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1.1.1 Méthodes de synthèse chimique ou synthèse colloïdale

Il existe une grande variété de méthodes de synthèse chimique, ou colloïdale, reposant sur le processus général qu’est la nucléation par agrégation d’atomes métalliques isolés suivie de la croissance à partir d’autres atomes isolés. Ce type d’approche, appelé "bottom-up" (figure 1.1) recouvre la totalité des synthèses par voie chimique mais ne lui est pas exclusif. Les méthodes colloïdales sont généralement moins coûteuses que les synthèses par voie physique et permettent un contrôle étendu des propriétés des nanoparticules. Elles peuvent être séparées en deux grands types : les méthodes par réduction et les méthodes par décomposition. Ces deux méthodes visent à isoler l’atome métallique porté par un précurseur. Cette première étape de décomposition est suivie d’une étape de nucléation pendant laquelle les atomes ainsi obtenus s’assemblent jusqu’à arriver à une

Figure 1.1: Illustration des modes de synthèses « bottom-up » et « top-down ».

forme et une taille données, régies par les conditions de synthèse ainsi que l’influence des stabilisants ou du solvant. Les stabilisants sont d’une influence cruciale pour les méthodes de synthèse par voie chimique. En effet, leur rôle principal est d’arrêter la croissance des nanoparticules en bloquant le processus, favorable thermodynamiquement et cinétiquement, qu’est coalescence des agrégats métalliques qui conduirait à la formation d’un matériau cristallin de taille très étendue. La présence de stabilisants permet alors de contenir ce phénomène et d’empêcher l’agrégation au-delà d’une taille donnée. Les stabilisants peuvent exercer un effet stérique, limitant dans l’espace les atomes et agrégats métalliques pouvant former des nanoparticules par coalescence. C’est notamment le cas des matrices poreuses telle que l’alumine[6], des polymères tel que la polyvinylpyrrolidone (PVP)[7], ou des micelles[8]. Les stabilisants peuvent également être des ligands, c’est-à-dire des espèces qui vont se coordonner à la surface des nanoparticules. En conséquence, les ligands ne se contentent pas d’exercer un contrôle stérique sur la croissance des nanoparticules mais appliquent également un contrôle électronique car leur coordination modifie, avec plus ou moins d’impact, la structure électronique de la nanoparticule en formation. En particulier, la force d’interaction entre le ligand et la surface, traduite par l’énergie d’adsorption du ligand, pourra varier d’interaction faible de

1.1. MÉTHODES DE SYNTHÈSE

type van der Waals à des interactions chimiques fortes pouvant aller jusqu’à l’empoisonnement de la surface. De ce point de vue, le choix du ligand est important car il doit pouvoir stabiliser les nanoparticules sans toutefois les rendre inutilisables par la suite. De plus, l’énergie d’adsorption d’un ligand sur une surface métallique dépend de la facette cristallographique exposée[9]. De ce fait, l’utilisation de certains ligands favorisera l’adsorption sur une facette donnée participant ainsi au contrôle de la morphologie de la nanoparticule.

Synthèse par réduction. Les premières utilisations de réduction pour synthétiser des nanopar- ticules remontent au XIX`emesiècle, avec notamment la préparation de colloïdes d’or par Faraday en 1857[10]. Dans ce schéma de synthèse, un sel ou un oxyde métallique, précurseur source d’atomes métalliques, est réduit en phase aqueuse ou organique en présence de surfactants. La réduction du précurseur métallique peut se faire par des alcools[11], ceux-ci pouvant jouer le rôle de solvant et de réducteur à la fois[12,13]. Les borohydrures sont des réducteurs puissants et sont donc couramment utilisés pour une réduction efficace de précurseurs métalliques. Il existe de nombreux exemples de synthèses utilisant des borohydrures comme agents réducteurs[14–16], mais leur inconvénient principal est que la cinétique rapide de la réaction entre borohydrures et précurseurs métalliques rend difficile le contrôle de la taille des nanoparticules synthétisées (variant de 4 à 200 nm). A l’inverse, une base faible comme l’hydrazine[17] permettra la synthèse de nanoparticules avec un meilleur contrôle : par exemple, autour de 10 nm[18] ou entre 1.5 et 3.5 nm[19], mais restera moins répandue, à cause de ses moindres propriétés réductrices. La réduction peut également être électrochimique. Les sels métalliques seront alors réduits à l’anode, libérant les atomes métalliques qui pourront former les agrégats de base des nanoparticules[20,21]. Ici, outre les stabilisants, la densité de courant utilisée sera un facteur d’ajustement pour le contrôle de la taille des nanoparticules. Cependant ce contrôle est difficile et la dispersion de taille et de forme des nanoparticules obtenues par cette méthode sera souvent grande (entre 1 et 10 nm)[22–24]. Le principal inconvénient de la synthèse par réduction est l’utilisation de réducteurs puissants, nécessaires pour décomposer le sel métallique, qui peuvent donner naissance à des impuretés dans les nanoparticules synthétisées. La méthode de décomposition de précurseurs organométalliques permet d’éviter, en grande majorité, ce problème.

Synthèse par décomposition. La décomposition de précurseurs dans un solvant permet de séparer l’atome métallique du précurseur de la partie organique sans employer d’agent réducteur. Des températures la plupart du temps inférieures ou égales à 100°C permettent la décomposition du précurseur, ce qui limite tout de même les solvants et ligands stabilisant pouvant être employés. Cependant, cette technique permet un grand contrôle de la taille et de la forme des nanoparticules. Les agents stabilisants peuvent être des polymères (PVP) ou des ligands se coordonnant à la surface des nanoparticules, comme par exemple des amines (hexadécylamine HDA, oleylamine...) ou des (di)phosphines (1,4-Bis(diphenylphosphino)butane, dppb). La PVP mène à des nanoparticules de petite taille avec une dispersion de taille et de forme réduite (respectivement 6 nm, 2.5 nm ou 2 nm pour la synthèse en présence de méthanol, de dihydrogène ou de monoxyde de carbone)[25]. On peut également obtenir des nanoparticules ultra-petites (∼1 nm), par exemple en utilisant la bétaïne comme stabilisant pour le ruthénium[26,27]. Les ligands amines et phosphines conduisent généralement à des nanoparticules de taille sensiblement supérieure, qui peuvent avoir des formes

variées selon les conditions de synthèse et notamment selon la taille et la concentration du ligand. Par exemple[28], des nanoparticules de ruthénium de 1.1 nm ont été synthétisées en présence de PVP, alors qu’elles faisaient 1.7 nm pour l’acétate de cellulose. L’utilisation de ligands thiols ou amines donne des nanoparticules plus grandes, autour de 2-3 nm. L’effet de la longueur de la chaîne carbonée des amines et de la concentration de celles-ci sont également mis en évidence : l’hexadécylamine et la dodécylamine, pour des concentrations supérieures à 0.2 équivalents, donnent des formes allongées entre 2 et 3 nm, mais une faible concentration (0.04 eq.) d’hexadécylamine conduira à la synthèse de petites nanoparticules (1 nm), peu cristallines.

1.1.2 Méthodes de synthèse physique

Approches « bottom-up ». Les méthodes par voie physique peuvent elles aussi relever d’une approche "bottom-up" mais certaines consistent en la transformation d’un matériau massif en petite nanoparticules, s’identifiant ainsi à une approche "top-down". Les méthodes physiques de type "bottom-up" sont souvent plus efficaces que les méthodes chimiques du point de vue du contrôle de la taille, mais elles sont plus difficiles à mettre en place et la taille des nanoparticules obtenues est plus grande, allant jusqu’à des tailles de l’ordre du micron, elles sont donc moins utilisées pour la synthèse de nanoparticules. Les nanoparticules obtenues par voies physiques ne sont pas stabilisées par des ligands, étant synthétisées sous vide ou sous atmosphère inerte. Cela permet donc d’obtenir dans nanoparticules sans interaction entre elles, comme pour les synthèses chimiques, et sans interaction avec des espèces de surface, ce qui se rapproche le plus des modèles développés théoriquement. Les méthodes pour obtenir de telles nanoparticules sont basées sur l’évaporation d’atomes métalliques à partir d’un solide massif par trois voies principales : l’évaporation thermique[29], le bombardement laser[30]ou le bombardement d’ions d’un gaz inerte[31]. Les atomes métalliques gazeux ainsi obtenus entrent par la suite en collision et forment des agrégats menant aux nanoparticules. La spectroscopie de masse en temps de vol intégrée au dispositif de synthèse s’impose alors comme l’une des techniques de choix pour l’analyse de ces nanoparticules libres.

Figure 1.2: Dispositif expérimental pour une analyse de diffraction d’ions-électrons piégés (en haut) et de spectroscopie en temps de vol (en bas) à partir de clusters synthétisés par pulvérisation cathodique magnétron. Image reproduite d’après 32.

1.1. MÉTHODES DE SYNTHÈSE

plus utilisée, notamment pour la préparation de nanotubes et repose quant à elle sur l’accumulation d’un précurseur gazeux décomposé sur un substrat. Des clusters métalliques de petite taille (de quelques dizaines d’atomes) peuvent aussi être synthétisés par voie physique, notamment par la pulvérisation cathodique magnétron[33]. Cette méthode de synthèse de clusters, couplée à des analyses de spectroscopie de masse en temps de vol et à la diffraction d’ions-électrons piégés (TIED : Trapped Ion Electron Diffraction) (figure 1.2) permettent d’assimiler les clusters synthétisés à des clusters modèles optimisés par DFT. Ainsi des clusters ionisés Ag55icosaédriques ont été synthétisés et caractérisés[32] et la structure compacte de petits clusters anioniques de ruthénium (Ru19 et Ru44) a été mise en évidence[34].

Approches « top-down ». Plus difficiles à mettre en œuvre, les méthodes "top-down" proposent une autre approche pour obtenir des nanoparticules. Il s’agit ici de réduire la taille d’un matériau massif pour l’amener à la taille nanométrique. La mécanosynthèse et la lithographie sont deux pro- cédés de type "top-down". La première consiste en une réduction mécanique de poudres métalliques pour obtenir des nanoparticules[35] . Le matériau massif est alors broyé jusqu’à ce que sa taille soit assez réduite. Comme l’on peut s’y attendre, cette méthode conduit à de grandes nanoparticules, de l’ordre du micron, ayant une grande dispersion de taille et de morphologie. La complexité de mise en œuvre ajoutée au manque d’efficacité et au peu de contrôle du résultats en font une méthode peu utilisée. La lithographie quant à elle repose sur la découpe d’un motif de plus en plus réduit dans un matériau massif préalablement déposé sur un substrat. Ici le contrôle de la taille et de la morphologie est plus facile mais la lithographie génère des défauts cristallins causant un manque de régularité dans les structures ainsi synthétisées[36,37].

1.1.3 Méthodes de biosynthèse

Pour l’instant moins répandue, la synthèse de nanoparticules en milieu aqueux à partir de composés biologiques qui sont utilisés pour réduire les précurseurs métalliques a été introduite pour la première fois en 2002[38]. Les composés biologiques pouvant servir d’agent réducteur sont variés et peuvent être des extraits de plantes (thé[39], géranium[40], aloe vera[41], citronnelle[42], etc.) ou d’organismes cellulaires comme des bactéries[43], des champignons ou des levures[44]. Le contrôle des nanoparticules obtenues en termes de taille et de composition est très difficile et la synthèse met en jeu des mécanismes encore incompris, expliquant la marginalité de la méthode, mais son originalité et son impact environnemental supposé moindre que les synthèses physico-chimiques appellent à y porter une attention particulière dans le futur.

Cette section sur les méthodes de synthèse biologique est également l’occasion de noter que les nanoparticules ne sont pas une invention humaine et qu’il existe des organismes capables de produire des nanoparticules magnétiques. C’est notamment le cas des bactéries Magnetospirillum

magnetotacticum[45], qui produisent de manière intracellulaire des nanoparticules de magnétite (Fe3O4), de gréigite (Fe3S4) et de pyrrhotite (Fe7S8), d’environ 50 nm de diamètre[46]. La magnétite permet alors aux bactéries de ressentir le champ magnétique terrestre et de s’orienter par rapport à celui-ci, particularité dont ces bactéries tirent leur nom.

1.2

Synthèse colloïdale de nanoparticules de ruthénium, rhénium