• Aucun résultat trouvé

Localisation des établissements commerciaux chinois (Rue Mongallet)

P ARTIE II W ENZHOU , UN ENTREPRENEURIAT DIASPORIQUE

Carte 24 Localisation des établissements commerciaux chinois (Rue Mongallet)

182

Carte 25 Les commerces selon leur type d’activités (Rue Montgallet)

Notre enquête met en avant la spécificité de la « Rue Montgallet ». En premier lieu, il s’agit d’un quartier commercial qui accueille de nombreux commerçants chinois spécialisés dans les commerces de détail non-alimentaire (voir cartes 24 et 25). Ensuite, ce quartier se caractérise comme centre de services et de produits informatiques chinois. L’implantation de commerces chinois a commencé au début des années 2000, les magasins étaient tenus principalement par les Chinois d’Asie du Sud-Est (Dumas et Gittus 2016). Pourtant, aujourd’hui, quelques commerçants chinois de Wenzhou sont présents. La majorité des produits informatiques sont exclusivement importés de Chine (« Extrait carnet du terrain, France » 2013)191.

191 Entretien avec YP, le 16 juin 2013 à Paris.

183

Carte 26 Localisation des établissements selon le type de commerces dans la région parisienne

Dans l’ensemble des quartiers de concentration des commerces chinois, deux caractéristiques se dégagent nettement selon la proportion du type de commerces :

1) une prépondérance absolue des commerces de gros dans le quartier Arts et Métiers-Temple, dans le quartier Sedaine-Popincourt et à Aubervilliers et celle de commerces de détail non alimentaires dans la rue Montgallet. Dans l’ensemble des commerces chinois des quartiers étudiés, les commerces de gros sont de loin les plus nombreux, puisqu’ils représentent 66,6% des établissements.

2) une prépondérance relative autour du commerce de détail alimentaire et de la restauration dans le quartier Triangle de Choisy et à Belleville (voir carte 26). Selon le résultat d’enquête de Programme COMET (2012-2015), le quartier de Belleville apparaît comme un espace perçu comme plus « chinois » que le 13e arrondissement, qui serait

quant à lui perçu plutôt comme « asiatique ». Cette différence dans la référence culturelle visible portée par l'offre commerciale tient en partie à l'histoire migratoire de chacun de ces quartiers. En effet, à l’inverse du 13e

arrondissement dont les commerces affichent des signes et/ou des enseignes faisant référence au Cambodge, au Vietnam, au Laos ou à

184

la Thaïlande, ceux du quartier de Belleville renvoient plus volontiers à la Chine, voire même à Wenzhou.

Tableau 22 Établissements selon le type de commerce dans les zones de concentration des commerces chinois en 2012

Quartiers étudiés

AMT192 Belleville

Triangle de Choisy

Sedaine

Popincourt Montgallet Aubervilliers193 Total

Commerces de gros

Habillement, chaussures 3 1 4 388 0 361 757

Maroquinerie 126 0 0 1 0 14 141

Bijouterie fantaisie 90 0 1 1 0 37 129

Autres commerces de gros (*) 35 0 3 9 4 32 83

Total 254 1 8 399 4 444 1110

Commerce de détail alimentaire

Supermarchés 3 11 13 0 0 0 27

Superettes 0 5 0 0 0 0 5

Autres commerces de détail

alimentaire (Boucherie, pâtisserie) 4 11 18 0 0 0 33

Total 7 27 31 0 0 0 65

Commerces de détail non

alimentaire

Confection, chaussures 4 21 20 5 0 5 55

Produits informatiques 1 6 3 0 33 0 43

Vente, location de DVD et CD 0 3 7 0 0 0 10

Librairies 1 1 1 0 0 0 3

Autres (bijoux, parfumerie, serrurerie,

publicité, opticiens) 9 19 38 0 0 9 75

Total 15 50 69 5 33 14 186

Restauration (restaurants, traiteurs, restauration rapide)

Total 22 53 109 8 0 1 193

Autres commerces de détail et

services

Cafés et bars-tabac 4 11 12 3 0 0 30

Agences de voyage 2 3 10 2 0 0 17

Autres diverse (coiffure, Transfert d'argent, pharmacies, Laverie, photocopie, auto-école, banques,

assurances, massage, beauté, etc. ) 5 29 28 3 0 0 65

Total 11 43 50 8 0 0 112

Total Restauration et commerce de

détail 55 173 259 21 33 15 556

Total général 309 174 267 420 37 459 1666

(*) Gadgets, petit matériel électronique, accessoires de mode, foulards, ceintures, chapeaux, etc. (Sources : enquête de terrain, 2012)

Le tableau 22 confirme la sorte de spécialisation des quartiers que nous notions plus haut : Arts et Métiers-Temple est tourné vers la maroquinerie et la bijouterie fantaisie et ne vend pratiquement pas de produits de l’habillement et de la chaussure. À l’inverse, les quartiers Sedaine-Popincourt et d’Aubervilliers vendent presque exclusivement ces produits. La rue Montgallet est elle aussi très spécialisée mais dans la vente de détail de produits informatiques.

192 Arts et Métier - Temple : AMT.

185

L’ensemble « restauration et commerce de détail » représente 556 établissements (33,4% du total) variés. Ce sont les restaurants qui dominent : 29,0% du total et 34,8% si l’on ajoute les traiteurs. Toutefois il faut noter que les 193 restaurants présents dans les concentrations commerciales ne représentent qu’une petite partie (23,4%) de l’ensemble des 824 restaurants tenus par les Chinois à Paris intra-muros (Ma Mung 2012). Dans cette activité, la majorité des établissements sont dispersés dans l’ensemble de la ville.

À travers l’inventaire des secteurs d’activités privilégiés par les entrepreneurs chinois en France, nous constatons que les Wenzhou exercent un quasi-monopole dans le commerce de gros dans les trois quartiers étudiés (Arts et Métiers-Temple, Sedaine- Popincourt et Aubervilliers).

Nous rappelons encore comme nous l’avons expliqué dans le chapitre 2, bien que les chiffres ne correspondent pas seulement qu’à une estimation, qu’il apparait que les commerçants chinois établis dans les quartiers étudiés sont originaire de la région de Wenzhou. Nous ne pouvons pas nous prononcer sur leur présence dans les autres lieux d’installation, extérieurs à nos quartiers étudiés.

Par ailleurs, selon la recherche du programme COMET (2012-2015), les enquêtes par questionnaires effectuées en 2014 auprès des passants à Belleville (113) et dans le 13e arrondissement (100) permettent de mieux saisir les caractéristiques des usagers194.

Dans les caractéristiques des personnes enquêté, concernant le lieu de naissance, il apparaît que les immigrés asiatiques constituent un part très significative des usagers : 30% (Belleville) et 20% (13e) des enquêtés sont nés en Chine - auxquels s'ajoutent dans le

13e 10% d'enquêtés nés en Asie du Sud-Est. Le caractère moins strictement chinois voire

asiatique de Belleville par rapport au 13e arrondissement apparaît également dans l'enquête, avec des pourcentages significatifs d'enquêtés nés au Maghreb (4%) ou en Afrique (8%). Par ailleurs, une part importante des usagers est née à Paris (17% à Belleville et 31% dans le 13e) ou ailleurs en Ile-de France (39% et 58%). Du point de vue résidentiel, la moitié environ des enquêtés habitent le quartier, tant à Belleville que dans le 13e, et une proportion très significative habitent le reste de la région parisienne (40% à

Belleville et 42% dans le 13e).Dans les pratiques de consommation, les personnes

enquêtées dans les deux quartiers viennent rarement pour ne fréquenter qu’un seul des types d’établissement. C’est le cas pour un quart d’entre elles à Belleville et seulement 8% dans le 13e. En conséquence, la très grande majorité (égale ou supérieure à 75%)

fréquente ces quartiers pour profiter des commerces d’alimentation, des restaurants mais aussi des commerces non alimentaires. De ce point de vue, l'enquête rend compte de centralités commerciales relativement généralistes en termes de familles de biens consommés.

194 Nous rappelons que l’enquête par questionnaire s’est déroulée dans les espaces publics des quartiers

étudiés, à destination des clients et des usagers de cet espace. Concrètement, l’entrée par l’espace public (les enquêteurs sont postés dans la rue et non dans les commerces ou restaurants) permet tout d’abord de capter des profils extrêmement divers d’usagers et de rompre avec des catégorisations hâtives de type ethnique (« les commerces chinois attirent une clientèle chinoise, les restaurants chinois attirent des Chinois », etc.), de type sociale (« des commerces populaires qui attirent des membres des couches populaires »), ou en encore de type géographique (« la clientèle vient de banlieue »). Sont en effet interrogés sans distinction des résidents de ces quartiers, comme des non-résidents, aux profils très divers en termes d’origines nationales, de catégories socio-professionnelles, de lieu de résidence, d’âge, etc.

186

Le type de consommation (tous commerces) est, dans les deux quartiers, majoritairement ou exclusivement conforme à la centralité195 - avec une tendance plus forte dans le 13e (70% des enquêtés) qu’à Belleville (50%) - confirmant qu'il s'agit bien de centralités commerciales asiatiques et plus particulièrement chinoises. En revanche, une observation relativement surprenante est que la consommation de type majoritairement non conforme à la centralité196 est relativement importante (34% à Belleville et 25% dans le 13e) et même supérieure à la moyenne de l’ensemble des quartiers (23%) leur donnant

ainsi un caractère plus généraliste. De façon plus détaillée et concernant la restauration, la fréquentation des établissements exclusivement conformes à la centralité est très forte dans le 13e (78%). Ce type de consommation domine également à Belleville mais avec un

niveau moins élevé (43%).

(Chabrol et al. 2015, Rapport final du Programme de COMET 2012-2015)

195 Selon le rapport COMET, l’analyse des types de consommation a impliqué de créer de nouvelles

variables. Ne sont alors considérés que les individus qui ont déclaré des commerces. Une série de variables a été créée pour rendre compte des types de commerces fréquentés par les enquêtés en rapport à la variable « référence culturelle visible » et à la variable « conformité à la centralité commerciale » et à la fréquence (Q10. Quels restaurants/bars/cafés fréquentez-vous ? Pouvons-nous en lister quelques-uns ensemble ?/Q11 Quels commerces alimentaires fréquentez-vous dans ce quartier ? Pouvons-nous en lister quelques-uns ensemble ? C’est-à-dire que la Fréquence=entourer et noter le nombre de fois : 1-1ère fois ; 2-

Tous les jours ; 3-X fois/semaine ; 4-X fois/mois ; 5- X fois/an ; 6-Autre) associée à chacun des types de commerce. Ces variables ont été créés pour caractériser les types de Cafés/restos, de commerces alimentaires et l’ensemble des deux. La fréquence est utilisée comme une pondération. Elle est ramenée à un nombre approximatif de jours dans l’année. Par exemple, pondération=1 signifie « première fois ou autre » ; pondération=360 signifie « tous les jours » ; pondération = 150 (x fois par semaine) ; pondération=30 (x fois par mois) ; pondération = 5 (x fois par an). À partir de cette pondération on calcule la proportion de commerces fréquentés selon chaque type, et les variables rendent comptent de la proportion associée à chacun de ces types en grandes classes Par exemple, pour le type de consommation (tous commerces), « Exclusivement non-conformes centralité » = 100% des commerces fréquentés sont non-conformes à la centralité (fréquence : tous les jours) ; « Majoritairement non-conformes centralité »= Plus de 50% des commerces sont non-conformes à la centralité (fréquence : tous les jours) ; « Majoritairement conformes centralité » = Au moins 50% des commerces sont conformes à la centralité (première fois ou autre) ; « Exclusivement conformes centralité » = 100% des commerces fréquentés sont conformes à la centralité (fréquence : première fois ou autre).

196 « Majoritairement non-conformes centralité » = Plus de 50% des commerces sont non-conformes à la

187

4.2.2 L’évolution du quartier étudié : une comparaison entre 1985 et 2012

Nous pouvons faire une analyse comparée avec l’année 1985. La carte 27 nous montre un aperçu du développement des commerces chinois dans la région parisienne :

Carte 27 Évolution du nombre des commerces chinois dans les quartiers étudiés

L’objectif est de présenter la situation actuelle (b) et de la comparer à celle des années 1980 (a) (voir tableau 23).

188

Tableau 23 Évolution des anciens quartiers de commerce chinois

AMT Belleville Triangle de Choisy Total 1985 2012 1985 2012 1985 2012 1985 2012 a b b/a a b b/a a b b/a a b b/a Restaurants, traiteurs, restauration rapide 16 22 1.4 17 53 3.1 41 109 2.7 74 184 2.5 Commerce de gros 103 254 2.5 6 1 0.2 10 8 0.8 119 263 2.2 Commerce de détail alimentaire 4 7 1.8 20 27 1.4 25 31 1.2 49 65 1.3 Commerces de détail non alimentaire 2 15 7.5 29 50 1.7 33 69 5.3 64 134 2.1 Autres commerces de détail et services 0 11 6 43 7.2 11 50 4.5 17 104 6.1 Total 125 309 2.5 78 174 2.2 120 267 2.2 323 750 2.3

(Sources : Ma Mung & Simon 1990, enquête personnelle, 2012)

Un fort développement depuis 1985

Nous pouvons voir que ces quartiers sont marqués par un fort développement. Ainsi, le nombre d’établissements a été multiplié par 2,3 dans les trois quartiers. Toutes les catégories de commerce ont connu une progression, sauf le « commerce de gros » dans les quartiers Belleville (0,2) et Triangle de Choisy (0,8). Ces changements sont dus au développement spectaculaire du « commerce de gros d’importation » durant ces dernières années.

L’émergence de nouveaux quartiers

En 1985 (voir carte 27), il n’y avait aucun commerçant chinois dans le quartier Sedaine Popincourt, à Aubervilliers, et dans la rue Montgallet alors qu’aujourd’hui ils y sont présents.

L’itinéraire de PJS permet de comprendre comment le commerce de gros chinois s’est développé à Sedaine Popincourt puis à Aubervilliers :

« Monsieur PJS, 71 ans, père de 4 filles, né à Wenzhou. Il émigre à Hong Kong en 1956 pour travailler dans la sculpture déclare-t-il [probablement la sculpture de pierre de Qingtian voir 3.4.4]. En 1962, il s’engage dans la marine marchande puis vient en France en 1967 car il y connaissait des compatriotes. En 1970 il démarre un commerce de meubles chinois en Bretagne puis en 1980 monte un commerce de bijouterie et d’ivoire en Belgique. En 1982 il abandonne cette activité en raison de l’interdiction du commerce de l’ivoire et revient en France, à Paris où il ouvre un magasin d’objets d’art chinois dans le 11e arrondissement. En 1990, il ouvre un commerce d’importation textile à Sedaine-Popincourt. En 1995 il déplace ses affaires à Aubervilliers où il crée par ailleurs l’Association des Commerçants Franco-Chinois. À cette époque-là, il y avait seulement une trentaine de sociétés chinoises. »197.

À travers le cas de JJS, nous pouvons identifier la bifurcation d’une trajectoire professionnelle allant du commerce de meubles chinois vers le commerce de textiles de gros. Selon l’intéressé, s’il a ouvert un magasin de textile à Sedaine-Popincourt, c’est en raison de la proximité avec un magasin d’objets d’art chinois dans le quartier.

Comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, le tissu commercial du quartier Sedaine-Popincourt est fortement lié à l’histoire particulière des différents courants

189

migratoires. Ainsi, l’installation des Juifs d’Istanbul dans ce quartier a permis le développement du commerce de blanc et de linge de table avant la Deuxième guerre mondiale puis, l’arrivée des Juifs d’Afrique du Nord à l’issue de la guerre d’Algérie a également marqué le quartier (Pribetich 2005). Dans ce contexte, l’implantation dans ce quartier de l’activité commerciale des Chinois dans le domaine du textile s’inscrit dans la continuité historique puisqu’il existait des grossistes en textile dans ce quartier dans les années 1960 (ibid.).

Cependant, si les Wenzhou viennent s’y installer, il nous semble que cela est également lié au succès que connaît la fabrication et le commerce de meubles chinois des années 1960 à 1980 à proximité du quartier, non loin de la Place de la Bastille. Yu- Sion Live a montré qu’il existait quelques magasins chinois de meubles laqués dans les 11e et 12e arrondissements dans le Faubourg Saint Antoine (quartier historique des

ébénistes à Paris) à cette époque-là. Mais, la pratique d’une concurrence sévère entre fabricants a généré le déclin du commerce de meubles chinois au milieu des années 1980198. Le mobilier chinois disparaît progressivement. Comme Monsieur PJS nous l’a

souligné, s’il a pu tenir un magasin d’importation dans ce domaine à Sedaine-Popincourt depuis 1990, c’est parce que la fabrication de meubles chinois était en déclin.

Nous pouvons prendre un autre exemple d’un commerçant Wenzhou venu s’installer à Aubervilliers. Après s’être consacré au commerce de meubles chinois, il est passé à la fabrication de prêt à porter puis s’est installé dans le commerce d’importation à Aubervilliers. Il a souligné que s’il y a nombreux grossistes Wenzhou à Aubervilliers c’est aussi en raison de la politique de lutte contre la mono-activité à Sedaine Popincourt dans le 11e arrondissement.

Les réseaux Wenzhou jouent un rôle clé dans l’implantation des commerces à Aubervilliers. Par exemple, à Aubervilliers, sur les 126 magasins de la rue Victor Hugo, nous n’avons que pu récupérer 73 questionnaires : 58 commerces chinois ont ainsi répondu à la question : « qui vous a motivé à venir installer un commerce à Aubervilliers ? », la réponse a été : « compatriote/ami chinois ou proche » pour 50% d’entre eux ; « tout seul » pour 22%. Aucune réponse n’a renvoyé à une « agence » ou à des « amis français »199.

Ces résultats d’enquêtes montrent le rôle de la chaine d’informations qui provient des liens de parenté et d’amitié dans la concentration des entreprises chinoises. Plusieurs entretiens réalisés avec les commerçants Wenzhou (comme M. PLJ, M. PJS, M.PXZ, M. PYQ) ont confirmé cette observation. « Nous, les gens de Wenzhou on suit toujours les trajets d’activités commerciales des Chinois d’Asie du Sud-Est. Ce sont les Chinois du Cambodge qui furent les premiers à s’installer à Aubervilliers. Après, nous avons développé le commerce de gros en nous appuyant sur l’essor économique de la Chine »200.

Plusieurs entretiens réalisés ont montré qu’il existe des conditions liées aux caractéristiques intrinsèques d’Aubervilliers.

198 Entretien avec Monsieur PYQ à Paris, depuis le 24 décembre 2012. 199 Enquête par questionnaires 2013 à Aubervilliers.

190

Pour mieux comprendre ces conditions, nous reprenons les propos de Anne- Christine Trémon (2012). La proximité avec Paris est un facteur d’attractivité important, car il s’agit d’un objet de consommation majeur (la vente en gros d’articles dans les secteurs de l’habillement, de la chaussure, etc.) pour la population urbaine. La politique de lutte contre la mono-activité menée par la ville de Paris [notamment à Sedaine- Popincourt] et la forte densité de l’offre permet aux magasins dans les entrepôts fractionnés en lot, de concentrer l’offre et d’attirer les clients. La situation à proximité du périphérique et du réseau autoroutier joue également fortement. Autant de facteurs qui justifient le choix de cette localisation. Par ailleurs, on peut noter qu’au début des années 1990, Aubervilliers était une zone industrielle, avec peu d’habitants, les loyers y étaient peu onéreux, il était aisé de se garer, et les transports publics y étaient développés. Toutes ces conditions ont attiré l’implantation de commerce de gros dans ce quartier (ibid.).

Un centre commercial spécialisé dans la distribution de gros : le Marché CIFA

Le Marché CIFA a ouvert en 2006 sur près de 30 000m2. La construction des

bâtiments est financée par une SCI (Société Civile Immobilière) de commerçants « juifs » (selon Monsieur PXZ 2013; 2015)201. Comme nous l’avons déjà évoqué plus haut, en

2012, les 158 grossistes chinois recensés au CIFA sont quasiment tous des magasins de prêt-à-porter féminin (Relevés de commerces 2012). Les grossistes sont exclusivement originaires de la région de Wenzhou.

Ce centre commercial comprend des entrepôts, des boutiques (Showroom) et d’autres services complémentaires (restauration, parking, etc.). Chaque boutique dispose de son showroom où sont exposés les produits. Aujourd’hui, le marché CIFA occupe une place toujours plus grande comme symbole de plateforme économique franco-chinoise. C’est un exemple de « centre commercial » de la diaspora Wenzhou dans la distribution de gros où s’approvisionnent les détaillants. Il représente un modèle d’affaires spécifique à la diaspora Wenzhou en Europe.

Le CIFA est un centre commercial de grossistes chinois travaillant dans la confection. Il vend en gros des produits de prêt-à-porter féminin. Il a joué un rôle moteur en tant que marque principale dans le marché de la confection d’Aubervilliers. Le CIFA est toujours populaire grâce à la grande taille de son établissement et aux services qu’il fournit. Voici le schéma du développement adopte :

Lors d’une première phase (2006-2008) de développement du Marché CIFA, les grossistes chinois ont atteint le nombre de quatre-vingt établissements pour la promotion des investissements ; le prix des fonds de commerce s’élevait à environ 100 000 euros.

Lors de la deuxième phase (2008-2013), de la promotion des investissements, le CIFA a attiré un grand nombre de grossistes chinois de la confection en provenance du quartier Sedaine Popincourt du 11e arrondissement.

191

Le CIFA a réalisé la troisième phase (2013-2015) de la promotion de ses investissements en ajoutant 80 magasins depuis la fin de 2013. On compte 250 grossistes en 2015202. Voir Illustration 5 :

Illustration 5 Le marche CIFA

Le CIFA a réalisé la troisième phase de la promotion de ses investissements en ajoutant 80 magasins depuis la fin de l’année 2013

Afin de mettre en place une stratégie de remontée de filière pour les produits CIFA vers de la haute et moyenne gamme dans la confection féminine, les grossistes s’étaient fixés un seuil limite du chiffre d’affaires pour pouvoir rejoindre le Centre. S’appuyant sur des conditions économiques favorables, une bonne accessibilité de son centre et une forte diversité des produits vendus, le CIFA s’est développé pour devenir un des marchés les plus connus en France et en Europe.

202 Wang Chenliang, 18 août 2013 (en ligne), « Shichang guanxi jueding fuzhuanpifshangpu de jiazhi-

conweijxia de faguo huaren fuzhuangye shichang xianzhuang tanqi 场 系决定服装批发商铺的 值- 危机 的法国 人 服装业 场 状谈起 [La valeur des magasins de confection dépendante de la demande du marché : un débat depuis la situation actuelle de la confection des Chinois en France après la crise] ». Faguoqiaobao 法国侨 [Le Pont]. http://www.franceqw.com/article-29823-1.html. (consulté le 1er