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Le nombre et l’identité des membres significatifs de la famille

4.3 Les analyses

5.1.2 Le nombre et l’identité des membres significatifs de la famille

Ayant tous, en majorité, un réservoir de parenté relativement fourni, on peut néan-moins se demander si les individus interviewés investissent affectivement les mêmes rela-tions familiales ou si, au contraire, et conformément à l’hypothèse « H1 », ils désignent comme significatifs des membres familiaux très différents. Avant de présenter l’identité des membres de la famille qui sont le plus cités comme significatifs dans la population âgée, il me semble intéressant, dans un premier temps, de considérer le « nombre » de membres significatifs de la famille cités par les individus âgés au moment de l’entretien.

Le tableau suivant 5.2 présente la distribution des personnes interviewées (%) selon le nombre de membres de leur famille qu’elles considèrent comme significatifs.

% (n)

0 11 (62)

1 7 (41)

2 10 (54)

3 16 (91)

4 16 (91)

5 40 (224)

Total 100 (563)

Table5.2 – Nombre des membres cités comme significatifs (%)

Ces résultats sont intéressants à plusieurs égards. D’une part, sachant la limite à cinq membres significatifs, on aurait pu penser que la grande majorité des individus interviewés en mentionnent au moins cinq. Or, comme le révèle le tableau 5.2, c’est loin d’être le cas puisque 60% des répondants en citent moins de cinq. Plus encore, si l’on considère la dispersion des effectifs le long de l’échelle proposée, on constate une certaine diversité dans le nombre de membres cités comme significatifs. En effet, 40% des répondants mentionnent

cinq membres, 16% quatre, 16% trois, 10% deux, 7% un seul et finalement 11% n’en mentionnent aucun (moyenne=3.39, écart-type=1.729). Ce premier résultat montre que les individus âgés se différencient déjà quant il s’agit d’estimer le nombre de membres de leur famille qui comptent vraiment pour eux. Un tel résultat atteste, comme je l’ai postulé, d’une certaine diversité dans la construction des familles significatives.

D’autre part, on note qu’au moins une personne sur dix de l’échantillon se perçoit dans un relatif isolement, se voyant dénuée de toute relation familiale significative. En comparant ces individus (n=62) à ceux qui citent au moins un membre significatif, ils se distinguent clairement par leur statut matrimonial puisque 40% d’entre eux sont soit célibataires ou divorcés (contre 20%, Chi2= 14.459, àp.=0.001). Ils sont, de fait, signifi-cativement moins nombreux à avoir un partenaire (44% vs 64%,Chi2= 9.231 àp.=0.002) et/ou un enfant (61% vs 84%,Chi2= 19.916 àp.=0.000). Plus encore, la pauvreté de leur réservoir de parenté s’associe à un faible statut socio-économique : plus de la moitié d’entre eux rapportent un bas revenu (54% vs 37%) alors que 4% seulement ont un revenu élevé (vs 15%,Chi2= 7.620, à p.=0.02). Ce dernier résultat met en exergue l’importance du réservoir de parenté sur la perception de la famille significative. Lorsqu’il est peu fourni, il restreint de manière drastique les opportunités relationnelles et celles-ci, en l’absence de ressources socio-économiques, peinent à être compensées en dehors du réseau fami-lial, puisque les individus âgés dont le statut socio-économique est bas ont des réseaux personnels plutôt restreints et relativement pauvres en amitiés (cf. chapitre « Facteurs explicatifs »). A l’inverse, lorsque les individus âgés ont des ressources démographiques au sein de leur réservoir de parenté, ils développent un nombre varié de relations familiales significatives, certains s’investissant dans une ou deux relations alors que d’autres en ont davantage.

On peut, dès lors, se demander s’ils diffèrent aussi quant à l’identité des membres familiaux qu’ils considèrent comme significatifs. Je rappelle ici que, lors de l’entretien, les répondants étaient libres de mentionner toutes les personnes qu’ils considéraient comme faisant partie de leur famille significative puisqu’aucune définition préalable de la famille ne leur était imposée afin d’avoir leur propre conception de la famille significative. Le tableau 5.3 montre « qui » sont les membres de la famille qui sont le plus fréquemment mentionnés comme significatifs dans la vieillesse. Comme je l’ai relevé dans le chapitre précédent, les répondants ont cité, en tout, 97 termes de parenté. Pour les analyses, j’ai gardé les 14 termes les plus cités. Le tableau5.3présente leur distribution, les pourcentages des répondants citant chacun des termes et les pourcentages du total de citations se référant à chaque terme.

Termes de parenté N citations par termes % des répondants citant le terme (n=501) % des termes sur 1906 cités Cum. %

Fils 355 71 19 19

Fille 351 70 18 37

Partenaire 232 46 12 49

Sœur 108 22 6 55

Amie (féminine) 105 21 6 60

Frère 83 17 4 65

Ami (masculin) 71 14 4 68

Fille de la fille 64 13 3 72

Fille du fils 62 12 3 75

Fils du fils 48 10 3 78

Partenaire du fils 45 9 2 80

Fils de la fille 38 8 2 82

Partenaire de la fille 36 7 2 84

Cousine (féminine) 24 5 1 85

Autres termes 284 57 15 100

Table5.3 – Distribution des 14 termes familiaux les plus cités

Une large majorité des répondants (70%) mentionnent un enfant (fils ou fille) comme membres significatifs de la famille et 46%, un partenaire, bien que, je le rappelle, 61%

des répondants déclarent avoir un partenaire au moment de l’entretien. La fratrie est aussi largement citée, venant même avant les petits-enfants, qu’ils soient les enfants de la fille ou ceux du fils. Ce sont d’abord les sœurs qui sont le plus mentionnées (22%), puis, les frères (17%). Étonnement, les ami(e)s occupent une place privilégiée dans la liste des membres significatifs de la famille les plus cités, égalant celle de la fratrie. Comme les sœurs et les frères, les ami(e)s viennent avant les petits-enfants, la belle-famille et la parenté éloignée. Les amies sont citées, comme les sœurs, par 21% des répondants, et les amis, par 14%. En considérant ensemble les amis et les amies, 19% des répondants incluent au moins un(e) ami(e) dans leur famille significative. Ensuite, viennent les petits-enfants, notamment les petites-filles (12-13%) et les petits-fils (10-8%). Ils sont suivis de près par les beaux-enfants, avec, d’abord, la belle-fille (9%) et ensuite le beau-fils (7%).

Finalement, ce sont les cousines qui clôturent la liste des membres significatifs de la famille les plus cités (5%). Quant aux autres types de membres, ils sont regroupés sous la mention

« autres termes » ; ceux-ci se réfèrent à une variété de membres familiaux, unis soit par le sang (neveux, nièces, petits-cousins, etc.) soit par l’alliance (partenaires des frères/sœurs ou famille du partenaire, etc.).

Ces résultats mettent en évidence plusieurs points intéressants. D’une part, les membres de la famille « nucléaire » occupent la première place des membres de la famille significa-tive, celle-ci, comme l’ont suggéré divers auteurs, a une influence normative importante, elle demeure toujours, pour un certain nombre d’âgés, le modèle « idéal » de la famille qui

« compte ». D’autre part, bien que les membres de la famille « nucléaire » soient perçus comme importants, ils ne sont cependant pas les seuls. Les membres de la fratrie, et plus

encore, les amis se situent aussi en haut de la liste des membres significatifs les plus cités.

Bien que sans lien de sang ni d’alliance, les amis se positionnent même avant les petits-enfants et les beaux-petits-enfants (partenaires des petits-enfants). Ceci confirme l’importance des liens affinitaires – certains membres de la fratrie et certains amis – dans la construction de la famille significative. Les amis ne sont pas seulement une composante importante des ré-seaux personnels, ils sont aussi fort présents dans la définition de la famille qui « compte », et cela même s’ils s’inscrivent en dehors du réservoir de parenté. Finalement, ces 14 termes cités révèlent une grande diversité des membres de la famille significative. Nombreux sont issus du réservoir de parenté comme le partenaire, les enfants, les petits-enfants, la fratrie, la belle-famille et la parenté éloignée mais d’autres membres, comme les amis, n’y appar-tiennent pas. Autrement dit, même si l’impact du réservoir de parenté est indéniable, il n’en demeure pas moins que les membres de la famille significative s’inscrivent aussi – comme je l’avais postulé – bien au-delà des liens de sang et de l’alliance. Ce résultat vérifie l’hypothèse « H1 » quant à la variété des membres significatifs de la famille (cf. chapitre

« Problématique et hypothèses »).

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