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Une histoire sociale de la participation des habitants à Marzahn, 1990-

II. Le « management de quartier » berlinois : un nouveau paradigme rénovateur ?

II. 1. Une nouvelle lecture de l’espace urbain

Détail de la couverture du rapport de l'IfS/STERN sur les transformations sociales à Berlin après la réunification, (IfS, 1998).

L’administration du Sénat de Berlin pour le développement urbain commande en 1997 une expertise sur les transformations socio-spatiales à Berlin à l’Institut de recherche urbaine dirigé par le sociologue berlinois Hartmut Häußermann (Institut für Stadtforschung und Strukturpolitik GmbH

- IfS) et à la société STERN GmbH141. Cette expertise s’ouvre sur la reproduction du détail d’un

tableau du peintre expressionniste berlinois Lionel Feininger. La ville y apparaît comme une entité fragmentée, une image de kaléidoscope. Une telle représentation de la ville n’a plus rien à voir avec les vues fonctionnalistes, parfois futuristes, dont s’est inspirée la construction des grands ensembles dans les années 1960 et 1970. À la ville verte, aérée et mixte des années 1960-1970 s’oppose la ville mosaïque des années 1990. Comment cette lecture de la ville a-t-elle émergé dans la sociologie urbaine allemande ? Est-elle en phase avec les nouvelles orientations de la rénovation urbaine dans les grandes villes allemandes et à Berlin à la fin des années 1990 ?

Ces questions s’inscrivent au croisement de la sociologie des sciences et de la sociologie des administrations. Quelques enquêtes ont déjà été menées en France dans cette perspective sur la Politique de la Ville (Tissot, 2007). Elles placent au centre de l’analyse l’action d’un réseau de

réformateurs fédérés autour d'une représentation commune des problèmes et de l'orientation des politiques à adopter. Une telle approche suppose un dispositif d’enquête par observation et/ou par entretien qui suit les acteurs administratifs dans les milieux socioprofessionnels qu’ils fréquentent au quotidien. Je n'ai pas effectué d'enquête de ce type parce qu'elle dépassait le cadre de ma thèse. Les explications proposées des nouvelles orientations des politiques urbaines en Allemagne et à Berlin à partir des années 1990 s'appuieront donc sur une discussion critique des hypothèses formulées dans la littérature secondaire allemande. Celle-ci regroupe deux domaines de recherche : la sociologie urbaine qui adopte une position d'expertise vis-à-vis des problèmes urbains et de leur traitement public ; les sciences administratives qui s'intéressent aux transformations des modes de gestion au sein des administrations publiques. Ces perspectives ont donné lieu à deux hypothèses sur l'émergence des dispositifs de lutte contre la ségrégation sociale en Allemagne que je discuterai successivement : ils sont le résultat des recherches urbaines menées depuis les années 1980 ; ils s'inscrivent dans le cadre d'un important mouvement de réformes administratives lancé au début des années 1990 dans les municipalités allemandes.

La ségrégation socio-spatiale : constructions savantes d'un problème social en Allemagne

La ségrégation socio-spatiale est une question relativement récente de la sociologie urbaine allemande. Son apparition dans la sphère académique et ses différentes reformulations théoriques dans les débats scientifiques allemands est liée au transfert de modèles interprétatifs forgés dans des sphères académiques étrangères, françaises et anglo-saxonnes pour l'essentiel. On peut schématiquement repérer deux périodes correspondant à l'importation d'approches différentes de la ségrégation socio-spatiale en Allemagne qui conduisent à des propositions d'intervention distinctes142. Dans les années 1980, l'approche socio-économique des structures urbaines critique les

politiques de développement urbain qui misent sur une croissance économique continue. Dans les années 1990, la ville américaine joue le rôle de contre-modèle à partir d'une reformulation de la question de la ségrégation sociale en termes d' « effets de quartier ».

142 Cette section n'a pas la prétention d'offrir une vision exhaustive des travaux allemands menés sur la ségrégation sociale. J'ai sélectionné les travaux qui, au delà du débat théorique sur l'explication de la ségrégation, ont contribué à la construction de ce phénomène comme un problème social.

L'approche socio-économique de la ségrégation urbaine en Allemagne : un portrait en négatif du « management de quartier »

La question de la ségrégation socio-spatiale commence à être traitée par la littérature allemande vers le milieu des années 1970. Elle émerge au cours du processus de professionnalisation décrit par Ulfert Herlyn (Herlyn, 2006). Celui-ci se caractérise d’une part par l’institutionnalisation de la discipline à travers la création de chaires spécialisées dans plusieurs universités allemandes, d’autre part, par la réception de deux paradigmes théoriques concurrents, anglo-saxon pour le première, français pour le second. Le premier paradigme, labellisé par le terme d’ « écologie urbaine », considère la ségrégation socio-spatiale comme le résultat d'un processus naturel de regroupement induit par le processus d'urbanisation (Burgess, 1984 [1925] ; Park, 1984 [1952]). La sociologie allemande retient surtout de ce courant l'idée que les processus de différenciation liés à l'urbanisation produisent des « aires naturelles » relativement homogènes du point de vue des groupes sociaux qui les habitent et des modes de vie qui les caractérisent. Les caractéristiques morphologiques des différents espaces de la ville orientent ainsi les choix résidentiels individuels vers certaines zones urbaines où l'expérience de la proximité spatiale renforce le sentiment d'appartenance à un milieu social donné. Le livre qui sert de référence pour cette approche en Allemagne est le manuel de Jürgen Friedrichs, Stadtanalyse (« Analyse de la ville »), dans lequel il propose de substituer à une sociologie de la ville une sociologie des comportements spatiaux (Friedrichs, 1977). La seconde approche est liée à la parution de la traduction anglaise de l'ouvrage que Manuel Castells consacre aux luttes urbaines (Castells, 1977 [1972]). Dans cette perspective qualifiée de « néo-marxiste » ou labellisée par le terme de « nouvelle sociologie urbaine », les structures urbaines, en particulier la distribution socio-spatiale des groupes sociaux, sont le produit de rapports sociaux de classe : chez Castells, les luttes urbaines naissent de la contradiction entre les objectifs de planification orientés par l'accumulation du capital et les conditions nécessaires à la reproduction de la force de travail. De cette perspective, la sociologie urbaine allemande retient surtout l'idée de la production socio-économique des structures spatiales : ces dernières sont la traduction dans l’espace urbain des structures économiques et des rapports sociaux de classe.

À la fin des années 1980, les travaux de Hartmut Häußermann et de Walter Siebel, respectivement sociologues à l’Université Libre de Berlin (-Ouest) et à l’Université de Cologne, proposent une critique des politiques urbaines menées en Allemagne et mobilisent pour ce faire le paradigme socio-économique (Häußermann, Siebel, 1987). Pour ces deux auteurs, la reconfiguration du système productif ouest-allemand consécutif aux deux crises pétrolières a des

effets spatiaux et provoque une double fracture (doppelte Spaltung) du système urbain ouest- allemand : une fracture interrégionale qui oppose les villes gagnantes aux villes perdantes, c’est-à- dire les villes du sud aux villes du nord ; une fracture interne aux villes qui sépare les quartiers riches des quartiers pauvres. Une telle hypothèse semble annoncer les travaux qui, quelques années plus tard, défendent la thèse d’une dualisation des sociétés urbaines (Dubet, Lapeyronnie, 1992 ; Sassen, 1994). Les auteurs allemands proposent cependant un modèle tripartite de la structure urbaine. Les villes allemandes appelées à devenir des métropoles d'envergure internationale se caractériseraient selon eux par une différenciation accrue entre trois structures urbaines de plus en plus autonomes : la structure grâce à laquelle la ville s’engage dans la concurrence internationale, c’est-à-dire l’ensemble des infrastructures de prestige susceptibles d’attirer les capitaux nationaux et étrangers ; la structure « normale » qui pourvoit au logement, au travail et à la consommation de la classe moyenne ; enfin, la structure de la ville marginalisée appelée à être de plus en plus reléguée dans l’espace urbain. D’après les auteurs, les politiques urbaines centrées à l’époque sur le développement de pôles d'attraction économique pour les entreprises se focalisent sur la première structure au détriment des deux autres et approfondissent les disparités territoriales entre régions et entre quartiers urbains. D'autre part, le désinvestissement de l'État dans le domaine du logement contribuerait à réduire et à mettre en danger la structure « normale ». Dans cette perspective d’analyse, les deux sociologues allemands réclament une orientation plus « sociale » des politiques urbaines pratiquées dans les années 1980. On rencontre en particulier un portrait en négatif des futurs « managers de quartier » : « Le type classique d'une canalisation de la croissance réalisée par les ingénieurs et accompagnée de mesures protectrices comme les plans sociaux est encore dominant dans les centres industriels prospères. Dans les villes en crise se développent des problèmes qui réclament d'autres modes d'intervention. Il ne s'agit plus d'orienter les investissements au bon endroit mais d'empêcher le désinvestissement. Le problème ne réside plus dans la libération de l'espace nécessaire à une consommation galopante, mais plutôt de convertir des terrains déjà aménagés et des bâtiments déjà construits. Cela signifie que les politiques urbaines ont un nouvel objectif : il s'agit de mobiliser des groupes sociaux, d'encourager certains schémas d'action et d'en décourager d'autres comme le vandalisme, en clair, de trouver des activités possibles et de les financer (...). On va passer de la planification urbaine à la planification sociale du développement. Cette dernière doit faire plus que circonscrire les conséquences sociales négatives d'erreurs techniques. Son domaine d'action et ses bénéficiaires sont désormais directement des comportements et des groupes, et non en premier lieu des bâtiments et des structures techniques. Il manque les instruments, les compétences et les formes d'organisation, les expériences et les modèles que requiert une telle planification sociale du développement » (Häußermann, Siebel,

1987, pp. 153-154, ma traduction). Le modèle de politique urbaine apte à répondre aux nouveaux enjeux de la ségrégation socio-spatiale est formulé sous la forme d'un dépassement des modes d’intervention fondés sur l’amélioration technique du bâti et portés par des ingénieurs diplômés d’architecture ou d’urbanisme. La rénovation, telle qu’elle a été pratiquée dans les grands ensembles ouest-allemands dans les années 1980, est souhaitable mais elle reste insuffisante face aux problèmes posés par le déclin industriel (Schrumpfung). Dans ce nouveau contexte, les compétences techniques des ingénieurs en architecture ou en urbanisme doivent être complétées par des compétences plus sociales et relationnelles. En filigrane se dessine ainsi la figure du « manager » valorisée dans les rapports sur les dispositifs de lutte contre l'exclusion mis en place dans la plupart des grandes villes allemandes à la fin des années 1990 (Difu, 2003, p. 190). La rénovation poursuit également des objectifs qui étaient déjà ceux du « travail communautaire » (Gemeinwesenarbeit) : éducatifs et civiques.

Les effets de quartier : la ville américaine comme contre-modèle

À partir du milieu des années 1990, le débat sur la ségrégation socio-spatiale dans le domaine de la recherche urbaine allemande est relancé par la réception de deux nouveaux concepts : celui de « Unterklasse » repris de l'américain « underclass » et celui de « Ausgrenzung » repris du français « exclusion ». Ces concepts sont issus de la publication des travaux de Wilson sur les ghettos noirs américains (Wilson, 1987) et de ceux de François Dubet et Didier Lapeyronnie sur la banlieue parisienne (Dubet, Lapeyronnie, 1994 [1992]). Ils sont mobilisés pour décrire le phénomène de la « nouvelle pauvreté » que Hartmut Häußermann présente en ces termes : « Ce n'est pas la famine qui touche de plus en plus de monde autour de soi, mais le découragement lié à la marginalisation et à l'exclusion » (Häußermann, 1997, p. 25). Dans les années 1990, la question de la ségrégation socio-spatiale est ainsi peu à peu redéfinie en lien avec les études sur la pauvreté et ses manifestations spatiales. C'est dans ce cadre qu'elle acquiert véritablement le statut de problème social. Les sociologues impliqués dans ce débat143 s'intéressent désormais moins aux

causes écologiques ou structurelles de la ségrégation socio-spatiale qu'à ses effets sur des groupes sociaux qui cumulent les formes d'exclusion (dans l'espace résidentiel, sur le marché du travail, du point de vue de l'accès aux ressources culturelles, politiques et administratives) et s'appuient davantage sur des enquêtes statistiques. Les années 1990 correspondent ainsi à un moment où la

143 Le numéro thématique de la revue Leviathan « Armut und Ausgrenzung » (Pauvreté et exclusion) en propose une vision synthétique à travers les contributions des principaux sociologues allemands impliqués dans ce débat : Hartmut Häußermann, Martin Kronauer et Walter Siebel (1997). En 2004, ces auteurs publient un volume collectif dans lequel ils adoptent une vision plus critique sur ces notions et leur transfert au contexte allemand : Häußermann, Kronauer, Siebel, 2004.

thématique de la ségrégation socio-spatiale devient centrale pour la recherche urbaine allemande et mobilise des méthodes d'enquêtes plus sophistiquées.

Dans la perspective de l'analyse des « effets de quartier », Hartmut Häußermann réclame une politique du logement qui favorise la mixité sociale, la seule, selon lui, susceptible d'éviter les effets négatifs que peut entraîner la concentration de populations en difficulté sur un même territoire (le développement de la délinquance, du trafic de drogue ou du vandalisme sont les principaux effets repérés). Cette revendication représente un leitmotiv de ses publications ultérieures, y compris des évaluations qu'il produit des politiques urbaines de la fin des années 1990 (IfS, 2004). Une telle revendication se comprend à partir du modèle de régulation qu'il associe à la ville européenne en opposition à la ville américaine (Häußermann, Kapphan, 2000 ; Häußermann, 2001 ; 2002 ; Häußermann et al., 2008). Dans cette perspective, la ségrégation socio-spatiale est analysée à partir des mécanismes de distribution spatiale des groupes sociaux. Plus cette distribution est régulée par le marché, plus la ségrégation est importante. Pour Hartmut Häußermann, les villes européennes de l'après-guerre se caractérisent ainsi par un parc important de logements sociaux qui permet de déconnecter la position occupée dans l'espace urbain de celle occupée dans l'espace social. Ainsi, l'existence d'un parc de logements sociaux important fonde l'opposition entre la ville européenne, qualifiée de « sociale » parce que l'État y assure l'accès du plus grand nombre au logement et aux autres ressources sociales qui lui sont associées, et la ville américaine qualifiée de « libérale » dans la mesure où l'État n'y intervient que pour loger les plus démunis et les plus marginalisés.

La redéfinition de la question de la ségrégation socio-spatiale en lien avec les travaux anglo- saxons sur les « effets de quartiers » conduit ainsi à relativiser la portée des politiques urbaines : « Les causes [de la concentration spatiale des problèmes sociaux] se situent principalement en dehors des possibilités d'intervention des politiques urbaines. D'un autre côté, on observe des flux migratoires sélectifs (...), qui conduisent à la concentration de groupes matériellement et socialement défavorisés dans certains quartiers – or, on peut avoir une action sur ces flux à l'échelle locale, car leurs causes sont localisées au moins en partie dans les quartiers eux-mêmes » (Häußermann, Kapphan, 2004, p. 233). Les politiques de « planification sociale du développement » esquissées à la fin des années 1980 dans le cadre de la critique des politiques urbaines centrées sur le développement de pôles d'attraction économique pour les entreprises ne peuvent pas agir sur les facteurs structurant de la ségrégation socio-spatiale mais permettent d'en limiter les effets les plus négatifs. Malgré les limites qu'il pose à l'action de ce type de politiques, Hartmut Häußermann n'en joue pas moins un rôle déterminant dans l'orientation du programme « Soziale Stadt » à Berlin, dans la mesure où il élabore, avec Andreas Kapphan, le système de

surveillance statistique (Stadtmonitoring) qui sert à choisir les quartiers concernés par le programme au début des années 1990 (IfS, 1998).

Le décalage entre les propositions du débat scientifique et celles qui sont effectivement mises en place souligne combien il serait illusoire de voir une relation automatique entre la sphère scientifique et la sphère politico-administrative. Les transferts entre ces deux sphères supposent des mécanismes de sélection, d'interprétation et d'appropriation qu'il faudrait observer plus finement à partir des archives des conférences, ateliers et réunions ayant donné lieu à la rédaction des premiers documents de cadrage pour la mise en œuvre du dispositif berlinois de « management de quartier » par exemple. De plus, les solutions choisies ne répondent pas seulement aux problèmes construits par les sociologues et les urbanistes. Elles répondent aussi à des enjeux politiques que les problèmes urbains mettent en exergue.

« Management de quartier » et réforme administrative à Berlin

À la fin des années 1990, la lutte contre la ségrégation socio-spatiale à Berlin repose sur le dispositif de « management de quartier ». Il partage de nombreux points communs avec les « maîtrises d'œuvre sociales » mises en place dans les quartiers de la Politique de la Ville dans le cadre des contrats de Développement social des quartiers (DSQ). La plupart des observateurs français (élus locaux, étudiants en urbanisme, membres de conseils ou comités de quartier) auxquels j'ai présenté ce modèle en France ou qui sont venus directement l'observer à Marzahn ont en général bien repéré cette ressemblance tout en se montrant très étonnés des termes utilisés pour nommer le dispositif allemand. Alors que le terme de « management » choque le plus souvent mes interlocuteurs français, il appartient au sens commun de l'action publique en Allemagne depuis la réunification. La chute du régime socialiste et la critique de la dictature paternaliste est-allemande a désarmé la plupart des résistances à la diffusion de la rhétorique managériale dans les administrations publiques allemandes. Quel type de changement marque cet emprunt au vocabulaire des entreprises dans le domaine de la rénovation en Allemagne ?

Un dossier de la revue Politix portant sur les transformations managériales des activités politiques relève que l'introduction de formes contemporaines de management dans les administrations ou les organisations politiques et militantes est souvent le fait d' « outsiders » qui mobilisent les savoirs managériaux « pour subvertir les règles qui les maintiennent originellement à la marge » (Robert, 2007, p. 17). Cette idée souscrit ainsi aux thèses qui associent aux transformations de l'action publique l'activité d'un réseau de réformateurs qui s'impose progressivement à la direction des organisations ou des administrations considérées (Jobert, Muller, 1987). Pour étayer cette thèse, il faudrait mener l'enquête au niveau fédéral. Au sein de

l'administration du Sénat de Berlin, aucun des entretiens que j'ai menés avec les directeurs du service en charge du programme « Soziale Stadt » ou avec leurs collaborateurs subalternes ne permet d'associer un changement de personnel à la mise en œuvre locale de ce programme. Monica Schümer-Strucksberg, pour ne citer que cet exemple, a fait l'ensemble de sa carrière dans l'administration du Sénat de Berlin pour la construction qui fusionne en 1999 avec l'administration pour le développement urbain. Sa promotion à la direction du service « Soziale Stadt » en 1999 confirme le poids politique de l'administration de la construction au sein du Sénat de Berlin hérité du contexte d'après guerre.

Les travaux de science administrative allemands attribuent ces changements aux contraintes financières qui pèsent sur la plupart des grandes villes allemandes depuis le début des années 1990. Cependant, il me semble que le « management de quartier » est mis en place à Berlin dans le contexte d'une crise de légitimité du Sénat que la crise financière n'a fait que révéler. Si ce dispositif est introduit de façon concomitante dans l'ensemble des villes concernées par le programme fédéral « Soziale Stadt », sa mise en place à Berlin n'en constitue pas moins une réponse, parmi d'autres, aux problèmes posés par cette crise.

Crise financière et nouveau modèle de gestion publique

La campagne pour les élections municipales de septembre 2006 à Berlin a été marquée, entre autres, par un débat sur l'assainissement du budget de la capitale dont le déficit s'élève à cette époque à 61,6 milliards d'euros, soit plus de 18 000 € par habitant. Les problèmes budgétaires berlinois sont attribués à plusieurs facteurs structurels et conjoncturels dans les travaux de science administrative (Mäding, 2002 ; Röber, Schröter, 2002). Parmi les facteurs conjoncturels, les auteurs mentionnent la fin des subventions fédérales liées au statut particulier de la ville en 1995 et les coûts occasionnés par la réunification des deux parties de la ville pendant les années 1990