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AVANT-PROPOS

Encadré 4 : AMSM et vigilances sanitaires 15 94

6. AMPLEUR DE LA SOUS-NOTIFICATION DES EVENEMENTS INDESIRABLES

Au 1er janvier 2010, 216.450 médecins actifs étaient inscrits au Tableau de l’Ordre des Médecins 145. En 2010, sur les 26.356 notifications adressées aux CRPV, 73% (soit 19.240) provenaient de médecins 92. Donc il y a eu en moyenne 1 notification pour 11 médecins. Autrement dit, un médecin fait en moyenne une notification tous les 11 ans…

6.1. TAUX DE NOTIFICATION

Dans la littérature médicale internationale, les estimations de la sous-notification sont très variables, et leur analyse est compliquée par l’hétérogénéité des règles et modalités de notification d’un pays à un autre. Une revue de la littérature a recensé 37 articles de méthodologies variées, couvrant 12 pays, publiés en anglais et antérieurs à avril 2004 40 : d’après elle, la médiane du taux de notification serait de 6% (écart interquartile : 2-18%), sans différence significative entre les études menées auprès des médecins généralistes et celles conduites en milieu hospitalier. Du moins en termes de taux de notification, pas forcément en termes de nombre absolu d’évènements à déclarer (tableau 4).

Médecins généralistes Hôpitaux

Taux de notification global 6% (2-18%)

Taux de notification de tous les évènements indésirables

5% (1-9%) 4% (2-8%)

20% (1-23%) 5% (4-6%) Taux de notification des évènements

indésirables graves

Sans différence significative entre médecins généralistes et hôpitaux

Tableau 4 : Taux de notification des évènements indésirables médicamenteux

identifiés dans la revue de la littérature (médiane et écart interquartile)a140.

a Des chiffres à extrapoler prudemment pour la France, car les études françaises incluses ou non retrouvent

Concernant les effets indésirables médicamenteux à l’origine d’une hospitalisation, 3 études françaises, incluses dans cette revue de la littérature 140, ont retrouvé des taux de notification proches entre elles : respectivement 5,26% (IC95% [3,08-9,88]), 4,16% (IC95% [2,42-13,52]) et 4,75% (IC95% [3,49-7,47]) 146. Taux qui sont proches des médianes hospitalière et globale de la revue.

Les auteurs d’une étude réalisée en Aquitaine en 1993 (incluse dans la revue de la littérature 140) ont estimé qu’un médecin généraliste rapportait moins de 0,02 évènement indésirable médicamenteux par an au système de pharmacovigilance alors qu’il en observerait en moyenne 1,99 par jour (dont 5% considérés comme graves) 57.

A titre d’exemple, pour donner une idée de l’ampleur de la sous-notification en médecine générale : le CRPV de Saint-Etienne a reçu en 3 ans (de 2008 à 2010) 1680 notifications spontanées 88. Cette période comportant 910 jours ouvrablesa, le CRPV de Saint-Etienne a reçu 1,85 notification par jour ouvrable. 13,2% de ces notifications émanaient de médecins généralistes, donc le CRPV de Saint-Etienne ne reçoit de la part des médecins généralistes qu’une déclaration tous les 4 jours ouvrables. Cette fréquence très faible a peut-être même été surestimée car la période étudiée (2008-2010) comprend la campagne de vaccination antigrippale A(H1N1), durant laquelle la notification des effets indésirables de la vaccination a été d’autant plus encouragée que la vaccination et ses modalités (vaccins avec adjuvants…) ont été controversées et médiatisées, sans compter que les médecins généralistes se sont pour beaucoup sentis humiliés par les stratégies des

a

759 jours ouvrés d’après le site Internet http://www.joursouvres.fr/joursouvres_joursferies_2010.htm, + 52x3 samedi - 5 samedi fériés = 910 jours ouvrables sur la période.

autorités en charge de la santé et ont pu manifester leur opposition à la vaccination en faisant l’effort de notifier des évènements qu’ils n’auraient pas signalés d’ordinaire.

La sous-notification concerne aussi les évènements indésirables touchant les enfants 147.

6.2. VARIATIONS DU TAUX DE NOTIFICATION SELON LE TYPE D’EVENEMENT INDESIRABLE ET L’ANCIENNETE DU MEDICAMENT

Diverses études françaises et européennes concernant des médecins généralistes et leurs confrères d’autres spécialités 57586299140148149 ont montré que les effets indésirables ayant la plus forte probabilité d’être rapportés sont les effets indésirables graves et inconnus, a fortiori si le médicament en cause est récent.

La plupart des médecins généralistes minimisent une grande partie des effets indésirables des traitements de leurs patients ; le plus souvent, ils ne sont au courant que des effets indésirables nécessitant un nouvel avis médical et/ou une nouvelle prescription (les réactions allergiques par exemple) ; ils considèrent souvent les effets indésirables bénins comme de simples désagréments 45, et par exemple, selon une étude effectuée en Haute- Garonne, plus de 97% des évènements indésirables spontanément déclarés par les patients à leur médecin généraliste ne seraient pas déclarés par ce dernier au CRPV, dans la grande majorité des cas parce qu’ils sont déjà connus ou bénins 56.

C’est la première année de commercialisation d’un nouveau médicament que les notifications de pharmacovigilance sont les plus fréquentes (par quantité de médicament vendue), aussi bien pour les évènements indésirables en général que pour les évènements indésirables inconnus. Ensuite le taux de notification par quantité de médicament vendue

diminue progressivement (durant au moins 3 ans puisque l’étude qui l’a démontré n’a pas été poursuivie au-delà des 4 premières années de commercialisation) 99. De même, on a montré au Royaume-Uni que le taux de notification des effets secondaires médicamenteux en médecine générale est supérieur lorsqu’il s’agit de médicaments nouvellement mis sur le marché 148. Quelle que soit la gravité de l’effet indésirable, la fréquence des notifications est supérieure lorsque les effets indésirables sont inconnus 148.

Cette tendance à déclarer davantage les effets indésirables graves et/ou inconnus et/ou des nouveaux médicaments, n’est pas inconsciente : interrogés sur les raisons qui les ont poussés à déclarer un effet indésirable, des médecins et pharmaciens citent avant tout la gravité de la réaction, la nouveauté du médicament, le caractère inhabituel de la réaction, et le souhait d’améliorer la connaissance au sujet du médicament 150. Les mêmes raisons principales (à l’exclusion du désir de participer à l’amélioration de la connaissance du médicament) ont été évoquées cette fois dans un échantillon de médecins n’ayant pas forcément déclaré d’effet indésirable au préalable 151. Les facteurs qui incitent les médecins français (sans distinguer spécialistes et généralistes), à notifier un effet indésirable médicamenteux sont avant tout la gravité de l’incident (81% des médecins interrogés), et le caractère inattendu de la réaction ou la nouveauté du médicament (60%) 144. Il en va exactement de même dans une étude italienne 139.

Etant donné le nombre élevé d’évènements indésirables survenant chaque jour, et sans justifier en quoi que ce soit la sous-notification, on peut s’interroger sur la faisabilité de la déclaration exhaustive de tous les effets indésirables. Le système de pharmacovigilance aurait-il les moyens d’analyser tous les effets indésirables médicamenteux si leur déclaration

était exhaustive ? N’est-il pas préférable que, comme c’est le cas actuellement, les effets indésirables graves et/ou inconnus soient davantage notifiés que les effets indésirables à la fois bénins et connus, ces derniers étant moins pertinents pour faire évoluer la connaissance sur les médicaments ?

6.3. LE PARADOXE DECLARATIF

Alors que la plupart des médecins français négligent leur obligation de notification, près de 80% d’entre eux attendent beaucoup du système de pharmacovigilance : selon eux, il devrait permettre de mesurer l’incidence de tous les effets indésirables des médicaments, d’identifier les facteurs prédisposant à leur survenue, d’identifier les médicaments « sans danger » (à supposer qu’ils existent), et de mettre en évidence les réactions inattendues ou encore méconnues 144. De la même façon, au Canada ou en Italie par exemple, les médecins attendent du système de pharmacovigilance des informations pertinentes pour leur pratique sans se donner la peine d’effectuer les notifications dont découleraient ces informations 152 153

: une étude italienne a montré que seuls 6,5% des médecins généralistes interrogés avaient effectué au moins une notification durant les 6 derniers mois alors que 94% estimaient que la notification spontanée des effets indésirables suspectés fait partie de leurs obligations professionnelles. De même, 98% estimaient qu’il serait utile à leur pratique de recevoir une information périodique en matière de pharmacovigilance 153.