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LA SOUS-NOTIFICATION, TALON D’ACHILLE DES NOTIFICATIONS SPONTANEES 1 Une cause de retard dans le processus de pharmacovigilance

AVANT-PROPOS

Encadré 4 : AMSM et vigilances sanitaires 15 94

5. FORCES ET FAIBLESSES DES NOTIFICATIONS SPONTANEES

5.2. LA SOUS-NOTIFICATION, TALON D’ACHILLE DES NOTIFICATIONS SPONTANEES 1 Une cause de retard dans le processus de pharmacovigilance

Plus on notifie les évènements indésirables médicamenteux, plus vite on peut émettre une alerte de pharmacovigilance au vu de déclarations concordantes, plus vite on identifie les effets indésirables graves et plus vite on peut mettre les patients à l’abri de médicaments finalement dangereux pour eux, ou en améliorer la sécurité d’emploi.

Malheureusement, la sous-notification retarde l’émission de signaux d’alerte de pharmacovigilance, la réalisation d’études complémentaires quand elles sont nécessaires, et la prise de mesures préventives ou correctives telles que le retrait de médicaments à la balance bénéfice/risque défavorable.

5.2.2. Un obstacle statistique

Contrairement à une idée fréquemment répandue chez les médecins (63,9% selon une étude réalisée en 1997 en Italie 139), la notification spontanée ne permet pas d’évaluer la fréquence des effets indésirables 58.

En effet, la difficulté à estimer la taille de la population exposée (dénominateur dans les calculs d’incidence ou de prévalence) et la sous-notification (qui minimise dans une proportion inconnue le nombre réel d’effets indésirables imputables au médicament, c'est- à-dire le numérateur des calculs d’incidence ou de prévalencea) conjuguent leurs effets : la notification spontanée est généralement incapable de renseigner précisément sur

a

l’incidence et la prévalence des effets indésirables des médicaments, informations pourtant fondamentales pour évaluer l’impact des effets indésirables d’un médicament dans une population et décider des mesures à prendre 14 48 64 74 96 138. D’où l’intérêt de réaliser des études de pharmaco-épidémiologie, pour quantifier le risque en plus de le confirmer et/ou d’en identifier les différents déterminants, selon le type d’études (cohorte ou cas-témoins)14.

Le taux de sous-notification est variable en fonction des médicamentsa, de l’ancienneté de leur mise sur le marché, de la gravité des évènements indésirables constatés, du type d’évènements indésirables (plus ou moins faciles à reconnaître, par exemple selon qu’ils surviennent peu de temps après le début du traitement ou des années après l’arrêt du traitement), de l’intérêt des médias et de l’opinion publique pour la pharmacovigilance à un moment donné (scandale récent comme pour le Mediator®, traitement non consensuel comme la vaccination contre la grippe A(H1N1) en 2009…), etc. Il ne serait donc pas juste d’estimer le nombre d’effets indésirables imputables à un médicament en appliquant un taux de correction standard (basé sur l’estimation de la sous-notification des évènements indésirables en général) au nombre d’évènements déclarés 140.

5.3. AVANTAGES

Malgré ses limitations, le système des notifications spontanées comporte des avantages considérables 138 :

a Indépendamment du phénomène de sous-notification, la fréquence de déclaration des effets indésirables

médicamenteux peut varier, d’un médicament à un autre, selon les spécialités des médecins et les modes d’exercice : les médecins généralistes déclarent par exemple assez peu les effets indésirables graves des anticoagulants, peut-être parce que du fait de leur gravité ils entraînent fréquemment une hospitalisation directe, sans consultation ambulatoire préalable 88.

- maintenir une surveillance continue de tous les patients et de tous les médicaments, pour un faible coût financier,

- surveiller tous les effets indésirables susceptibles de se produire, même les plus rares et ceux qui se manifestent tardivement,

- rationaliser l’utilisation des ressources en identifiant sur quels médicaments il est judicieux de réaliser des études de pharmaco-épidémiologie beaucoup plus coûteuses en temps et en argent.

Certains cas particuliers très médiatisés peuvent parfois faire douter de l’efficacité du système de pharmacovigilance français. L’ « affaire Mediator® » 80 évidemment (cf. paragraphe 5 de la discussion), mais d’autres retraits du marché ont depuis longtemps déclenché les passions, ce qui ne signifie pas qu’il y ait eu nécessairement négligence : une pharmacovigilance efficace conduit nécessairement à réévaluer les risques des médicaments commercialisés et il arrive que ces produits se révèlent plus dangereux que prévu ; c’est inévitable même en évaluant correctement les médicaments avant l’AMM ; si de telles révélations ne survenaient jamais, ce serait l’aveu soit que la pharmacovigilance est inutile, soit qu’elle ne fonctionne pas.

Ce qu’a révélé le scandale du benfluorex (Mediator®), ce sont surtout les dysfonctionnements de l’institution qu’était l’AFSSAPS : le principe de la notification spontanée n’a pas été remis en cause, même si des améliorations de ses modalités ont été proposées 100141142.

Indépendamment des critiques essuyées par la suite par l’AFSSAPS vis-à-vis de sa capacité à prendre certaines mesures en faveur de la santé publique, et malgré une sous-

notification quantitativement importante, certains spécialistes considèrent que le système français de pharmacovigilance fonctionne de façon plutôt satisfaisante 121474, parce que - la population surveillée est de très grande taille, ce qui compense en partie la sous-

notification 14. D’ailleurs, la sous-notification n’a pas que des inconvénients : elle donne du crédit aux alertes de pharmacovigilance générées par la notification spontanée, puisque « seules les associations fortes entre un médicament et un symptôme ont de bonnes chances de surmonter l’obstacle de la sous-notification » 14,

- les informations provenant des notifications spontanées ne sont pas susceptibles d’être dénaturées comme dans un protocole d’étude : tout le système repose sur des observations inopinées et des déclarations spontanées 14,

- ce sont les évènements indésirables les plus intéressants (graves et inconnus) qui sont déclarés en priorité 14,

- les CRPV sont complémentaires et différents les uns des autres, de par leur taille, les relations qu’ils entretiennent avec les professionnels de santé de leur secteur, leur mode de fonctionnement… et aussi parce que chaque médicament ne pénètre pas le marché de la même façon d’une région à une autre : chaque CRPV est plus à même de recevoir des informations sur certains médicaments ou certains effets indésirables que sur d’autres 143. La décentralisation du recueil des notifications dans des CRPV non uniformes participe ainsi à la détection de signaux d’alerte plus nombreux et plus variés, - malgré l’importance de la sous-notification, le taux de médecins (toutes spécialités

confondues) ayant déjà notifié un effet indésirable médicamenteux à un CRPV ou à l’industrie pharmaceutique (74%) dépassait, en 1995 du moins, celui des autres pays européens ayant effectué la même enquête : Bulgarie, Danemark, Irlande, Italie, Hollande, Portugal, Espagne, Suède et Royaume-Uni 144.

Toutefois, suite au scandale du Mediator®, des observateurs extérieurs ont fait le constat que le système de pharmacovigilance français a été l’un des pionniers de la discipline, créant de nombreux concepts appliqués ensuite à l’étranger, mais qu’après il n’a pas su évoluer suffisamment 100.