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2.2 Aspect prédictif dans les matériaux et en catalyse

2.2.2 Modèle de la bande d

Densité d’états (DOS). La densité d’états est une grandeur qui caractérise le nombre d’états électroniques existants dans un intervalle d’énergie donné. De ce fait, la densité d’états permet de connaître la distribution des états dans un système complexe, comme un diagramme d’orbitales moléculaires le permet dans un système moléculaire. De plus la connaissance de la DOS d’un système permettra de déterminer l’occupation de ces états, ouvrant la voie à de possibles calculs de propriétés du système, comme des propriétés électroniques ou optiques[92]. La DOS ρ(ε) est calculée comme la somme des états électroniques dans un intervalle énergétique fini (équation 2.34), où |ψn est un

état et εnla valeur de l’énergie qui lui est associée.

ρ(ε) =

n

ψn|ψn δ(ε − εn) (2.34)

En considérant une base orthonormale complète d’orbitales atomiques, cela revient à écrire que

ρ(ε) =

i

ρi(ε) (2.35)

avec ρi(ε) qui est la densité d’états projetée sur l’orbitale atomique φi, telle que :

ρi(ε) =



i

|φi|ψn|2δ(ε − εn) (2.36)

La densité d’états projetée contient donc l’information sur les différentes contributions des différentes orbitales atomiques de la base utilisée à la densité d’états, permettant ainsi de remonter à une information plus précise sur la nature des états électroniques et de mieux pouvoir interpréter les données de DOS obtenues par le calcul.

d-band center. La relation entre réactivité et structure électronique des métaux de transitions s’avère alors prééminente pour la rationalisation des phénomènes de catalyse et la prédiction de possibles propriétés catalytiques. Les travaux de Hammer et Nørskov[93–95] sur la structure électronique des surfaces de métaux de transition permettent, grâce à des calculs DFT, d’établir un modèle basé sur l’occupation de la bande d de ceux-ci. En effet, comme illustré sur la figure 2.10, la structure électronique d’un métal de transition est caractérisée par une large bande s à moitié remplie et une bande d plus étroite, dont le remplissage dépend du métal considéré.

Une molécule, ou atome, s’adsorbant sur un système métallique possède quant à elle une structure électronique discrète, qui peut être modélisée par un niveau énergétique. Ainsi, l’interaction entre la

Figure 2.10: Densités d’état projetées pour un métal et un ligand lors de l’adsorption de celui-ci. Figure reproduite d’après 96.

bande s du métal et le ligand mènera à un abaissement et un élargissement de la densité d’états du ligand (figure 2.11a), alors que l’interaction avec des états plus concentrés énergétiquement, la bande d, sera assimilable à une interaction entre deux états discrets résultant en une interaction liante et une interaction antiliante (figure 2.11b). Les deux interactions couplées donnent naissance à une densité d’états pour le système adsorbé telle que représentée sur la figure 2.10, avec un pic large et intense dans le domaine énergétique de la bande s constitué de l’interaction entre bande s et ligand et de la contribution de l’interaction liante entre ligand et bande d, et un autre pic, moins intense et moins large, dans le domaine énergétique de la bande d, correspondant à l’interaction antiliante entre la bande d et le ligand.

Figure 2.11: Représentation schématique de l’interaction d’un ligand avec (a) la bande s et (b) avec la bande d d’un métal de transition.

Figure2.12: Evolution de la densité d’états projetée d’un système métal-ligand adsorbé selon la force de l’adsorption. Figure adaptée d’après 97.

Il a été montré que la position du centre de masse de la bande d, appelé d-band center (εd)

2.2. ASPECT PRÉDICTIF DANS LES MATÉRIAUX ET EN CATALYSE

de Fermi εF, plus l’interaction entre le ligand et la surface métallique est forte. Pour démontrer

cela, la densité d’états résultant de l’interaction entre un ligand avec un seul niveau énergétique et un système métallique a été calculée dans le groupe de Nørskov[97] lorsque l’énergie associée au d-band center augmente. Le remplissage de la bande d est gardé constant dans les différents calculs ce qui cause l’affinement de la bande d lorsque εd se rapproche du niveau de Fermi. La figure

2.12 reproduit les résultats auxquels conduit ce modèle théorique et l’on constate que lorsque εd

augmente des états antiliants apparaissent pour le système adsorbé au-dessus de la bande d et donc au-dessus du niveau de Fermi, alors que la densité d’états juste sous le niveau de Fermi diminue. Les états créés au-dessus du niveau de Fermi sont alors non peuplés ce qui renforce l’interaction métal ligand dans la mesure où celle-ci est maintenant concentrée dans des états liants, plus bas en énergie. Dans le cas de l’interaction entre l’oxygène et une surface de palladium, la relation obtenue entre énergie d’interaction et εd, qui varie en fonction du site considéré sur la surface (211) étudiée,

est quasiment linéaire (figure 2.13). Cette linéarité fait écho à celle obtenue par la relation BEP et inscrit ainsi le d-band center dans les modèles rendant envisageable la prédiction de propriétés catalytiques de matériaux.

Figure 2.13: Energie d’interaction entre l’oxygène et le palladium en fonction de valeur du d-band center du palladium. Figure reproduite d’après 97.

Se pose maintenant le problème de la détermination du centre de la bande d. La définition originale en fait l’intégrale normée de la densité d’états projetée sur les orbitales d, pondérée par l’énergie pour un site donné :

εd= m Emax Emin ερdm(α, ε)dε mρdm(α, ε)dε

où m désigne l’une des orbitales d et ρdm(α, ε) est la densité d’états projetée sur l’atome α.

Emin est défini comme étant le bas de la bande d occupée, et il a été suggéré par certains auteurs

de choisir Emax comme étant le niveau de Fermi, de sorte à obtenir une limite inférieure à la

valeur du d-band center[98,99]. Ce modèle permet d’obtenir de bonnes corrélations entre énergies d’adsorption et εdpour des nanoparticules mono-métalliques[94,95,99–104]ou pour des alliages, comme

des nanoparticules bimétalliques (Pd/Cu), dans le contexte de la réduction de l’oxygène, dans le but de prédire leurs propriétés catalytiques et de pouvoir ainsi les ajuster[105,106], ou encore des structures cœur-coquille[107]. D’autres exemples sont moins concluants[108], comme dans le cas de l’adsorption de O, O2, OH, OOH, H2O et H2O2 sur des nanoparticules de platine, cas pour lequel la corrélation entre énergies d’adsorption et d-band center est moins bonne que celle entre énergies

d’adsorption et nombre de coordination généralisé[109]. Cet exemple sera développé dans la section 2.2.3, consacrée à ce modèle.

Extension du modèle - Décomposition des interactions. Une autre limite peut venir de la morphologie du catalyseur considéré. Il a par exemple été montré que les particularités structurales des nanoparticules peuvent remettre en cause le choix de moyenner la valeur du d-band center sur les cinq orbitales d. Ainsi, une extension du modèle du d-band center à un d-band center projeté sur les contributions σ, π et δ a été proposée[99]. Les orbitales d sont alors séparées selon leur orientation et les possibilités directionnelles d’interaction avec les ligands qu’elles présentent pour permettre d’affiner le modèle du d-band center en proposant une description plus précise de l’interaction électronique lors de l’adsorption d’espèces sur la surface du catalyseur. Ces orbitales effectives sont représentées sur la figure 2.14 et sont donc les orbitales dσ (dz2), dπ (dxz, dyz) et dδ (dxy, dx2−y2).

Figure2.14: Orbitales d effectives (dσ, dπ et dδ) et directions d’interaction correspondantes. Figure reproduite d’après 99.

La figure 2.15 représente le d-band center calculé par site pour un icosaèdre de ruthénium de 147 atomes. Sur ce type de représentation, la couleur indique la position du d-band center par rapport à celui de la surface Ru (001), en blanc. Si le εd est inférieur à celui de la surface, le site

sera rouge et s’il est supérieur il sera en bleu. Plus la couleur est intense, plus l’écart par rapport à la valeur de la surface est grand. Ainsi, un site rouge indiquera un site d’adsorption forte et un site bleu un site d’adsorption faible. La décomposition du d-band center en trois contributions σ, π,

δ permet d’établir les trois représentations de la figure 2.15a et le d-band center total, somme de

ces trois contributions, donne la cartographie de la figure 2.15b. L’intérêt d’avoir accès à une telle décomposition réside dans le fait que l’information supplémentaire apportée permet d’expliquer certains phénomènes d’adsorption à la surface, notamment d’expliquer pourquoi la coordination verticale sur les sommets ou arêtes de l’icosaèdre, n’est pas favorisée : le d-band center σ sur ces sites là est quasi identique à celui de la surface, au contraire des d-band center π et δ, dont la couleur

2.2. ASPECT PRÉDICTIF DANS LES MATÉRIAUX ET EN CATALYSE

rouge intense montre qu’une forte adsorption pourra résulter de l’interaction orientée latéralement entre un ligand σ et les orbitales dπ et dδ.

Figure 2.15: Cartographies colorées représentant le d-band center par site (a) projeté sur les orbitales dσ, dπ et dδ et (b) total sur l’icosaèdre Ru147. Figure adaptée d’après 99.

Les cartographies colorées telles que celle de la figure 2.15 décrivent également un modèle plus complexe que le d-band center atomique, puisqu’elles résultent en réalité de la combinaison de d-band center calculés pour les coordinations η, μ, μ3 et μ4, donnant ainsi un d-band center par site, plus à même de décrire la coordination de ligands à la surface de la nanoparticule puisque prenant en compte une plus grande gamme d’interactions que le d-band center atomique. En pratique, le d-band center par site est obtenu en moyennant la valeur du d-band center des atomes le composant et la cartographie colorée finale est obtenue en superposant celles correspondant respectivement aux contributions η, μ, μ3 et μ4 (figure 2.16).

Figure2.16: Construction de la cartographie colorée du d-band center par addition des contributions par sites η, μ, μ3 et μ4, dans le cas de Ru55MD. Figure reproduite d’après 99.