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La notion de « diaspora » et l’approche de l’organisation économique de la diaspora issue de Wenzhou

P ARTIE I W ENZHOU , RENCONTRE D ’ UNE DIASPORA EN F RANCE

1.1 La notion de « diaspora » et l’approche de l’organisation économique de la diaspora issue de Wenzhou

Cette section est consacrée à une synthèse des recherches menées sur la notion de diaspora et notamment celui de la diaspora chinoise expliquant les causes et les conséquences du phénomène migratoire chinois dans le monde. Les études sur la diaspora chinoise permettent de comprendre les facteurs qui poussent les habitants de Wenzhou à se déplacer, ainsi que les effets de cette mobilité sur le développement des pôles de départ. Plus précisément, nous revenons d’abord sur les usages de la notion de diaspora en géographie avant de traiter plus particulièrement de la littérature sur la diaspora chinoise. Nous apportons ensuite quelques éléments généraux sur l’histoire de la diaspora chinoise. Enfin, nous abordons la littérature, rare, sur la diaspora issue de Wenzhou pour étudier ce cas diasporique précis.

1.1.1 La notion de « diaspora »

La notion de « diaspora » est employée en sciences sociales à propos de diverses populations migrantes. Son usage théorique remonte au milieu des années 1980. Selon Gildas Simon, la notion de diaspora « est étendue, depuis les années 1980, aux phénomènes locaux d’hybridation culturelle et de réseaux maintenus par les groupes par- delà leur dispersion (diaspora noire issus de l’esclavage). La diaspora désigne, actuellement, tout groupe migratoire qui conserve des liens familiaux, commerciaux, culturels ou politiques avec son pays d’origine et les autre pays d’installation ; elle se distingue par une conscience d’appartenance commune qui transcende les appartenances nationales » (Simon 2015, p15). La notion de « diaspora » est donc appliquée aux différents groupes migratoires qui entretiennent des liens entre le pôle de départ et le pôle d’arrivée. Cette notion est toutefois discutée dans les sciences sociales depuis le milieu des années 1990 et a fait l’objet d’une abondante production scientifique (Bruneau 1995; Bordes-Benayoun et Schnapper 2006, 2008; Schnapper, 2001; Dufoix 2003; Anteby-Yemini, Berthomière, et Sheffer 2005; Anteby-Yemini et Berthomière 2005). D’après Emmanuel Ma Mung (2012, p352-353) : ces travaux « portent, entre autres, sur les orientations et les postures de recherche et les controverses sur l’utilisation du terme diaspora à propos de tel ou tel collectif migrant. Une interrogation récurrente sur l’usage démultiplié du terme ‘diaspora’ les traverse et a conduit à des efforts de théorisation et de conceptualisation du terme et des phénomènes qu’il est censé caractériser. Ces recherches ont permis également d’éclairer des phénomènes qui dépassent largement le seul cas des diasporas et de renouveler les problématiques à propos de thèmes aussi variés que l’État-nation, la mondialisation, le transnationalisme, l’identité, la mémoire collective, la citoyenneté, la diversité, les appartenances et les allégeances, les réseaux migratoires, le développement des aires d’origine des migrants, l’intégration dans les sociétés d’établissement… ». Cette liste loin d’être exhaustive montre que l’objet diaspora s’est avéré être particulièrement heuristique. La notion de « diasporas » sera examinée plus loin. Elle concerne non seulement des groupes migrants, mais aussi des groupes professionnels ou religieux (ibid.).

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Selon Schnapper, Costa-Lascoux et Hily (2001), l’utilisation de la notion de « diaspora » a ses limites dès lors qu’elle devient un simple synonyme de « groupe ethnique ». Pour en faire un usage scientifique, deux conditions doivent être réunies : d’une part, on doit l’utiliser d’une manière neutre et sans jugement de valeur ; d’autre part, il importe « de l’appliquer à toutes les populations dispersées qui maintiennent des liens, quel que soit leur prestige, et pas seulement aux Juifs, Arméniens, Grecs ou Chinois […]. Le terme de diaspora pour désigner le phénomène par lequel les membres d’une collectivité historique maintiennent, malgré leur dispersion dans des organisations politiques différentes, une référence à une identité collective et des formes de solidarité - qu’il s’agit de comprendre et d’analyser dans leur complexité - devrait être étendu à toutes les populations dispersées, si l’on veut donner un sens qui le rendent heuristiquement fécond » (ibid. : 31).

En cherchant à expliquer le sens de la notion de diaspora, Stéphane Dufoix suggère que la diaspora « sert de nom pour certaines populations vivant en dehors d’un territoire de référence, et de concept spécialisé pour décrire des réseaux marchands africains » (Dufoix 2003, p21). Il distingue trois types de définitions : ouvertes, catégoriques et oxymoriques. Les travaux de Gabriel Sheffer (1986), lequel est longuement revenu sur la définition de ce qu’il nomme désormais les diasporas « ethno- nationales », mobilisent une définition ouverte du concept de diaspora (Dufoix 2003, p23-24). C’est-à-dire que cette définition retranche la possibilité de nomadisme et y ajoute un élément fondamental : le maintien du lien avec l’origine. Il s’ensuit que plusieurs dimensions sont appréhendées : « l’origine de la migration (volontaire ou forcée) ; l’installation dans un ou plusieurs pays ; le maintien de l’identité et de la solidarité communautaires permettant la mise en place de contacts entre les groupes, et l’organisation d’activités visant à préserver cette identité, et enfin, les relations entre les États d’origine, les États d’accueil et les diasporas, ces dernières pouvant devenir les relais de leur État d’origine dans leur État d’accueil » (Dufoix 2003, p23-24). Les définitions catégoriques usent au contraire de critères stricts « devant obligatoirement être remplis pour accéder à la dénomination scientifique comme ‘diaspora’ […] ces critères visent à différencier les ‘vraies’ diasporas des ‘fausses’ diasporas » (Dufoix 2003, p24). En reprenant les travaux d’Yves Lacoste, Stéphane Dufoix (2003, p24) souligne que selon celui-ci les « vraies » diasporas « sont reconnaissables par ‘la dispersion de la plus grande partie d’un peuple’. Le critère est, ici, non le chiffre absolu, mais le chiffre relatif à la population totale du pays ». De ce fait, « les Chinois d’Asie du Sud-Est ne peuvent prétendre au nom de ‘diaspora’ car leur nombre considérable (environ 20 millions) 29 est

insignifiant par rapport au milliard de Chinois de Chine » (ibid. : 24). Dans une tentative pour construire un modèle conceptuel fermé, William Safran propose, pour éviter que le terme perde toute signification, de le réserver aux minorités expatriées dont les membres partagent six caractéristiques : la dispersion ; l’existence d’un « centre » lié à au moins deux pôles d’installations ; le maintien d’une mémoire collective sur leur pays d’origine ; la croyance en l’existence d’une obligation collective envers le pays d’origine ; et le maintien de relations avec ce dernier (Safran 1991, cité par Dufoix 2003). Robin Cohen également, en s’appuyant sur les critères de Safran, produit une liste de neuf

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caractéristiques communes aux diasporas (Cohen 1997, cité par Dufoix 2003). On peut distinguer aussi les diasporas selon leur identité principale : victime (Juifs, Africains, Arméniens, Palestiniens), laborieuse (Indienne), commerciale (Chinois) et impériale (Britanniques, Français, Espagnols, Portugais). Les définitions oxymoriques, elles, trouvent leur fondement dans l’apparition de la pensée postmoderne dans les années 1980. Selon Stéphane Dufoix, le postmodernisme s’est répandu dans les sciences sociales, surtout en sociologie et en anthropologie, où il rencontre le courant anglais des études culturelles qui se focalisent sur les « sous-cultures », comme, par exemple, les cultures subalternes ou postcoloniales ainsi que celles des ouvriers, des minorités, des immigrants, etc. « C’est dans ce cadre que se développe une vision de la ‘ diaspora’ radicalement différente des définitions ouvertes ou catégoriques. Là où ces dernières insistent sur la référence à un point de départ et sur le maintien d’une identité malgré la dispersion, la réflexion postmoderne privilégie l’identité paradoxale, le non-centre et l’hybridité » (ibid. : 26-27).

En dépit de ces tentatives de définition, la notion de diaspora souffre encore de manque de clarification que Lisa Anteby-Yemini et William Berthomière (2005) soulignent : il est polysémique et rend difficilement compte de la diversité des contextes « diasporiques». En effet, « il convient de signaler toute la difficulté que représente le souhait de couvrir avec une seule notion une pluralité de réalités humaines où la ‘conscience diasporique’ garde une place cardinale » (ibid. : 145). De ce fait, « […] trois points méthodologiques peuvent être proposés pour explorer au mieux la diversité des questionnements offerts par les diasporas. En premier lieu, il convient de rappeler qu’il est primordial de séparer ce qui relève du précepte et du concept. En second lieu, et toujours pour dépasser le singulier, il est nécessaire d’élaborer une réelle infrastructure théorique (caractéristiques des groupes diasporiques, de leurs terres d’origine, des pays de résidence, etc.) comme a pu le proposer Judith Shuval (2003). Et en dernier lieu, poursuivant les propositions de Nicholas Van Hear, il peut être utile pour qui veut explorer le concept de diaspora de s’attacher à répondre à une question : comment comprendre et caractériser le passage de groupe migrant à diaspora ? Cette perspective est d’autant plus stimulante qu’elle fait émerger des questionnements fondamentaux dans l’étude des diasporas que sont l’allégeance, l’engagement, la confiance, la solidarité ethnique ou la coresponsabilité morale (Werbner 2005) et permet de mettre en évidence les spécificités des formes sociales observées […] » (ibid. : 145). Les auteurs démontrent ainsi qu’il existe « un ‘di(a)spositif’, une organisation spatiale et sociale si spécifique qu’elle caractériserait et différencierait les groupes migrants décrits sous le nom de diaspora, d’autres dispositifs migrants que la structure spatiale et sociale tend pourtant à rapprocher » (ibid. : 140).

Se basant sur les études de la diaspora chinoise en géographie, Emmanuel Ma Mung (2000, p8-9) admet que deux caractères morphologiques objectifs définissent au minimum une diaspora : un caractère est « la multipolarisation de la migration d’un même groupe national, ethnique ou religieux entre différents pays ce qui correspond à la définition classique de la diaspora au sens originel de dispersion ». Un autre caractère est « l’interpolarité des relations, c’est-à-dire les liens migratoires, économiques, informatifs ou affectifs qu’entretiennent entre eux les membres des différents pôles de l’espace migratoire d’un groupe particulier ; non seulement les

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relations entre chaque pôle migratoire et le pays d’origine comme dans le cas des migrations classiques mais aussi celles existant entre les différents pôles migratoires » (ibid. : 9). Il propose que la migration classique corresponde à un réseau élémentaire, c’est-à-dire, aux relations entre un pôle central (le pays d’origine) et des pôles secondaires (les différents lieux de fixation de la migration) ; alors qu’une diaspora s’établirait plutôt comme un réseau complexe impliquant l’existence de liens entre l’ensemble des pôles. L’existence et le développement de relations migratoires, économiques, informationnelles mais aussi affectives et émotionnelles entre les différents pôles d’établissement à l’échelle locale, nationale et internationale circonscrivent une entité sociale dont l’unité est donnée par la croyance subjective des personnes en une origine commune — la Chine — qui est la base d’une identité ethnique au sens weberien. C’est en ce sens que l’on peut parler de diaspora chinoise (ibid.).

À travers ces études, nous constatons que l’utilisation du terme « diaspora » a débordé les contours définis dans sa première acception. La notion de « diaspora » peut être utilisée pour qualifier une migration ou une population. Elle peut aussi être élargie à d’autres groupes migrants à partir d’un critère national, ethnique ou religieux ; c’est-à-dire qu’elle peut qualifier la migration d’un même groupe ayant une appartenance commune. Cette origine partagée peut être associée à différentes caractéristiques (groupes de migrants, professionnels ou religieux) qui permettent de considérer l’appréhension de la notion de la diaspora au-delà des différentes diasporas dans le monde (juives, africaines, chinoises, etc.).

En effet, outre ce premier constat, il nous semble qu’il existe des relations hétérogènes entre les différentes diasporas. Ces relations entre les diasporas peuvent être qualifiées d’interactions inter-diaspora. Autrement dit, l’appréhension de la notion de « diaspora » n’est possible qu’à partir d’une approche qui considère « deux niveaux » : un premier niveau concerne chaque diaspora (et ses relations intra-diaspora) ; un deuxième niveau renvoie de façon plus globale à la diaspora selon des caractéristiques propres. Cette nuance nous invite à considérer la diaspora comme une réalité sociale globale tout en reconnaissant les spécificités de ces dynamiques internes. Pour illustrer notre propos, la diaspora Wenzhou se révèle être une partie de la diaspora chinoise dans le monde. Aux côtés d’autres diasporas comme les Chaozhou, les Hakka, les Wenzhou dessinent les contours de la diaspora chinoise dans le monde. Entre les différentes diasporas (Wenzhou, Chaozhou, Hakka, etc.), des relations inter-diasporiques existent. Ces relations se traduisent par la constitution des réseaux migratoires au sein même la diaspora chinoise.

Nous soutenons donc qu’il existe deux niveaux pour comprendre la notion de « diaspora » dans notre recherche : Il y a tout d’abord une diaspora définie selon un critère (national, ethnique ou religion) ; puis, chaque diaspora est caractérisée par les relations inter diaspora et entre les autres différentes diasporas. L’usage du terme « inter diaspora », nous permet d’identifier chaque diaspora selon la diversité des statuts sociaux qui la composent et d’appréhender les différents niveaux d’insertion dans la société du pays d’installation. À ce sujet, l’unité de la diaspora Wenzhou réside dans le fait que les individus parlent la même langue, ou dialecte, qui est différente du mandarin et difficilement compréhensible par les non-locuteurs. Cette caractéristique est un critère très important. Par ailleurs, en accord avec les deux niveaux d’appréciation de la diaspora,

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chaque diaspora dispose également de ses propres appartenances ethniques. Ainsi, au sein même de la diaspora chinoise, nous nous intéressons à la diaspora Wenzhou.

Les nombreux débats sur les usages de la notion de « diaspora » ont nourri notre réflexion. Toutefois, en raison du cas spécifique étudié, de l’approche autant géographique qu’économique menée, nous avons fait le choix de retenir la définition proposée par Emmanuel Ma Mung (2000, 2009).

Après avoir exposé les différentes définitions de la diaspora, il nous semble que la permanence des liens avec le pays d’origine constitue une caractéristique fondamentale à retenir. L'existence de tels liens est considérée par tous comme essentielle. À partir d’une approche géographique, le phénomène migratoire se réalise dans un premier temps par un éloignement entre le pays d’origine et l’installation dans plusieurs pays. Cette diffusion géographique apparente aboutit dans un deuxième temps à la création d'un réseau élémentaire. Ce réseau élémentaire est caractérisé par des relations multiples entre les pays d’installation et le pays d’origine. De plus, l’existence de ce réseau élémentaire conduit à la structuration d’un second réseau caractérisé par des relations entre les pays d’installation (entre les pôles diasporiques) (ibid.).

Par ailleurs, selon la notion de diaspora proposée par Emmanuel Ma Mung (2009), nous retenons que la diaspora chinoise se présente comme un réseau de réseaux, une diaspora de diasporas, qui peut être appréhendée comme une entité socio-spatiale (ou un « peuple ») qui peut se reproduire dans la forme de la dispersion. Il y a le sentiment d’appartenance à un même pays d’origine, la Chine, mais aussi à un lieu de naissance au sein d’un pôle diasporique des Chinois.

La pratique de la même langue - le mandarin est un élément important qui contribue à unifier l’ensemble de différents groupes migrants chinois. Sur le plan linguistique, la pratique du mandarin peut facilement renforcer le sentiment d’appartenance à la Chine des individus qui composent la diaspora chinoise. À partir de ce trait commun, nous affirmons que les différents migrants chinois peuvent également renforcer leur appartenance à un même sous-groupe grâce à la pratique de leur propre « dialecte ». De ce fait, au sein de la diaspora chinoise et selon le critère linguistique, nous reconnaissons que la diaspora Wenzhou constitue une sous-diaspora se trouvant « à l’intérieur » de la diaspora chinoise. Cette diaspora se caractérise également par une organisation économique constituée de petites ou moyennes entreprises réparties dans l'espace.

À l’image d’une diaspora dans la diaspora chinoise, cette formation se constitue et s’organise en « diaspora entrepreneuriale » (ibid.). Au sein de celle-ci, deux figures se distinguent : les prolétaires (surtout salariés ou travailleurs) et les entrepreneurs s’interconnectent dans le partage d’un système économique en commun permettant non seulement le maintien des relations économiques, politiques, affectives avec leur pays d’origine, mais aussi avec les différents pôles diasporiques dans le monde. Ces réseaux se composent aussi d’un réseau élémentaire qui relie leur foyer d’émigration dans le pays d’origine aux divers pays d’installation et d’un réseau secondaire constitué des liens entre les différents pôles d’installation. Les entreprises au sein de ces réseaux sont essentiellement reliées par des échanges économiques dans le cadre de la circulation des personnes, des produits, des capitaux et des informations. C’est à partir de cette notion que nous développerons notre problématique.

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1.1.2 L’usage du terme « diaspora » à propos des migrations internationales chinoises Dans le contexte des migrations internationales, les immigrants chinois sont identifiés comme faisant partie d’une diaspora par les chercheurs qui les étudient. Bien que Stéphane Dufoix (2003) ait contesté l’application du concept de « diaspora » aux immigrants chinois, il reconnaît que « la qualification des ‘Chinois d’outre-mer’ (overseas

Chinese) comme ‘diaspora’ remonte au moins à la fin des années 1940 » (ibid. : 21). La

production en langue anglaise sur la question est importante : les premières recherches sur la diaspora chinoise portent principalement sur sa présence en Asie du Sud-Est : George William Skinner (1957), Maurice Freedman (1957), Edgar Wickberg (1965), Victor Purcell (1965). Ainsi, une littérature importante est consacrée à la présence de la diaspora chinoise dans les différents pays d’Asie du Sud-Est, Thaïlande, Singapour, Philippines, etc. et traite des questions identitaires liées à l’adaptation des migrants chinois dans les différentes sociétés asiatiques, de l’organisation économique ou encore de l’histoire des migrants chinois dans cette partie du monde (Liu 2009).

De nombreux travaux mobilisent les expressions de Chinese Diaspora ou Diasporic

Chinese. Nous trouvons aussi dans la production anglaise les termes de Chinese overseas ou overseas Chinese (Wang G. 2000b, 2006; Benton et Liu 2004; Kuhn 2006, 2008). Ces

travaux recensent les différentes approches qui synthétisent et analysent le phénomène diasporique des Chinois d’outre-mer dans le monde. Notamment, Wang Gungwu a discuté les différentes définitions de « Chinois d’outre-mer » (Huashang, Huagong, Huaqiao,

Huaren ou Huayi)30 en fonction de l’évolution historique, constatant que l’usage du terme

de « diaspora » pour les migrations internationales chinoises ne fait pas toujours consensus (Wang G. 1993; 2002b). Ainsi, « I have used the term [diaspora] with great reluctance

and regret, and I still believe that it carries the wrong connotation and that, unless it is used carefully to avoid projecting the image of a single Chinese diaspora, will eventually bring tragedy to Chinese overseas »

(Wang G. 2000a, p55; 2002a, p18). Mais Wang Gungwu, constatant l’évolution de la production scientifique sur le concept de « diaspora », a fini par admettre que ce concept pouvait s'appliquer aux migrations internationales chinoises. Shelly Chan (2015, p108) a également analysé les transformations de l’usage du terme de « diaspora » pour qualifier les Chinois d’outre-mer. D’après Philip A. Kuhn, l’histoire de la « Chinese diaspora » permet de mieux connaître l’histoire de la Chine dans son ensemble, celle de la Chine moderne entretenant des liens forts avec l’histoire des migrations chinoises (Kuhn 2006, 2008, 2016). En Amérique du Nord, plusieurs recherches examinent également le processus d’adaptation des migrants chinois à la société d’accueil. L’étude des « Chinatowns » a particulièrement été privilégiée (Zhou 1992).

Les expressions françaises de « diaspora chinoise » sont quant à elles apparues dans les publications scientifiques à partir des années 1990. Nous pouvons citer, de façon non exhaustive, les articles « Peut-on parler d’une diaspora chinoise » de Pierre Trolliet (1994b) et « Non-lieu et utopie : la diaspora chinoise et le territoire » d’Emmanuel Ma Mung (1994) repris par Michel Bruneau dans son ouvrage intitulé « Diasporas » (Bruneau 1995). Pierre Trolliet, a également consacré un ouvrage à « La

30 Dans les quatre catégories proposées par Wang Gungwu, celui-ci a souligné que le Huashang

(commerçants chinois) était une organisation fondamentale dans l’histoire migratoire chinoise (Wang G. 2006) (voir infra).

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diaspora chinoise » (Trolliet 1994a). L’ouvrage publié par Emmanuel Ma Mung, « La diaspora chinoise : géographie d’une migration » (2000) ou encore la publication de Carine Pina-Guerassimoff (2012), « La Chine et sa nouvelle diaspora : la mobilité au service de la puissance » sont d’une importance majeure sur la question. Il nous semble toutefois que rares sont les travaux français qui portent sur les migrations chinoises dans le monde appréhendées comme un phénomène diasporique.

En ce qui concerne la majorité des recherches chinoises, celles-ci utilisent souvent le terme de « Chinois d’outre-mer » (traduction haiwai huaren 海 外 人), au lieu de