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Nombre de coordination généralisé

2.2 Aspect prédictif dans les matériaux et en catalyse

2.2.3 Nombre de coordination généralisé

Nombre de coordination et nombre de coordination généralisé. Le principal intérêt du nombre de coordination et, par extension, du nombre de coordination généralisé est qu’il est un descripteur structural et ne nécessite pas de connaître la densité d’états pour être calculé, contrairement aux descripteurs de structure électronique, tel que le ceux énoncés dans les parties précédentes. Le nombre de coordination cn d’un atome est simplement le nombre de plus proches voisins qu’il possède. A titre d’exemple, le nombre de coordination d’un atome dans un matériau massif fcc sera ainsi de douze (figure 2.17), nombre maximal de coordination possible pour un empilement compact, et des atomes de la surface compacte (111) correspondante n’en auront que neuf.

Figure 2.17: Coordination maximale dans un empilement fcc.

Il est possible de prendre en compte un environnement plus large autour de l’atome considéré, en incluant dans le calcul les atomes voisins, et plus précisément le nombre de coordination de ces atomes. On peut alors définir le nombre de coordination généralisé (équation 2.37) d’un atome

i, entouré par n voisins. Ainsi, la contribution de chaque voisin est pondérée par son propre

nombre de coordination, le tout étant normé par le nombre de coordination maximal cnmax du bulk

correspondant[109,110]. CN(i) = n  j=1 cn(j) cnmax (2.37) La figure 2.18 illustre la différence entre nombre de coordination et nombre de coordination généralisé dans le cas de la surface compacte fcc (111) et pour un octaèdre tronqué de 201 atomes. La référence, en blanc, est prise comme étant la valeur soit du nombre de coordination, soit du nombre de coordination généralisé, associé à la surface (111). En conséquence, les atomes colorés en rouge seront moins coordonnés que la surface et ceux en bleu le seront plus. Ici, les atomes bleus ne sont pas visibles car les seuls qui ont un nombre de coordination, généralisé ou pas, supérieur à celui de la surface sont au cœur de la nanoparticule, masqués par les autres. Comme illustré sur la figure 3.5, l’octaèdre tronqué possède des facettes carrées (001) et des facettes hexagonales (111). Cela se retrouve sur la représentation colorée du nombre de coordination, puisque les facettes hexagonales sont blanches, identiques à la surface (111), alors que les facettes carrées sont teintées de rouge correspondant à cn= 8. La faible coordination des arêtes et sommets est également reproduite avec des valeurs de cn respectivement égales à 7 et 6. Le résultat obtenu pour le nombre de coordination généralisé est sensiblement différent, puisque les facettes (111) ne sont plus monochromes car la prise en compte des atomes voisins permet de différencier l’atome au centre de la facette, qui reste en

2.2. ASPECT PRÉDICTIF DANS LES MATÉRIAUX ET EN CATALYSE

Figure 2.18: Comparaison entre valeurs du (a) nombre de coordination cn et (b) nombre de coordination généralisé CN sur une surface fcc (111) et sur un octaèdre tronqué M201.

blanc, de ceux qui l’entourent. Ainsi, on peut constater que si la différence ne réside qu’en la valeur donnée pour le cas de la surface, l’utilisation du nombre de coordination généralisé permet de mettre en évidence des différences quantitatives sur des sites particuliers, tels que les sommets, de l’octaèdre tronqué. De plus, l’index CN souligne une gradation de valeur sur les facettes de l’octaèdre, avec des nombres de coordination généralisés de plus en plus faibles lorsque l’on se rapproche de l’arête, distinction impossible à avoir avec le nombre de coordination traditionnel. De par cela, le nombre de coordination généralisé s’inscrit comme un descripteur structural permettant également d’avoir une information sur la disponibilité du nuage électronique des atomes pour former des liaisons avec d’éventuels ligands. Cependant, descripteur structural signifie qu’il ne dépend que de la géométrie de la nanoparticule et en particulier du site considéré. Dès lors, il n’est pas possible de distinguer entre différents métaux pour une même morphologie, et la cartographie présentée sur la figure 2.18 restera la même quelque soit le métal considéré, le nombre de coordination généralisé ne permet donc pas d’avoir une information sur l’influence de la nature du métal, au contraire de descripteurs électroniques comme le d-band center.

Applications. C’est en 1925 que l’hypothèse de la relation entre sites de surface faiblement coordonnés et activité catalytique a été introduite[111]. C’est dans cet esprit que le modèle du nombre de coordination généralisé a été appliqué à des problèmes de réactivité sur des surfaces et nanoparticules métalliques, dans le but de prédire la géométrie optimale des sites actifs. Il a notamment été montré que pour la réduction de l’oxygène (O2+ 4H++ 4e−−→ 2H2O) catalysée

par du platine, les sites préférentiels doivent avoir un nombre de coordination généralisé de 8.3 (figure 2.19a). En effet, le tracé de l’énergie théorique de cette réaction en fonction du nombre de coordination généralisé pour différents cas tests sur des structures de platine met en évidence qu’il est possible d’avoir des sites conduisant à une meilleure activité catalytique que celle obtenue sur Pt(111), lorsque le nombre de coordination généralisé augmente. Dans ce cas, les sites peu coordonnés font montre d’une trop forte énergie d’adsorption qui inhibe la réaction. Les sites dont le nombre de

coordination généralisé s’approche le plus de la valeur optimale de 8.3 sont des sites défectueux de la surface fcc (111) pour lesquels une cavité a été creusée en retirant six (figure 2.19b) ou cinq (figure 2.19c) atomes de la surface, ce sont des structures concaves, nécessaire pour atteindre un CN plus grand que celui de la surface (111) (8.00 et 8.17 contre 7.50)[110]. Cette modélisation théorique de sites supposés comme plus actifs en catalyse a par la suite été utilisée comme base pour la réalisation expérimentale de catalyseurs optimaux. Trois voies ont été envisagées (figure 2.20) : un désalliage, où des atomes de cuivre ont été enlevés de la surface d’un alliage Cu/Pt(111) par électrochimie[112]; un échange entre ions platine et une couche de cuivre a été réalisé par déplacement galvanique[113]; un oxyde de platine a été formé sous la surface Pt(111) avant d’être réduit électrochimiquement causant la désorption d’atomes de platine de surface[114,115]. Ces structures défectueuses ont alors fait preuve d’une activité catalytique pour la réduction de l’oxygène jusqu’à trois fois plus forte que la surface Pt(111).

Figure2.19: (a) Potentiels théoriques pour les étapes∗OH+ H++ e− −→∗ +H2O et O2+ H++

e−+ −→∗ OOH en fonction du nombre de coordination généralisé des sites considérés. (b) Cavité

sur fcc (111) par retrait de six atomes. (c) Cavité sur fcc (111) par retrait de cinq atomes. Figure reproduite d’après 110.

Le même groupe a également mis en évidence une corrélation entre énergies d’adsorption de O, O2, OH, OOH, H2O et H2O2 sur des nanoparticules de platine de type octaèdre tronqué, modélisées par les surfaces étendues correspondant aux facettes exposées, à savoir les surfaces fcc (111) et (100), et par des surfaces particulières, telles que la (553) pour modéliser les sommets et arêtes[109]. Il est montré que le nombre de coordination généralisé donne une meilleure corrélation que le nombre de coordination, comme attendu de par la prise en compte d’un environnement géométrique plus large. La corrélation entre énergie d’adsorption de ces espèces sur Pt201 et sur les surfaces de platine, reproduite sur la figure 2.21a, mène à des coefficients de régression linéaire supérieurs à 0.85, meilleurs que ceux obtenus par corrélation avec le d-band center dans ce cas là (figure 2.21b).

2.2. ASPECT PRÉDICTIF DANS LES MATÉRIAUX ET EN CATALYSE

Figure 2.20: Modélisation des méthodes expérimentales employées pour obtenir des surfaces de Pt(111) défectueuses avec des cavités dont le nombre de coordination généralisé s’approche de la valeur optimale de 8.3. Figure reproduite d’après 110.

Figure 2.21: Evolution de l’énergie d’adsorption de O, O2, OOH, OH, H2O et H2O2 sur Pt201 (triangles) et sur des surfaces de platine (cercles) en fonction du (a) nombre de coordination généralisé

et (b) d-band center. Figure reproduite d’après 109.