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LES LIMITES DU PROCESSUS BUDGETAIRE

Chapitre V: LES FAIBLESSES DE LA RÉFORME

SECTION 3 LES LIMITES DU PROCESSUS BUDGETAIRE

SECTION 3 : LES LIMITES DU PROCESSUS BUDGETAIRE

Le processus budgétaire est au cœur de la réforme du circuit de la dépense publique. Il a deux

aspects pour lesquels les contre-performances peuvent être dommageables pour l’efficacité de

la dépense. Il s’agit du respect du calendrier budgétaire et du respect des règles qui régissent

le cadre d’exécution de la dépense publique.

I. Le calendrier budgétaire, gage de la légalité des dépenses de l’Etat

La tenue et le respect d’un calendrier de mise en place du budget sont le gage de la rigueur

que demande ce processus, mais également de l’importance que revêt le budget pour la

Nation. Rappelons que le budget traduit une politique et des orientations pour la Nation, d’où

la nécessité de ne pas s’autoriser un certain laisser-aller ou une légèreté dans son processus

d’élaboration et dans celui de son adoption.

En temps normal ce processus commence dès le mois de mars et s’achève avec le vote de la

loi des finances au plus tard en décembre, de sorte que l’année nouvelle commence avec

l’exécution d’un nouveau budget. Ce cheminement permet à toutes les dépenses et à toutes les

recettes publiques d’être répertoriées dans le catalogue des ressources et emplois

prévisionnels que représente le budget de l’Etat. Ce processus permet également de donner

une base légale au budget par l’autorisation du peuple à travers le vote des parlementaires.

Toutefois, si en théorie le processus paraît bien réglé avec des repères temporels assez

marqués pour l’exécution des quatre étapes essentielles, à savoir le cadrage

macro-économique, le cadrage budgétaire, la conférence budgétaire et le vote de l’assemblée

nationale ; la pratique laisse apparaître une réalité qui expose toutes les faiblesses de la

fonction budgétaire et la fragilité de notre organisation administrative et par delà, la fragilité

de l’Etat.

Par le passé le calendrier du processus budgétaire était assez bien respecté à l’exception des

années électorales où on observait souvent un léger glissement d’un à deux mois, conduisant

le gouvernement à adopter le principe d’exécution budgétaire par douzième provisoire.

Depuis l’année 1999, avec l’instabilité socio-politique, la préparation du budget de l’Etat et

son adoption ont perdu leur cycle normal.

Cette situation est de nature à fragiliser les efforts de modernisation et de transparence de la

gestion des finances publiques. L’ordonnance66 la plus récente instituant une exécution

budgétaire par douzième provisoire remonte à l’exercice budgétaire 2003, c’est dire que les

exécutions de dépenses avant le vote du budget de 2004 et 2005 se sont déroulées dans la

parfaite illégalité67. Cette situation favorise la fragilité des finances publiques.

Une observation du tableau retraçant les références des lois des finances montre la gravité de

la situation des retards allant des fois jusqu’au mois de juillet comme ce fut le cas en 2003.

66 Il s’agit de l’ordonnance 2003-49 du 20/02/2003

Tableau 2

Tableau récapitulatif des dates d’adoption du budget de l’Etat période 2000-2005

Années 2000 2001 2002 2003 2004 2005

Date d’adoption

du budget de l'Etat 28/03/2000 14/06/2001 15/03/2002 07/06/2003 15/04/2004 27/04/2005

Les périodes de manque de couverture budgétaire donnent droit à tous les dérapages dans

l’exécution de la dépense publique. Les commandes de l’Etat pendant cette période sont faites

par négociation et arrangement avec les fournisseurs. Ces derniers sachant que

l’administration étant en position de faiblesse, en procédant à des commandes par anticipation

pour assurer un fonctionnement minimum, et n’étant pas un bon payeur tirent un grand profit

en terme de coût du risque. Pendant cette période qui peut être assez longue, comme ça été le

cas pour l’adoption du budget 2005, certaines dépenses importantes et nécessaires restent tout

de même conditionnées à l’adoption du budget, et dans le même temps d’autres qui ne sont

pas nécessairement urgentes sont exécutées. On peut traduire cette forme de gestion comme

favorisant le règne d’un certain arbitraire institutionnalisé. Le nécessaire respect du cycle

budgétaire reste un rempart sûr pour la bonne gestion et une condition minimale pour réussir

l’objectif de modernisation de la dépense.

II. Les limites du cadre d’exécution de la dépense

1. Analyse test de la phase administrative

Un cheminement test dans le circuit de la phase administrative de la dépense nous a permis de

prendre connaissance de quelques entraves. Le choix de notre échantillon cible s’est opéré sur

des dépenses effectuées dans des secteurs dits prioritaires. De ce fait, les dépenses que nous

avons suivies se rapportent au secteur de préoccupation nationale de la lutte contre la

pandémie du VIH/SIDA.

Théoriquement le processus d’exécution tel qu’il est défini, avec ses contraintes et délais

alloués à chacun des acteurs est un bon cadre pour conduire l’exécution de la dépense avec

célérité et efficacité. Cependant, plusieurs témoignages évoquant des obstacles réels à

l’atteinte de ces objectifs nous ont poussé à parcourir le circuit. De par cette expérience on

peut affirmer qu’effectivement des obstacles existent. Ils sont autant dans la phase

administrative de la dépense que dans la phase comptable.

Le besoin de parcourir le circuit de la dépense s’est imposé depuis le début de nos travaux

afin d’appréhender les problèmes dans toute leur complexité. Cependant, la possibilité réelle

de le faire ne s’est exprimée qu’après l’adoption du budget, c'est-à-dire le 27 avril 2005, on

comprend dès lors les raisons pour lesquelles le processus n’a pu être conduit à son terme. On

pourrait d’ailleurs noter ce retard dans l’adoption du budget comme étant le tout premier

obstacle de la procédure.

Les dépenses suivies se rapportent au titre II de la section 46. Elles portent sur la destination

621450201 avec la nature de dépense 6227 et à la destination 621220601 avec la nature de

dépense 2420. Elles concernent l’achat des biens et services suivants:

• La nature de dépense 6227 concerne l’achat de matériel informatique ;

• La nature de dépense 2420 se rapporte à des frais de réparation de véhicule.

En rappel, la phase administrative de la dépense en procédure normale a deux parties qui sont

celle de l’engagement et celle du mandatement. Nos deux dépenses ont été engagées le 17

juin 2005 par le DAAF et transmises au contrôleur financier qui a donné son avis le 04 août

2005. En théorie, cette phase de la dépense qui concerne uniquement l’engagement, ne devrait

pas excéder 11 jours, dans la pratique nous nous sommes retrouvés à 48 jours. Sur les deux

dépenses initiées une seule a obtenu le visa du contrôleur financier. La dépense concernant la

nature 2420 a été rejetée. Concernant cette dernière, le contrôleur financier a demandé la

révision du montant qui semblait être effectivement élevé. Pour ces deux dépenses, notre suivi

s’est limité à la phase de l’engagement de la dépense, compte tenu du temps qui nous était

imparti et compte tenu également du temps mis par cette phase de la dépense. Ce que l’on

peut retenir contribue à confirmer les remarques des uns et des autres.

En effet, pour ces deux cas le dépassement excessif du temps imparti est motivé par une

panne de l’ordinateur du contrôleur financier sur la période du 22 juin 2005 au 26 juillet 2005,

soit 36 jours, mais cette raison n’explique pas tout. D’autres raisons qui relèvent de

l’organisation et de la surcharge du plan de charges du contrôleur financier a pu justifier les

jours additionnels.

2. Analyse test de la chaîne de la dépense publique

En dehors des cas sus-cités, notre volonté de parcourir toute la chaîne de la dépense nous a

conduit à recueillir des données statistiques sur des dépenses initiées au cours de l’exercice

budgétaire 2004 auprès de la SNDI. Notre choix s’est porté sur un échantillon test de 96

dépenses68. Le critère de choix est guidé par la même logique du caractère prioritaire du

secteur dans lequel la dépense est faite. Ainsi donc, nous avons choisi les domaines de

l’Education de base, de l’entretien des pistes rurales et les domaines de la lutte contre le

SIDA. L’analyse des données choisies montre que malgré les avancées pour réduire les délais,

ce qui est indéniable, de gros efforts restent à faire à certaines étapes de la procédure pour

atteindre les objectifs de délais fixés par les nouvelles procédures.

A/ La démarche

Nous avons choisi dans les trois domaines des dépenses avec des opérateurs différents. Ainsi,

pour l’éducation 44 engagements vont être suivis. Dans le domaine de l’entretien routier nous

avons un échantillon de 48 dépenses choisies dans les mêmes conditions que nous avons

précédemment décrit. Dans les domaines de la lutte contre le SIDA l’échantillon est réduit à

quatre dépenses initiées. Notre approche a été de ressortir le temps mis à chaque étape de la

procédure. Nous avons établi ensuite une moyenne arithmétique par étape de la dépense à

l’intérieur d’un même ministère puisque théoriquement les acteurs étant les mêmes, les

comportements également. Nous avons établi dans une deuxième phase le temps estimatif

global à chaque étape de la procédure pour les trois ministères par le principe de la moyenne

pondérée. Les conclusions qui sont traduites dans le tableau 3 ci-dessous donnent une idée du

temps que met chaque dépense dans le circuit de la dépense publique en Côte d’Ivoire.

Tableau 3

Tableau récapitulatif du suivi de quelques dépenses

Engagement

Opération (en nombre de jours) Mandatement (en nombre de jours)

Nature

Visa CF Visa CF Ord DAAF Pec Trésor Mer Trésor

Réhabilitation piste rurale 0,75 50,94 1,38 13,69 51,25

Education de base 6,698 39,42 3,58 17,79 52,79

Lutte contre le SIDA 0 34,75 0 17 66,5

TOTAL GENERAL 3,69 44,93 2,34 15,73 52,59

Visa CF : Visa du Contrôleur Financier

Ord DAAF : Ordonnancement du DAAF

Pec trésor : Prise en charge du Trésor

Mer trésor : Mise en règlement du Trésor

B/ Les enseignements

Du test précédemment présenté on tire deux enseignements

• Le respect des délais

Le respect du cadrage temporel s’analyse autant dans la phase d’engagement que dans la

phase du mandatement.

De façon générale le cadrage est bien respecté dans la phase de l’engagement. Les

conclusions de notre test laissent apparaître un temps de réaction assez court. A ce niveau, le

temps de réaction moyen que mettent les contrôleurs financiers est d’environ quatre jours ce

qui est conforme au délai de huit (8) jours.

Dans la phase du mandatement nous constatons que la quasi-totalité des requêtes de visa est

accordée hors délai par les Contrôleurs financiers. Sur un nombre total de 96 demandes six

ont été visés dans les délais de huit (8) jours. Le temps moyen de visa des mandats est estimé

à quarante cinq (45) jours avec une pointe de cent soixante dix sept (177) jours ce qui

demeure très éloigné de l’objectif de 8 jours.

S’agissant de la phase d’ordonnancement, les DAAF sont plus réactifs, le temps moyen qu’ils

mettent pour accomplir cette mission est conforme à l’objectif. L’analyse des données laisse

affirmer que de façon générale l’ordonnancement se fait le même jour, dans tous les cas la

moyenne d’environ deux jours (2) selon notre test est conforme à l’objectif de cinq (5) jours.

Pour la phase comptable, le temps moyen de prise en charge de la dépense est de seize (16

jours), il est éloigné des cinq (5) jours réglementaires. La mise en règlement n’a pas de délai

précis qui lui est exigé, mais dans tous les cas cette phase du circuit de la dépense doit

s’insérer dans le cadrage global depuis l’exécution du contrat jusqu’au paiement du

fournisseur qui ne devrait pas excéder 90 jours. Les résultats du test donnent une moyenne de

52 jours pour les payements effectués au 19 août 2005. Il faut noter que sur les 96 dépenses

engagées seules 43 ont connu un dénouement heureux au terme du processus, ce qui expose la

crise de trésorerie que vit l’Etat.

• Les constats

En parcourant les résultats du test, il apparaît que les DAAF sont plus réactifs dans la

procédure de la dépense. Cela pourrait s’expliquer par le fait qu’ils sont avant tout les

initiateurs de la dépense, il nous paraît donc logique qu’ils aient plus de motivation.

S’agissant des contrôleurs financiers le manque de moyen est bien souvent mis au devant pour

justifier les retards. Certains évoquent le manque de moyen de locomotion pour assurer leur

mission de constat du service fait dans la phase du mandatement. Dans tous les cas, nous

pensons que les principes doivent être appliqués avec beaucoup de souplesse. La rigueur ne

devrait pas engendrer des dommages à l’Etat.