Chapitre III : LA MODERNISATION DU CADRE DE LA DEPENSE
SECTION 1 : LE CADRE D’EXECUTION DE LA DEPENSE
I. Les améliorations dans la phase administrative de la dépense
2. Au niveau du cadre d’exécution du budget
Les réformes permettent d’accroître la qualité de la préparation du budget de l’Etat. En
conséquence et dorénavant, les prévisions se rapprochent du budget exécuté. En effet, le
processus qui est centralisé par la DGBF avec pour partenaire la DCPE et la DGP est conduit
avec rigueur et expertise, les résultats attestent sa fiabilité. La dispersion à laquelle il nous
était donné d’observer n’existe plus.
Le processus est mieux encadré au niveau du cadre d’exécution de la dépense publique
proprement dit. Il existe un système de pilotage centralisé de la gestion du budget de l’Etat par
le Directeur Général du Budget et des Finances à travers les autorisations mensuelles qu’il
accorde à tous les ordonnateurs et ordonnateurs délégués qui émargent au budget de l’Etat. Ce
système de régulation de la gestion des crédits budgétaires a permis d’établir une
correspondance entre les ressources de l’Etat et les dépenses. En d’autres termes, la réforme
permet de connaître les ressources réelles de l’Etat à tout moment et de jouer sur leur rythme
de consommation. La réforme met ainsi un frein aux engagements anarchiques qui ont
conduit dans un passé récent à deux situations inconfortables pour les finances publiques
ivoiriennes, à savoir les passifs de paiement et les Dépenses Engagées Non Ordonnancées
appelées DENO.
2.1 Les passifs
Le volume du montant des passifs53 lors du passage au SIGFIP montre une grande faiblesse
des pratiques avant la réforme. En effet, les passifs recensés par la mission d’audit des
cabinets Inter et Fidexfi laissent apparaître un montant de dépenses cumulées exécutées hors
cadre budgétaire sur une période d’environ dix années (1988-1999) de 114 554 000 000
FCFA. L’analyse de ces créances montre qu’il s’est agit pour l’essentiel des initiatives prises
de façon indépendante par des hauts fonctionnaires pour engager l’Etat. Cela témoigne dans
une certaine mesure de l’ampleur des dérapages auxquels l’Etat était confronté.
Avec les nouvelles dispositions, il est quasiment impossible d’envisager de tels manquements
aux procédures d’exécution de la dépense publique. Il y a d’abord l’obligation faite à tous les
acteurs de passer par la procédure légale qui commence par le SIGFIP et s’achève avec
ASTER. Il y a également une vaste campagne pour présenter les nouvelles procédures aux
opérateurs économiques, partenaires privilégiés de l’Etat dans l’exécution de la dépense à
travers leurs organisations professionnelles.
2.2 Les DENO
Un grand avantage que l’on tire de la réforme concerne la réduction continue et très
significative des DENO. En effet, la grande proportion des DENO et leur augmentation
chaque année était caractéristique de l’indiscipline budgétaire et du manque de cohérence
dans l’exécution du budget de l’Etat. Cette pratique constituait pour l’Etat une véritable tare
de la gestion des finances de l’Etat ; au point où à certains moments les DENO étaient
supérieures ou égales aux mesures nouvelles pour ce qui concerne les dépenses
d’investissement. Cette situation entraînait, bien souvent, l’impossibilité d’envisager des
investissements certaines années puisque les prévisions servaient quasiment à apurer les
dépenses de l’année précédente.
Les nouvelles mesures n’annulent pas entièrement les DENO, elles n’ont d’ailleurs pas pour
vocation de les annuler. Cependant, elles permettent de les réduire à leur stricte nécessité. On
peut observer à titre d’illustration leur évolution sur 9 années de la période 1996 à 2004.
Evolution des dépenses engagées non ordonnancées
(DENO)
0
20000
40000
60000
80000
100000
120000
140000
160000
199
6
199
7
199
8
199
9
2000 2001 2002 2003 2004
Années
Montant en millions
Figure 2
L’on remarque que la période (1996-1998), c'est-à-dire celle avant la réforme budgétaire de
1999 est surtout marquée par des accumulations excessives de DENO avec une pointe pour
1996 avec un montant de 134 milliards. 1999, année d’introduction de la réforme budgétaire
est une année d’essai et reste donc marquée par une adaptation difficile au changement
introduit par le SIGFIP, le niveau baisse mais reste tout de même élevé. La chute significative
commence à l’année 2000, avec 57,4 milliards malgré le caractère exceptionnel54 de cette
année pour la Côte d’Ivoire autant sur le plan politique qu’économique. Les montants des
DENO pour la période véritablement post-réforme, c'est-à-dire entre 2001 et 2004, restent
intéressants avec une moyenne de 3,5 milliards sur les quatre années.
2.3 La réduction des délais
La réduction du délai global d’exécution de la dépense était un objectif visé par la réforme.
Les résultats atteints sont relativement bons; du moins, dans la phase administrative de la
dépense. Pour atteindre cet objectif une contrainte de délai d’analyse est fixée à chacun des
acteurs. Ce cadre fixé par la nouvelle réglementation est une véritable référence pour la
réforme, quand bien même son respect scrupuleux demeure un défi. En effet, force est de
remarquer que la majorité des acteurs s’efforce de respecter les délais réglementaires
prescrits. De ce fait, la phase d’engagement ne peut excéder trois jours, le contrôleur financier
doit donner son avis dans un délai n’excédant pas huit jours et le comptable doit faire la prise
en charge de la dépense dans un délai de 5 jours. De ce point de vue, les nouvelles
dispositions constituent une révolution par rapport à la période d’avant réforme où aucune
contrainte individualisée n’était appliquée aux acteurs. La seule contrainte de respect de délai
incombait à l’obligation faite à l’Etat de respecter des délais de paiement dans un délai de 90
jours depuis l’engagement jusqu’au paiement, sous peine de versement d’intérêt moratoire. La
réforme responsabilise mieux les acteurs et circonscrit leur sphère de responsabilité.
2.4 Les marchés publics
Part des marchés publics dans le processus
d'exécution budgétaire depuis 1994
12,2
17,2
22,2
27,2
32,2
37,2
42,2
47,2
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
Années
% dépenses primaires non
salariales affectées au
x march
és
public
s
Figure 3
On constate que le volume des dépenses hors salaires (dépenses de fonctionnement non
salariales + les investissements) ayant fait l’objet de marchés publics enregistre une tendance
à la hausse. Il était de 12.2% en 1994 et se situe en 2004 à 30% des montants affectés à ce
chapitre. La tendance à une hausse régulière des volumes de commandes contractualisées
s’est opérée régulièrement jusqu’en 2001. Le recul qui est constaté en 2002 est expliqué par
l’exécution de dépenses exceptionnelles liées à l’effort de guerre (achat de matériel militaire
par exemple) qui échappent aux circuits conventionnels. La proportion globale demeure
relativement faible compte tenu des objectifs de transparence qui imposent un recours plus
accru à la contractualisation. Cependant, au niveau des achats publics, les contraintes de plus
en plus grandes qui imposent l’obligation de passer par la méthode légale qui consiste à passer
un marché commencent à s’enraciner dans la culture de l’administration publique ivoirienne.
Cela est à l’actif des réformes progressives qui se sont mises en place depuis une dizaine
d’années et qui ont pour point d’achèvement l’adoption du tout nouveau code des marchés. Il
y a tout lieu de s’en féliciter.
En plus des mesures contraignantes pour atteindre l’objectif d’obligation de passer des
marchés, il y a un renforcement des dispositions et des mesures coercitives pour dissuader
toute velléité de tricherie dans le domaine des marchés publics. La réforme du cadre juridique
des marchés et l’implication des opérateurs économiques dans la procédure, ainsi que le droit
qui leur est reconnu pour faire usage de recours est de nature à donner plus confiance aux
candidats à la soumission aux offres publics d’achats. Ces mesures renforcent la bonne
gouvernance et donnent à l’Etat des marges pour acheter mieux et acheter plus.
Partant de ce principe, il apparaît que la force de la réforme réside dans le fait qu’elle élargit
les possibilités d’investissement et d’approvisionnement des administrations, ce qui n’était
pas assuré dans un environnement flou marqué par des suspicions. De par la centralisation des
informations sur les entreprises, l’administration arrive dorénavant à faire le choix de ses
partenaires qui ont une expertise avérée. Cette meilleure connaissance des partenaires de
l’administration a l’avantage de réduire les erreurs de choix. A titre d’illustration, la moyenne
de marchés résiliés au tort des entreprises sur les années 2001, 2002, 2003 est de 37 marchés
par an, ce qui correspond à un progrès par rapport aux situations antérieures. A titre
d’illustration, 150 marchés ont été résiliés en 2000 et 112 marchés en 1999.
La réforme du cadre des marchés publics a certes une mission économique, mais elle a
également une mission sociale. Le nouveau code prévoit des dispositions en faveur des
PME/PMI moteur de l’emploi. Ainsi donc, la généralisation et l’intensification de la passation
de marchés sont des changements à mettre au profit des petites entreprises. Dans le domaine
des marchés de travaux, la pratique imposait la passation d’un marché unique par ouvrage à
réaliser (tout corps d’état) ; les nouvelles dispositions encouragent la coexistence de plusieurs
marchés pour la réalisation d’un même ouvrage ; et bien souvent un marché est attribué par
corps d’état. Ce changement a pour conséquence la démultiplication du nombre de marchés.
Tableau 1
Evolution du nombre total de marchés approuvés par année de 1992 à 2002
Années 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
Nombre de marché 396 841 971 928 841 2152 2315 1549 1656 2619
On remarque à ce sujet deux grandes évolutions en 1994 et en 1998. La montée du nombre de
marchés en 1994 n’est pas véritablement significative parce que cette année correspond à
l’année de la dévaluation du FCFA avec la relance de l’économie ivoirienne. Cette évolution
n’est donc pas liée à une réforme ou à une nouvelle conceptualisation des marchés publics.
Par contre l’année 1998 est caractérisée par un changement profond de vision et de politique
des marchés publics. Cette nouvelle politique est impulsée par une nouvelle direction. Les
axes de travail de cette nouvelle équipe vont concerner les contrôles des procédures et la
systématisation de la passation des marchés, l’encouragement de la mise en application réelle
de la politique de démultiplication des marchés publics.
Le nouveau code prévoit également des dispositions avantageuses pour les sous-traitants.
Désormais, lorsque le montant du contrat de sous-traitance est égal ou supérieur à dix pour cent du
montant du marché, le sous-traitant, peut être payé directement pour la partie du marché dont il assure
l’exécution par le maître d’ouvrage55. C’est une mesure salutaire parce que dans bien des cas,
les conflits entre titulaire de marché et sous-traitant naissent à partir des retards de paiement.
L’entreprise principale peut avoir un schéma d’apurement de ses dettes qui n’accorde pas une
priorité à la liquidation des droits des sous- traitants. Cela entraîne naturellement des
désagréments quant au respect des délais et pouvant conduire dans certaines situations à
l’arrêt des travaux.
Une analyse des achats publics montre une tendance à l’évolution des proportions des Appels
d’offres au détriment des marchés octroyés en gré à gré, ce qui satisfait d’avance les objectifs
d’ouverture, condition sine qua non de la transparence.
Il. Dans la phase comptable
1. Au niveau juridique
La mise en place d’un plan comptable de l’Etat qui permet de rapprocher la comptabilité
publique de la comptabilité privée pose la problématique de la nécessaire restitution de la
mémoire financière et comptable de l’Etat. Dorénavant, toutes les dépenses effectuées sont
indexées sur des normes comptables. Ces nouvelles dispositions adossées au progiciel
ASTER permettent d’avoir chaque année, et dans les meilleurs délais, après la clôture de
l’exercice (environ dans un délai de six mois dans cette phase d’adaptation du système), un
compte général de l’administration des finances avec des données plus fiables. C’est le cas
depuis l’exercice 2003. Ce document retrace à l’échelle d’une année la situation comptable et
financière de l’Etat de façon exhaustive. On y trouve les Etats suivants :
• La balance générale des comptes du Trésor ;
• La balance Générale de fin de Gestion et d’inventaire;
• Le développement des dépenses budgétaires par titre, par ministère et par nature
économique ;
• Le développement des recettes budgétaires ;
• Le développement des comptes de résultat ;
• Les documents financiers.
Dans le document
Master en administration publique Des Fonctionnaires internationaux 2004-2005
(Page 57-62)