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5 Volet organisationnel de l’activité

5.1 La composition du comité organisateur

Qui sont les personnes impliquées dans l’organisation de l’évènement? Nous avons analysé leur parcours de vie en gardant un œil attentif à ce qu’ils considéraient faire partie de leur identité, leurs valeurs, leurs engagements sociaux, leur intérêt personnel dans l’activité et leur expérience en matière d’interreligieux en général. Les principaux points de convergence et de divergence seront exposés ici125.

Le premier constat est évidemment la confirmation de l’objectif de diversité au sein du comité. Cette variété est recherchée consciemment, au point d’orienter les éventuelles invitations à faire partie du comité d’organisation. Nous retrouvons au sein du comité une certaine diversité générationnelle qui est valorisée par plusieurs (deux des sept membres ont entre 18 et 35 ans). La variété au niveau de l’appartenance religieuse est cependant la plus recherchée, dans le sens où elle fait partie des orientations de l’activité et est couramment mise de l’avant lorsqu’il est question de l’identité du groupe organisateur. Nous y trouvons effectivement un bahá'í, une agnostique, un protestant et un cumulant à lui seul trois appartenances

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religieuses (catholique, bouddhiste et musulmane). Si l’on est plus attentif cependant, tel qu’un membre l’a souligné, la moitié du comité est en fait chrétien. Cette représentation chrétienne passe pourtant inaperçue dans la plupart des cas, et le contexte québécois n’est probablement pas étranger à cette situation.

Contrairement aux premières années du comité d’organisation, alors que l’activité comportait une part essentielle de revendication sociale, ceux qui se sont greffés au cours des dernières années sont des gens intéressés par l’interreligieux en soi et qui possèdent une certaine expérience en la matière, que ce soit par le concours du travail ou de leurs engagements sociaux. Nous retrouvons donc à la table des professionnels (pasteurs, conseiller à la vie spirituelle), des « semi-professionnels » dirons-nous (animateurs ou coordonnateurs d’organismes communautaires touchant à l’interreligieux) et de simples croyants, voire des athées. Il va sans dire que la maturité réflexive envers la pratique du dialogue interreligieux varie en fonction de l’expérience personnelle et professionnelle de chacun.

Au-delà des différences valorisées au sein du comité, les récits de vie des organisateurs comportent une similitude significative au niveau des expériences avec l’étranger. En effet, sur les sept membres du comité 2012-2013 interrogés, plus de la moitié sont soit issus de famille immigrante, soit immigrants eux-mêmes. Les autres ont témoigné de leurs expériences de voyage comme étant un élément significatif de leur intérêt envers l’interreligieux. Tous les membres du comité organisateurs ont eu, dans leur expérience de vie, la nécessité de développer une réflexion sur le rapport à l’autre, que ce soit dans des contextes de voyage, d’immigration ou d’insertion sociale.

Le dernier point que nous tenons à mentionner est susceptible d’éclairer un aspect important de l’organisation : le clivage spirituel/social au sein du comité. Une certaine opposition avait fait l’objet d’observations dès les débuts de notre enquête auprès des organisateurs, opposition que nous avions illustrée rapidement avec les « axes de la table » d’organisation. Il est significatif, en effet, de constater que les orientations sociales s’opposaient physiquement aux orientations spirituelles par la position de leurs plus fidèles représentants aux deux extrémités de la table de réunion. Mais la situation ne saurait être résumée par cette opposition simpliste. L’ensemble des membres considèrent la spiritualité comme une dimension importante de leur vie. C’est au niveau de l’agir que les différences apparaissent entre les récits de vie des organisateurs. Toute la question est de savoir si l’on privilégie le « travail sur la société pour changer les conditions de vie des gens et les changer, ou encore le travail sur toi, être le premier changement à effectuer pour changer la société126». Nous avions vu précédemment, par exemple, que la culture

organisationnelle d’Initiatives et changement privilégiait l’agir sur soi pour changer le monde. D’une certaine manière, les deux représentantes de cet organisme adhèrent à cette philosophie. Nous avons trouvé une

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formulation explicite de cette idée chez d’autres membres, soulignant, par exemple, que la rencontre de l’autre dans sa dimension spirituelle est en soi un enjeu socio-politique. Nous pouvons considérer cependant que la position « spirituelle » atteint son apogée dans les conceptions du représentant bahá'í, pour qui l’attrait de la mystique et des pratiques d’intériorité en général prennent une place nettement supérieure aux différents enjeux sociaux. Plus précisément, l’influence bahá'íe s’exerce sur une certaine aversion pour le militantisme et la politique en général. Il n’y a pas exclusion de la dimension sociale dans le discours, mais une nette subordination du social au spirituel.

L’autre « axe de la table » se retrouve de manière manifeste dans les propos du représentant du CAPMO, un spécialiste de la théologie de la libération partageant son temps entre les luttes sociales québécoises et les défis sociaux latino-américains127. Il se définit lui-même comme un chrétien de gauche, militant, ouvert

sur les autres cultures et les autres spiritualités. Tel qu’il le mentionne au sujet de la pratique du dialogue interreligieux : « Ça me permet justement, dans mon engagement social, de voir qu’il y a des dimensions spirituelles plus avancées […]. Ça deviendrait agaçant […] de vivre dans un pays où la religion n’a rien à dire à l’histoire présente, au temps présent, à l’homme d’aujourd’hui, à la femme d’aujourd’hui 128». Le

rapport entre l’aspect spirituel et social est ici inversé. Les autres membres se situent à des points variés entre ces deux extrémités du spectre social-spirituel.

5.2 Le dialogue interreligieux vu par les membres du comité