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Nordhaus (1975, 1989) et Alesina & Roubini (1992) ont cherchés des confirmations empiriques Le résultat est partagé quant à la

nature du cycle (à savoir s’il est plus ou moins proche des modèles idéologique ou opportuniste, rationnel ou adaptatif), tout en confirmant son existence.

70 Alesina (1988 - pp. 38-43), Alesina & Gatti (1995), Persson & Tabellini (1990 - pp. 97-98). Le même argument était déjà admis par

Nordhaus (1975 - p. 188). Cependant, il ne semble pas enthousiaste de la solution, car il retient la nécessité de comparer les gains d’une réduction du cycle économique avec les pertes provoquées du déficit démocratique que l’indépendance peut comporter. De plus, il soutient (Nordhaus, 1989 - pp. 45-47) que même en cas d’indépendance, le cycle politique peut influencer - par voie indirecte - la politique monétaire, d’où la possible réapparition du cycle économique.

“In summary, by isolating the Central Bank from direct political pressure from each current government, three goals can be achieved: 1) reduction of the inflation bias; 2) reduction of partisan variability in monetary policy; 3) reduction of pre-electoral manipulation of monetary policy.”

(Alesina, 1988 - p. 40)

On a deux éléments, dérivés d’un même cadre monétaire, qui légitiment l’indépendance: la réduction du biais inflationniste et la stabilisation du cycle économique. Dans les deux cas, l’indépendance sert à séparer la logique monétaire de la logique politique, afin d’en éviter les contaminations. L’indépendance est la garantie d’un comportement monétaire qui suive une logique monétaire.

2.3. Considérations finales

Le biais inflationniste, au sens strict, est provoqué par un manque de crédibilité de l’autorité monétaire: les individus ne croient pas à l’annonce ou à l’intention de l’autorité politique de suivre une politique non inflationniste en raison de l’écart entre maximisation avant et maximisation après la formation des anticipations. C’est le contenu du modèle de base. La politique annoncée n’est pas crédible, car on sait qu’elle ne sera pas réalisée: elle sera reniée (incohérence temporelle).

La crédibilité est assimilée à l’incohérence temporelle. Si la politique prévue maximise le bien-être social avant et après la formation des anticipations, alors elle est temporellement cohérente: elle est crédible. Au contraire, quand une politique maximise le bien-être avant mais pas après la formation des anticipations, alors elle est temporellement incohérente, elle n’est donc pas crédible: on sait déjà qu’elle sera reniée.

“In a world of perfect information […] a policy announced today […] is fully credible if it is dynamically consistent and not credible at all if it is not dynamically consistent. The reason is that in each period policymakers reoptimize and choose the policy that is best for them in that period. Since the public is fully informed about the policymakers’ objectives and constraints, it can calculate in advance the dynamically consistent policy for the period in question. In the absence of precommitments, any other policy will be disbelieved.” (Cukierman, 1992 - p. 205)

La notion de crédibilité se nuance avec l’hypothèse de l’information imparfaite. En information parfaite, les individus ont la connaissance de la vraie nature de la politique, celle-ci est soit crédible soit non crédible. Sous l’information imparfaite, les individus ne connaissent pas avec certitude la nature de la politique, de telle sorte qu’elle peut être plus ou moins crédible selon l’interprétation et la probabilité qu’on donne aux informations à disposition. D’une situation de dualité entre crédibilité et non-crédibilité, on passe à une situation de différents degrés de crédibilité. On peut quantifier la crédibilité par l’écart entre la politique annoncée et la politique anticipée: plus l’écart est élevé, moins la politique est crédible71.

Une politique crédible permet d’effacer le biais inflationniste72. Si l’autorité monétaire annonce de façon crédible

qu’elle va réaliser une politique d’inflation zéro, les individus n’anticipent pas un taux d’inflation plus élevé que zéro car ils sont sûrs (information parfaite) ou ils font confiance (information imparfaite) dans cette politique. L’autorité ne sera ainsi pas forcée de provoquer un biais inflationniste: elle peut mettre en œuvre la politique d’inflation zéro sans réduire le bien-être social. Cela résulte du fait que le taux de chômage reste à son taux naturel par l’égalité entre taux d’inflation réalisé et taux d’inflation anticipé (en reprenant la Figure 1-2, on se place au point 0 et non pas au point B). Bien que les avantages de la crédibilité sont considérés principalement sous l’angle de la courbe de Phillips, on peut adapter l’argument d’une façon similaire en cas de motivation financière. Dans ce cas, l’indexation de la dette publique peut jouer comme frein73.

Les avantages d’une politique crédible ne s’arrêtent pas à l’effacement du biais inflationniste: si la politique monétaire est crédible, on peut réduire l’inflation sans augmenter le taux de chômage. Considérons le cas d’une situation à inflation élevée où l’autorité monétaire annonce une politique d’inflation zéro. Si l’annonce est

71 Cukierman (1992 - p. 206).

72 Cukierman (1992 - pp. 310-315) démontre comment, en information imparfaite, la capacité à se préengager (“ability to precommit”) -

donc en présence de crédibilité - de la part de l’autorité monétaire permet de réduire le biais inflationniste.

crédible, les individus anticipent immédiatement le taux d’inflation zéro, de telle sorte que la réalisation de cette politique n’affecte pas le chômage: le taux d’inflation réalisé est égal au taux d’inflation anticipé. Si, au contraire, l’annonce n’est pas crédible, les individus anticipent un taux d’inflation supérieur à zéro, de telle sorte que si l’autorité monétaire réalise effectivement le taux d’inflation zéro, on aura une augmentation du chômage (le taux d’inflation réalisé est inférieur au taux anticipé). En d’autres termes, la crédibilité réduit le coût du processus désinflationniste. Dans ce contexte, la question de la vitesse d’exécution de la politique désinflationniste a été débattue: si le coût de l’inflation est élevé et si la crédibilité permet de réduire l’inflation, sans coût en terme de chômage, alors le processus désinflationniste doit être réalisé rapidement, voir brutalement. Cet argument contraste avec l’approche qui soutient la nécessité d’un processus désinflationniste plus lent, à cause des effets négatifs sur le chômage, notamment au possible retard dans l’ajustement adaptatif des anticipations.

Cependant, après avoir obtenu la confiance des individus, l’autorité monétaire a encore intérêt à conduire une politique inflationniste, car celle-ci permet de réduire le chômage. Cela soulève le thème de l’ambiguïté et du secret74. Étant donné le gain en bien-être de la mise en pratique d’une politique inflationniste qui renie la

politique annoncée, surtout en cas de crédibilité (cheating), on peut admettre qu’il faut garder la politique monétaire dans l’ombre afin de ne pas perdre cet avantage. Autrement dit, lorsqu’on a atteint la crédibilité, il est souhaitable de garder la possibilité de surprendre les individus car, d’après la formule de Lucas, l’inflation non anticipée permet de réduire le chômage. L’ambiguïté a cependant le désavantage de contribuer à réduire la crédibilité, d’où la recherche d’un niveau d’ambiguïté optimal entre perte de crédibilité et effets réels. Il existe le danger que l’ambiguïté reconduise au biais inflationniste, car les individus peuvent, après avoir constaté le reniement, arrêter de croire aux politiques annoncées. On retourne ainsi à une situation d’absence de crédibilité. Pour annuler le biais inflationniste, il faut un mécanisme qui puisse définir la politique monétaire, de telle façon qu’elle ne pourra plus être reniée. Mais il faut aussi que les individus y croient. Cela soulève la question suivante: comment rendre crédible la politique monétaire?

CH A P I T R E I I

TH É O R I E D E LI N D É P E N D A N C E

E N T R E C O N S E RVAT I S M E E T C O N T R AT

L’incohérence temporelle est à la racine du biais inflationniste. Afin de le déraciner, il faut trouver un mécanisme qui soit source de crédibilité. Autrement dit, il faut sortir de l’incohérence temporelle.

“The policymaker can improve on this outcome if he can commit himself ex ante to low inflation. If this commitment is credible - which means that some mechanism prevents violations ex post - then people also anticipate low inflation.” (Barro, 1986 - p. 27)1

Cela peut se faire soit par la mise en place d’une rigidité qui rend impossible tout changement de comportement, soit par la modification des objectifs de l’autorité monétaire. On présente ici de suite les principales solutions traditionnellement admises: règle, réputation, conservatisme et contrat (section 1). Ces solutions n’impliquent pas explicitement l’indépendance, mais elles entretiennent une relation avec ce concept. La théorie de l’incohérence temporelle s’inscrivait initialement dans le débat entre règle et discrétion: l’indépendance naît comme solution qui cherche à dépasser cette dualité. En d’autres termes, l’indépendance cherche à conjuguer les avantages de la discrétion avec les avantages de la règle: garder la flexibilité sans perdre la crédibilité. Pour cette raison, on retiendra dans un deuxième temps le rôle de l’indépendance, tout en mettant en évidence les différents aspects, modalités et critiques que ce concept comporte (section 2). Une attention particulière sera retenue pour la distinction entre conservatisme et contrat, car l’indépendance qui en résulte diffère dans sa modalité et dans son intérêt. L’indépendance conservatrice s’éloigne de l’indépendance contractuelle, notamment pour ce qui concerne la responsabilité (section 3).

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