• Aucun résultat trouvé

La « nano-énergétique » ou « nano energetics » est une terminologie, introduite récemment [69] par le LAAS et d’autres équipes américaines telle que celle de P. Vashishta, qui considère les technologies d’élaboration et / ou d’intégration de matériaux énergétiques nanostructurés. Dans le cas où les matériaux ainsi élaborés sont intégrés sur une puce électronique, une autre terminologie est utilisée : « nanoenergetic on a chip » [70] ou « la nano-énergétique sur puce ».

2.1. Les matériaux énergétiques pour les microsystèmes

Compte tenu de l’analyse précédente nous limiterons notre exploration aux matériaux de type thermites et bimétalliques qui satisfont les critères de compatibilité avec les microsystèmes. Tous les actionnements qu’il est possible de réaliser avec les matériaux énergétiques nous intéressent. Cependant, pour ce travail nous nous focaliserons sur les sources thermiques pour des applications de micro-initiation. Le but étant de permettre l’initiation de matériaux énergétiques secondaires de type propergol au moyen d’un micro-initiateur comportant une couche mince de matériau énergétique déposé par des technologies de la microélectronique.

2.1.1. Les matériaux bimétalliques

La réaction entre les deux réactifs métalliques est exothermique avec formation d’un alliage et dégagement de chaleur (pas de libération d’espèces chimiques ou de gaz). Cette réaction n’a pas besoin d’oxygène : ce n’est pas à proprement parler une combustion qui définit les matériaux énergétiques. Cependant, de part la forte exothermicité due à la formation des alliages, on parlera de matériaux énergétiques par abus de langage.

Les principaux couples bimétalliques qui fournissent les plus grandes quantités de chaleur sont les suivants : Al/Co, Al/Pt, Al/Ni, Al/Ti [71] (cf. tableau 2). Le couple bimétallique le plus étudié dans la littérature pour des applications de source thermique sur puce par exemple [17] est le couple Al/Ni. Il est exploré notamment par l’équipe de T. P. Weihs pour la réalisation de microsoudure [17]. Cette technique d’assemblage des matériaux est une alternative intéressante au collage. En effet, le collage est une technique très attrayante car elle réduit notamment les contraintes liées à l’assemblage des matériaux mais elle n’est cependant pas toujours avantageuse (en terme de coût et de temps de procédé) et accessible en raison bien souvent de la nécessité de réaliser des prétraitements chimiques et d’effectuer une fonctionnalisation des surfaces à assembler afin d’accroître leur réactivité avec la colle. De plus, la compatibilité chimique de la colle avec les surfaces à traiter n’est pas toujours réalisable [72].

Chaleur de réaction (kJ/g) Chaleur de réaction (kJ/cm3)

Al/Co 1,3 6,6 Al/Ni 1,4 7,1 Al/Ti 1,0 3,6 Al/Fe 0,9 4,3 Al/Pt 0,9 10,5 Al/Cu 0,5 2,4

Tableau 2. Chaleur de réaction de quelques composés bimétalliques [71]

2.1.2. Les thermites

Le terme « thermite » a été proposé en 1908 par Goldschmidt [73]. Il désigne des matériaux inorganiques qui sont constitués d’un agent réducteur appelé aussi le combustible (généralement l’aluminium) et d’un agent oxydant appelé également comburant (oxyde métallique ou non métallique) [53,74]. On les appelle parfois les composés aluminothermiques. Ils font partis des composés intermoléculaires métastables7. La réaction entre ces deux réactifs est une réaction d’oxydoréduction fortement exothermique (cf. équation 1) avec dégagement de gaz possible. Dans certains cas, la température de la réaction dépasse les 3000 K [75].

7

Composés intermoléculaires métastables : connu en anglais sous le nom de MIC (Metastable Intermolecular Composites). Il s’agit de mélanges intimes de plusieurs réactifs, dont au moins deux peuvent réagir fortement de façon exothermique.

M + OA Î OM + A + ∆H (1)

avec : M : Métal (généralement de l’aluminium) et A: métal ou matériau non métallique OM et OA : oxydes correspondants et ∆H : chaleur de réaction

Les principaux couples étudiés dans la littérature sont : Al/Fe2O3 [76-79], Al/MoO3

[66,67,80-86], Al/NiO [87-89] et Al/CuO [86,90-96] (cf. tableau 3).

Chaleur de réaction (kJ/g) Chaleur de réaction (kJ/cm3)

Al/MnO2 5 19

Al/MoO3 5 18

Al/CuO 4 21

Al/Fe2O3 4 16

Al/Cu2O 2 13

Tableau 3. Chaleur de réaction de quelques thermites [71]

Lorsque les thermites sont sous forme de mélange de poudres macroscopiques ou des alternances de couches Al/OM de dimensions supérieures au micromètre, la quantité d’énergie dégagée et la vitesse de réaction sont fonction du ratio entre oxydant et réducteur [66,67]. Dans les conditions stoechiométriques l’énergie libérée par la réaction exothermique atteint sa valeur maximale et la réactivité est limitée par le temps de diffusion des réactifs, elle est donc fonction de leur proximité. Ainsi, l’intimité et la morphologie des réactifs (taille des grains de poudre [97]) dans ces matériaux sont des éléments très sensibles pour leurs performances. C’est ainsi que les thermites peuvent souffrir d’une réactivité lente : M. L. Pantoya et al. [67] ont montré que dans le cas d’une thermite Al/MoO3, le délai d’allumage était de 6s pour des microparticules d’Al de 20

µm de diamètre, ce qui est extrêmement long comparé aux matériaux énergétiques conventionnels (compris entre quelques microsecondes et la seconde pour le tétranitrate de pentaérythritol ou PETN) [98]. C’est donc un handicap majeur pour leur fonctionnement en couche mince car à ces vitesses de combustion la chaleur de réaction s’évacue dans le substrat et la flamme s’éteint.

Les thermites, quoique ayant un fort potentiel énergétique, souffrent d’une réactivité trop faible pour leur exploitation directe dans les microsystèmes. Ces pourquoi de nombreuses

équipes de recherche telles que celle de M. L. Pantoya, T. P. Weihs ou encore M. R. Zachariah aux Etats-Unis et notre équipe de recherche travaillent depuis une dizaine d’années sur l’amélioration de leur réactivité dans le but d’une intégration sur puce électronique.

2.2. Apport de la nanostructuration pour les matériaux

énergétiques de type thermite

L’augmentation de la surface spécifique due à la réduction de taille des particules permet d’augmenter la réactivité. En effet, si l’on considère la réduction de la taille des particules, cela a pour effet d’augmenter l’intimité des réactifs (cf. figure 9) en augmentant leur surface de contact (aussi appelée surface spécifique) [81]. Par exemple, une particule d’aluminium de 30 µm de diamètre a une surface spécifique de 0,07 m2/g environ contre 74 m2/g pour une même particule de 30 nm de diamètre (surface spécifique d’une particule de poudre = surface de la particule / masse de la particule). Ainsi la diminution des dimensions permet une amélioration de la réactivité des matériaux énergétiques.

Un raisonnement simple permet d’estimer la taille des particules en dessous de laquelle la diffusion n’est plus le facteur limitant car il serait plus rapide que la propagation du front thermique [68]. En effet, considérons une particule sphérique d’aluminium de diamètre initial do

recouverte d’une couche d’oxyde (cf. figure 10). La réaction d’oxydoréduction entre la particule et la couche d’oxyde se propage de façon radiale, de l’extérieur vers l’intérieur de la particule. Le diamètre de la particule diminue au cours du temps selon l’équation : d2 = do2 - Kt avec t le temps

et K la constante de combustion en mm2/s [61,68]. Pour de faible vitesse de combustion (1,5 mm2/s) [61,68] et une particule de diamètre de l’ordre de la centaine de nanomètre, la particule est consommée en 0,01 µs. Cette valeur est bien plus courte que le temps de diffusion des réactifs (par exemple, le temps de réaction d’une détonation est de l’ordre de la µs) ce qui permet de considérer qu’en dessous de 100 nm les phénomènes de diffusion sont négligeables et donc non limitatifs pour la combustion.

Figure 10. Particule métallique recouverte de l’oxyde correspondant

Des analyses expérimentales ont ensuite étayé ce raisonnement. Par exemple, l’équipe de Bockmon et al. [81] a montré que pour un diamètre inférieur à 80 - 100 nm la vitesse de combustion n’est plus dépendante de la taille des particules. Dans ce contexte, la nano- énergétique voit le jour : avec comme objectif d’explorer et de développer des procédés technologiques permettant de structurer la thermite à l’échelle nanométrique (dimension critique autour de 100 nm) et avec un contrôle dimensionnel le plus précis possible.

3. Les procédés technologiques pour la nano-