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Instruction publique en Haïti : à l’angle des politiques gouvernementales et des

Des critiques haïtiens s’accordent pour situer les premières notes de l’histoire de l’éducation en Haïti à partir de l’adoption de la Constitution impériale de 1805. Thomas Madiou est d’avis contraire :

Personne non plus ne songeait à donner à Dessalines le conseil d’établir des institutions d’instruction publique, afin que le peuple, en s’éclairant, pût concevoir en quoi consiste la dignité humaine. Au contraire, la plupart de ceux qui avaient acquis quelques connaissances redoutaient la propagation de la lumière dans les rangs de la masse. Déjà, ils frémissaient à l’idée d’en voir sortir des hommes éclairés se saisissant de l’autorité du pays et se passant de leur concours ; l’avenir de la nation était sacrifié à des intérêts privés462.

461 Derek Walcott, « The Muse of History », in Is Massa Day Dead, Orde Coombs (réd), New-York, Anchor, 1974 : 1-27, cité et traduit par Richard Price, Le bagnard et le colonel, Paris, PUF, 2000. Voir aussi Jean-Luc Bonniol, « Les usages publics de la mémoire de l’esclavage colonial », Université d’Aix-Marseille III, Laboratoire d’Écologie humaine, 2007. En ligne : http://classiques.uqac.ca/.../usages_memoire_esclavage.rtf, consulté le 12 février 2012.

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Jean Jacques Dessalines ne comprenait-il pas vraiment la nécessité d’éduquer les jeunes qui représentaient la force vive de la nouvelle nation? La Constitution de 1805, en son article 19, stipule : « dans chaque division militaire, une école publique sera établie pour l’instruction de la jeunesse». Est-ce que l'élite intellectuelle du pays était d'accord pour partager ses connaissances avec la masse? Était-elle favorable à l'idée de se voir dirigée par Dessalines? La question ne devrait-elle pas se situer là? Est-ce que Jean Jacques Dessalines est tenu pour responsable du « mal congénital » ou de la « tare fondatrice » de la nouvelle nation, comme le qualifie Leslie Péan463, sous le couvert de l’analyse de Thomas Madiou sur l'absence d'un système d'instruction publique? L’empereur était bien conscient que le peuple haïtien se dotait d’une intelligence naturelle qui avait permis de mener la lutte pour l’Indépendance nationale. C’est à cette forme d’intelligence que Michel Foucault fait allusion: «avant toute existence humaine, toute pensée humaine, il y aurait déjà un savoir, un système que nous redécouvrons »464. Le premier chef suprême d’Haïti voulait au-delà des discours révolutionnaires, des clivages politiques et sociaux régler la question de l’Instruction publique.

Selon L. C Lhérisson et Sténio Vincent (1898)465, Catts Pressoir (1950)466, Jean-Joseph Maurice Dartigue467(1939)468, Edner Brutus (1979)469, Charles Tardieu (1980)470 ou encore Daniel

463 Leslie Péan, « Haïti : Retour sur l’article. Économie d’une langue et langue d’une économie » (Partie 1 de 2). En

ligne : http://www.alterpresse.org/spip.php?article14332#.VBy4U_ldW8A, 28 mars 2013, consulté le 19 septembre 2014.

464 Michel Foucault, Dits et Écrits, tome I, Paris, Gallimard, 1994, p. 515.

465 Sténio Vincent et L. C Lhérisson, La législation de l’instruction publique de la République d’Haïti (1804-1895),

Paris, première édition Vve Ch. Dunod & Vicq, Quai des Grands-Augustins, 1898. Dans cet ouvrage les auteurs nous présentent et analysent les différents projets de réforme dans l’éducation d’Haïti de 1804 à 1895.

466 Catts Pressoir, L’enseignement de l’histoire en Haïti, México, Instituto de geografía e historia, 1950. Catts

Pressoir retrace l’évolution de l’enseignement de l’histoire en Haïti tout en relatant les problèmes de l’instruction nationale dont l’origine peut se situer dans le passé colonial esclavagiste.

467 Jean-Joseph Maurice Dartigue (1903-1983) fut l’un des premiers critiques haïtiens à avoir réfléchi sur les

problèmes de l’éducation et proposé des réformes dans le domaine. Directeur de l’enseignement rural, dans ses bulletins annuels, il ne manque pas d’exposer ses réflexions. Par exemple, dans le bulletin de 1933-1934, ses contributions les plus importantes apportées à l’enseignement en Haïti sont évoquées. Au départ des forces d’occupation américaine en 1934, il a écrit : « Pour que la discipline s’implante en Haïti, il faut qu’elle vienne d’en haut ! D’autre part, il s’agit d’éduquer le peuple pour qu’il puisse lui-même veiller à ce que les services publics fonctionnent bien. Si la masse est éduquée, elle n’acceptera plus que les routes dont elle se sert cessent d’exister. Elle n’acceptera plus que les hôpitaux et les cliniques cessent de fonctionner, bien que les médecins et les infirmières soient des gens qui ne connaissent pas leur métier, et les instituteurs illettrés. Elle verra la différence entre les bonnes et les mauvaises écoles et ne tolérera plus celles-ci. Elle n’admettra plus que ses représentants votent des lois contraires à ses intérêts… » A ce sujet, voir Esther Dartigue, Un haïtien exceptionnel. Maurice Dartigue. La contribution de Maurice Dartigue à l’éducation en Haïti, aux Nations Unies et à l’Unesco, Paris, éd. J’étais une fois, 1992, p. 25. En ligne : http://dloc.com/AA00007503/00001/5j?search=dartigue, consulté le 11

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Fignolé (1945)471 le Gouvernement colonial esclavagiste de Saint-Domingue avait peu d’intérêts à instituer un système public d’éducation. Rares étaient les esclaves, comme Toussaint Louverture, qui ont eu la chance de goûter au pain de l’Instruction. Les mesures instituées dans les premières années de la vie nationale haïtienne par les nouveaux dirigeants n’avaient pour objectif principal que la consolidation de l’indépendance. La problématique de l'éducation était posée, mais elle sera négligée par la suite par certains gouvernements, et ce, en dépit des discours et des documents légaux.

Dans son royaume du Nord, Le roi Henri Christophe, , fit adopter des dispositions visant à ériger des écoles primaires gratuites472 dans les villes. Il créa les « académies royales » faisant office d'écoles secondaires. Deux écoles privées de filles étaient aussi créées dans la ville du Cap se chargeant de la formation des jeunes demoiselles du royaume. Les dispositions ont été consacrées dans la Constitution royale de 1807. Des enseignants anglais étaient recrutés en renfort aux instituteurs haïtiens et une Chambre royale d'Instruction publique était constituée pour assurer la gestion et le bon fonctionnement de l’éducation dans le royaume du Nord. Dansla partie de l'Ouest et la partie du Sud d'Haïti constituées en République, le général Alexandre Pétion s’est montré également intéressé par l’éducation nationale. Dans la Constitution de 1806 révisée en 1816, l'enseignement gratuit pour tous est vivement préconisé :

Il sera aussi créé et organisé une Institution publique, commune à tous les citoyens, gratuite à l’égard des parties d’enseignement indispensable pour tous les hommes, dont les établissements

septembre 2014. Lire aussi Chantalle Francesca Verna, “Maurice Dartigue, Educational Reform, and Intellectual Cooperation with the United States as a Strategy for Haitian National Development”, 1934-46, Journal of Haitian Studies, Fall 2007. En ligne : http://www.questia.com/read/1P3-1476918131/maurice-dartigue-educational-reform- and-intellectual, consulté le 11 septembre 2014.

468 Voir Jean-Joseph Maurice Dartigue, L’enseignement en Haïti (1804-1938), Port-au-Prince, imprimerie de l’État,

1939. L’ouvrage de Maurice Dartigue a été l’occasion de faire le bilan du système éducatif haïtien et de ses nombreux apports à sa structuration.

469 Edner Brutus, Instruction publique en Haïti (1492- 1945), Port-au-Prince, Haïti, Imprimerie de l'Etat, 1979. Les

différentes figures de proue de l’éducation en Haïti de 1804 à 1945 ont été présentées. L’accent a été mis sur leur contribution au développement du système éducatif haïtien. Cet ouvrage est un véritable hommage à ces intellectuels et ces hommes politiques haïtiens.

470 Charles Tardieu, L’éducation en Haïti de la période coloniale à nos jours (1980), Port-au-Prince, Henri

Deschamps, 1988. L’auteur prend soin dans cet ouvrage de nous faire une analyse critique de l’évolution de l’éducation en Haïti.

471 Daniel Fignolé, L'instruction publique en Haïti, Port-au-Prince, Le Réveil, 1945. L’auteur pose les grands

problèmes de l’instruction publique, son évolution et présente des pistes pour un système éducatif efficace en Haïti.

472 Pierre Enocque François, Politique éducative et inégalités des chances scolaires en Haïti, Port-au-Prince,

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seront distribués graduellement dans un rapport combiné avec la division de la République (Constitution de 1816, article 36).

À remarquer, la disposition visait surtout les hommes. Nous sommes en droit de nous interroger sur l’éducation des femmes, si l’on se fie à l’esprit de cet article, bien qu’il fasse créer un pensionnat de demoiselles à Port-au-Prince. Ce fut aussi Alexandre Pétion qui dans le cadre de sa politique de l’éducation, a fait construire le premier lycée national à Port-au-Prince (aujourd’hui lycée Alexandre Pétion).

Le gouvernement du président Jean Pierre Boyer n’a pas eu de bonnes notes dans le domaine de l’éducation nationale. Ses principales actions se résumaient dans ses intentions de construire des établissements scolaires visant à instruire les enfants dont les parents auraient rendu des services à la patrie. Ce qui porte à croire que l’instruction, sous ce gouvernement, était sélective, non publique, non accessible à tous.

En 1845, Honoré Féry, alors ministre de l’Instruction publique, a ordonné l’enseignement des cours d’histoire ancienne et d’histoire romaine. Peu d’intérêt avait jusqu’à ce jour motivé les gouvernements à introduire l’histoire d’Haïti dans les programmes scolaires. L’arrivée au pouvoir du président Fabre Geffrard en 1860 va favoriser la nomination d’Élie Dubois à la tête du ministère de l'Instruction publique. Ce gouvernement a été reconnu pour être l’un des rares du XIXe siècle haïtien à s’investir dans l’éducation nationale en incitant l’instruction massive des jeunes. Il a été retenu aussi, dans l’histoire de ce pays, pour être celui qui a favorisé l’établissement des écoles congréganistes en Haïti en signant le Concordat avec l’Église catholique (28 mars 1860). Mais, il a fallu attendre la présidence de Michel Domingue en 1874 pour que l'enseignement primaire devienne obligatoire et gratuit selon le vœu de la Constitution de 1874, en son article 33 : « L’enseignement est libre. L’instruction primaire est gratuite et obligatoire. Les écoles primaires sont fondées graduellement, en raison de l’importance des populations ». Ce fut la toute première Constitution qui fait précisément obligation aux citoyens d’envoyer leurs enfants à l’école pour bénéficier au moins de l’instruction primaire. Thomas Madiou fut alors ministre de l’Instruction publique. À remarquer que jusqu'à la fin du XIXe siècle et jusque dans le courant des années 1970, l’éducation fut surtout confiée aux missionnaires religieux. L’État avait affiché un comportement latitudinaire et n’exerçait pas de réel contrôle.

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Une instruction élitiste s’était créée au détriment de la masse paysanne et des couches défavorisées qui ne pouvaient se payer une école congréganiste pour leurs enfants. Une élite intellectuelle était aussi constituée par des enseignants, écrivains et autres professionnels moulés par la culture française. Selon Léon D. Pamphile, «comme au temps de la colonie, les forces politiques et économiques du début du XIXe siècle continuèrent d’empêcher la diffusion du progrès et l'éducation du peuple »473. En 1904, Haïti s’apprêtait à commémorer le centenaire de l’Indépendance, alors que « seulement 3% des enfants entre cinq ans et dix-huit ans fréquentent les écoles en Haïti »474.D’entrée de jeu, ces forces s’opposèrent aux fils et aux filles des anciens esclaves. Ce même constat peut être fait durant tout le XIXe siècle et jusqu’à la fin du XXe siècle haïtien en matière de l’éducation de la masse paysanne. Des efforts ont été signalés depuis les années 1980 surtout avec la réforme de l’éducation475 et les multiples plans d’éducation des gouvernements successifs (éducation pour tous, scolarisation universelle) à la fin du XXe siècle et au début du XXIe pour redresser la barre. Mais il manque toujours une prise de conscience chez les élites politiques et économiques d’Haïti à pouvoir donner une importance particulière à « l’éducation nationale ».

Prémisses de l’enseignement de l’histoire d’Haïti

L’année 1819 est retenue dans l’histoire des politiques de l’éducation comme la date du début de l’enseignement de l’histoire générale en Haïti. Cette décision nous permet de mieux saisir le sens d’une éducation ouverte sur le monde qu’a voulu réaliser le président Alexandre Pétion. En optant pour l’histoire générale au lieu de l’histoire nationale, et en intégrant ce programme particulièrement au Lycée de Port-au-Prince, il dévoile ses intentions et camoufle des enjeux de nature politique et idéologique. Enjeux qui considèrent à la fois les liens de Pétion avec la France et la problématique de la mémoire coloniale esclavagiste au sein de la société haïtienne. Certes, il n’y avait pas des « Histoires d’Haïti » avant Thomas Madiou et Beaubrun Ardouin. Il fallait aussi

473 Léon Dénius Pamphile, L'éducation en Haïti sous l'occupation américaine: 1915-1934, Port-au-Prince,

Imprimerie des Antilles, 1988, p. 37.

474 Léon Dénius Pamphile, op. cit., p. 37.

475 Cette réforme dite Bernard (1979 - 1980), portée par le ministre de l’Éducation de l’époque, Joseph C. Bernard, a

débouché sur une démocratisation de l’instruction en Haïti en introduisant le créole haïtien, comme une langue d’enseignement au niveau des cycles primaires et secondaires et en entraînant du même coup la valorisation du paysan et de sa culture populaire dont le créole fut le principal outil de vulgarisation.

151 des manuels pour l’enseignement de l’histoire nationale.

Pour Catts Pressoir lancé sur la piste de l’histoire de l’éducation en Haïti, « l’enseignement de

l’histoire nationale ne fut introduit dans les écoles qu’à partir de 1848 »476. L’idée paraît venir de Beaubrun Ardouin, qui quatre ans plus tôt alors qu’il était ministre de l’Instruction publique sous la présidence de Philippe Guerrier (1844-1845). La parution de l’ouvrage « La Capitulation

du Cap 1803 » de Thomas Madiou, destiné aux écoliers haïtiens des lycées, semble être à

l’origine de cette décision officiellement adoptée le 18 février 1845. L’intention qui anime Thomas Madiou et Beaubrun Ardouin s’inscrit dans le choix de transmission des valeurs mémorielles héroïques toujours mises de l’avant chez les élites politiques et intellectuelles du pays au XIXe siècle.

La mise en perspective de l’enseignement de l’histoire nationale, comme l’a proposé Beaubrun Ardouin, n’était effective que sous la présidence de Faustin Soulouque par la Loi du 29 décembre 1848 sur l’Instruction publique. Cette loi attestait la volonté de la société haïtienne de s’ouvrir aux autres sociétés, mais surtout à elle-même, à sa fondation et aux faits de son histoire qui tombaient dans l’oubli. Les articles 73 et 88477 officialisaient l’enseignement de l’histoire et de la géographie nationales dans les écoles primaires et secondaires de garçons et de filles des milieux urbains. Cependant, la mémoire de l’esclavage, le monde rural haïtien et ses habitants, encore une fois, ont été exclus de la vision éducative de la Nation. Il fallait faire des choix, car il n’y avait pas assez de ressources humaines disponibles pour pouvoir assurer l’enseignement en milieux ruraux. Les contraintes d’ordre structurel handicapaient la matérialisation des intentions.

Une analyse de la loi du 29 décembre 1848 montre qu’elle s’accompagne de quelques notes discriminatoires soutenues dans l’article 76 qui précise que les places de pensionnaires dans les lycées sont réservées : « aux fils, frères et neveux des citoyens qui ont rendu des services éminents à la patrie ou qui se sont distingués dans les armes, les lettres, les sciences, les arts et particulièrement l’agriculture»478. Cette décision légale exclut les fils et les filles de la majorité

476 Catts Pressoir, op. cit., p. 25.

477 L’article 88 précise que «l’enseignement secondaire plus, embrasse la lecture, l’écriture, le dessin linéaire, les

langues française, espagnole et anglaise, l’arithmétique, les éléments de la géométrie, la mythologie, l’histoire ancienne, l’histoire moderne, la géographie et particulièrement l’histoire et la Géographie d’Haïti » (Loi du 29 décembre 1848).

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des citoyens haïtiens, notamment du paysan. Peut-on comprendre qu’ils ne méritaient pas aussi une instruction à l’égal des enfants privilégiés par cette loi ? En réalité, ce sont les fils de partisans zélés du gouvernement de Soulouque qui ont été les véritables bénéficiaires des places dans les pensions publiques.

Aussi, le problème de manuel d’histoire pesait lourd dans la réalisation de la position gouvernementale, car les rares ouvrages d’histoire du XIXe siècle qui traitaient de la colonie française de Saint-Domingue et de la révolution haïtienne ont été écrits par des historiens, des voyageurs et naturalistes, pour la plupart français (Moreau de St-Mery, Michel Etienne Descourtilz). Il est utile de reconnaître aussi sur le plan national le travail des historiens, entre autres, Thomas Madiou, Beaubrun Ardouin, Saint-Rémy des Cayes. Conscient du problème, le président Alexandre Pétion avait encouragé les intellectuels haïtiens à préparer des manuels pouvant servir à instruire les enfants dans les écoles sur l’histoire du pays en général et sur leurs origines africaines et amérindiennes. En constatant ce vide dans l’enseignement de l’histoire d’Haïti, Thomas Madiou dans les notes de présentation de ces trois tomes d’Histoire d’Haïti publiés en 1848 écrivait : « à mon retour en Haïti en 1835, ce que je demandai d’abord à mon père ce fut un livre d’histoire d’Haïti pour la lire. Il me répondit qu’il n’y en avait pas. Je lui dis que j’en ferai une». Dans ces tomes, Thomas Madiou transporte les lecteurs de la découverte de l’île d’Ayiti (1492), en passant par les origines de la colonie française, les différents événements de 1803 jusqu’à l’histoire haïtienne durant la première moitié du XIXe siècle.

De 1814 à 1925, une vingtaine d’ouvrages a été publiée par des auteurs haïtiens ou des historiens de Saint-Domingue traitant de l’histoire et de la géographie d’Haïti 479. Certains d’entre eux ne pouvaient être utilisés pour l’enseignement, car ils ne répondaient pas aux normes pédagogiques480. Il a fallu attendre la dernière décennie du XIXe siècle et le début du XXe siècle

479 Voir annexe II pour une idée de l’ensemble de ces ouvrages publiés.

480 Il faut noter que la question des manuels d’histoire fut une des plus fondamentales de la problématique de

l’Instruction publique en Haïti durant tout le XIXe siècle. Touché par le problème, le ministre Mac Donald Apollon

dans un arrêté en date du 16 février 1893 avait lancé un concours visant à encourager les historiens et les pédagogues à écrire deux manuels d’histoire d’Haïti dont l’un serait destiné aux élèves des lycées et des collèges, et l’autre aux écoles primaires, car les ouvrages alors consacrés à l’étude de l’histoire d’Haïti ne répondaient que d’une façon incomplète aux besoins de l’enseignement. (Considérant # 2 et Art 2 de l’Arrêté ; Moniteur 18 février 1893). Aussi, le Ministre avait précisé que le point de départ doit être la découverte de l’île pour s’arrêter au gouvernement de Salomon. Le concours n’a pas abouti aux résultats escomptés si l’on en croit l’avis en février 1894 du département de l’Instruction Publique.

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pour que soient publiés les manuels « Histoire d’Haïti à l’usage des adultes » écrit par Auguste Magloire et le « Manuel d’Histoire d’Haïti » de Windsor Bellegarde et Justin Lhérisson reconnu par le département de l’Instruction publique. Puis, les ouvrages « L’année enfantine d’Histoire et de Géographie d’Haïti » coécrit par Sténio Vincent et Dantès Bellegarde (1913) et « Cours d’Histoire d’Haïti » (Rév. Père Adolphe Cabon, 1919) pouvaient aussi compter parmi les efforts remarquables visant à doter l’Instruction publique haïtienne d’un manuel d’histoire. En fait, le précis qui a longtemps marqué l’enseignement de l’Histoire en Haïti est le Manuel d’Histoire

d’Haïti publié en 1925 par le Dr. Justin-Chrysostome Dorsainvil en collaboration avec les Frères

de l’instruction chrétienne (FIC). Bien avant le manuel de Justin-Chrysostome Dorsainvil, dans le courant de la dernière décennie du XIXe siècle, des manuels ont été rédigés pour faciliter l’appropriation de l’histoire d’Haïti par les fils et filles du pays481. Mais l’esclavage et ses mémoires ne sont pas pris en compte de manière officielle comme sujet d’enseignement.