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2.2. Patrimonialisation des mémoires de l’esclavage : un même vocable pour plusieurs

2.2.1. En Europe

Depuis les années 1990, en Europe, les initiatives visant à inventorier et à considérer les lieux, les monuments historiques, les représentations de l’esclavage comme patrimoines se sont multipliées. Le lancement en 1994 du projet « La Route de l’esclave252 » à Ouidah au Bénin par

l’UNESCO; la proclamation par les Nations unies en 1998 du 23 août comme « Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition »253; la reconnaissance simultanée en 2001 par la France de l’esclavage comme crime contre l’humanité (loi Taubira, 10 mai 2001); et la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance associées à la Traite négrière et à l’esclavage (Déclaration de Durban, 2001)254

250 Albert Memmi, Portrait du colonisé, précédé du portrait du colonisateur, Paris, Gallimard, 1985, p. 101-104. 251 Bouda Etemad, L’héritage ambigu de la colonisation. Economies, populations, sociétés, Paris, Armand Colin,

2012.

252 Lors de sa vingt-septième session, en 1993, le monde a salué le projet international de dialogue interculturel

« Route de l’esclave » de l’Unesco sur une proposition d’Haïti et de certains pays africains. Sa mise en œuvre a été effective en 1994 lors de son lancement à Ouidah au Bénin. La page des mémoires de la traite négrière et de l’esclavage longtemps fermée a été ouverte. A force de s’éterniser sur l’ignorance ou l’occultation d’événements historiques majeurs constituant un obstacle à la compréhension mutuelle, à la réconciliation et à la coopération entre les peuples, l’Unesco entend inciter des recherches sur la Traite négrière et l’esclavage qui ont affecté tous les continents, provoqué des bouleversements considérables et modèlent en conséquence les sociétés actuelles. Le volet central de la «Route de l’esclave » est le programme scientifique sur la Traite négrière (Transatlantique, en Méditerranée et dans l’océan Indien) et l’esclavage, mis en œuvre à travers des réseaux thématiques de recherche autour de trois axes : programme d’éducation et d’enseignement, programme sur la promotion des cultures vivantes, programme sur la mémoire de l’esclavage et la diaspora. Il faut renvoyer au texte de la résolution (Résolution 27 C/3.13), Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture, la Route de l’esclave. En ligne : http://portail.unesco.org/culture/fr/.html, consulté le 10 mars 2011.

253 La date du 23 août comme « Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition » est très

symbolique. En effet, c’est dans la nuit du 22 au 23 août 1791 qu'a eu lieu l'insurrection des esclaves dans la colonie de Saint-Domingue qui va forcer la France à abolir plus tard la traite négrière transatlantique. Cette journée vise à inscrire la tragédie de la Traite dans la mémoire de tous les peuples.

254 Organisation des Nations Unies, Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie

et l’intolérance qui y est associée. Déclaration de Durban (Afrique du Sud), du 31 août au 8 septembre 2001. En ligne : http://www.un.org/french/WCAR/durban_fr.pdf, consulté le 23 mars 2012. Dans cette Conférence les pays participants reconnaissent dans les points 13 et 14 que « l’esclavage et la traite des esclaves, en particulier la traite transatlantique, ont été des tragédies effroyables dans l’histoire de l’humanité, en raison non seulement de leur barbarie odieuse, mais encore de leur ampleur, de leur caractère organisé et tout spécialement de la négation de l’essence des victimes; nous reconnaissons également que l’esclavage et la traite des esclaves constituent un crime contre l’humanité et qu’il aurait toujours dû en être ainsi, en particulier la traite transatlantique, et sont l’une des principales sources et manifestations du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, et que les Africains et les personnes d’ascendance africaine, de même que les personnes

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ont été des événements les plus marquants dans la marche vers la patrimonialisation des mémoires de l’esclavage et de la traite négrière. La célébration de 2004 comme «Année internationale de commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition» commémore le bicentenaire de l’Indépendance d’Haïti comme la première République noire. L’UNESCO a porté le projet proclamé par l’Assemblée générale des Nations unies qui donne l’occasion au monde entier de s’assurer du devoir de mémoire de cette tragédie sans précédent255. Il ne faut pas oublier également la commémoration depuis 2008, du 25 mars comme «Journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite négrière transatlantique» sont des étapes décisives à l’échelle internationale256.

En Angleterre, la patrimonialisation de la mémoire de l’esclavage est considérée comme un « devoir de mémoire ». La ville de Liverpool qui a été le premier port anglais avec 4894 expéditions négrières a inauguré un musée de l’esclavage de portée internationale (Musée international de l’esclavage) le 23 août 2007257 qui fait le pont entre le présent et le passé historique. Les problèmes des droits de l’homme, des discriminations raciales ont intégré la trame de l’exposition pour établir leurs liens avec le passé colonial esclavagiste.

Nous n’avons pas pu visiter l’exposition sur l’esclavage à Liverpool, mais pour ce que nous avons vu surtout sur la toile, nous trouvons qu’elle est passionnante et très bien documentée. Les d’ascendance asiatique et les peuples autochtones, ont été victimes de ces actes et continuent à en subir les conséquences » ; Et que « le colonialisme a conduit au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l’intolérance qui y est associée, et que les Africains et les personnes d’ascendance africaine, de même que les personnes d’ascendance asiatique et les peuples autochtones, ont été victimes du colonialisme et continuent à en subir les conséquences. Nous sommes conscients des souffrances infligées par le colonialisme et affirmons qu’il faut les condamner, quels que soient le lieu et l’époque où elles sont advenues, et empêcher qu’elles ne se reproduisent. Nous regrettons en outre que les effets et la persistance de ces structures et pratiques aient été parmi les facteurs qui ont contribué à des inégalités sociales et économiques persistantes dans de nombreuses régions du monde aujourd’hui ».

255 Voir Koïchiro Matsuura, «Message du Directeur général de l’UNESCO à l’occasion de l’Année internationale de

commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition», Unesco, 2004. En ligne : http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001337/133738f.pdf, consulté le 10 avril 2015.

256 Lire la page d’annonce du colloque « Enseigner les traites, esclavages, leurs abolitions et leurs héritages », 18-20

mai 2011 Paris – Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et Alliance française. En ligne : http://www.ohchr.org/Documents/Events/IYPAD/EURESCL.pdf, consulté le 10 mars 2012. Voir aussi En ligne : http://www.un.org/fr/events/africandescentdecade/slavetrade.shtml, consulté le 10 mars 2012.

257 Le musée international de l’esclavage a ouvert ses portes à la date symbolique du 23 août qui commémore la

Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition. La construction de ce musée a été encouragée par le Parlement britannique et le Musée maritime de Merseyside de Liverpool dans le cadre de la commémoration du bicentenaire de l’abolition de l’esclavage. En ligne : http://portal.unesco.org/culture/fr/ev.php-URL_ID=25659&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html., consulté le 28 avril 2013.

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commissaires savent comment toucher les émotions. Le directeur David Flaming s’attend déjà aux débats : This is not a museum that could be described as a neutral space – it is a place of

commitment, controversy, honesty, and campaigning 258 (Ce n’est pas un musée qui pourrait être décrit comme un espace neutre, c’est un lieu d’engagement, de controverse, mais aussi d’honnêteté et de mobilisation). Justement quelque part, il y a un biais. Le sujet paraît maquillé. Il aurait été préférable de voir la ville de Liverpool, premier port négrier d’Europe, premier port négrier du monde, faire une exposition sur l’esclavage qui montre son implication surtout dans cette tragédie humaine et non une exposition sur l’esclavage international. Dans l’exposition, on parle de tous, de l’Autre en cherchant à ne pas se focaliser sur Liverpool. Derrière cette stratégie, on a l’impression que tout le monde a participé à la Traite et l’esclavage des Noirs, excepté Liverpool. Toutefois, il faut apprécier ces efforts de transmettre une vision globale de l’histoire de la traite et de l’esclavage.

En France, les passions et les controverses autour même de la commémoration des abolitions259 de l’esclavage ont été jusqu’à l’adoption de la loi Christiane Taubira du 10 mai 2001260 qui fait reconnaître de l’«esclavage comme un crime contre l’humanité». On a assisté à un débat très houleux après l’adoption de cette loi. Wole Soyinka a posé la question : si crime il y eut, par qui fut-il commis? Sa question doit inviter à réfléchir sur la collaboration et sur la participation active des rois, des négociants, des armateurs et des chefs de tribus africains dans la manifestation, l’organisation et l’entretien de la traite négrière.

Bien que la France demeure à ce jour une ancienne puissance coloniale qui a déclaré l’esclavage « crime contre l’humanité »261, on constate qu’elle est encore réticente à réparer les préjudices causés aux victimes du crime et à leurs descendants. L’histoire de la traite négrière, de

258 International Slavery Museum gala dinner, 22 August 2007, Transcript of the speech given by David Fleming,

director of National Museums Liverpool, at the gala dinner to celebrate the opening of the International Slavery Museum on 22 August 2007. En ligne : http://www.liverpoolmuseums.org.uk/ism/resources/opening_speech.aspx, consulté le 31 mars 2015. Voir aussi Carlo A. Célius, « Consolider et développer l’exposition de l’esclavage », dans, Françoise Vergès (dir.), Exposer l’esclavage : méthodologies et pratiques, Colloque International en hommage à Edouard Glissant (1928-2011) 11, 12 et 13 mai 2011 au musée Quai Branly, Paris, L’Harmattan, 2013, p. 35.

259 Qu’il soit celle du 27 avril 1848 venue directement de la France et ceux qui pensent qu’il y a eu des insurrections

en Guadeloupe et en Martinique qui ont permis que les esclaves se libèrent eux-mêmes.

260 Le 30 janvier 2006 devant le Comité pour la mémoire de l’esclavage, le président Jacques Chirac dans le souci

d’honorer la mémoire des esclaves et de commémorer l’abolition de l’esclavage a choisi la date du 10 mai qui rappelle l’anniversaire de l’adoption par le Sénat de la loi Taubira de 2001.

261 Comité pour la mémoire de l’esclavage, «Mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions.

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l’esclavage et de leurs abolitions continue d’être largement ignorée, négligée et marginalisée262. Contrairement aux vastes mouvements de réparation historique et de création de lieux de mémoire qui se font dans des pays européens (Angleterre, Norvège, Suède, Danemark…) et aux États-Unis, en France, la question de la mémoire de l’esclavage reste très controversée263. La provenance ou la présence de descendants d’esclaves a été remise en question. D’où sortent- ils maintenant? Le soupçon d’une mémoire de l’esclavage inventée persiste. Le débat reste ouvert dans l’espace public français. Personne ne se réclame avant descendant d’esclaves. La littérature anthropologique amène aussi le doute sur la mémoire de l’esclavage. Elle suscite des questionnements : la mémoire de l’esclavage est-elle africaine ou pas? Est-elle créole, africaine ou aliénée? Est-ce que c’est l’Afrique représentée dans la Caraïbe? Les écrits de Roger Bastide 264sur le Brésil et les Amériques noires, et ceux de Marcel d’Ans (1987)265 sur Haïti contestent toute idée d’Afrique et préfèrent parler de l’invention d’une mémoire de l’esclavage. Les travaux de Sydney W. Mintz et de Richard Price (1976)266 sur la créolisation confirment que cette mémoire n’est pas l’Afrique. Le débat sur la mémoire de l’esclavage est donc une recherche de racine pour les peuples noirs. La thèse de l’aliénation est également importante pour expliquer les positions des chercheurs dans la Caraïbe française267, exception faite pour Haïti considérée comme une société ayant été capable de porter l’histoire et la mémoire d’un arrière-pays qui serait l’Afrique, et de s’en libérer en même temps.

La fameuse métaphore de Derek Walcott à propos de l’histoire et de la mémoire de l’esclavage : « une absence de ruines »268 invite aussi à la précaution. Des ruines qui peuvent permettre de s’accrocher à l’histoire. Les quelques ruines qui se trouvent aux Antilles, ce sont des ruines de

262 Ibid.

263 Dans les volumes majeurs : Les Lieux de mémoire, 5 vol., Paris, Gallimard, 1992 dirigés par Pierre Nora

la problématique de l’esclavage et la question coloniale n’ont pas été abordées.

264 Voir notamment les ouvrages suivants de Roger Bastide, Brésil, terre des contrastes, Paris, L’Harmathan, [1957]

2000; Le Candomblé de Bahia, Paris, PUF, 1958; Les Religions africaines au Brésil, Paris, PUF, 1960; Les Amériques noires, Paris, L’Harmattan, 1996; Les civilisations africaines dans le Nouveau Monde, Paris, Payot, 1967.

265 André Marcel d’Ans, Haïti : Paysage et Société, Paris, Karthala, 1987.

266 Sydney W. Mintz et Richard Price, The birth of African-American culture: an anthropological perspective,

Boston, Beacon Press, 1976.

267 Christine Chivallon, L’esclavage du souvenir à la mémoire. Contribution à une anthropologie de la Caraïbe,

Paris, Karthala, 2012, p. 94.

268 Lire Derek Walcott, “The Royal Palms… an absence of ruins,” London Magazine 1, no. 11, 1962, p. 12-13.

L’absence des ruines explique, en effet, est une métaphore de l’amnésie qui peut être employée dans le cas des Français.

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plantations. Il n’y a rien à regretter des plantations pour les Français. Cela sous-entend qu'il n’y a pas d’histoire à revendiquer. Donc, une absence des ruines d’une véritable histoire à soi269 est à observer en France. Autrement dit, il y a encore un problème de la mémoire de l’esclavage qui reste encore entier. Cependant, depuis la fin du XXe siècle, on constate que les autorités et la société civile françaises se penchent de plus en plus sur l’esclavage et sa mémoire trop longtemps oubliés270.

En France, la ville de Nantes a toujours eu un pas d’avance dans la mise en valeur des mémoires de l’esclavage. Déjà, en 1924, au musée de Salorges, il y avait une salle consacrée à la Traite négrière271. L’association des « Anneaux de la mémoire » et la grande exposition historique sur le commerce triangulaire et le rôle qu’y joua le port de Nantes au château des ducs de Bretagne en 1990272 ont été marquants. En amont, l’élite politique nantaise avait résisté, mais la pression des intellectuels et des progressistes avec l’aide des immigrants africains et caribéens ont permis d’aboutir à l'une des plus grandes expositions jamais réalisées en Europe. Ce fut un modèle des démarches vers une patrimonialisation du passé esclavagiste dans un pays européen.

Des recherches scientifiques et des colloques ont été aussi organisés à Nantes juste avant l’inauguration du mémorial en 2012. C’est bien de se souvenir que la France a aboli l’«esclavage», un «crime contre l’humanité». Le mémorial peut être un cadre de mémoire pour prendre connaissance de l’esclavage, de ce crime contre l’humanité. Cependant, un mémorial à Nantes, première ville négrière de France, suscite des controverses de la part des associations de descendants d’esclaves. Car cette ville a été la dernière à accepter l’abolition de l’esclavage. Ériger un mémorial sur l’abolition à Nantes est donc une dérogation à la valeur historique du patrimoine. Cette réalisation peut embrouiller le message patrimonial. Le visiteur pourrait retenir

269 Christine Chivallon, op. cit., 2012, p. 111-112.

270 Les travaux de Jacques de Cauna, Eric Saugera, Pascal Blanchard, Christine Chivallon, et ceux des historiens de

Nantes à travers la revue « les anneaux de la mémoire », du Comité pour la mémoire de l’esclavage, les diverses expositions et les autres manifestations culturelles sont des exemples de prise de conscience contemporaine sur la question.

271 Bertrand Guillet, « Entre refoulement et reconnaissance, occultation et exposition, comment s’est constituée,

durant le XXe siècle, la collection sur la traite des Noirs au musée de Nantes », In Situ, 20 | 2013, En ligne : URL : http://insitu.revues.org/10137 ; DOI : 10.4000/ insitu.10137, consulté le 14 novembre 2015.

272 L’association a été créée en 1990 à Nantes par des chercheurs et des historiens pour réfléchir ensemble sur la

traite et l’esclavage. Depuis elle està l’origine de multiples actions culturelles en France et à l’étranger. Voir En ligne : http://anneauxdelamemoire.org/fr/component/k2/item/402-des-expositions.html, consulté le 10 décembre 2014.

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à travers ce mémorial que « Nantes » a été la ville fer-de-lance de l’abolition, alors qu’elle a tout fait pour la combattre. Un mémorial273 sur l’abolition paraît comme une détermination de la ville de Nantes de vouloir récupérer le renouveau d’intérêt international pour l’esclavage et les retombées touristiques et morales de la dénonciation.

Un mémorial apporte plus d’émotions que de connaissances. Construit sous un vaste terrain de 7000 m2, le mémorial de Nantes permet de remémorer les entreponts d’un bateau négrier. À l'intérieur qui symbolise la cale, environ 2000 plaques de verre gravées présentent l'histoire de l’esclavage en général et notamment celle de l’implication de la Ville Nantes dans la traite négrière au XVIIIe siècle274. Par ce mémorial « Nantes tourne la page, mais entre cynisme et mauvaise conscience, elle est recouverte du manteau du silence et de l’oubli »275. Les autorités politiques veulent briser ce silence. Toutefois, la représentation peut gêner au-delà même de cette volonté de réveiller les consciences. Les connaissances historiques sont aussi utiles qu’importantes pour comprendre une démarche mémorielle sur l’esclavage et les esclaves. Elle doit aider aussi à découvrir l’image de la ville de Nantes dans sa réalité historique. Certes, on ne peut pas bannir les émotions, car on risquerait de banaliser aussi les faits représentés. Il serait important d’essayer de jouer à la fois sur les émotions et sur les connaissances.

Le discours des « anneaux de la mémoire »276, le rapport à la chaîne et à l’avilissement humain forment un cadre scientifique pour inclure la Traite et l’esclavage des Noirs dans l’histoire globale de la ville. Nantes est la première ville de France à avoir compris les enjeux. Elle est souvent appelée la ville de la diversité. Les Ultramarins en France cultivent une affection toute particulière pour Nantes. La prise en charge sociale, la manière d’accueillir les Noirs en général expliquent cette attirance277.

273 Qu’on érige un mémorial en Haïti, à la Martinique ou en Guadeloupe, nous pouvons le comprendre. C’est quand

même un monument mort. Ici, on est dans le cadre de la mémoire, du souvenir et du travail de sensibilisation. A Nantes, sa place nous paraît très instrumentalisée.

274 Visiter le site, Mémorial de l’abolition de l’esclavage – Nantes. En ligne : http://memorial.nantes.fr/, consulté le

11 janvier 2014.

275 Lire « Le mémorial, Nantes face à son histoire », dans Mémorial de l’abolition de l’esclavage – Nantes. En

ligne : http://memorial.nantes.fr/, consulté le 11 janvier 2014.

276 Le titre du discours suggère aussi le nom de l’association « les anneaux de la mémoire » à Nantes.

277 Il faut se référer aussi à l’implication de Nantes dans l’intégration de certains immigrants et dans la recherche

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Entre Nantes qui a commencé à faire le travail de mémoire avec l’intégration des Noirs et Bordeaux, il y a eu la bascule. Bordeaux, c’est pratiquement le travail, le sang et la sueur des esclaves qui lui ont donné ce patrimoine. Entre le fleuve et le vin, il existe aussi le passé colonial. Second port négrier de France, Bordeaux bénéficiait des pratiques esclavagistes inscrites dans la traite des Noirs et dans l’économie de plantation dont les tragédies humaines qui en résultent ne cessent de nous interpeller sur les idées des Lumières. Exposer la mémoire de l’esclavage dans l’espace public bordelais a commencé avec l’inauguration du square Toussaint Louverture278 en juin 2005 sur la rive droite du quartier de La Bastide et la plaque279 (figure 6) posée sur le quai