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la politique budgétaire, la croissance et l’emplo

B) Taux de change, exportations et balance des transactions courantes

3.1. La dimension temporelle de la crédibilité

3.1.3. Inflation entre objectifs et instruments monétaires

McCallum (1995b) donne une interprétation différente de l’indépendance en Nouvelle-Zélande, qui s’écarte de la littérature fondée sur l’incohérence temporelle. Son idée est qu’il n’existe pas un véritable problème d’incohérence temporelle: toute banque centrale peut éviter le biais inflationniste en adoptant une règle monétaire, de façon à orienter la politique monétaire vers la stabilité de long terme. L’indépendance n’étant ainsi pas strictement nécessaire. L’incohérence temporelle est un faux problème, car si on admet son existence, on ne pourra pas le résoudre: le problème persiste même par le contrat, car il n’est que déplacé. Une fois que le contrat est fixé, le même mécanisme de reniement se met en place de telle sorte que les individus anticipent à nouveau le biais inflationniste par absence d’un véritable mécanisme de préengagement. Ce mécanisme n’existant pas, la seule solution réside dans un comportement monétaire correct, source et solution du biais inflationniste. Le comportement correct est celui qui ne prend pas en compte les intérêts politico-électoraux ou tout autre objectif de court terme qui sacrifie la stabilité des prix, pour se consacrer à la stabilité de long terme en suivant de préférence une règle monétaire.

Sous cette vision, l’apport principal du cadre monétaire établi en Nouvelle-Zélande n’est pas la crédibilité mais l’orientation de l’objectif monétaire vers le long terme. Le contrat et l’indépendance permettent d’isoler la politique monétaire des changements de court terme, que le gouvernement pourrait exiger. D’après l’idée du taux naturel, dans le court terme les effets monétaires sont inconnus, alors que dans le long terme, les variables réelles ne sont pas influencées par les variables nominales: celles-ci ne dépendent que de la monnaie. En conséquence, une politique fixée en fonction du long terme plus que du court terme permet d’atteindre une véritable stabilité monétaire. C’est cette orientation vers le long terme qui se réalise par le contrat. L’inflation n’est pas vaincue par un apport de crédibilité, mais par le fait d’avoir choisi et mis en œuvre une orientation de long terme visant la stabilité (sorte de règle monétaire), toute influence de court terme étant supprimée. C’est l’idée d’une indépendance qui assure la règle, véritable garantie de stabilité.

Si cette interprétation, fondée essentiellement sur le comportement monétaire, permet de conjuguer le résultat en termes d’inflation avec les retards d’ajustements des anticipations individuelles, problème qui n’est pas résolu par l’interprétation fondée sur la crédibilité, elle ne semble pas prendre en compte l’ensemble des éléments en jeu. Premièrement, la RBNZ n’a pas adoptée une règle opérationnelle dans le sens que McCallum (1995b - p. 12,

note 13) lui donne: “algorithm determining period-by-period settings of a variable that the Bank can directly or

accurately control”. Plus qu’une règle déterministe, c’est un ensemble de connaissances et d’habilités techniques

qui grâce à l’indépendance se prolongent dans le temps permettant la mise en place d’une politique monétaire orientée vers le long terme et écartant les tentations de courte durée des politiciens. Si le facteur premier de la stabilité est le comportement monétaire, celui-ci dépend aussi du cadre législatif dont l’indépendance est un élément important. Deuxièmement, et plus important, McCallum (1995b) ne considère que l’aspect instrumental et opérationnel, en réduisant le rôle de la volonté politique. Autrement dit, ce n’est pas seulement une question de conduite et de technique monétaire: il faut aussi une culture de la stabilité.

Comme on l’a vu, plusieurs facteurs ont favorisé la désinflation (contexte international, récession interne, réformes économiques, politique budgétaire,…). Un autre élément non négligeable a été la volonté politique qui a reformé l’économie néo-zélandaise depuis 1984. Cela s’est traduit dans une politique de stabilité macroéconomique qui n’a pas touché seulement le côté monétaire mais aussi, le côté budgétaire, ce qui s’est traduit par une cohérence d’ensemble de la politique économique. La volonté politique ne s’est pas arrêtée au niveau des déclarations ou des intentions: elle a conduit à des mesures effectives. Ainsi, dans le domaine monétaire, on a réalisé par les instruments à disposition une politique de stabilité: et cela, comme les faits l’ont montré, même avant l’introduction de l’indépendance.

“In fact, the government directed the Bank to focus monetary policy solely on reducing inflation from late in 1984. Legislation formalising that single objective and giving the Bank operational autonomy was passed in 1989 and became effective early in 1990.” (Brash, 1994b - p. 230) “Yes, inflation was falling quite strongly prior to the 1989 Act becoming law on 1 February 1990, but of course the Bank had been acting under instructions from the Minister to focus exclusively on reducing inflation since at least 1985, and to focus on achieving a 0 to 2 per cent target since at least

early 1988.” (Brash, 1999 - p. 39)

Cela met en cause un élément fondateur de la théorie du biais inflationniste: le fait que face à des tentations, le gouvernement n’y résistera pas. Autrement dit, le gouvernement n’aura jamais la force ou le courage de réaliser la stabilité monétaire. Cependant, si cet argument était vrai, il mettrait en doute toute possibilité non seulement de réaliser la stabilité des prix, mais surtout le fait de pouvoir adopter l’indépendance par un acte législatif. L’adoption de l’indépendance suppose, dans tout état démocratique, le vote d’une loi: si les politiciens n’ont pas d’intérêt à soutenir la stabilité monétaire, de même ils n’accepteront pas de donner plus d’indépendance à la banque centrale. La théorie du biais inflationniste ne donne aucune indication sur le processus qui conduit à l’adoption de l’indépendance. Le temps de la définition et de l’approbation législative et le temps pour réorganiser la banque centrale ne sont pas considérés par ce paradigme.

Néanmoins, revenons au contrôle sur l’inflation.

La théorie du biais inflationniste extrait le problème du biais inflationniste du contexte économique dans lequel la banque centrale est placée: elle considère ce problème comme propre à la politique monétaire, car d’après la théorie quantitative on suppose que l’inflation dépend exclusivement de la quantité de monnaie et que celle-ci est sous le contrôle complet de la banque centrale. Toute inflation est générée par une politique monétaire inadéquate: c’est la poursuite d’un objectif autre que la stabilité des prix qui favorise la formation des anticipations inflationnistes et qui, par là, provoque le dérapage monétaire. Pour résoudre le biais inflationniste il suffit de réorienter la politique monétaire vers la stabilité, ce qui est suffisant pour convaincre les individus de l’engagement pris, de telle façon à réduire les anticipations et à permettre la réalisation de la stabilité des prix sans coûts majeurs. Indépendance et objectif “stabilité” sont supposés être suffisants pour réduire le biais inflationniste. Cela n’est qu’une pure simplification.

(1) Les causes de l’inflation sont multiples: à côté de l’inflation de demande provoquée par la politique monétaire, il y a aussi l’inflation de demande influencée par la politique budgétaire, l’inflation par les coûts déterminée par les prix des biens importés, la productivité interne ainsi que l’influence sur les prix déterminée par le degré de concurrence interne et externe. Dans le jeu stratégique entre individus et autorité monétaire qui

constitue la base de la théorie du biais inflationniste, on ne considère que l’inflation provoquée par la quantité excessive de monnaie (inflation de la demande, côté monétaire). Si les sources d’un biais inflationniste sont multiples, l’indépendance par le fait qu’elle est une solution à un seul de ces facteurs, n’est pas suffisante pour résoudre l’ensemble de la question.

L’expérience de la Nouvelle-Zélande confirme cette idée: l’indépendance (ou le système d’incitations favorisant la poursuite de la stabilité monétaire) n’a pas été le principal élément qui a permis de résoudre le biais inflationniste, d’autres éléments tels la pratique monétaire (côté instrumental) et surtout le contexte économique (facteurs externes à la politique monétaire: redressement budgétaire, réformes économiques favorisant la libéralisation et l’ouverture des marchés, réformes financières permettant une reprise en efficience des instruments monétaires,…) ont été importants pour atteindre la stabilité monétaire. L’indépendance a été un élément d’un ensemble de réformes qui ont permis de réaliser la stabilité monétaire. L’indépendance à elle seule, sans la flexibilité du taux de change, sans le redressement budgétaire et sans un contexte international favorable à la désinflation, aurait eu plus de difficulté pour réaliser son objectif. On peut même se demander si elle aurait eu les moyens et la force pour le réaliser. Il suffit de considérer les années 1984-87 où la dévaluation de 20%, l’introduction de la GST et la suppression du contrôle des prix et des salaires ont poussé à la hausse les prix, pour comprendre que dans une telle situation l’objectif 0-2% n’aurait pas été atteint avec la même facilité avec laquelle il l’a été depuis 1990. De même, face à une politique budgétaire très déficitaire, la réalisation de la stabilité monétaire est plus difficile à mettre en œuvre. En effet, pour réduire l’inflation provoquée par la dégradation budgétaire, on doit conduire une politique monétaire très restrictive. Au delà de la durabilité d’une telle politique, notamment à cause des effets lourds sur l’emploi, on peut même douter de la validité de cette approche, car la hausse du taux d’intérêt a comme conséquence, la hausse de la charge de la dette publique. Cela ne fait que favoriser la dégradation budgétaire, ce qui met en cause l’objectif monétaire: la crédibilité monétaire n’est plus assurée en raison du dérapage budgétaire. Cet argument met aussi en lumière le rapport entre politique monétaire et politique budgétaire, laissé de côté par la théorie du biais inflationniste.

(2) La théorie du biais inflationniste ne considère que le contrôle direct de la quantité de monnaie comme instrument entre les mains de la banque centrale. Cette question est importante car à côté de l’objectif monétaire, il faut aussi les instruments techniques appropriés: l’indépendance peut assurer la validité de l’objectif mais pas l’efficacité de l’instrument. Le fait de retenir la quantité de monnaie comme instrument monétaire implique deux relations: premièrement, on admet que la banque centrale peut contrôler la quantité de monnaie centrale; deuxièmement, on suppose qu’il existe une relation étroite entre monnaie centrale et masse monétaire.

Si la banque centrale possède un contrôle sur la monnaie centrale, par le fait que celle-ci s’inscrit au passif de son bilan, elle n’a pas un contrôle direct sur les facteurs qui influencent cette masse. L’émission de monnaie centrale se fait en contrepartie d’un actif au bilan de la banque centrale: il peut être un titre d’État ou un titre privé escompté en faveur d’une banque commerciale, de même qu’une devise étrangère échangée encore avec une banque commerciale. La banque centrale peut contrôler la quantité de titres escomptés avec la variation du taux d’intérêt, et l’indépendance permet même de limiter le financement du secteur public par l’émission de monnaie centrale. Cependant, il est plus difficile de contrôler le flux des devises étrangères qui dépend des mouvements de capitaux et du commerce avec l’étranger. En particulier, sous un régime de changes fixes, la banque centrale ne peut que réagir passivement face à ces mouvements par le fait que la conversion des devises en monnaie centrale se fait à un taux déterminé. Toute entrée (sortie) de devises se traduit automatiquement en augmentation (diminution) de la monnaie centrale. Dans une telle situation l’indépendance de la banque centrale ne change en rien l’efficacité de l’instrument monétaire. En Nouvelle-Zélande, le passage en 1985 au régime de changes flexibles, décision qui a permis de rendre autonome la politique monétaire et de conduire ainsi une politique restrictive capable de réduire l’inflation, a été un facteur aussi important que l’indépendance: afin de pouvoir atteindre l’objectif monétaire, on s’est donné les instruments techniques pour le faire.

La banque centrale n’a, au contraire, pas le contrôle direct sur l’ensemble de la masse monétaire, car celle-ci est émise par les banques commerciales. Dans un contexte d’innovation financière dans lequel sont crées des titres de plus en plus liquides, il est difficile de stabiliser et de contrôler la quantité de monnaie (les passages d’un titre

à un autre ainsi que d’un titre à un dépôt bancaire sont rapides). La simplification faite par la théorie du biais inflationniste en admettant la seule quantité de monnaie centrale comme instrument monétaire ne reflète plus la réalité actuelle. En effet, depuis les années 90 la quantité de monnaie centrale a perdu son rôle dans la conduite monétaire, à cause de l’innovation financière. La croissance de la quantité de monnaie centrale n’est plus considérée comme un indicateur de l’inflation future, car la relation causale entre ces deux variables semble être perdue. Pour cette raison, la RBNZ, comme d’autres banques centrales, a adopté une approche fondée initialement sur le taux de change et ensuite sur le taux d’intérêt. Dans une économie ouverte et libéralisée, la gestion monétaire exige donc l’utilisation de plusieurs instruments.

La théorie du biais inflationniste oublie la multiplicité des sources inflationnistes et retient un instrument monétaire qui est inefficace: ce n’est pas en réduisant la quantité de monnaie centrale que les prix des biens importés pourront se réduire ou que le déficit budgétaire pourra être contenu, de même ce n’est pas en réduisant la quantité de monnaie centrale que la masse monétaire diminuera. Si l’inflation ne provient pas exclusivement du comportement de la banque centrale et si celle-ci ne contrôle pas directement la masse monétaire, alors l’indépendance n’est pas nécessairement une solution suffisante pour résoudre biais inflationniste. Le bon objectif, établi par l’indépendance, sans les instruments nécessaires à le réaliser ne conduit à rien.

L’inflation n’est pas vaincue une fois pour toutes. D’après la théorie du biais inflationniste, l’indépendance est suffisante pour résoudre le biais inflationniste, on peut donc admettre qu’une fois celle-ci adoptée, l’inflation ne sera plus un problème. Or, comme le démontre encore le cas de la Nouvelle-Zélande, l’inflation est un phénomène qui peut revenir. Les pressions inflationnistes de 1994 et celles plus récentes de 1999, de même que la période 1950-70 marquée par une faible inflation (inférieure même à 5%) alors que la RBNZ était entièrement dépendante au ministre des finances, démontrent l’existence de causes d’inflation dépassant le rapport institutionnel entre gouvernement et banque centrale.

Doit-on alors en conclure que l’indépendance n’est pas nécessaire, voir qu’elle est inutile? Si l’indépendance et la crédibilité n’ont pas joué un rôle prédominant dans la réduction de l’inflation, on pourrait conclure que l’indépendance n’est pas nécessaire. Cependant, si l’indépendance et la crédibilité ne semblent pas avoir été les facteurs premiers qui ont réalisé la stabilité monétaire, il n’est pas encore dit qu’ils ne jouent aucun rôle. En effet, une fois la désinflation réalisée, il faut encore garder la stabilité dans le temps. L’oubli du temps dans la théorie du biais inflationniste, peut faire oublier une des raisons d’être de l’indépendance: celle de garder dans le temps la stabilité des prix. Si la désinflation n’a pas été la conséquence de l’indépendance, le fait que la stabilité monétaire ait été sauvegardée, est probablement lié à l’objectif de stabilité que la RBNZ a poursuivi dans le temps. La stabilité monétaire n’est pas donnée une fois pour toutes: la simple adoption de l’objectif, n’assure pas la disparition immédiate de toute inflation, mais peut contribuer à assurer dans le temps que l’inflation sera combattue et réduite. C’est d’ailleurs la raison de l’indépendance en Nouvelle-Zélande: une fois adoptée la politique visant la stabilité, il fallait se doter d’un cadre qui permette de garder cette politique dans le temps. On a ainsi une relation entre indépendance et stabilité qui diffère de celle soutenue par la théorie du biais inflationniste, car elle prend en considération le temps long que cette théorie écarte. L’indépendance, n’est pas la cause de la disparition immédiate du biais inflationniste, mais elle peut être le cadre qui préserve dans le temps l’objectif de la stabilité, assurant que les moyens nécessaires seront mis en œuvre. La politique monétaire n’est pas donnée une fois pour toutes, mais elle doit s’adapter et s’ajuster dans le temps: l’indépendance permet la sauvegarde continue de la stabilité des prix.

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