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et logiques sont un ensemble de règles de production et de réception qui consti- tuait l‟a priori de la communication par le langage articulé en tant que tel.

Nous avons vu que certains aspects de la référentialité logique et de la stratégie de l‟interprétation pragmatique échappent aux codes du langage en tant que tel. Il s‟agit alors de normes de communication plutôt que de normes langagières.

Dans le domaine textuel, chaque norme textuelle prescrit un procédé d‟écri- ture et son procédé de lecture correspondant. Parmi toutes ces normes, l‟ortho- graphe est spécifiquement textuelle. Elle véhicule les marquages textuels lexi- cologiques, morphologiques, syntaxiques, ainsi que les marquages (lorsqu‟ils existent) sémantiques, logiques et pragmatiques.

Nous appellerons donc normes textuelles, toutes les règles et tous les procédés textuels systématiques qui sont les moyens matériels a priori de l‟écri- ture et de la lecture d‟une langue en tant que telle.

Nous avons vu que certains aspects de la référentialité logique et de la stratégie de l‟interprétation pragmatique échappent aux codes du langage en tant que tel. On pourrait conclure alors que ces aspects des normes seraient également hors textualité. Ils ne concerneraient pas notre étude, centrée sur les textes. Il n‟en est rien, pourtant. Considérons le cas des textes ironiques: l‟éloge de l‟intelligence de M. Untel sera simple éloge si cet homme est intelligent dans la réalité, mais ce sera une ironie ou un sarcasme si M. Untel est un imbécile avéré. Ce ne sont donc pas des traces textuelles mais bel et bien le référent qui nous donne la bonne grille de lecture. S‟agissant donc d‟interprétation, ces pro- cédés logiques et pragmatiques nous concernent, car ils peuvent contribuer à définir des procédés de lecture.

Étant des moyens a priori, les normes ne sont pas perçues distinctement dans le processus habituel de lecture. Leur perception dépend soit de la volonté de les étudier, soit de l‟apparition d‟une anomalie dans leur fonctionnement.

Ainsi, on percevra facilement les divers types d‟agrammaticalité, les fautes d‟or- thographe, de même que le manque de pertinence d‟un discours, soit par l‟excès ou par le défaut de ses informations, par son manque de clarté, de cohérence ou (éventuellement) de vérité.

Le fait que le domaine de la pragmatique n‟a commencé à être exploré que très récemment, et que ce domaine comporte encore des difficultés non résolues, montre que l‟étude des normes langagières n‟est pas encore close.

Nonobstant, il semblerait raisonnable de soutenir que, compte tenu de l‟état actuel des connaissances, l‟ensemble canonique des normes langagières générales peut être déterminé avec assez de précision.

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2.2. Généralités sur le critère de systématicité

Nous avons vu que les idées d‟obligation et de restriction étaient atta- chées au terme de contrainte dans le vocabulaire courant.

En ce qui concerne la discussion de l‟idée de la contrainte comme restric- tion, nous l‟aborderons dans une étape postérieure dans le développement de notre réflexion.

Par contre, nous retiendrons d‟emblée l‟idée que la contrainte puisse être conçue comme une obligation. Dans ce sens, il faut distinguer, en premier lieu, entre l‟écriture et la lecture d‟un texte, qui sont des actes de production et de réception, et d‟une autre part le texte lui-même, qui peut être considéré, à des fins pratiques, comme une sorte d, objet fixé.

Nonobstant, parler d‟obligation à propos d‟une sorte d‟“objet”, le texte, n‟est pas très précis. L‟obligation concerne plutôt les actes de production et de réception du texte.

En effet, l‟on est d‟abord obligé d‟écrire selon un certain procédé pour produire un certain type de traces textuelles, tandis que l‟on est ensuite obligé de les lire selon une certaine grille d‟interprétation pour pouvoir repérer quel procédé d‟écriture y a laissé de telles traces. Ces caractéristiques sont plus adéquatement décrites, d‟un point de vue prescriptif, par la notion d'observance (observance de règles d‟écriture et de lecture).

La notion d‟observance implique la notion de systématicité, car une ob- servance non systématique n‟est pas une observance.

Ainsi, plutôt que les termes d‟obligation ou d‟observance, nous utilise- rons désormais celui de systématicité, lequel peut s‟appliquer tant au texte con- sidéré comme une sorte à.’objet qu‟aux actes de son écriture et de sa lecture.

Cela implique au moins trois modalités: d‟écriture, de trace et de lecture.

Une systématicité du procédé de production dans l‟écriture du texte, une systématicité des traces intratextuelles ainsi produites, et finalement une systématicité du procédé de réception dans la lecture du texte.

La systématicité des normes est une systématicité (en principe) obliga- toire.

2.3. Systématicité obligatoire, normes et saturation

Étant systématique et obligatoire, l‟ensemble canonique des normes gé- nérales, grammaticales, orthographiques, sémantiques, logiques et pragmatiques produit nécessairement une saturation globale du texte.

Toutefois, ce qui vaut pour Y ensemble des normes, vaut-il pour chaque norme en particulier? Autrement dit, une norme doit-elle, oui ou non, être loca- lement présente partout dans le texte, le saturer totalement dans toutes ses par- ties et à tous ses niveaux?

À cette question, il n‟est pas de réponse unique, car les normes ne sont

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pas toutes de même nature. Pour cette raison, le problème de la saturation se posera de manière différente selon le type de normes:

• Normes à saturation catégorielle.

• Normes à saturation diffuse.

2.4. Normes à saturation catégorielle

Nous considérons comme normes à saturation catégorielle celles qui mar- quent principalement le signifiant de la chaîne écrite, et plus particulièrement la segmentation canonique des éléments syntagmatiques. Ainsi, il est possible de distinguer, dans un ordre de grandeur croissant: les traits distinctifs des lettres (traits droits, traits ronds, hampes, jambages, cédille, point sursoit du i et du j, accents, etc.), puis les lettres, puis les syllabes, les mots, les syntagmes, et enfin les phrases. Et il ne faut pas oublier les traits morphologiques des mots, les structures syntaxiques des phrases, etc. La chaîne sonore connaît une segmenta- tion semblable dans les grandes lignes.

Ainsi, par exemple, l‟accord morphologique de genre et de nombre ne concerne pas les adverbes et ne sature pas tous les substantifs et adjectifs, mais seulement leurs parties finales; les marques de conjugaison verbale font princi- palement de même, etc.

Ce type de norme ne sature que les occurrences d‟une seule catégorie d‟éléments syntagmatiques (morphologiques, syntaxiques, orthographiques).

C’est ce que nous appellerons une saturation catégorielle du langage et du texte.

2.5. Normes à saturation diffuse

Nous considérons comme normes à saturation diffuse celles qui régissent principalement le signifié et/ou la signification, c‟est-à-dire les aspects séman- tiques, logiques et pragmatiques du langage. Ces structures se tressent et s‟em- pilent sur les divers segments du texte, mais ne sont nullement limitées par eux.

C‟est, par exemple, le cas des structures sémantiques (pour saisir le sens d‟un mot, il faut considérer aussi le contexte). Ces structures sont certes percep- tibles dans tels segments de la chaîne parlée (ou du texte), mais leur impact dépasse toujours les seuls endroits qui les matérialisent directement. Quant aux aspects logiques et pragmatiques des textes, ils dépendent non seulement du contexte, mais souvent de phénomènes hors langage (ou extratextuels), c‟est-à- dire, de phénomènes appartenant d‟une part à l‟univers des référents (êtres réels, abstraits, logiques ou fictifs dénotés par le texte) et, d‟autre part, aux diverses situations d‟énonciatioa Dans la mesure où ces normes produisent des marqua- ges langagiers, c‟est ce que nous appelons une saturation diffuse du langage et

du texte.

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2.6. Généralités sur le critère d‟objectivabilité textuelle

Il faut préciser d‟emblée que la simple notion d‟objectivabilité concerne tous les marquages propres aux divers types de règle. Il s‟applique tant à l‟ora- lité qu‟à la textualité, et à la textualité aussi bien dans son aspect graphique (l‟écrit) que dans son aspect phonique (la récitation). Étant perceptibles, les traces des règles sur le substratum graphique et sur le substratum phonique cons- tituent des phénomènes matériels nécessairement objectivables. Toutefois, dans la mesure où nous nous limiterons aux écrits, nous ne traiterons ici que de l‟objectivabilité textuelle.

Tout texte est ainsi toujours la trace concrète, objectivée et objectivable, d‟un procédé d‟inscription. Peu importe néanmoins que T on nous assure qu‟ un texte est réglé par telle norme ou telle règle, encore faut-il que le lecteur puisse prouver ces assertions. Ceci résulte du fait que les textes sont des ensembles de signes, et que les signes n‟existent pas en tant que tels, mais seulement comme l‟un des éléments constitutifs du processus de signification et de communica- tion entre un destinateur et un destinataire.

C‟est pour cette raison que notre critère d‟objectivabilité textuelle se ré- fère non pas aux traces objectives d‟un procédé d‟écriture, mais aux traces objectivables. Cela implique que la trace reste toujours potentiellement percep- tible (tant que Ton dispose de la connaissance de la règle correspondante et des moyens d‟observation adéquats).

2.7. Objectivabilité textuelle, normes et saturation

Pour que le critère de systématicité propre à la saturation catégorielle soit rempli, il est nécessaire que toutes les occurrences des éléments textuels con- cernés soient toujours marquées de manière objectivable. Il s‟agit d‟une satura- tion catégorielle continue.

L‟objectivabilité des normes à saturation catégorielle est parfaitement re- connaissable dans le texte, car les procédés propres à ces normes touchent au signifiant, qui peut être clairement segmenté. Ses éléments syntagmatiques sont distincts et ils sont modifiés matériellement par les procédés d‟écriture. Par ailleurs, la liste de ces éléments textuels n‟est pas extensible.

Par contre, Tobjectivabilité textuelle des normes à saturation diffuse est beaucoup plus problématique. D ‟une part, la segmentation des aspects sémanti- ques est moins claire parce qu‟ils touchent à la fois à plusieurs éléments tex- tuels; d‟autre part la reconnaissance de beaucoup d‟aspects logiques et pragma- tiques ne dépend pas d‟éléments textuels mais de phénomènes extratextuels.

Ces derniers aspects ne sont donc pas, à proprement parler, objectivables dans le texte, mais de toutes manières, ils ne sont pas langagiers (ils appartiennent soit à des processus d‟inférence, soit à des moyens de communication non lan-

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31 2.8. Objectivabilité textuelle, prédictibilité et nonnes

Les normes à saturation catégorielle continue entraînent nécessairement, i chaque nouvelle occurrence de l‟élément syntagmatique concerné, l‟occur- rence régulière des traces qui le modifient selon la règle.

En conséquence, chaque saturation catégorielle continue sera automati- quement prévisible tout au long de l‟analyse progressive d‟un texte réglé adéquatement par les normes.

Les marquages des normes à saturation diffuse (sémantiques, logiques et pragmatiques), seront aussi automatiquement prévisibles, mais seulement dans la mesure où ils sont reconnaissables par des éléments intratextuels ou cxtratextuels.

Les plupart des normes produisent donc des marquages non aléatoires qui seront prévisibles tout au long de l‟analyse progressive d‟un texte correcte- ment réglé par elles.

Nous verrons bientôt que les principes de saturation et de prédictibilité semblent être pertinents dans le domaine des prescriptions différentes des nor- mes, mais que leurs modalités peuvent être différentes de celles qui sont propres aux normes.

3. TROISIEME PARTIE.

3.1. Prescriptions différentes des normes, modalités de leur conventionnalité

Si l‟on admet que l‟ensemble canonique des normes peut être déterminé avec assez de précision, il semblerait alors qu‟un premier seuil de conventionnalité pourrait également être déterminé avec assez de précision.

Cela devrait permettre une discrimination entre:

• Ce qui relève des traces propres aux procédés d‟écriture des normes.

• Ce qui relève des traces propres à d‟autres procédés systématiques d‟écri- ture différents des normes.

A. Les normes (et les exceptions qui en font partie) s‟appliquent dans toutes les circonstances, soit virtuellement, soit concrètement: leur champ d‟ap- plication est général.

Cela signifie que les normes s‟appliquent à toutes les énonciations, con- crètement, lorsqu‟elles sont respectées, virtuellement, lorsqu‟elles sont trans- gressées. Cela signifie qu‟elles s‟appliquent partout dans le texte proprement dit des œuvres particulières, mais également partout dans ce que l‟on appelle les péritextes2: dans les titres, sous-titres, avertissements, prologues,

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ces, notes, annexes divers, et jusque dans les mentions légales obligatoires pro- pres aux textes publiés. Les nonnes sont donc nécessairement générales, s‟ap- pliquant (en principe) à tous les textes et contextes.

Ainsi, il faut en français accorder les substantifs et les adjectifs en genre et en nombre. Ainsi, il faut en latin décliner les substantifs, etc. etc.

La conventionnalité des normes implique une observance obligatoire générale.

B. Par contre, les prescriptions textuelles systématiques différentes des normes ne s‟appliquent pas dans toutes les circonstances: leur champ d‟appli- cation est restreint.

Ainsi, les règles d‟un formulaire de déclaration d‟impôts pour l‟année 1999, les règles prosodiques de Malherbe et Boileau, les règles de l‟allégorie, de la fable animalière, les règles de l‟anagramme, etc., sont ou ont été des règles communément admises (à toute époque ou à une certaine époque historique).

Elles sont parfois obligatoires, au lieu d‟être obligatoires toujours; pour cette raison elles gardent un caractère circonstanciel.

Cela signifie qu‟elles s‟appliquent à certaines œuvres en particulier et pas à d‟autres, ou plutôt que tel genre de texte applique tel genre de prescription textuelle systématique différente des normes. Bien entendu, nous sommes cons- cients que le concept de “genre” est relativement flou et qu‟il est sujet à des variations, notamment historiques. Néanmoins, un texte en particulier sera, quant à la forme de son expression et à la forme de son contenu, ou bien une lettre d‟amour, ou bien une épigramme, ou bien une déclaration d‟impôts; il sera, par contre, très rarement un unicum.

La conventionnalité des prescriptions différentes des normes peut impli- quer, soit une observance obligatoire circonstancielle (dans le cas des textes appartenant à des genres littéraires ou non littéraires canoniques), soit une ob- servance optionnelle (dans le cas des œuvres uniques, celles qui sont hors genres).

C. Une autre caractéristique des prescriptions différentes de normes se trouve dans le fait que ces prescriptions s‟appliquent, pour ces œuvres en parti- culier, nécessairement partout dans le texte proprement dit, mais non nécessai- rement partout dans les péritextes. Ces prescriptions sont nécessairement tou- jours particulières à une circonstance déterminée, soit à un groupe de textes, soit, beaucoup plus rarement, à un texte unique.

Ainsi, par exemple, les titres, sous-titres, avertissements, prologues, post- faces, notes, annexes diverses et mentions légales de publication des poésies versifiées ne suivent pas les règles de la prosodie: seul le texte proprement dit se soumet “aux contraintes du mètre et de la rime”. Ainsi, les Contes drolati- ques de Balzac, qui sont écrits dans un registre de vocabulaire pseudo archaï- que, utilisent ce registre partout, sauf dans les mentions légales de publication.

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