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Coïncidant avec les nouvelles formes migratoires, l’attention nouvelle portée à la question des circulations migratoires a suscité le développement des travaux de nombreux chercheurs. Ces derniers préconisent qu’il est nécessaire de délaisser les cadres de réflexion et d’analyse classiques des flux migratoires puisque les nouvelles formes migratoires nous montrent que les migrants n’ont été aussi présents, à la fois dans leur pays d’origine, et dans ceux qu’ils sillonnent ou résident, et surtout jamais si mobiles (Hily, Ma Mung et al, 2000; Dorai et al, 1998). Sous la pression de ces nouveaux phénomènes migratoires, Costa-Lascoux J., et Cheyron (2004) observent que « les chercheurs ont commencé à reconnaître la disparité des trajectoires, de l’apparition de nouveaux flux traversant des pays d’émigration devenus pays de transit et, parfois, d’immigration et les changements considérables de rythmes des flux » (p.185). Monsutti Alessandro, auteur d’un ouvrage intéressant sur les réseaux migratoires afghans, met en relief que le plus souvent, les facteurs politiques, économiques et écologiques s’ajoutent les uns aux autres pour expliquer la migration et s’entremêlent de manière inextricable. Délaissant les cadres de réflexion sur les facteurs classiques qui motivent les migrants à quitter leur pays, cet auteur explique :

L’exode des Afghans n’a pas toujours la dimension traumatique que tendaient à lui prêter les organisations humanitaires et les médias. Une perspective historique de longue durée permet d’ailleurs de relativiser le caractère exceptionnel de cet exode. (…) Leurs migrations vers le Pakistan, l’Iran et les pays du golfe Persique, ainsi que vers l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Australie ne sont donc pas une simple réponse à l’insécurité et à la pauvreté. La plupart de ceux que j’ai rencontrés étaient ainsi loin de correspondre à l’idée que je me faisais d’une population chassée par la

80 guerre, bloquée aux marges des États-nations et dépendante de l’aide internationale.

(Monsutti, 2009: 84-85)

James Clifford (1992) a souligné que la méthode d’étude terrain auparavant dominante était celle imposant à l’anthropologue de séjourner en un lieu donné. Cette méthode trouvait sa source dans une conception de l’anthropologie définie comme un ensemble délimité dans l’espace, intégré et homogène. Clifford a proposé une autre vision, celle de la culture comme voyage, le mot impliquant toutes sortes de déplacements plus ou moins imaginés. Les anthropologues avaient pendant longtemps découpé leur champ d’investigation en ensembles délimités, culturellement et linguistiquement homogènes. Les migrants, en passant d’un lieu à un autre, et d’une culture à une autre, modifient cette vision d’un monde constitué d’une mosaïque d’entités disjointes, dans laquelle la migration était considérée comme un processus limité dans le temps. Dans l’idée de se démarquer d’une telle perspective, un nombre croissant d’études, depuis le début des années 1990, vont se positionner en rupture avec les études sur les processus migratoires qui ne tenaient pas compte des différents parcours complexes des migrants. Ces études vont être regroupées sous le terme de « transnationalisme » et ne prennent plus comme objets « les changements culturels et identitaires induits par le déplacement spatial, mais les trajectoires complexes, récurrentes et multidirectionnelles des personnes qui franchissent les frontières politiques et culturelles ainsi que les liens multiples qu’elles tissent au cours de leur parcours » (Schiller, Basch, Blanc-Szanton, 1992: 6).

81 Conclusion

L’identité est devenue une notion incontournable dans les recherches sur l’immigration (Meintel et Khan, 2005) et sur les usages des médias (Proulx et Laberge, 1995), ces deux notions étant nos deux principaux thèmes qui structurent notre recherche. La question de l’identité culturelle est au centre de ces deux thèmes et problématise la relation entre médias et identité. Comme on a pu le voir, ce sont les travaux des anthropologues et des sociologues qui ont le plus approfondi les questions de l’identité, de l’ethnicité et du groupe ethnique. Leurs travaux ont en effet permis de considérer l’identité comme étant un attribut dynamique fluide qui se construit, se transforme et se négocie dans la relation interethnique., ces anthropologues se sont aussi intéressés à comprendre comment l’identité se redéfinit dans le contexte de migration : pour eux, l’appartenance à un groupe s’inscrit dans des processus socio-historiques de domination entre les groupes et que dans ce contexte, les définitions des notions de « groupe ethnique», de « diaspora » et de « transnationalisme » renvoient à des catégories socialement et historiquement construites. Toutefois, quelle que soit la définition adoptée pour cerner les identités dans un contexte de mondialisation, il est clair que les médias jouent un rôle dans la construction de catégories socialement construites. Dans le chapitre suivant, il sera question du rôle des médias dans notre société et des recherches traditionnelles sur les médias depuis les travaux de l’école de Francfort.

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PARTIE 2. CADRE D’ANALYSE

THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIE DE LA

RECHERCHE

Chapitre 3. Cadre théorique et conceptuel

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Chapitre 3. Cadre théorique et conceptuel

Introduction

Les sociétés des pays industrialisés ont vu leur population se diversifier grâce notamment à la migration internationale. Doit-on continuer à analyser ces transformations avec les mêmes outils utilisés par les sciences sociales pour comprendre les nouveaux rapports régissant les sociétés? Comment tenir compte des préoccupations d’ordre culturel, économique et politique que font surgir l’augmentation des migrants dont la grande majorité est originaire des anciennes colonies? Comment ces mutations redessinent-elles les relations entre les individus et forgent une altérité inédite? Les chercheurs appartenant au courant hétéroclite des Cultural Studies proposent un cadre théorique pour mieux saisir ces transformations liées à la mondialisation. Tout d’abord, ils introduisent la notion de « résistance » décrivant les multiples ruses mises en place par les groupes minoritaires pour contourner sur le plan médiatique et culturel les discours hégémoniques. Par ailleurs, ce positionnement épistémologique est toutefois nuancé et spécifie que si certains résistent, d’autres acceptent le statu quo. La deuxième rupture épistémologique du courant des CS se trouve dans l’objet d’étude : au lieu de se focaliser uniquement sur l’analyse des conflits entre classes sociales, il s’agit de saisir les rapports de pouvoir et d’exclusion basés sur l’ethnicité, le genre, l’âge et l’orientation sexuelle. Dans une seconde période, il s’agit dans ce chapitre de compléter ce cadre théorique des CS en inscrivant notre analyse conceptuelle dans une perspective critique démontrant que les pratiques médiatiques et les usages des TIC sont ancrés dans des modes de vie marqués par des appartenances sociales, des structures et contraintes socioéconomiques qui régissent les sociétés capitalistes avancées. Ces deux courants de recherche offrent à la fois l’analyse micro des pratiques médiatiques et des usages des TIC et la compréhension du contexte macro des conditions de vie dans lequel sont insérées certaines catégories de la population. Ainsi, par cette approche théorique dialectique, nous plaidons d’une part pour un meilleur rapprochement et une complémentarité des CS et des SIC et d’autre part, adoptons la pensée critique.

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