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3 Les 12 heures de spiritualité

4.2 Naissance de l’activité

La première édition de l’activité est traditionnellement reconnue comme étant celle de l’année 2001, même si l’activité portait alors un autre nom et comportait suffisamment de différences au niveau de l’organisation que certains pourraient hésiter à en reconnaître la continuité. Le contexte dans lequel est née l’activité, le Sommet des Amériques de 2001, nous a semblé hautement significatif pour éclairer certains enjeux organisationnels. Afin de mieux comprendre la naissance de la Nuit de spiritualité, revenons un peu sur la ville de Québec du printemps 2001.

4.2.1 Le Sommet des Amériques

Le cadre d’émergence de la première édition de la Nuit de la spiritualité est celui de la controverse autour du Sommet des Amériques de la ville de Québec (20 au 22 avril 2001). Le Sommet, qui avait pour principal objectif l’élaboration finale de la zone de libre-échange entre les trois Amériques (ZLÉA), est cependant passé à l’histoire en raison des mesures de sécurité démesurées entourant l’évènement et les nombreuses manifestations de militants altermondialistes provenant des trois Amériques. Pour des raisons de sécurité, un périmètre de protection fut érigé pour la tenue de l’évènement, isolant une partie de la ville à l’aide de clôtures métalliques de plus de trois mètres de haut. Les citoyens et militants à tendance plus pacifiste se mobilisèrent lors des grands rassemblements du Sommet des Peuples, alternant les conférences de sensibilisation aux enjeux du libre-échange et les marches de protestation pacifique. Environ 50 000 personnes participèrent à la Grande Marche du peuple le second jour du Sommet.

4.2.2 Pour un monde plus humain

Dans la perspective d’une mobilisation citoyenne durant le Sommet, le CAPMO et le pasteur Doré imaginèrent l’organisation d’une assemblée réunissant les croyants de toutes les confessions, inspirée par la Nuit de la poésie de 1970117. L’idée originale était d’offrir un espace et un temps aux traditions spirituelles

et religieuses des Amériques afin de faire un retour sur les expériences spirituelles à l’origine de leurs valeurs humaines et de leur engagement social118. En entrevue au quotidien Le Soleil, le pasteur Doré

117 Le 27 mars 1970, à Montréal, des milliers de personnes se rassemblent pour une nuit de lecture de poésie. La question de

l’identité nationale fut au cœur de l’évènement et mobilisa à l’époque de nombreux défenseurs de la souveraineté du Québec.

118 Énoncé issu d’un document préparatif, « Une nuit de spiritualité pour une mondialisation des solidarités », archives du BVE,

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déplorait le fait qu’il n'y ait « guère de place au Sommet des Amériques pour la dignité de la personne, la vocation des peuples, leur identité culturelle, les engagements éthiques, la paix [...] 119 ».

Rassemblant plusieurs acteurs du milieu communautaire de Québec120, la première Nuit de spiritualité pour

un monde plus humain fut planifiée pour le 21-22 avril 2001. Elle fut financée par différentes communautés

religieuses, le CAPMO, la contribution volontaire des participants et la vente d’un objet promotionnel121. Le

comité privilégia un double espace de rencontre, l’un situé à l’intérieur du périmètre de sécurité du Sommet (l’église Chalmers-Westley) et l’autre en basse-ville (église Saint-Roch). Les deux sites offraient des prestations en simultané grâce à un relai de la Radio Basse-Ville CKIA, et le groupe de la haute-ville descendit déjeuner à Saint-Roch à la fin de l’évènement.

Au cours de la première Nuit de spiritualité, entre 19h et 7h du matin, près d’une vingtaine de représentants de différentes convictions religieuses prirent la parole afin de témoigner de leur vision d’un « monde plus humain ». Bouddhistes, humanistes athées, chrétiens, musulmans ou juifs se succédèrent afin de partager leurs histoires, leurs poèmes, des chants, une prière ou une méditation. Des représentants de traditions moins connues également étaient présents, tels que les Brahma Kumaris.

L’activité prit essentiellement la forme d’une série de présentations axées sur le partage d’une expérience spirituelle. Les périodes d’échanges restaient informelles alors que l’accent fut mis principalement sur le plaisir d’être ensemble et l’universalité des valeurs humaines à travers la diversité religieuse. L’activité, ouverte à tous avec contribution volontaire, attira une cinquantaine de participants à la célébration de la haute-ville122, et près d’une centaine en basse-ville. Il faut mentionner que l’église Saint-Roch servit

également de lieu de refuge et de soins pour les individus intoxiqués aux gaz lacrymogènes lors des manifestations altermodialistes se déroulant en basse-ville au cours de la nuit.

L’activité fut considérée un tel succès, aux dires des organisateurs, que la question de la reproduire l’année suivante fit partie des réflexions du bilan. Le reste de l’année 2001 fut également marqué par les attentats du 11 septembre123 qui établirent un certain climat d’insécurité et d’incompréhension vis-à-vis de la

communauté musulmane. À la lumière des évènements de l’année, les principaux acteurs de la première édition de la Nuit décidèrent finalement que la ville de Québec profiterait pleinement d’un espace de partage

119 J. MARTEL, « Une nuit de spiritualité accessible à tout le monde », Le Soleil, 21 avril 2001, p. A6.

120 Premier comité organisateur: Nancy Couture (CAPMO), Gérald Doré (Église Unie St-Pierre), Guy St-Michel (BVE), l’abbé Mario

Dufour (curé de Saint Roch), Robert Jasmin (ATTAC), Mgr Jean Picher (curé de St-Malo), Irène Tremblay, Martin Vaillancourt

(CAPMO), Nadine Stass (Fraternité de l’Épi et CAPMO).

121 Un yoyo à l’effigie de la Nuit de spiritualité.

122 Les participants en haute-ville devaient avoir l’accréditation pour franchir le périmètre de sécurité, c’est-à-dire avoir une adresse

de résidence principale ou l’adresse de leur employeur à l’intérieur du périmètre.

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et de dialogue entre les croyants de différentes confessions, et firent le choix de reconduire l’expérience de la Nuit de spiritualité pour l’année 2002 avec quelques petites modifications.