Chapitre III : LA MODERNISATION DU CADRE DE LA DEPENSE
SECTION 3 L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA RÉFORME
SECTION 3 : L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA RÉFORME
L’observation des impacts de la réforme sur les administrations et le secteur privé, partenaire
prioritaire de l’administration pour le dynamisme de l’économie nationale mérite qu’on s’y
arrête.
I. L’impact sur les Opérateurs économiques
La modernisation du cadre de la dépense avait pour objectif de permettre à l’Etat d’assainir la
gestion des finances publiques en dépensant utilement, c'est-à-dire dépenser moins et investir
plus. Cette restructuration qui prend en compte une amélioration poussée du cadre juridique,
fixe des objectifs nouveaux de délai à chaque étape de la procédure et établit également de
nouvelles règles pour la passation des marchés publics. Ces deux mesures donnent un vrai
contenu au changement.
1. La norme de délai
C’est une disposition essentielle dans la mesure où elle fait peser une contrainte sur les
acteurs. Dans une administration qui reste encore marquée par un laxisme intéressé, une telle
disposition est à l’avantage des opérateurs économiques. Dorénavant, les opérateurs
économiques auront à intervenir moins à chaque étape de la procédure pour faire avancer un
dossier mis en paiement. En effet, avec les anciennes dispositions les pertes de dossiers
étaient fréquentes ce qui rallongeait naturellement les procédures. De même, les retards dus à
des retentions volontaires par certains agents peuvent être contrôlés et évités. Le temps mis
par les entreprises pour suivre des dossiers de paiement étaient énormes, si bien que
capitalisé, cela revenait à des pertes considérables.
2. Sur l’attribution des marchés publics
Le nouveau code des marchés ouvre effectivement la concurrence, et cela est à l’avantage du
monde des affaires. Il est bon de rappeler que ce code a été rédigé de façon paritaire entre
l’Administration et le secteur privé. Il donne donc naturellement des gages aux opérateurs
économiques. Les nouvelles dispositions positives concernent, entre autres aspects, la
déconcentration du processus d’attribution des marchés qui est un rempart sûr contre les
processus extrêmement longs et parfois entachés d’irrégularités. Les améliorations concernent
également les dispositions réglementaires. En effet, dorénavant on a les changements qui
visent à desserrer les contraintes de garantie qui ont une implication très pesante sur les
charges financières des entreprises soumissionnaires aux appels d’offres publics. C’est le cas
de la libération systématique des cautions définitives56 dès réception provisoire des
fournitures où travaux, sauf indication contraire explicitement formulée dans le marché qui
peuvent être fonctions de la nature des travaux ou fournitures ayant fait l’objet de marché.
C’est un bon changement pour les opérateurs économiques, le préjudice subi par eux
auparavant était important compte tenu des lenteurs de l’administration à faire des réceptions
définitives pour les ouvrages et fournitures. Les frais financiers payés dus à ces dépassements
faisaient l’objet de plusieurs plaintes émanant des opérateurs économiques.
On note également l’adaptation du droit au fait. En effet, le cadre de la pratique de la
passation de la commande publique a considérablement évolué avec l’introduction et surtout
l’extension depuis une dizaine d’années de la délégation de service public dans
l’environnement des marchés publics. En effet, cette nouvelle disposition s’est imposée
comme un prolongement de la politique de la privatisation avec la concession de divers
domaines d’intervention publique à des opérateurs privés. Cela paraissait indispensable et
efficace pour la gestion de compétences naguère dévolues au service public. Dans la pratique,
l’arrivée quelque peu inattendue de ce nouveau mode de contractualisation de l’Etat avait
entraîné un véritable vide juridique que ce nouveau code des marchés publics comble en
évoquant le principe57 et en définissant les conditions et les modalités de son application58.
Le nouveau code pose le principe de la lutte contre la corruption dans le cadre des marchés
publics. Il établit clairement les cas patents qui tombent sous le coup de la sanction59 et
évoque les types de sanctions applicables. Les dispositions référencées au recours constituent
une des grandes possibilités de transparence et mise en confiance accordées aux opérateurs
économiques. En effet, les soumissionnaires qui estiment être injustement lésés peuvent
s’adresser aux organes de recours60.
Toutes les nouvelles dispositions, autant dans la procédure d’obtention d’un marché avec
l’Etat, que les améliorations dans le circuit de la dépense pour élaguer les tracasseries et
raccourcir les délais sont de nature à accroître la confiance entre les opérateurs économiques
et l’Etat. Cette confiance est une condition indispensable pour les entreprises à envisager des
stratégies d’expansion et de création de richesse.
II. L’impact sur le cadre macro-économique
L’impact en terme de satisfaction peut être mesuré à deux niveaux. D’abord sur les capacités
de l’administration à disposer d’instruments puissants pour sortir des tableaux de bord assez
fiables de l’économie en temps réel. Partant de ce constat, le bénéfice que l’analyse de
l’économie nationale peut tirer de l’utilisation de ces instruments est incommensurable. En
effet, la production de certaines données en temps réel permet aux décideurs de prendre des
mesures anticipatives. C’est le cas du Tableau des Opérations Financières de l’Etat (TOFE)
qui peut être sorti avec des données plus fiables et plusieurs fois dans l’année.
Il y a également le bénéfice que la réforme produit directement sur les agrégats de l’économie
nationale. Nous observons tout d’abord l’accroissement du volume de l’investissement par le
seul fait que désormais les dépenses correspondent mieux à la valeur réelle des
investissements. Des dispositions sont mises en œuvre pour vérifier l’effectivité de
l’investissement et sa valeur réelle.
Une lecture des domaines largement financés par les investissements publics montre un
intérêt pour les domaines à haute valeur ajoutée sociale tels que l’éducation primaire, la lutte
contre l’insalubrité, l’entretien et la création des pistes rurales, les programmes de santé de
proximité, qui sont autant d’axes d’investissement regroupés sous la bannière de programme
de lutte contre la pauvreté. En effet, le programme auquel la Côte d’Ivoire est soumise depuis
ces dernières années recommande une concentration des investissements publics dans ces
domaines, car le recul de la pauvreté commence par le développement humain. En d’autres
57 art 1.4 du Décret N°2510 du 24 février 2005 portant code des marchés publics
termes, il existe un lien entre le développement et l’amélioration des axes ci-dessus cités. De
ce point de vue, l’amélioration du circuit de la dépense publique permet dans une perspective
de long terme d’améliorer le niveau du développement par une amélioration du niveau
économique.
La relation positive entre l’investissement et la croissance économique justifie amplement les
bons effets de la réforme, au regard de la meilleure utilisation des deniers publics qui est faite
en ce qui concerne les investissements. Pour la Côte d’Ivoire, il est prouvé que les fortes
périodes d’investissement public61 ont toujours correspondu avec les périodes de forte
croissance économique. Il est prouvé également que le volume de l’investissement public a un
effet induit, du fait de ses effets d’entraînement, sur d’autres variables qui dopent l’activité
économique62, c’est le cas du secteur privé. Or a-t-on coutume de dire que le secteur privé est
le moteur de la croissance économique. Des mesures garantissant un environnement pour une
meilleure compétitivité du secteur privé ont toujours encouragé la croissance économique.
On peut en définitif retenir que les améliorations saillantes que nous avons qualifiées de force
de la modernisation concernent le cadre institutionnel avec de nouveaux organigrammes,
autant dans la phase administrative que comptable. Cela est plus adaptable à la recherche de
résultats que l’on veut atteindre. On note également une sensible amélioration du cadre
d’exécution de la dépense, on retient que cela a contribué à réduire les DENO à leur stricte
nécessité. Il faut ajouter à cela la quasi-impossibilité d’accumuler désormais des passifs.
L’accroissement de la transparence dans le processus de passation des marchés publics et
l’assignation d’une double mission économique et sociale aux marchés publics constituent des
points positifs. On retient enfin que l’amélioration du circuit de la dépense contribue à
accroître l’investissement public et par ricochet à doper le développement du secteur privé
moteur de la croissance.
61 Période de 1960 à 1980 et celle de 1994 à 1998
Dans le document
Master en administration publique Des Fonctionnaires internationaux 2004-2005
(Page 64-67)