet égard d’être rappelées dans

la mesure où elles donnent non seulement la mesure du changement du rôle du juge, mais également des mouvements survenus au sein du volontarisme contractuel. Elles montrent comment on en est arrivé à énoncer un principe contemporain très important : les obligations des contractants ne se résument plus simplement à ce qui est expressément et limitativement mentionné dans les contrats et aux prestations principales des parties619. En plus de l’engagement

des parties, celles-ci sont soumises au respect de la bonne foi. En dehors des obligations contractuelles, il existe d’autres obligations contractuelles tirées de la bonne foi et de l’équité qui s’ajoutent à celles limitativement prévues dans le contrat. Il appartient aux juges de les découvrir

617 Voir Pascal LOKIEC, Contrat et pouvoir. Essai sur les transformations du droit privé des rapports contractuels, supra,

note 5, p. 15.

618 Les années 70 ont été caractérisées par le développement du droit de la consommation et les lois qui les

accompagnent. Nous le verrons dans notre deuxième partie.

619 Il existe un contenu implicite. Voir Provigo Distribution inc. c. Supermarché A.R.G. inc., [1998] R.J.Q. 47 1997 (C.A.)

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et de les greffer à la convention des parties620. De plus, il bénéficie dorénavant d’un pouvoir de

révision des clauses insérées dans le contrat ou de réduction des obligations des parties. Le contrat est désormais soumis à un double régime juridique ayant des sources et des fondements différents. Le principe demeure à la base celui de la non-intervention du juge. Il n’est toutefois plus exclu que ce dernier décide de vérifier la teneur du contrat lorsqu’il est porté à sa connaissance. Ce qui apparait tel un minimum nécessaire marque pourtant un changement profond dans l’attitude des juges tant en ce qui concerne la façon dont ils conçoivent leur rôle que de leur mise en œuvre.

L’évolution des pouvoirs des juges. Un bref détour par l’histoire de l’équité et de la protection du contractant s’impose afin de bien saisir la portée et le sens de la transformation impulsée par la jurisprudence. Le Code civil du Bas Canada, dans sa version de 1866, comportait quelques traces de règles d’équité. On peut citer les clauses implicites bien que la jurisprudence en a fait un usage plutôt parcimonieux621. Si leur utilisation n’a pas connu de succès, c’est que l’autonomie de la

volonté restait dans l’esprit des juges le principe auquel on ne pouvait déroger622. Ce dogme fit

l’objet d’un culte tellement rigide que le recours exceptionnel en équité prospérait uniquement pour les abus véritablement iniques et intervenait de manière très ciblée, individuelle et exceptionnelle. La prédominance d’une conception stricte du volontarisme auprès des juges était