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DU CADRE REGLEMENTAIRE ET JURIDIQUE

Chapitre V: LES FAIBLESSES DE LA RÉFORME

SECTION 1 DU CADRE REGLEMENTAIRE ET JURIDIQUE

L’administration fonctionne sur des règles écrites, des règles hiérarchisées. Ce principe forme

son socle. Cet ensemble de règles constitue les normes juridiques qui encadrent les actes des

acteurs et décrit également les contours de leurs responsabilités. La clarté de ces règles de

base et leur bonne application engendrent la force de l’administration publique.

L’administration publique ivoirienne n’échappe pas à ce principe fondamental. C’est donc

tout naturellement que la réforme du circuit de la dépense publique a eu pour pendant

primordial et essentiel la modification du cadre juridique et réglementaire. Ce changement

est-il cohérent pour le besoin d’efficacité que s’est assignée la réforme ? Nous sommes en

droit de nous poser cette question, si tant est que le besoin d’évaluation de la réforme

s’affirme être une nécessité en vue de pourvoir à son amélioration. En effet, l’audit de

l’environnement juridique permet de remarquer au moins trois faiblesses :

• le décalage juridique de certains textes ;

• la lenteur à adopter les textes ;

• la mauvaise application de certains principes.

I. Le décalage des textes

L’observation de l’ensemble des textes qui régissent l’exécution de la dépense montre la

nécessité de faire des mises à jour. Certains textes sont en inadéquation avec le cadre nouveau

décrit par la réforme. A ce propos, les préoccupations exprimées par l’exercice et les

nouvelles orientations de la fonction de contrôleur financier ne sont pas entièrement prises en

compte par les textes en vigueur. A la pratique nous découvrons une véritable insuffisance

juridique. En effet, le décret n°95-121 du 22 février 1995 portant attribution, organisation et

fonctionnement du Contrôle Financier; qui continue de servir de cadre de référence à

l’exercice de ce métier ne couvre pas certaines nouvelles exigences et compétences du métier.

Certaines des dispositions de ce décret ne sont également pas applicables au cadre nouveau

puisque ne faisant plus partie des conditions d’exécution de la dépense. C’est le cas du titre de

créance qui faisait partie de l’ensemble des pièces de paiement que visait le contrôleur

financier. De même, le mandat de paiement qui est un support qui fait partie des pièces

requérant le visa du contrôleur financier dans la nouvelle procédure d’exécution de la dépense

publique n’est pas évoqué par le décret précédemment cité.

On peut citer également la loi N°98-388 relative aux Etablissements Publics Nationaux.

Concernant cette loi, elle est marquée par l’incohérence de certaines de ses dispositions,

notamment en son article 50, avec les lois supérieures notamment la loi organique et les

directives communautaires de l’UEMOA relatives à la gestion des finances publiques. Ces

lois, en absence de décret de clarification ont du mal à être appliquées comme cela semble

être le cas.

On observe donc un décalage entre certains actes et les textes juridiques qui doivent les

couvrir, comme on l’a noté pour l’exercice du contrôle financier. On note également le besoin

urgent de création d’une Cour des comptes, institution forte de l’Etat pour assurer plus

d’autonomie et d’autorité à la fonction de juge des comptes. En effet, la Constitution de 2000

a exprimé cette nécessité afin de réduire l’échelle de hiérarchie qui peut interférer dans les

décisions du juge des comptes. On remarque que malgré les dispositions constitutionnelles,

les missions du juge des comptes restent inféodées à la Cour suprême cinq années après

l’adoption du texte constitutionnel.

II. Les lenteurs dans l’adoption des textes

Les lenteurs dans la mise en place des textes réglementaires constituent un véritable défi à

relever pour la réussite de la modernisation. En effet, le processus d’adoption des textes relève

parfois d’un parcours semé d’embûches, ce qui le rallonge de façon excessive. En effet, les

retards récurrents dans l’adoption des textes de façon générale et plus particulièrement ceux

très importants qui accompagnent la réforme du circuit de la dépense publique constituent une

grande faiblesse et un obstacle à la volonté de modernisation de l’administration publique.

Cela est symptomatique d’une administration qui peine à aller au changement malgré

l’engagement politique à agir dans ce sens.

On a évoqué plus haut l’inadaptation du décret relatif au contrôle financier. En effet, un

nouveau texte a été rédigé et devrait prendre en compte toutes les évolutions récentes dans

l’exercice de ce métier. Malheureusement, l’attente de son adoption dure depuis deux ans.

Bien souvent, quand après une longue attente une loi est enfin adoptée, les décrets

d’application peuvent durer tout autant comme c’est le cas de la loi n°98-388 relative aux

EPN. En effet, depuis son adoption en 1998, aucun décret d’application et de clarification n’a

été pris. Cette situation conduit à un véritable amalgame juridique puisque l’outil de travail de

référence reste dans cette situation les décrets relatifs à la loi abrogée. Le processus

d’adoption du nouveau code des marchés reste une bonne illustration de ce que peut mettre le

temps d’élaboration des projets de lois et décrets. En effet, la commission chargée d’élaborer

les nouveaux textes devant régir la passation des marchés publics a été installée en 1999 ; six

années plus tard le processus n’est pas encore entièrement achevé.

Ces différents exemples exposent les lenteurs dans la prise de décision et leur application dans

l’administration ivoirienne. Ces lenteurs peuvent être un véritable frein à la volonté de

réforme qui devrait être accompagnée de mesures soutenues pour assurer son efficacité. Il

n’est pas concevable que la redéfinition du cadre réglementaire s’érige en obstacle de la

réforme. Les enjeux et l’importance des moyens mobilisés devraient interpeller les uns et les

autres.

Le vide juridique fragilise certaines institutions ; c’est le cas du Programme de Renforcement

des Capacités et de Modernisation des Administrations Economiques, Financières et du Plan

(PRCMAEFP) installé depuis 2004. La coordination de cet important outil d’évaluation des

politiques de modernisation souffre d’un véritable manque de légitimité parce que ne reposant

sur aucun fondement légal (décret, arrêté). C’est également le cas de la Cellule de Revue des

Dépenses Publiques qui est rattachée à la Direction Générale du Budget et des Finances. En

effet, les contours de la mission de cette cellule demeurent flous et le statut des cadres chargés

de l’animer non clarifié.

III. La mauvaise application des principes.

1. Au niveau central

Le Ministre des finances est ordonnateur unique du budget de l’Etat, c’est un principe fort de

droit budgétaire de Côte d’Ivoire. En pratique, il délègue cette prérogative aux DAAF pour

l’exécution des dépenses au niveau central et aux préfets et sous- préfets au niveau local. Pour

traduire cette délégation, seuls les DAAF ont droit de signature et possède un code d’accès au

SIGFIP au niveau central. Pour les aider dans les taches d’exécution les DAAF désignent un

agent appelé à juste titre « agent SIGFIP » qui utilise dans certains cas le code d’entrée du

DAAF dans le Progiciel. Cette mesure vise à contrôler et harmoniser l’entrée de

l’information. Cette délégation de compétence du ministre aux DAAF qui obéit à un souci de

garantie de la continuité de l’administration et d’efficacité du service ne semble pas être bien

comprise par certains acteurs. Leur application trop rigide et trop personnalisée de la

prérogative d’ordonnateur qui leur est accordée permet de s’interroger sur l’efficacité de cette

mesure. En effet, lorsque certains DAAF sont absents, quel que soit le motif (vacances,

missions, maladies) le processus s’arrête. Cela ne devrait pas être le cas puisqu’il existe un

mécanisme de délégation de compétence à un autre DAAF. Dans ce domaine de délégation de

compétence, les contrôleurs financiers sont mieux organisés et appliquent avec plus de

souplesse les exigences liées à l’exercice de leur fonction. Cela s’explique par le fait qu’ils

sont tous regroupés au sein d’une même entité administrative qui est la Direction du contrôle

financier, ce qui n’est pas le cas des DAAF qui sont rattachés aux ministères de tutelle. La

recherche d’une solution de remplacement dans ce cas de figure serait bonne pour l’efficacité

et la continuité de l’administration.

2. Au niveau local

Les préfets et sous-préfets sont ordonnateurs secondaires uniques de la dépense dans leur

circonscription. A ce titre, ils sont au centre du système d’exécution de la dépense et sont

connectés au SIGFIP. Cette disposition qui trouve son explication dans le cadre juridique

d’exécution de la dépense montre ses limites dans son application, tant les occupations de ces

acteurs locaux pour les affaires générales de leur circonscription administrative sont

immenses et les sollicitations pour une dépense publique le sont tout autant. En plus de leurs

occupations, certains préfets ne montrent pas un grand intérêt pour une reconversion à

l’utilisation de l’informatique, si bien que les disfonctionnements les plus élémentaires

peuvent constituer des causes de rupture de la chaîne de la dépense. Pour toutes ces raisons,

l’exécution de la phase administrative de la dépense en région prend, et bien souvent, des

libertés temporelles.

L’adoption d’une solution de suppléance au sein des administrations concernées en cas

d’empêchement d’un titulaire serait une bonne solution de compromis pour une meilleure

réduction des délais.

SECTION 2 : DU DEVELOPPEMENT INSTITUTIONNEL ET ORGANISATIONNEL