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Nationalisme héroïque comme choix mémoriel officiel à l’esclavage

3.4. Influence et apport des écoles historiques dans l’enseignement de l’histoire

3.4.1. Nationalisme héroïque comme choix mémoriel officiel à l’esclavage

La formation des écoles historiques haïtiennes se situe dans le contexte mondial de révolutions (Révolution américaine de 1776, Révolution française de 1789, Révolution haïtienne de 1804), des transformations sociales et économiques provoquées par la révolution industrielle dans le courant du XIXe siècle (émergence et expansion du capitalisme) et du développement du néocolonialisme. Après tout, Haïti était dans l’orbite de la Révolution américaine. La Révolution haïtienne était aussi susceptible d’embraser tout le monde esclavagiste d’Amérique, d’Afrique et d’Europe, même si Jean Jacques Dessalines, le Général en chef, avait rassuré les pays voisins d’Haïti une paix certaine et de ne pas s’ériger en législateurs des Antilles:

Gardons-nous cependant que l’esprit de prosélytisme ne détruise notre ouvrage; laissons en paix respirer nos voisins, qu'ils vivent paisiblement sous l'empire des lois qu'ils se sont faites, et n'allons pas, boutefeux révolutionnaires, nous érigeant en législateurs des Antilles, faire consister notre gloire à troubler le repos des îles qui nous avoisinent: elles n’ont point, comme celle que nous habitons, été arrosées du sang innocent de leurs habitants; elles n'ont point de vengeance à exercer contre l'autorité qui les protège. Heureuses de n’avoir jamais connu les fléaux qui nous ont détruits, elles ne peuvent que faire des vœux pour notre prospérité. Paix à nos voisins! Mais anathème au nom français! Haine éternelle à la France! Voilà notre cri485.

Les puissances coloniales (France, Portugal, Espagne…) avaient peur d’un deuxième Saint- Domingue. Donc, les nombreuses luttes des esclaves noirs menées à partir de 1789 jusqu’à 1803, à Saint-Domingue, et la fondation officielle de l’État haïtien, avec la proclamation de l’indépendance, le 1er janvier 1804, jusqu'à l’occupation américaine (1915-1934) peuvent être comprises dans ce découpage contextuel de l’histoire de l’humanité.

Dans les documents historiques et surtout dans l’examen des conséquences de la Révolution

484 Voir Labica Georges et Bensussan Gérard (dir.), Dictionnaire critique du marxisme, Paris, PUF, 1985, Entrée :

Histoire.

485 Voir « Proclamation du Général en Chef au Peuple d'Haïti », Quartier-général des Gonaïves, le 1er janvier 1804,

an 1er de l'Indépendance. En ligne : http://windowsonhaiti.com/windowsonhaiti/act2.shtml, consulté le 23 novembre

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haïtienne, on a remarqué une tendance à occulter son aspect humaniste pour mettre de l’avant seulement les actions libératrices, politiques et héroïques. Alors que faire du passé, s’il n’est pas interprété dans sa globalité? Comment le communiquer pour éviter de le biaiser ? Quelle méthode devrait-on utiliser pour permettre à l’histoire d’être complète dans son écriture et son enseignement? Car l’écriture de l’histoire résulte d’une sélection de documents et de témoignages. Donc, l’histoire est aussi sélective que la mémoire. Peut-on croire que certaines parties de l’histoire et de la mémoire de la Révolution haïtienne risqueraient d’entraîner une véritable révolution sociale en Haïti, si elles sont mises en lumière? On est « dans une terre ayant connu une antique oppression, dont le point de départ est marqué par une rupture qui semble irréparable, une douleur qui paraît sans remède? »486.

Les problèmes de gouvernance et l’incapacité des élites dirigeantes à surmonter les crises sociales et les luttes de classe depuis l’indépendance haïtienne sont évidents. Les historiens haïtiens du XIXe siècle étaient bien ancrés dans l’ère du temps. C’est toute la conscience collective haïtienne qui était préoccupée par les enjeux, les problèmes de l’environnement géopolitique, des structures sociales, des structures agraires, des conflits politiques. Au cours de la première moitié du XIXe siècle, l’historien ne saurait se contenter de reconstituer les faits historiques. Il a aussi un rôle de constructeur ou de participant à la construction d’une identité.

Dans ce rôle de constructeur de l’identité d’un peuple, l’historien n’est pas souvent objectif. Il met souvent en valeur les faits historiques les plus glorieux et crée des mythes pour appuyer son discours. C’était aussi le cas en France, avec Jules Michelet qui pour expliquer l’histoire de la Révolution française conçut une sorte de mythologie de la Nation française. Il est donc important de comprendre que les historiens haïtiens essayent de faire leur travail le plus honnêtement possible, mais ils n’échappent pas à cette pratique de construction d’une mémoire qui les amène à sélectionner et à privilégier les faits les plus glorieux. On pourrait aussi bien parler de masochisme, s’ils ne rapportaient que des faits les plus cruels.

486 Richard Price, Le bagnard et le colonel, Paris, PUF, 2000, cité par Jean-Luc Bonniol, « De la construction d’une

mémoire historique aux figurations de la traite et de l’esclavage dans l’espace public antillais », dans Jean-Luc Bonniol et Maryline Crivello (dir.), Façonner le passé. Représentations et cultures de l’histoire (XVIe-XXIe siècle),

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Dans les manuels d’histoire, la mémoire de l’esclavage apparaît sous le signe héroïque. Tout un silence est remarqué sur les conséquences de l’esclavage au sein de la société haïtienne. Le débat sur la mémoire coloniale esclavagiste aujourd’hui nous amène à recueillir les avis de participants à l’enquête sur le choix de mémoire en Haïti et ses incidences. Sur l’aspect héroïque de la mémoire, Blanco, 36 ans, professeur d’histoire au secondaire aux Cayes expose sa compréhension des réalités historiques dans une entrevue qu’il nous a accordée le 22 juillet 2013:

Depuis 1804, le nationalisme héroïque est devenu un choix mémoriel tant dans le discours officiel des dirigeants du pays que dans le discours des poètes. Dès l’Indépendance, l’élite politique a fait montre de nationalisme. Et à chaque célébration de l’indépendance, les chefs présentent la grandeur des héros haïtiens et montrent comment le peuple devrait suivre leur trace pour aller de l’avant. Les chefs se montrent très attachés à ce passé qu’ils glorifient dans leur discours comme choix mémoriel. (BlPH.34 : Source orale)

Les déclarations de Blanco montrent comment les perceptions ne changent pas à certains égards. C’est cette mémoire qui est transmise. Tout changement doit avoir une explication politique et sociale pour atténuer les polémiques. Il faut exhorter les citoyens à accepter les nuances de la mémoire haïtienne de l’esclavage. Parce que cette mémoire est aussi truffée de conflits internes permanents qui conditionnent la vie sociale aujourd’hui.

Après l’Indépendance nationale, la plupart des Haïtiens étaient restés dans les zones rurales et stigmatisés comme fils de plantations, fils d’esclaves. Les cultivateurs sous Jean Pierre Boyer signaient des contrats avec les propriétaires. Pour de nombreux participants interrogés, il est important de recouvrer la« vérité du passé colonial, ses traces et ses incidences en Haïti». Les propos de notre interlocuteur Léonce, 56 ans, cultivateur rencontré à Savary487 le 25 août 2014, font la promotion d’une telle obsession :

Li lè, li tan pou nou menm peyizan, pitit pitit peyizan, pitit ansyen esklav konn sa ki te pase nan listwa nou. Li lè pou yo esplike n sak fè nou nan sitiyasyon sa. Pouki yo refize chita ak nou pou fè

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tande vwa nou paske nou se pitit Dayiti tou, pitit zansèt ki te goumen yo tou.

(L’heure a sonné pour que nous, fils d’anciens esclaves pour la plupart des paysans, connaissions notre histoire, notre passé. Il faut qu’on nous donne des explications sur nos conditions de vie. Pourquoi les autorités étatiques haïtiennes refusent-elles de nous entendre et de nous intégrer dans les prises de décisions. Nous sommes aussi des fils du pays, des fils de révolutionnaires). (LeCU.64 : Source orale)

Les revendications en lien avec les conditions de vie des paysans reviennent dans les témoignages de Léonce. Il voit dans l’exercice du pouvoir haïtien des éléments de continuité de l’esclavage, c’est-à-dire, les hommes politiques mettent en place des mécanismes de pouvoir pour maintenir la classe paysanne dans une pauvreté inouïe. Une méfiance s’est donc créée à l’égard des élites dirigeantes. Cette méfiance est d'autant plus attisée par l’exclusion des paysans des processus de prises de décision au niveau étatique. Notre sujet de recherche est un terrain propice pour exposer une telle méfiance. Peut-on espérer la fin de ce discours critique? Dans le présent, une telle interrogation peut ne pas avoir de réponses. C’est ce qu’Édouard Glissant appelle un «discontinu dans le continu, et l’impossibilité pour la conscience collective d’en faire le tour (…), une non-histoire» 488.

N’est-il pas aussi nécessaire de faire appel à l’imagination pour recoudre la matrice historique haïtienne avec l’aide de la mémoire comme le soutient Derek Walcott489 face aux nombreux silences dans l’histoire du monde caribéen ? La mémoire est une source inépuisable pour comprendre toute démarche de patrimonialisation du passé colonial construit dans les plantations esclavagistes, inscrit dans les lieux de marronnage et alimenté par les pratiques culturelles surtout dans la société haïtienne qui privilégie l’oralité.

488 Edouard Glissant, Le Discours antillais, Paris, Seuil, 1981, p.130-131.

489 Derek Walcott soutient que « pour le monde caribéen, l’histoire reste le territoire de l’imagination et de la

mémoire ». Lire Derek Walcott, « History » in E.K. Braithwaite et Derek Walcott, Panel Discussion, The Common Wealth of Letters Newsletters, Yale University, vol.1, no. 1, 1989, p. 3-14, cité et traduit par Richard Price, Le bagnard et le colonel, Paris, PUF, 2000, et repris par Jean-Luc Bonniol, op. cit., p. 263-284.

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3.4.2. Place de l’esclavage dans les programmes d’enseignement de l’histoire d’Haïti Les différents manuels d’histoire d’Haïti, du fondamental et du secondaire parlent, de la Traite et de l’esclavage. Ils focalisent surtout sur la période coloniale française. Les mauvais traitements, la barbarie des colons et les conditions inhumaines dans lesquelles les esclaves étaient confinés sont évoqués aussi dans ces livres. L’accent est mis particulièrement sur les luttes des esclaves pour arriver à la libération de Saint-Domingue. Cette page de la mémoire de la vie du peuple haïtien est enseignée comme tous les autres faits marquants de son histoire. Le passé colonial est peu abordé et enseigné dans une perspective patrimoniale. Des descriptions de la réalité esclavagiste ont été faites, comme ont confirmé les mots de Thomas Madiou pour parler de la Traite et de l’esclavage dans l’histoire d’Haïti:

Pendant deux cent soixante-douze ans, l’esclavage régna en Haïti : époque de souffrances et de gémissements. La race africaine eut peut être succombée comme celle des Aborigènes, si l’ère de 89 ne s’était ouverte490.

Plus loin, il fait le rapport entre les conditions de vie des esclaves, la prospérité de la colonie et l’image du maître:

Le travail forcé, auquel étaient condamnés les esclaves, avait produit à Saint-Domingue une prospérité extraordinaire. Les campagnes étaient admirables par leur culture ; les plaines et les mornes étaient couverts de riches habitations, d’une population blanche nombreuse et joyeuse… Un seul commandeur blanc, armé de son fouet, faisait agir des centaines de ces infortunés que l’éducation coloniale avait abrutis : aux yeux des esclaves, le Blanc était un être privilégié que Dieu avait créé pour le dominer491.

Beaubrun Ardouin, dans sa lecture des événements historiques en lien avec le passé colonial, donc esclavagiste, s’intéresse surtout aux faits et conditions accélérateurs de l’insurrection des esclaves. Beaubrun Ardouin nous dresse un tableau d’Haïti durant les colonisations espagnoles et françaises, et présente l’esclavage et les conditions de vie des nègres dans la colonie dominguoise comme un axe de la révolte. Dans ses volumes baptisés Études sur l’Histoire

490 Thomas Madiou, Histoire d’Haïti, tome I, Port-au-Prince, J. Courtois, 1847, p. V. 491 Thomas Madiou, op. cit., tome I, p. 27.

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d’Haïti, il aborde « la Traite et l’esclavage » comme des concepts indispensables à la

compréhension de sa démarche. Ainsi, il étaie ses propos :

On a été réduit à beaucoup de conjectures sur la cause de l’insurrection des esclaves. Selon nous, diverses causes ont du y concourir : mais d’abord, remarquons à l’honneur de la nature humaine, à l’honneur de cette race africaine réduite à la condition servile, avilie, opprimée pendant trois siècles entiers, - que le sentiment de la liberté n’a jamais cessé de se manifester parmi les nègres amenés d’Afrique et rendus esclaves à Saint-Domingue. Ils peuvent réclamer avec orgueil que toujours il y a eu parmi eux des hommes qui, par leur énergie, ont protesté contre la tyrannie des Européens. En effet, dès l’établissement de la colonie espagnole, des nègres y furent introduits : leur esclavage, déjà pratiqué en Portugal et en Espagne, en avait fourni l’idée492.

Les propos de Joseph Saint Rémy et d’Emile Nau sont aussi indispensables pour comprendre ce qui est enseigné. Dans les « Mémoires de Toussaint Louverture », Saint Rémy se réfère aux différentes garanties morales, intellectuelles et humaines naturellement reconnues à tout être humain pour dénoncer le passé colonial esclavagiste. Pour lui, la banalisation de l’esclave noir doit être condamnée au nom de la conscience et de la compréhension humaines. Il condamne donc :

L’oligarchie coloniale qui n’épargna aucun moyen de compression, aucun raffinement de barbarie pour maintenir sur la race africaine et ses descendants le poids de sa toute-puissante exploitation. Alors, pour légitimer la violation de tous les principes du droit naturel, on proclama tout haut l’inaptitude intellectuelle et morale de cette race… Aussi, l’homme noir lui aussi se crut fatalement condamné par la nature à l’obéissance et à la servitude… N’est-ce pas alors le comble de la perfidie que de dire au nègre : Tu resteras esclave parce que tu es ignorant. À cela, ne pourrait-on pas répondre : s’il est ignorant, c’est qu’il est esclave493

Il ne faut pas croire que les esclaves étaient totalement aliénés par l’ordre colonial. Les esclaves n’acceptaient pas leurs conditions, ils avaient joué le jeu colonial qui voulait qu’ils soient des

492 Beaubrun Ardouin, Etudes sur l’histoire d’Haïti, suivies de la vie du général J. M. Borgella, tome premier, Paris,

Dezobry et E. Magdeleine, 1853, p. 216-217.

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ignorants inconscients de leur situation, comme disaient Saint-Rémy et J. C. Dorsainvil. Les diverses luttes (marronnage, empoisonnement, infanticide) le prouvent.

Emile Nau, Ducis Viard et Eugène Nau mettent l’accent surtout sur les scènes d’atrocités commises par les Espagnols à l’encontre des Indiens d’Haïti dans « L’Histoire des Caciques d’Haïti ». Il s’agit pour eux de condamner aussi l’esclavagisme espagnol et essayer d’identifier les racines des souffrances des habitants de ce territoire. Ce faisant, ils rappellent cette page de l’histoire d’Haïti souvent oubliée dans les débats sur l’esclavage. Dans les propos suivants, ils décrivent la cruauté des colons espagnols:

La trompette sonna : l’infanterie fit feu, et la cavalerie chargea. Le tournoi se changea soudain en une horrible boucherie. Toute cette foule de spectateurs inoffensifs fut en un instant impitoyablement massacrée. Ni le sexe ni l’âge ne furent épargnés. Anacaona fut prise en vie, c’était la seule prisonnière qu’Ovando consentit à faire; tout le reste fut passé par les armes. Plusieurs caciques et un grand nombre d’Indiens s’étaient enfermés dans une cabane ; le feu y fut mis et ils furent tous dévorés par les flammes…Un Cavalier espagnol, attendri par les cris d’un jeune indien, le prit pour le sauver du carnage, et le portait devant lui sur l’arçon de sa selle ; d’autres cavaliers, à cette vue, se précipitèrent sur lui et l’abattirent lui et l’enfant à coups de lance et d’arquebuse. Il ne resta plus bientôt sur ce champ désolé que des cadavres494.

Lorsqu’on parle de l’esclavage dans l’enseignement de l’histoire en Haïti, pour les historiens, c’est plutôt rappeler les barbaries espagnoles et françaises ou les causes de la Révolution haïtienne. Donc, le passé colonial esclavagiste est divisé en deux grandes périodes. D’abord, les

repartimientos ou le système de distribution et d’exploitation des terres qui s’accompagnaient de

l’esclavage des Amérindiens au tournant de 1499 par les Espagnols, puis l’esclavage des déportés africains débuté en 1503 jusqu’aux événements qui ont conduit à l’Indépendance d’Haïti en 1804. Il faut le dire, les méthodes employées par les premiers historiens pour présenter ces deux moments forts, posent des jalons pour une patrimonialisation des mémoires de ces deux formes distinctes d’esclavage en réhabilitant la résistance des esclaves. Ce faisant, elles encouragent la conservation des récits sélectionnés, comme un héritage collectif à transmettre

161 dans le futur par les Haïtiens.

Guy Di Méo signale que «le patrimoine recèle la perspective d’une projection dans le futur. Il contient la possibilité d’un avenir qui accroît son caractère d’enjeu stratégique : social, culturel, économique, symbolique et, bien sûr, territorial»495. Certes, toute histoire a une «potentialité patrimoniale»496. Elle est étroitement liée à des sites et des monuments qui lui servent de cadres. Il faut donc créer les conditions de sa patrimonialisation en sensibilisant et en intégrant la société dans sa conservation et sa transmission. Dans ce cas, on ne peut pas s’empêcher d’apprécier l’importance des travaux des historiens du XIXe siècle pour tenter de construire une identité haïtienne qui ne peut s’exprimer qu’à travers des faits historiques émaillés de courage, de ténacité ou d’héroïsme.

En Haïti, l’enseignement de l’histoire dans les cycles scolaires se réduit souvent à des exercices de mémorisation et de récitation pour les examens de passage. L’élève haïtien n’est pas sensibilisé à l’idée que les notions apprises sont des éléments de son identité. Donc, la transmission sur l’angle patrimonial est négligée. De nombreux Haïtiens croient qu’en s’appropriant ce passé, ils risquent encore d’être perçus comme des esclaves. Voici comment Jérôme, 26 ans, des Gonaïves, étudiant participant à notre enquête nous expose son point de vue dans un entretien tenu le 28 août 2014:

Se vre yo te anseye pase esklavajis nan kou listwa nou. Nou te aprann sa sou ban lekòl. Men se te pou prepare egzamen nou. Jounen jodia, nou panse ke nou ta dwe bliye bagay sa pou moun pa prann ankò kom esklav nan mond sa. Epi li t ap pi bon pou n ka rantre nan mondyalizasyon an. Tout logèy pase esklavajis la kite nan nou ka anpeche n vanse men nan men ak yo. Sa pa vle di tou fok nou sispann rete Ayisyen ni pou n pa defann kòz nou.

(C’est vrai, à l’école dans les cours d’histoire nationale « l’esclavage » a été enseigné. On l’a appris seulement pour préparer les examens de passage. Aujourd’hui, nous devrions oublier cette page de notre histoire afin de prévenir qu’on nous voit et nous traite comme par le passé. De plus, dans le contexte

495 Guy Di Méo, « Processus de patrimonialisation et construction des territoires », Colloque « Patrimoine et

industrie en Poitou-Charentes : connaître pour valoriser », Poitiers-Châtellerault, France (2007), 2008. En ligne : http://www.ades.cnrs.fr/IMG/pdf/GDM_PP_et_CT_Poitiers.pdf, consulté le 5 juillet 2012.

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actuel de la mondialisation, il serait préférable pour une meilleure intégration du pays. L’orgueil du passé colonial esclavagiste peut être un frein à cette intégration. Par contre, ce choix de positionnement international ne doit pas empêcher les Haïtiens de continuer à défendre les intérêts du pays).

(JeET.65 : Source orale)

Certains professeurs passent à pieds joints sur la traite transatlantique et l’esclavage dans leur enseignement. D’autres nous disent qu’ils mettent du temps à expliquer cette page inoubliable de l’histoire d’Haïti. Dans l’ensemble, l’esclavage est enseigné, mais ce n’est pas notre seule préoccupation. La question a été de savoir comment il est enseigné et quelle est la place qui lui