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La durée des contrats de travail et le taux de croissance salariale

l’indépendance, la crédibilité et l’inflation

C) La durée des contrats de travail et le taux de croissance salariale

La durée des contrats de travail, ainsi que le taux de croissance des salaires peuvent être considéré comme des indicateurs de l’anticipation inflationniste18. En particulier, on admet que la durée des contrats augmente si on

s’attend à une stabilité des prix. De même, la croissance des salaires nominaux est faible si les anticipations inflationnistes sont réduites. Fischer (1993 - p. 19) admet que la durée des contrat de travail a augmenté après 1991, cependant la réforme introduite en cette même année par l’Employment Contract Act, a elle-aussi favorisé la signature de contrats de travail de plus longue durée.

D’après le Graphique 2-11, on remarque qu’il n’y a pas de grands écarts pour l’évolution des salaires entre le secteur public et le secteur privé. À l’exception de la période 1992-95, dans laquelle la croissance salariale dans le secteur privé est plus élevée que dans le secteur public, les salaires augmentent généralement plus vite dans l’administration publique. Cependant l’écart est assez faible. En effet, la politique visant à rééquilibrer le budget public n’a pas favorisé une hausse élevée des salaires publics.

La croissance des salaires suit de près l’évolution des prix. Si parfois les salaires augmentent plus rapidement, en général, la hausse salariale est plus faible que la hausse des prix, signe d’une perte en termes réels. La période 1990-98 se différencie de la période précédente par des taux de croissance nettement plus faibles. Cependant, la réduction des taux de croissance a démarré avant 1990. Que peut-on conclure en termes d’anticipations?

Nicholl & Archer (1993 - p. 125) admettent que le nouveau contexte de stabilité monétaire crée par la réforme du RBNZ Act, a contribué à changer les comportements. En particulier, ils retiennent l’exemple du Growth

Agreement signé en septembre 199019 par l’union syndicale New Zealand Council of Trade Unions et le

gouvernement. Par cet accord, l’union syndicale a accepté une augmentation des salaires de seulement 2%, alors que le taux d’inflation dépassait encore 5%. Ils considèrent cet exemple comme un signe du changement de contexte: l’engagement monétaire de la RBNZ étant donné, on raisonne en termes de stabilité des prix, même si celle-ci n’est pas encore réalisée.

18

Fischer, A. M. (1993, 1995).

19

Graphique 2-11 Variation des salaires et des prix, 1984-2001

salaires du secteur privé et de l’administration centrale, prix à la consommation variation annuelle en %, données annuelles

-2.0 0.0 2.0 4.0 6.0 8.0 10.0 12.0 14.0 16.0 18.0 20.0 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 Secteur privé Administration centrale Prix à la consommation

Sources: OCDE (Études économiques de l’OCDE, Nouvelle-Zélande, différents numéros)

Ce comportement correspond à ce que la théorie du biais inflationniste décrit. Cependant, d’une part, l’union syndicale a accepté cet accord plus par crainte de possibles effets négatifs sur le niveau de l’emploi d’une hausse de salaire élevée, notamment dans le contexte de récession économique, et d’autre part, ce même accord comportait l’engagement du côté du gouvernement à poursuivre la réduction du déficit public20. Ainsi, si

l’orientation vers la stabilité monétaire réalisée par le RBNZ Act a pu jouer un rôle dans cet accord, d’autres éléments sont aussi intervenus en faveur d’une modération de la hausse des salaires. On peut alors se demander si le seul engagement monétaire aurait été suffisant.

On doit tout de même nuancer l’évolution de la croissance salariale.

Premièrement, plusieurs facteurs influencent le marché du travail: les réformes structurelles, les difficultés économiques des années 90 et la hausse du chômage ont poussé à la baisse les variations de salaire, indépendamment du rôle des anticipations. En particulier, l’introduction de l’Employment Contract Act (ECA) marque un véritable changement dans le marché du travail21. D’un système centralisé et non compétitif où la

négociation salariale se fait, souvent par secteur professionnel, au niveau national entre unions syndicales (où l’affiliation est obligatoire), entrepreneurs et gouvernement (notamment par la présence d’une cour d’arbitrage en cas de difficultés à atteindre un accord), on passe à un système décentralisé et compétitif où le contrat se fait au niveau individuel entre entreprise et employé. L’affiliation à une union syndicale est libre, l’employé et l’employeur peuvent choisir de se soumettre à un contrat collectif ou à un contrat individuel. Evans & Grimes & Wilkinson & Teece (1996 - p. 1882) estiment qu’avant l’ECA, 72% des employés étaient couverts par un contrat collectif multiple ou lié à une seule entreprise, alors qu’en 1993 seulement 41% étaient sous contrat collectif. Les

20

Monetary Policy Statement, février 1991 - pp. 26-27.

21

Maloney & Savage (1996), Dalziel & Lattimore (1996 - pp. 72-83), Evans & Grimes & Wilkinson & Teece (1996 - pp. 1878-1883). En 2000, l’ECA a été substitué par l’Employment Relations Act qui favorise une contractation non déloyale et donne un poids majeur aux syndicats.

contrats individuels passent de 10% à 45% pendant cette période. La flexibilité (au niveau des salaires comme à celui de l’embauche et du licenciement) qui en a résulté favorise la réduction de la hausse des salaires (Maloney & Savage, 1996 - p. 209), bien que d’après l’OCDE (1993 - pp. 28-29) l’effet n’ait pas été immédiat (délai temporel entre introduction de l’ECA et signature des contrats sous le nouveau régime). Ainsi, si on ne peut pas exclure à priori une influence à la baisse exercée par la réduction des anticipations à la suite de la crédibilité monétaire, il est difficile d’isoler la seule influence de ces anticipations.

Deuxièmement, l’évolution comparée entre salaires et prix ne semble pas avoir changé depuis 1990, moment de l’introduction de l’indépendance. La variation des salaires a démarré bien avant 1990; comment alors attribuer cette évolution à une possible crédibilité monétaire si l’indépendance n’était pas encore établie? L’indépendance ne semble pas avoir bouleversé l’évolution salariale. Par ailleurs, l’évolution presque en parallèle entre prix et salaires, laisse planer le doute quant à la relation causale. Si la croissance salariale peut être contenue en raison d’une anticipation inflationniste à la baisse, il est aussi vrai qu’une faible hausse des prix peut contribuer à contenir la hausse des salaires. Autrement dit, l’évolution du taux salarial peut anticiper ou suivre la réduction de l’inflation.

Dans le premier cas, la réduction du taux salarial devient une cause de la désinflation. Cela peut effectivement résulter du mécanisme décrit dans la théorie du biais inflationniste, à savoir que la baisse des anticipations réduit la croissance des salaires, de telle sorte que la banque centrale peut limiter l’inflation. Le fait que la croissance salariale soit souvent plus faible que le taux d’inflation effectif peut soutenir cette possibilité. Cependant, la même évolution peut aussi s’expliquer autrement: la hausse des prix serait freinée non pas par la banque centrale, mais par la faible progression du coût unitaire du travail. Autrement dit, une réduction de la croissance salariale provoquée par des facteurs autres que les anticipations (introduction de l’ECA, hausse du chômage, récession économique), engendre consécutivement la baisse des prix mais alors la crédibilité ne joue aucun rôle. Dans le deuxième cas, les anticipations ne font que s’adapter à l’évolution des prix. Cela est d’ailleurs souvent le cas, car dans la détermination des salaires interviennent aussi les entrepreneurs (plus sensibles à l’évolution future des prix), ce que la théorie du biais inflationniste ne considère d’ailleurs pas (pas de différenciation entre catégories sociales). Dans cette optique, la hausse salariale de la période 1997-98, pourrait indiquer l’existence d’un rattrapage de l’inflation précédente.

En conclusion, le rapport entre la croissance salariale et l’évolution des prix est certainement très marqué. Cependant, il apparaît difficile, notamment par l’évolution en parallèle et par la présence de plusieurs éléments, isoler et identifier le rôle des anticipations. Par ailleurs, il faudrait encore expliquer pourquoi les individus auraient anticipé un taux d’inflation plus élevé que le taux effectif, tout en acceptant une croissance salariale inférieure au taux d’inflation anticipé. Autrement dit, pourquoi l’évolution salariale ne correspond pas aux enquêtes sur les anticipations? Et cela pourrait justement être expliqué par la présence des autres éléments (ECA, conjoncture économique). Pour ces raisons, la croissance salariale ne semble pas être un indicateur suffisamment précis de la crédibilité monétaire.

1.3.2. La politique monétaire

L’apport incertain des anticipations à la réduction de l’inflation, nous oblige à considérer de plus près la politique monétaire. En réalité, l’indépendance constitue un cadre institutionnel à l’intérieur duquel la banque centrale réalise la politique monétaire qui, en fin du compte, est le véritable instrument qui permet de gérer le niveau des prix. Par ailleurs, même dans la théorie du biais inflationniste, l’action sur les prix passe par un instrument monétaire (la quantité de monnaie). La question est alors de savoir si la politique monétaire dépend des anticipations individuelles, comme la théorie du biais inflationniste semble le suggérer, ou si au contraire c’est la politique monétaire qui peut influencer les anticipations.

La RBNZ a adopté différents instruments pour réaliser la politique monétaire22. Pendant les années d’économie

administrée, c’était le contrôle direct des taux d’intérêt, l’encadrement du crédit et les réserves obligatoires. Avec la libéralisation financière ces instruments ont perdu leur efficacité. Ainsi, depuis la moitié des années 80, la

22

RBNZ (Independent Review of the Operation of Monetary Policy: Reserve Bank and Non-Executive Directors’ Submissions, octobre 2000, pp. 29-38) et Brash (2002 - pp. 104-107).

RBNZ a suivi une politique d’inspiration monétariste, en contrôlant la croissance de la liquidité primaire (primary liquidity) composée de la liquidité de règlement interbancaire (settlement cash, c’est-à-dire les dépôts des banques secondaires auprès de la RBNZ) et des titres publics acceptés par la RBNZ (comme par exemple les

RBNZ Bills). Cependant, dans un contexte de finance libéralisée, on s’est aperçu que l’inflation peut être mieux

contrôlée par une gestion du taux d’intérêt et du taux de change. Ainsi, afin de déterminer l’évolution de ces taux, la RBNZ a initialement utilisé une approche fondée sur des déclarations publiques (signalling), notamment par les publications régulières du Monetary Policy Statement, par les conférences de presse et par les discours officiels du gouverneur. Entre juin 1997 et mars 1999, la RBNZ a géré la politique monétaire par l’annonce du niveau souhaitable des conditions monétaires (Monetary Condition Index, MCI) qui résument l’état du taux d’intérêt et du taux de change23. Enfin, en mars 1999, la RBNZ a adopté le taux d’intérêt OCR (Official Cash

Rate)en tant qu’instrument principal, afin de rendre plus claire ses orientations. Il ne s’agit pas d’un simple taux d’intérêt indicateur, car il défini le taux (OCR + 25 points) auquel les banques peuvent obtenir de la liquidité overnight auprès de la RBNZ (par des opérations repo), et le taux (OCR - 25 points) que la RBNZ paie sur les dépôts overnight des banques auprès d’elle24. Ce taux détermine le coût du settlement cash, et il est censé

influencer les autres taux d’intérêt, notamment le taux interbancaire à court terme. La politique monétaire s’est ainsi orientée vers un contrôle des prix, laissant de côté le contrôle de la masse monétaire. Si, au début, l’accent a été mis sur le taux de change (par la rapidité de ses effets)25, avec le temps, on a retenu le taux d’intérêt.

La RBNZ suit une démarche fondée sur la cible inflation (inflation targeting) dont les principes sont l’annonce d’un objectif en termes d’inflation (à réaliser dans le moyen terme), et la prise en compte de plusieurs indicateurs de la situation monétaire et économique (check-list), notamment la croissance monétaire, la courbe des taux d’intérêts (yield-gap), le taux de change et l’écart entre production effective et production potentielle (output-

gap).

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