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Indépendance et caractéristiques de la politique monétaire

la politique budgétaire, la croissance et l’emplo

B) Taux de change, exportations et balance des transactions courantes

3.2. Indépendance entre politique budgétaire et effets réels

3.2.3. Indépendance et caractéristiques de la politique monétaire

La théorie du biais inflationniste suppose une politique monétaire ayant deux caractéristiques: (1) la banque centrale contrôle le niveau des prix directement par la quantité de monnaie, (2) le domaine monétaire possède une dimension distincte: il peut être isolé des autres éléments qui composent le contexte économique. Cette vision légitime l’idée d’une indépendance isolationniste: l’indépendance institutionnelle découle de l’indépendance de la politique monétaire. La tâche de l’indépendance institutionnelle est celle d’isoler la politique monétaire de tous les éléments non monétaires. Cela soulève deux questions.

(1) La politique monétaire, d’après l’expérience en Nouvelle-Zélande, ne semble pas posséder les caractéristiques que la théorie du biais inflationniste admet. La banque centrale n’a pas un contrôle direct du niveau des prix: elle doit agir sur le taux d’intérêt, ce qui influence la demande globale et le taux de change qui à son tour influencent le niveau des prix. L’influence n’est ni directe ni immédiate. Cela implique que le domaine monétaire ne constitue pas une entité distincte des autres éléments économiques. L’instrument monétaire influence l’économie réelle, et des facteurs non monétaires agissent sur l’objectif monétaire. La politique monétaire interagit avec le contexte économique, duquel elle ne peut pas être détachée. Cette interaction est continue et la défense de la stabilité des prix doit être assurée dans le temps.

(2) L’argument précédent pourrait nous conduire à rejeter l’indépendance. Cependant, il faut retenir la distinction entre indépendance institutionnelle et indépendance de la politique monétaire.

Par indépendance institutionnelle, on entend l’existence d’une entité qui ne dépend pas directement du gouvernement. Cette entité doit avoir un responsable qui n’est pas soumis aux décisions du gouvernement. Elle doit garder une liberté d’action, dont les limites sont établies dans l’acte législatif qui la définit et qui la légitime. La justice est indépendante, car ses décisions ne sont pas la mise en pratique des désirs du gouvernement ou du parlement: le tribunal applique la loi, sans interférence avec le ministre de la justice. Cela ne signifie pas que le juge est roi: les décisions législatives reviennent au parlement et le juge doit s’y soumettre et les accepter. De même, la banque centrale est indépendante, au niveau institutionnel, si elle ne doit pas réaliser mécaniquement la volonté du gouvernement. Pour légitimer cette indépendance, il faut à nouveau un acte législatif qui définit les limites de cette liberté, d’où la définition des objectifs et des responsabilités. L’indépendance institutionnelle n’est pas assimilable à l’indépendance de la politique monétaire. La politique monétaire est indépendante, si sa réalisation ne prend pas en compte les facteurs qui l’entourent. Si la politique monétaire poursuit son propre objectif, sans aucune considération du contexte dans lequel son objectif est placé, alors elle est indépendante: elle suit son propre chemin, sans aucun rapport avec d’autres éléments. Autrement dit, la politique monétaire vit dans un espace isolé qui lui permet d’oublier les facteurs qui ne lui sont pas propres.

La théorie du biais inflationniste assimile l’indépendance institutionnelle avec l’indépendance de la politique monétaire: la première est la condition pour assurer la deuxième, faute de quoi on est condamné au biais inflationniste. Si, en raison des liens avec le contexte économique, on doit rejeter l’idée d’une indépendance de la politique monétaire, cela n’implique pas la négation de l’indépendance institutionnelle. Le cas néo-zélandais correspond à cette situation: malgré l’indépendance institutionnelle de la RBNZ, la politique monétaire qu’elle conduit ne se fait pas dans un espace fermé, d’où le rôle et l’importance du contrat établi entre la banque centrale et le ministre des finances. La signature que le gouverneur appose sur le contrat est le signe que la RBNZ est

indépendante mais cette signature réduit la liberté d’action de la politique monétaire. Autrement dit, par le contrat, on garde la politique monétaire en rapport avec les autres éléments de l’économie. Si la RBNZ est indépendante, sa politique monétaire ne l’est pas. L’indépendance institutionnelle n’implique donc pas l’isolement de la politique monétaire.

L’expérience de la désinflation néo-zélandaise nous a apporté plusieurs éléments: (1) la réduction de l’inflation a été le résultat non pas de l’adoption de l’indépendance, comme la théorie du biais inflationniste pourrait nous le faire croire, mais le résultat d’une série cohérente de réformes tant au niveau macroéconomique qu’au niveau microéconomique; (2) l’utilité de l’indépendance réside au contraire dans la durabilité de la stabilité monétaire: elle permet d’assurer dans le temps cet objectif; (3) dans ce contexte, la volonté politique de réaliser une politique de stabilité monétaire, mais aussi budgétaire, a été l’élément principal, d’où la mise en doute de l’idée d’une indépendance fondée sur le principe de l’isolement de la politique monétaire du gouvernement; (4) le processus désinflationniste a exigé du temps, pendant lequel la politique monétaire a dû être restrictive, au delà du fait que la RBNZ était indépendante ou pas; (5) le processus de désinflation n’a pas été sans conséquences négatives sur la croissance et l’emploi, d’où la question de la responsabilité politique d’un tel choix et la mise en doute à nouveau d’une indépendance isolationniste. Dans ce contexte, l’indépendance par le contrat adoptée par la Nouvelle-Zélande est intéressante, car elle ne se limite pas à une vision isolationniste.

Ces conclusions infirment plusieurs éléments implicites à la théorie du biais inflationniste: (1) la solution au biais inflationniste ne peut pas passer seulement par un bonus de crédibilité: les intentions doivent conduire à des faits qui ne peuvent être réalisés que par la politique monétaire en tant qu’instrument économique; (2) la crédibilité n’est pas assimilable au seul préengagement vers la stabilité, et elle se différencie de la réputation; (3) la réorientation de l’objectif doit être accompagnée par la mise à disposition des instruments monétaires efficaces; (4) la banque centrale ne garde pas un contrôle direct sur l’inflation: ses instruments agissent de façon indirecte sur le niveau des prix; (5) la politique monétaire ne constitue pas un domaine isolé du reste de l’économie.

La théorie du biais inflationniste a exagérément simplifié les causes de l’inflation et les mécanismes de la politique monétaire, de telle sorte qu’elle déforme le rôle de l’indépendance des banques centrales. Cela pourrait en conséquence mettre en doute la légitimation de l’indépendance.

TR O I S I È M E PA RT I E

L’

INDÉPENDANCE

CONTRACTUELLE

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