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Coûts du processus de stabilisation des prix et responsabilité

la politique budgétaire, la croissance et l’emplo

B) Taux de change, exportations et balance des transactions courantes

3.2. Indépendance entre politique budgétaire et effets réels

3.2.1. Coûts du processus de stabilisation des prix et responsabilité

Si la solution au biais inflationniste est immédiate et si la politique monétaire n’a pas d’effets réels majeurs (neutralité de la monnaie), on peut admettre que le processus de stabilisation des prix est sans coût. La théorie du biais inflationniste ne considère pas le temps du processus, l’accent est mis sur le seul objectif: dès qu’on adopte l’indépendance (préengagement vers la stabilité) l’inflation disparaît, instantanément. On oublie la dimension temporelle nécessaire pour aboutir à la stabilité des prix: le temps du changement de l’objectif est plus court que le temps nécessaire pour réduire l’inflation. L’oubli de cette durée, ainsi que l’utilisation des instruments monétaires autres que la quantité de monnaie (taux d’intérêt et taux de change) nécessaires pour combattre l’inflation, conduit à sous-estimer les coûts d’un tel processus. Si le passage à la stabilité monétaire est immédiate, les coûts n’ont pas le temps d’apparaître: c’est l’idée de l’approche “douche froide” (cold turkey), d’après laquelle plus la désinflation est rapide, moins les coûts seront élevés (l’ajustement des anticipations étant rapide) et plus vite on bénéficiera des apports positifs de la stabilité des prix.

L’expérience de la Nouvelle-Zélande démontre par contre l’existence d’une dimension temporelle du processus de stabilisation des prix et aussi l’existence des coûts réels de la politique monétaire. Il a fallu un simple changement législatif pour rendre la RBNZ indépendante, alors qu’il a fallu au moins 5 années pour résoudre le biais inflationniste. Cela explique la distinction entre crédibilité et réputation retenue auparavant. La théorie du biais inflationniste simplifie le processus monétaire: il ne suffit pas de mettre en place un système de préengagement orienté vers la stabilité pour réaliser cet objectif. Après l’adoption d’une telle volonté, il faut la réaliser au niveau pratique en œuvrant sur les instruments monétaires: l’indépendance à elle seule ne suffit pas. Si on peut se donner juridiquement l’indépendance en un seul jour, l’inflation n’est pas réduite du jour au lendemain. Pour résoudre le biais inflationniste, il faut agir sur les instruments monétaires. De plus, cela implique des conséquences réelles: la modification du taux d’intérêt ou du taux de change, nécessaire pour réduire l’inflation, influencent le niveau des investissements, celui des exportations et par ces canaux le taux de croissance et le taux du chômage. D’après la théorie du biais inflationniste, la désinflation ne réduit la production que si la politique monétaire n’est pas crédible. Or, si en Nouvelle-Zélande la désinflation du début des années 90 et la lutte contre les pressions inflationnistes de 1994-95 a comporté des coûts, ce n’est pas à cause d’un manque de crédibilité: il est vrai que les anticipations se sont ajustées en retard, mais la croissance économique et l’emploi ont souffert également de la hausse du taux d’intérêt et de l’appréciation du taux de change. Les rigidités sur le marché du travail, notamment au début du processus, ont été un facteur supplémentaire qui a défavorisé la production.

L’oubli du temps et du coût du processus désinflationniste pourrait mettre en discussion la validité de l’indépendance: en effet, on peut se demander s’il est souhaitable d’abandonner la politique monétaire à une institution politiquement indépendante, alors que celle-ci peut influencer les variables réelles de l’économie. Il s’agit d’une question de responsabilité et de contrôle démocratique.

Cette question nous pousse à reconsidérer la distinction entre indépendance conservatrice et indépendance par le contrat. Étant donné que la principale différence entre ces deux formes d’indépendance consiste dans le fait que l’indépendance conservatrice, au contraire du contrat, garde l’indépendance des objectifs. Dans la vision du conservatisme, la banque centrale est souveraine au niveau de l’objectif: non pas dans le sens qu’elle peut choisir entre suivre la stabilité des prix ou poursuivre la croissance mais dans le sens qu’elle peut définir elle-même la stabilité des prix qu’elle entend réaliser. Le conservatisme implique le respect de la stabilité des prix comme objectif principal, mais laisse la liberté du choix de l’objectif opérationnel à la banque centrale. Il est vrai que les

effets réels découlent de l’utilisation des instruments monétaires mais ceux-ci dépendent de l’objectif choisi. Cela est souligné par le changement de PTA en 1990 et en 1996: le prolongement de l’échéance d’une année et l’élargissement de la bande de 0-2% à 0-3% était le signe d’une volonté d’éviter une politique excessivement restrictive, en raison des conséquences réelles. C’est l’objectif qui indique le chemin et la dureté de la politique monétaire. Or, l’indépendance conservatrice admet que la définition de cet objectif soit sous la responsabilité de la banque centrale, toute interférence du gouvernement étant exclue, car source de déviation. Il y a là une distinction à retenir entre objectif de long terme et objectif opérationnel ou de moyen terme. La théorie du biais inflationniste ne définit que l’objectif de long terme et l’identifie avec la stabilité des prix. Cependant, comme le démontre l’expérience néo-zélandaise, il diffère de l’objectif opérationnel. Cela ne signifie pas que dans le moyen terme on puisse abandonner la stabilité des prix, mais que la réalisation au plan opérationnel de cette stabilité n’est pas rigide. Si l’objectif fondamental est la stabilité des prix (long terme), sa réalisation (moyen terme) n’est pas inscrite dans un nombre: la fourchette 0-3% est aussi valable que la bande 0-2%. Les deux respectent, dans des situations temporelles différentes, la stabilité des prix. Cela signifie qu’il faut faire des choix tout au long de la mise en œuvre de la politique monétaire, et ces choix doivent être renouvelés dans le temps, car l’instabilité des prix peut réapparaître même après l’indépendance. Cette situation est oubliée par la théorie du biais inflationniste car elle oublie la durée. Sa conception de l’indépendance s’avère donc inadéquate: en adoptant l’indépendance conservatrice, elle laisse le choix de l’objectif opérationnel à la banque centrale. La définition courante et pratique de la stabilité des prix est enlevé au contrôle politique: le gouvernement est déresponsabilisé et le choix devient une pure question technique. Cependant, ce choix ne peut pas être réduit à une simple question technique, car il comporte des conséquences réelles. Poursuivre l’objectif 0-2% pendant une certaine période, peut conduire à des coûts plus élevés que si on avait poursuivi la fourchette 0-3%. On peut légitimement se demander pourquoi on devrait laisser ce choix à une institution qui vit en dehors de tout contrôle politique.

Dans le contexte de la théorie du biais inflationniste, une solution à cette question s’avère difficile, car elle admet que toute interférence de nature autre que celle monétaire est potentiellement source d’un dérapage inflationniste. L’indépendance est la condition pour isoler la politique monétaire de ces interférences. La politique monétaire aurait ses propres lois, que la banque centrale devrait suivre. En réalité, la monnaie ne vit pas dans son propre monde: elle n’influence pas seulement les variables nominales (prix) mais elle touche aussi les variables réelles (croissance, emploi). La suppression du contrôle politique et de la responsabilité démocratique dans la politique monétaire n’est donc pas a priori souhaitable.

L’indépendance par le contrat propose une voie différente, car elle préserve une certaine responsabilité du gouvernement. Cependant, même la solution par le contrat au sens strict ne semble pas être satisfaisante, car le gouvernement n’est présent que comme autorité de contrôle sur l’orientation de la banque centrale. Le mécanisme d’incitations que le contrat entend établir, n’est rien d’autre qu’une façon d’assurer le caractère conservateur de la politique monétaire. Un gouvernement qui oserait modifier le contrat pour réduire les effets réels d’une politique désinflationniste, provoquerait un affaiblissement de la crédibilité. Le contrat, par le principe de transparence, doit servir à réduire les interférences de ce genre.

Par contraste, la solution adoptée pour la RBNZ semble soutenir la possibilité d’un contrat qui ne sert pas seulement à assurer l’engagement vers la stabilité des prix (du côté du gouvernement comme du côté de la banque centrale), mais aussi à créer un chemin pour ajuster l’objectif opérationnel à la situation économique et aux effets réels de la politique monétaire. Autrement dit, le contrat permet de garder la flexibilité monétaire nécessaire, en raison de la dimension temporelle de la politique monétaire et de l’imprévisibilité de l’évolution économique, dans le respect de l’objectif de stabilité des prix. L’objectif principal de la stabilité des prix ne peut être écarté que dans des situations très particulières et par une procédure claire (override). Cependant, cela n’empêche pas de garder la flexibilité de l’objectif opérationnel (définit dans le PTA) ce qui permet d’ajuster la politique monétaire à la situation économique du moment. Cet ajustement se fait avec l’accord du ministre des finances, ce qui permet de garder une certaine responsabilité politique. Responsabilité qui, comme on l’a vu, a été assumée en 1990 et en 1996: les changements du PTA ont été soutenus par des choix politiques.

L’indépendance par le contrat ne peut pas être réduite à sa version stricte (celle d’un système d’incitations visant la stabilité des prix). Si l’indépendance adoptée en Nouvelle-Zélande démontre que la stabilité des prix peut être

réalisée même en présence d’une interférence du gouvernement, cette solution met aussi en évidence le fait que le contrat n’est pas seulement un élément d’un mécanisme d’engagement qui vise la stabilité des prix. Cela comporte la distinction entre responsabilité au niveau de l’instrument et responsabilité au niveau de l’objectif. Dans la vision du contrat au sens strict, l’accent est mis sur la responsabilité instrumentale: dans une relation principal-agent, le mécanisme mis en place incite l’agent dans la bonne direction, faute de quoi il sera puni par le principal. La banque centrale s’engage en faveur de la stabilité des prix, par crainte des punitions de la part du gouvernement. Dans une telle situation, la défense de la stabilité des prix revient au gouvernement, c’est-à-dire au principal. Ce fait peut faire douter fortement de la validité du contrat comme solution au biais inflationniste, d’où la critique de McCallum (1995a) déjà retenue (cf. supra, première partie, chapitre 2.1.4).

La solution adoptée pour la RBNZ est plus riche. Il est vrai que le mécanisme de responsabilité instrumentale se met en place en raison de la relation principal-agent entre gouvernement et banque centrale mais l’intérêt concerne la responsabilité au niveau de l’objectif. Le PTA est signé par le gouverneur et par le ministre des finances, alors que le RBNZ Act impose à la banque centrale le respect de la stabilité des prix. Cela signifie que dans la signature du PTA, c’est le gouverneur qui défend la stabilité des prix et non pas le ministre des finances. Il y a donc une inversion des rôles par rapport au contrat au sens strict. La responsabilité au niveau de l’objectif se partage entre gouverneur (qui doit défendre le respect de la stabilité monétaire) et le ministre des finances (qui assume la responsabilité politique de l’objectif opérationnel choisi). Ce n’est qu’après la signature du contrat que le ministre des finances devient le principal de la banque central, d’où la possibilité de limoger le gouverneur en cas d’objectif pas respecté. Le fait que l’objectif est défini avec une fourchette signifie que le gouverneur peut être remplacé dans le cas d’une hausse des prix qui dépasse la limite supérieure mais aussi, dans le cas d’une baisse qui descend en dessous de la limite inférieure.

La RBNZ n’est pas une institution qui se limite à exécuter les ordres du ministre des finances, comme sous la vision stricte du contrat (ce qui se traduit par une perte d’indépendance): elle garde au contraire son indépendance, malgré l’entente avec le ministre des finances. C’est justement le contrat qui permet cette indépendance, car la signature comporte l’accord du ministre des finances et celui du gouverneur: la RBNZ possède une force contractuelle par le fait que le contrat est le résultat d’une entente réciproque et non pas un cahier d’ordre que la banque centrale doit exécuter. Il est tout de même vrai que le ministre des finances garde le dernier mot, car il peut toujours limoger le gouverneur dans le cas où on n’arrive pas à une entente, mais en raison du processus qu’il faut adopter, le ministre des finances n’a pas intérêt à adopter une telle solution sans des arguments fondés.

D’après la théorie, le conservatisme et le contrat sont assimilables: ils sont deux branches d’une alternative pour établir la crédibilité. En fait, l’une n’est pas équivalente à l’autre. Pour formuler une préférence, il faut retenir des éléments que la théorie du biais inflationniste ne considère pas. La politique monétaire doit agir continuellement, car l’inflation n’est pas vaincue une fois pour toutes. Cela implique aussi des choix (définition opérationnelle de la stabilité des prix) ayant des conséquences réelles. Dans ce cas, l’indépendance par le contrat (au sens large), apparaît plus souhaitable que l’indépendance conservatrice.

3.2.2. Rapport avec la politique budgétaire et coordination des politiques

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