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Du New Public Management à la Stratégie Nationale de Santé : l’hôpital une entreprise en

1.1 De la charité au New Public Management : l’historique rupture entre stratégie

1.1.3 Du New Public Management à la Stratégie Nationale de Santé : l’hôpital une entreprise en

Les tentatives de Rationalisation des Choix Budgétaires (RCB) instaurées dans les années 1960 en France, trop complexes et opaques n’ont pas, face aux ruptures macroéconomiques

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de 1975 et 1982, permis d’atteindre les objectifs de réduction des dépenses. Après les années 1970, marquées par la flambée des coûts du pétrole et les taux de changes flottants, les années 1980 sont impactées par une crise de la dette internationale. Les déficits publics sont importants. Le Fonds Monétaire International accroit alors son rôle de gestionnaire de crise financière. Ces années sont le fruit d’une « révolution économique silencieuse », Construite sur un courant d’idées néo-libérales, qui ouvre la porte aux coopérations internationales et aux exportations. La marche vers la mondialisation débute (Bouhton,2002).

Afin de rationaliser les dépenses tout en préservant les attentes des citoyens, des clients consommateurs mais aussi des électeurs, le gouvernement définit une nouvelle manière de gérer les fonds publics au travers de la rationalisation des choix budgétaires (RCB). La RCB est la déclinaison, en France, d’un Nouveau Management Public défini par l’OCDE lors de la conférence de Washington en 1962. Issu de la Nouvelle Economie Institutionnelle (NEI), Le New Public Management met en exergue la supériorité des marchés sur les choix stratégiques des gouvernants. La « discipline budgétaire et la réorientation de la dépense

publique » s’imposent aux institutions. Le New Public Management (NPM) nait d’une

volonté plurielle : adapter une nouvelle économie et rechercher la performance dans le fonctionnement des organisations. Des méthodes, jusqu’alors utilisées dans le secteur privé et considérées comme plus efficaces sont introduites dans le secteur public. Il s’agit d’instaurer, de manière explicite, au sein des institutions des principes de « good governance » (bonne administration). Cette réforme génère le changement (Amar et Berthier, 2010). Le but est d’élargir le périmètre de gestion des managers pour répondre aux trois objectifs « Economie, Efficacité, Efficience » (Urio, 1998).

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Figure 2 : le New Public Management (d’après Huron, 2014)

Sous l’égide de cette nouvelle gouvernance, le management des ressources humaines devient le levier essentiel pour réduire les charges et développer les ressources (Peters, 2010). Il prend le pas sur la notion de stratégie politique et de gestion administrative et introduit la notion d’anticipation. Il modifie la relation au temps jusque-là pensée au sein de l’hôpital, en termes d’immédiateté et d’urgence. Il faut dorénavant réfléchir en termes de projet à cinq ans. L’identification d’objectifs, l’appréciation des compétences et des moyens existants et la définition des besoins pour les atteindre reposent essentiellement sur les cadres soignants et techniques de proximité. Ces derniers constituent l’interface entre les directions stratégiques et les unités de soins (Mintzberg, 1997). L’introduction d’indicateurs et de critères de bonnes pratiques, élaborés par la Haute Autorité de Santé (HAS), nouvelle institution indépendante et légitimée, permettent l’évaluation des actes et de la performance. La responsabilité des résultats repose dorénavant sur les professionnels dont les compétences et la participation constituent les éléments incontournables pour relever le défi de cette nouvelle gestion. Les fonctionnaires sont ainsi appelés à changer de paradigme sous l’influence d’un nouveau mode d’incitation construit sur l’évaluation de la performance individuelle. Le fonctionnement s’organise peu à peu selon le modèle structuré de l’entreprise. La prévision, le contrôle de gestion, l’évaluation, permettent l’actualisation de l’offre et la compétitivité. Ce New Public Management (NPM) induit un changement de culture qui influence l’organisation. Le statut de bureaucratie professionnelle modélisé par

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Weber (1922) se transforme peu à peu en administration de type NPM. Il y a un avant et un après. Le tableau suivant recense les principales modifications.

Administration Wébérienne Administration type NPM

Objectifs Respecter les règles et les

procédures

Atteindre les objectifs, satisfaire le client

Organisation Concentrée Décentralisée

Partage des responsabilités politiciens /administrateurs

Confus Clair

Exécutions des tâches Division, parcellisation, spécialisation

Approche matricielle Mode de

recrutement

Concours Contrat

Promotion Avancement à l'ancienneté,

égalité d'avancement

Avancement au mérite, à la responsabilité et à la performance

Contrôle Indicateurs de suivi Indicateurs de performance

Type de budget Axé sur les moyens Axé sur les objectifs

Tableau 2 : Comparaison entre l'administration de type Administration Bureaucratique

et de type NPM.

Le législateur amorce ce glissement par le biais de trois nouvelles ordonnances promulguées en avril 1996. Elles modifient l’aspect structurel, organisationnel et financier du système de santé au niveau national, régional et local, en interne aux établissements.

Au niveau structurel, l’organisation des conférences régionales et nationale de santé permet de recenser et prioriser les besoins régionaux identifiés en collaboration avec les observatoires régionaux de santé. La création des Agences régionales de l’hospitalisation (ARH) permet d’ assurer la régulation des moyens et renforce la décision et l’application des orientations nationales en région. Les ARH sont surnommées préfectures sanitaires.

Sur le plan organisationnel, ces ordonnances ont pour objectifs la rationalisation, la simplification et le développement optimum de coopérations qui préfigurent les fusions

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édictées par les Groupements Hospitaliers de Territoires (GHT). En interne, les établissements publics de santé regroupent les services en pôles.

Ces ordonnances insufflent à l’hôpital une manière de gouverner construite sur des processus explicites dont la gestion repose sur l’anticipation, l’analyse du besoin, l’identification de moyens disponibles, le contrôle de gestion, l’évaluation et l’amélioration continue de la prestation.

Sur le plan fonctionnel, les besoins en santé sont désormais précisés au niveau national, grâce à la création d’un observatoire national de santé et d’observatoires régionaux de santé. Le résultat des travaux sert dorénavant de base au calcul du financement des besoins intégré dans la Loi de Financement de la Sécurité Sociale (FLSS) puis distribué au travers des Contrats Pluriannuels d’Objectif et de Moyens (CPOM), signés entre les nouvelles Agences régionales de l’hospitalisation (ARH) et les établissements, pour une durée de cinq ans. La signature des CPOM engage la responsabilité des directeurs d’établissement dans l’atteinte des résultats.

Une procédure particulière d’accréditation est gérée par une nouvelle agence indépendante, la Haute Autorité en Santé (HAS). Son rôle est d’identifier, de reconnaitre, de légitimer mais aussi de contrôler la bonne utilisation des compétences dans la pratique des soins. Elle édicte des critères de bonnes pratiques qui servent de référentiels. L’accréditation engage dans cette révolution les professionnels de soins qui doivent modifier leurs postures. Ils doivent s’approprier la démarche, intégrer dans leurs pratiques cette nouvelle gouvernance et identifier leur place dans ce nouveau système.

De manière explicite, la tutelle souhaite modifier l’offre de soins en instaurant un cercle présenté comme vertueux où l’activité est propulsée sur le devant de la gestion. Elle génère des recettes qui autorisent les dépenses. De façon implicite, la gestion s’appuie sur l’identification progressive des compétences et de la performance. L’hôpital évolue vers la compétitivité avec la compétence comme monnaie d’échange (Merck. 2012)

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Figure 3 : Le processus de financement de l’offre de soins

Le processus de financement des soins hospitaliers est organisé. Des Objectifs quantifiés Nationaux de Dépense de l’Assurance Maladie (ONDAM) sont fixés par le législateur. Un programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) est élaboré et confère à l’outil informatique une dimension structurante. Il permet d’identifier les actes réalisés et de leur attribuer une cotation définie par une nomenclature actualisée. Ce nouveau mode de calcul anticipé des ressources est ainsi dénommé « Tarification A l’Activité » (T2A). Les actes médicalisés effectués sont référencés, agrégés et valorisés par les nouveaux Départements

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d’Informatique Médical (DIM) sous formes de Groupes Homogènes de Malades (GHM), puis de Résumés Standardisés de Sorties (RSS). Ils servent de base aux Agences Régionales de Santé pour calculer des Indices Statistiques d’Activité (point ISA), représentatifs de l’activité de chaque établissement. La comparaison des points ISA permet d’orienter la stratégie de gestion au sein des établissements entre les pôles, mais aussi au niveau régional, entre établissements.

Cette tarification selon l’activité produite constitue pour la tutelle, une source précieuse de renseignements pour construire les objectifs des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens signés avec les établissements. Le financement accordé est ainsi directement dépendant de l’activité réalisée.

Avant la mise en place de la T2A, les ressources des établissements étaient allouées sous forme d’un budget global, distribués par douzième chaque mois. Il était augmenté d’un taux directeur actualisé chaque année mais n’était pas directement corrélé à l’activité réalisée. Dans le cadre de la T2A, les ressources sont allouées au regard des actes accomplis l’année antérieure. La logique financière s’inverse.

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Les gestionnaires présentent la Tarification à l’activité comme l’opportunité d’identifier chacun des actes, jusque-là réalisés par les professionnels mais non comptabilisés (radiographie spécifiques, échographies rapprochées en cas de grossesse à risque). La T2A apporte la lisibilité sur les actes accomplis, permet de contrôler le bon respect des pratiques médicalement opposables et favorise, aux yeux des professionnels, le sentiment de reconnaissance. La dotation de fonctionnement distribuée sous forme de budget global (instauré en 1983) se transforme en Etat Prévisionnel des Recettes et des Dépenses (EPRD). Chaque mouvement financier est explicitement inscrit et identifiable. L’identification, a priori, des dépenses met en lumière des manques de recettes. La règle d’équilibre budgétaire des comptes publics hospitaliers semble compromise. De plus, la procédure d’évaluation des objectifs peut, s’ils ne sont pas atteints, être à l’origine de pénalités prescrites par les Agences Régionales de Santé. Elle induit chez les directeurs d’établissements le sentiment d’être dépossédés de leur autonomie décisionnelle et donc de leur liberté de gestion.

L’évolution du fonctionnement de l’hôpital vers celui d’une entreprise le positionne sur le marché de l’offre, non plus comme le cœur de la dispensation des soins, mais comme un maillon de la chaine de soins, soumis à la concurrence du secteur privé. Elle lui impose de valoriser ses pratiques pour demeurer concurrentiel. Elle génère un paradoxe : l’hôpital public est doté d’une mission d’intérêt général et tout en restant sous le contrôle de la tutelle, au travers de nombreuses normes et référentiels, de la contractualisation et de l’accréditation (ordonnances avril 1996), il doit développer ses propres ressources pour être compétitif.

Les professionnels découvrent la logique de la gestion de projets et doivent s’approprier des outils qualité tels que la roue de Deming ou le diagramme d’Ishikawa afin de sécuriser les démarches de valorisation des performances. Si le New Public Management contribue à accroitre les recettes, l’organisation, encore trop mécaniste, éprouve des difficultés à rationaliser les dépenses.

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1.1.4 Agitée par une réforme néo-libérale, l’organisation demeure encore trop mécaniste