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la politique budgétaire, la croissance et l’emplo

2.2. Les résultats en termes de croissance économique

La politique monétaire n’est pas disjointe de la politique budgétaire: ces politiques forment les deux volets de la politique macroéconomique qui est censée avoir des influences sur la croissance économique et sur le niveau de l’emploi. Malgré l’idée de la neutralité monétaire, il est largement admis, dans le monde académique et chez les banquiers centraux, que sur le court terme la politique monétaire comporte des effets réels. Il est alors nécessaire de considérer ces effets. On poursuit l’analyse d’efficience, dont la difficulté majeure résulte de l’interférence de plusieurs facteurs.

2.2.1. Croissance et emploi

La période 1985-91 est marquée en Nouvelle-Zélande par un net ralentissement de la croissance du PIB par tête (cf. Graphique 2-18). On assiste même en 1987, 1988, 1990 et 1991 à une décroissance. Le résultat est ainsi bien inférieur à celui des années 1980-84. Par ailleurs, 1985 signe aussi le passage d’un taux de croissance néo- zélandais supérieur ou égal au taux moyen de l’OCDE, à un taux nettement inférieur. La dégradation se confirme en termes d’emploi. À partir de 1985, le taux de chômage néo-zélandais ne fait qu’augmenter, dépassant en 1989 le taux moyen de l’OCDE. Le chômage atteint ainsi un taux que la Nouvelle-Zélande n’avais jamais connu pendant la deuxième moitié du XXe siècle44. Il s’agit d’un fait non négligeable.

La période 1992-98 semble indiquer un cycle économique complet. Après une forte reprise dans laquelle le taux de croissance du PIB par tête néo-zélandais dépasse le taux moyen de l’OCDE et le taux de chômage s’oriente à la baisse retrouvant un niveau inférieur à la moyenne OCDE, on retrouve en 1997-98 une nouvelle dégradation. Celle-ci est nettement inférieure à la précédente, en termes de durée comme en termes de niveau relatif. L’année 1998 est marquée par une récession, la première après celle de 1990-91, qui est rapidement surmontée.

44

Graphique 2-18 Taux de croissance et taux de chômage, 1980-2001

PIB par tête, variation annuelle en %; taux de chômage, définitions courantes; données annuelles -6 -4 -2 0 2 4 6 8 10 12 1980 1985 1990 1995 2000 x Taux de chômage (NZ) Taux de chômage (OCDE) PIB réel par tête (NZ) PIB réel par tête (OCDE)

Sources: OCDE (Comptes nationaux des pays de l’OCDE, volume 1, 2001), pour le PIB par tête OCDE (Perspectives économiques de l’OCDE, décembre 2000), OCDE (Statistiques de la

population active, 2001) et OCDE (Principaux indicateurs économiques, juillet 2002), pour le taux de chômage

Que peut-on retenir de ces évolutions?

(1) L’adoption de l’indépendance en 1990, ne semble pas avoir changé négativement la situation. En effet, malgré les résultats très négatifs de 1990 et 1991, ceux-ci ne sont qu’une continuation de la tendance à la baisse démarrée en 1985. Il y a donc aggravation, mais pas changement d’orientation. En plus, la forte reprise depuis 1992 indique que l’indépendance n’est pas nécessairement liée à une croissance faible ou à une hausse tendancielle du chômage. À la seule exception du début de la période et de l’année 1998, la décennie 1990-2000 a été favorable à la croissance, avec une volatilité certes plus grande qu’auparavant. Comme le signalent Brook & Collins & Smith (1998 - p. 270), la croissance entre 1992 et 1997 a été la plus longue et la plus soutenue depuis les années 70. De même, si les années 80 sont marquées par un chômage à la hausse, pendant les années 90 le chômage se stabilise et la tendance est même à la baisse. On ne peut donc pas conclure que l’indépendance en tant que telle a eu un effet négatif sur la croissance et sur l’emploi. Au contraire, sur l’ensemble de la période, les résultats sont assez positifs.

(2) Cependant, pendant des périodes plus courtes, la politique monétaire n’a pas été sans conséquence. Il est frappant de constater que les périodes désinflationnistes (1985-91, 1995-98) correspondent à une dégradation du PIB par tête et à une hausse du chômage. De même que les périodes de stabilité des prix (1992-94 et 1999) coïncident avec des périodes positives pour la croissance et l’emploi. Reste à connaître le rôle directement imputable à la politique monétaire et à l’indépendance. Cette évaluation n’est malheureusement pas simple, car d’autres facteurs interviennent. Premièrement, on peut mentionner le changement des rapports entre la Nouvelle- Zélande et le Royaume-Uni. Celui-ci devient en 1973 membre de la Communauté Européenne, d’où une relation moins privilégiée avec la Nouvelle-Zélande qui était jusque là très dépendante du commerce avec l’ancienne

métropole. L’économie néo-zélandaise a dû trouver une autre orientation, ce qui explique l’augmentation des liens avec les pays géographiquement plus proches (Australie, zone asiatique) et la restructuration des exportations (réduction relative des produits agricoles et orientation vers les biens manufacturés et les services). Ce processus de restructuration a exigé du temps, et il n’a pas été sans coût notamment pendant les années 80. Deuxièmement, des chocs externes tels la crise asiatique des années 1997-98 et la sécheresse due à El Niño, ont largement contribué à la récession de 1998. La même observation est valable pour le contexte international défavorable au début des années ‘90 et la forte immigration45 pendant la période 1994-97 qui a soutenu la

demande interne tout en favorisant la hausse des prix immobiliers. Troisièmement, les réformes structurelles démarrées en 1984, fondées sur une très forte libéralisation interne et externe et sur la privatisation de plusieurs activités publiques ont aussi joué un rôle. À titre d’exemple, l’emploi dans les CoalCopr, Electricicorp, Forestrycorp, New Zealand Post, Railways et Telecom (toutes sociétés sujettes à des réformes de privatisation et de réorganisation) est passé de 66’000 collaborateurs en 1987 à 24’000 en 1994, soit une diminution de 64%46.

Sur la même période le chômage a augmenté de 94’000 unités. L’emploi total dans le secteur public est passé de 334’300 personnes en 1989 à 277’100 en 199747, soit une diminution de 17%. La réduction de l’emploi public a

touché aussi la RBNZ: en 1988, les collaborateurs étaient au nombre de 570, alors qu’en 1994, ils n’étaient plus que 300, c’est-à-dire 47% de moins48. Quatrièmement, la politique budgétaire a été très restrictive durant les

années 1984-90 et dans une moindre mesure en 1994-96. C’est-à-dire, pendant la dégradation du PIB et l’expansion du chômage, alors qu’elle a été plus expansive sur 1991-94 et depuis 1997, favorisant ainsi la reprise économique. Ces deux dernières remarques posent tout de même la question de la coordination des politiques économiques. En effet, entre 1985 et 1990, on assiste à une série de réformes, et à une politique monétaire et budgétaire restrictives. L’effet cumulé d’un tel choix, n’est pas particulièrement favorable à la croissance, d’où les résultats obtenus.

(3) Malgré les éléments qu’on vient de citer, la politique monétaire restrictive, mais nécessaire afin de réduire l’inflation, a joué un rôle négatif sur la croissance et l’emploi pendant la période 1985-91.

“I know of no cases internationally where inflation has been reduced from a relatively high level to a very low level without some temporary adverse impact on employment and output, and New Zealand’s

experience was no different.” (Brash, 1999 - p. 42)

Pour cette raison, plusieurs études ont cherché à déterminer le ratio de sacrifice. Ce ratio indique la perte en termes de croissance (écart entre croissance effective et croissance potentielle) pour toute réduction du taux d’inflation d’un point (cf. supra, première partie, chapitre 2.4.2). Un ratio égal à 2 signifie que la baisse d’un point du taux d’inflation a comporté une baisse de deux points dans la croissance, par rapport à son potentiel. Plus cet indice est élevé, plus le coût de la désinflation est grand. Le Tableau 2-9 résume les principaux résultats concernant la Nouvelle-Zélande. Les données de Ball (1994) n’indiquent pas une dégradation du ratio. Cependant, d’après Bernanke & Laubach & Mishkin & Posen (1999 - p. 258), si le ratio de la Nouvelle-Zélande pendant la période 1986-92 a été inférieur à celui d’autres pays (Canada, 1990-93: 3,04, États-Unis, 1990-94: 3,77), il est tout de même plus élevé par rapport à des pays qui n’ont pas adopté l’indépendance (Australie, 1989-93: 1,87, Suède, 1990-93: 0,53). Il ne semble pas que l’indépendance, qui d’ailleurs n’est intervenue qu’après le démarrage de la réduction de l’inflation, ait notablement réduit le coût de la désinflation.

Debelle & Fischer (1994 - p. 205) confirment ce résultat, en considérant plusieurs pays qui ont adopté l’indépendance: plus d’indépendance n’amène pas inévitablement à un ratio de sacrifice plus faible. Malheureusement, la simple analyse en termes de ratio de sacrifice comporte des inconvénients qui réduisent la portée de ces conclusions49.

45

Celle-ci résulta d’une politique plus ouverte, mais aussi en raison de l’incertitude liée au passage de Hong Kong à la Chine.

46

Chapple & Harris & Silverstone (1996 - p. 156).

47

OCDE (1999 - p. 134).

48

Brash (1994b - p. 232).

49

Tableau 2-9 Ratio de sacrifice en Nouvelle-Zélande

période ratio de sacrifice

Ball (1994) 1971-72 0,5396 1975-78 1,2897 1980-83 0,1752 1986-88 0,1018 Debelle (1996) 1980-83 0,3 1985-93 1,2 1989-93 2,6 Hall (1996) 1980-84 0,45 1986-92 7,67

Bernanke & autres (1999) désinfl. préc. 0,98

1986-92 2,05

Sources: Ball (1994 - p. 169), Debelle (1996 - p. 73), Hall (1996 - p. 53), Bernanke & Laubach & Mishkin & Posen (1999 - p. 258)

Premièrement, ce ratio ne considère pas le gain en termes de croissance qui surgit une fois que la stabilité monétaire a été réalisée. Cela est particulièrement important pour la Nouvelle-Zélande, étant donné la forte croissance depuis 1992, qu’on a d’ailleurs parfois interprétée comme une conséquence de la réalisation de la stabilité monétaire. Deuxièmement, la réduction de l’inflation n’est pas la seule cause d’une réduction de la croissance, et il y a aussi l’effet inverse qui part de la croissance et influence le niveau des prix. L’interprétation du ratio en tant que coût désinflationniste apparaît ainsi trop naïve. Enfin, la méthode de calcul choisie peut conduire à des résultats assez différents. En particulier, la difficulté de déterminer le chemin potentiel de la croissance et les différentes solutions statistiques qu’on peut adopter, notamment pour déterminer les points de retournement ou pour définir les périodes de référence, peuvent modifier largement le résultat.

Si les périodes désinflationnistes semblent coïncider, avant comme après l’indépendance, avec une réduction de la croissance, reste encore à déterminer l’existence d’une relation causale. En plus, il faut différencier entre le rôle de la politique monétaire et celui de l’indépendance.

2.2.2. Le rôle des anticipations et des rigidités

D’après la formule de Lucas (cf. supra, chapitre premier), une réduction du taux d’inflation par une politique qui n’est pas crédible, comporte la hausse du taux de chômage. En fonction du degré de crédibilité, il convient d’adopter une politique désinflationniste plus ou moins rapide: si la crédibilité est établie, mieux vaut une désinflation rapide (on évite les coûts de l’inflation, sans réduire l’emploi), mais si la crédibilité est incertaine, alors il est préférable de conduire une désinflation plus modérée. Il faudrait acquérir de la crédibilité, avant de réduire l’inflation.

Cependant, il est possible que l’ajustement des anticipations ne puisse pas se transmettre immédiatement aux salaires: les rigidités sur le marché du travail peuvent impliquer, lors d’une baisse du taux d’inflation, une hausse du coût de production réel. La rigidité salariale à la baisse peut conduire alors à une perte d’emploi, malgré la réduction des anticipations individuelles. Dans une telle situation, une politique désinflationniste rapide aura des conséquences sur l’emploi plus négatives qu’une politique graduelle. C’est le débat entre les approches “douche froide” et “gradualiste”. La première serait plus adaptée en cas de flexibilité et la deuxième en cas de rigidité. Le cas néo-zélandais comporte une désinflation sans indépendance (1985-90), et deux désinflations avec indépendance (1990-91 et 1995-99). La comparaison entre ces différentes périodes est particulièrement

intéressante. Reprenons les résultats précédents (cf. Graphique 2-18). La période 1985-90 correspond à une situation de hausse du chômage et de baisse de la croissance. Cette tendance continue pendant la période 1990- 91. Enfin, la troisième désinflation (1995-99) se caractérise par une lente reprise du chômage et une baisse relative de la croissance.

Quelle explication peut on donner en termes d’anticipations?

Si l’indépendance est source de crédibilité, alors il a été erroné de démarrer la politique désinflationniste avant l’adoption de celle-ci. Cela aurait pu, dans la logique de la “douche froide”, réduire la hausse du chômage et rendre la période 1985-90 moins négative. Cependant, les faits semblent plus complexes. Tout d’abord, la période 1990-91 poursuit, même en aggravant, l’évolution précédente, signe que l’indépendance n’a pas réduit immédiatement le coût d’un processus désinflationniste. Par ailleurs, comme on l’a vu, les anticipations inflationnistes ne se sont pas réduites rapidement. Il s’ensuit que si la réduction de l’inflation est une condition préalable pour acquérir de la crédibilité, comme l’évolution adaptative des anticipations semblent l’indiquer, alors on ne peut pas échapper à une hausse du chômage pour réduire un biais inflationniste, tout en respectant la formule de Lucas. Dans ce cas, on comprend le choix néo-zélandais de réduire rapidement l’inflation, avant même d’adopter l’indépendance. On n’aurait en tout cas pas eu des avantages en termes de croissance.

Le coût de la période 1995-99 a été plus modéré: les bienfaits d’une politique crédible pourraient alors apparaître à ce moment. L’écart moins accentué entre le taux d’inflation effectif et le taux anticipé permet de soutenir cette interprétation. Cependant, cette désinflation a été beaucoup moins importante tant en termes d’ampleur de la réduction qu’en termes de vitesse (cf. Tableau 2-10). Comment alors attribuer à la crédibilité le faible coût de la désinflation, celle-ci étant moins importante, moins rapide et d’une durée relativement plus courte? Reste l’action vigilante qui, grâce à l’indépendance, aurait empêché une dérive inflationniste, coûteuse ensuite à redresser.

Est-ce que les salaires ont été rigides?

Différents auteurs50 admettent que la rigidité sur le marché du travail en Nouvelle-Zélande a eu un rôle important

dans les coûts de cette désinflation. Effectivement, il est possible que la croissance salariale ait contribué à aggraver le coût de la désinflation: d’après Brook & Collins & Smith (1998 - p. 278), les salaires réels ont presque constamment augmenté entre 1987 et 1991. De plus cette augmentation, à la seule exception de 1989, a été plus élevée que celle de la productivité du travail, d’où une augmentation du coût unitaire du travail. Encore une fois, on doit nuancer la question.

Premièrement, d’après les données de l’OCDE51, la tendance est plutôt à une limitation de la hausse des coûts

unitaires de main-d’œuvre après une période de forte augmentation (1985-88). Ainsi en 1991, la croissance annuelle atteint 0,8%, contre le 2,6% de 1989 et le 18,5% de 1986. De même, d’après les données de Dalziel & Lattimore (1996 - p. 122), les salaires réels augmentent plus vite que la productivité du travail en 1986, 1988 et 1991, mais entre 1987, 1989 et 1990 la croissance salariale est inférieure à celle de la productivité. Globalement, la productivité du travail a augmenté de 1,8%, face à une réduction de 0,3% des salaires réels, durant les années 1985-90 de même que pendant les années 1990-9552. On admet d’ailleurs, que la croissance de la productivité a

permis de contenir l’inflation, facilitant la tâche à la RBNZ.

D’après l’OCDE (1999 - p. 115), le taux moyen de croissance de la productivité du travail est passé de 2,2% entre 1980-90 à 0,8% entre 1990-9853. Ainsi, la croissance salariale, prise à elle seule, n’est pas suffisante pour

identifier un éventuel effet négatif ou positif sur la croissance économique. La prise en compte de la productivité du travail comporte le dépassement des simples questions d’anticipations et de rigidité.

50 Mayes & Chapple (1994 - p. 18), Hall (1996 - p. 59).

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